Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   <   1, 2, 3   >   >>

[RP] Un lévrier au sang bleu pour les gouverner tous

Erwelyn
Citation:
Sorcière,


Vos mots ont toujours eu le don de me plaire; les derniers adressés n’ont pas dérogé à vos charmes et vous savoir la mémoire vive rend la finalité de ce  voyage d’autant plus agréable. Il me tarde, Corléone, de précieusement vous serrer dans mes bras si votre époux me le permet, et il peut bien m’accorder ce privilège après vous avoir si méchamment arraché à mes draps.

Aurais-je voulu la neige que je me souviens fondre à vos doigts enivrés en guise de toile à nos retrouvailles? Peut-être un ciel d’argent pour  entendre d’équilibristes congères  ployer de soupirs  aux branches dépenaillées  plutôt que ces ciels bleus aux vides magistraux... Votre courrier embaume la résine des forêts encore juvéniles, et je me souviens que la nostalgie ne sied pas aux bêtes de la nuit.
Alors,  peu m’importe Sorcière, chassez les nuées, amoncelez les, tirez sur les rayons d’un soleil trop timide, faites pleuvoir des étoiles d'été dans des ciels ouvragés ;  la lune attend nos chants.
Rendez-vous est pris aux premiers jours de Mai.


Lupin.


Un bref séjour à Montargis l'avait conduite près de son époux qui ne lâchait pas son côté guerroyeur. Si cette situation commençait à lui peser, d'autant qu'il en rajoutait une couche avec un nouveau mandat ducal se profilant à l'horizon, la Corleone gardait pour l'instant pour elle ses questionnements. Plusieurs années de mariage à suivre l'armée, répondre aux levées de ban, protéger telle ou telle cité, telle province, reprendre des châteaux pillés, avec des moments d'accalmies plus ou moins longs mais passés inexorablement en Orléans. Seulement Corleone avait la bougeotte, depuis toujours. Le sang italien coulant en ses veines, en sus de celui du paternel chevalier, la poussait à vouloir bouger, parcourir les chemins, rencontrer de nouvelles personnes. D'un tempérament plus casanier, son époux avait à cœur de se donner pour sa province et le Domaine Royal, fidèle et loyal à la Couronne. Ils étaient ainsi tous deux, entiers et ne pouvant rejeter leurs natures profondes. Aussi, l'idée de passer plus de trois mois en Orléans l'étouffait déjà, comme si son besoin de liberté se faisait plus impérieux, plus fort, alors que bientôt, elle serait libérée de sa charge de grand officier. Le temps se mettrait alors à s'étirer, en longueur, faisant peser sur la princesse le poids de la vieillesse et du temps qui passe. Approchant dangereusement de la cinquantaine, ses vieux démons surgissaient à nouveau, faisant poindre en elle ce sentiment d'arriver au bout de sa vie et la difficulté de regarder en arrière.

Et bien évidemment, l'affection qui commençait à grandir en son cœur fut chatouillée par les missives reçues du Loup, la ramenant au temps où elle était Sorcière lors de ce bal à l'Aphrodite, et vers tous les mois qui avaient suivi, juste avant ses épousailles. Alphonse ne semblait pas avoir changé, maniant les mots, les faisant rouler à loisirs, leur donnant une teinte atypique et sensuelle. La lecture de ces pleins et déliés la portait en cette forêt où la Corleone l'avait emmené en cette froide journée d'hiver, qui avait scellé la complicité et l'intimité naissantes entre eux. Leurs lèvres s'étaient rejointes pour la première fois d'une longue série, intimant leurs corps à se connaître mieux, et de plus en plus intensément.

Cette nostalgie qui ne remettait nullement en cause les bases solides de son mariage et sa fidélité à son époux la prenait aux tripes, et ce fut dans les sous-bois qu'Erwelyn partit répondre à celui qu'elle considérerait toujours comme un jeune homme, bien qu'ayant été son amant. S'imprégnant des odeurs printanières, une souche l'accueillit pour ce moment solitaire où les mots se mettraient à danser et jouer pour envoyer réponse. Bientôt, il serait là.


Citation:
Lupin,

    vous ne semblez pas avoir changé, je gage que la vieillesse n'a de prise sur vous, et que vos traits n'auront subi l’ire de cette dernière. Vous savez combien je doute, si mes écrits savent encore vous plaire, mes charmes se seront sans doute taris après toutes ces années. Vos bras pourront à loisirs m'enlacer comme il se doit afin de raviver certains souvenirs enfouis.

    En ce mois de mai, vous aurez les genêts, l'or les habillant de lumière alors que doucement s'y engouffre le vent. Vous aurez les étoiles voilées de ces nuages épais et printaniers, ombrant les chênes ayant recouvré leur sinople et les mélèzes à leur odeur piquante.
    A vous, Loup, d'y apporter votre patte gracile, vos hurlements à la lune, votre habileté d'Ysengrin à trouver les recoins les plus sombres et mystérieux.

    Bientôt, nous serons réunis, Sorcière et Loup offrant leur dû à l'astre lunaire.


Sorcière

_________________
Citation:


















Citation:











Citation:


















Citation:











Alphonse_tabouret
Citation:
Dana,

Déchaussez vos poulaines et prenez un chapeau ; cet après-midi, je vous emmène sentir quelques couleurs.
Je vous attends à quinze heures sur la place de Saint Aignan.

Alphonse







Nervures d’un lit vaste auquel fredonnait paisiblement le courant des crues hiémales, il s’étirait autour du vaste cours d’eau bordant la ville, multitude de ruisseaux aux intérêts controversés ; certains ne laissaient que la plante des pieds humide quand d’autres nécessitaient que l’on remonte les tissus jusqu’aux genoux pour en traverser le bras replet, et ils offraient dans leur diversités, la seule distraction d’une province amorphe sous un soleil haut.

Limoges, quoique redoutée ou décriée par les femmes de la troupe, avait finalement été la dernière ville animée qu’ils aient traversé.
Nez encore éprouvé d’une veillée aux exigences bretonnes, la soirée s’était consumée agréablement, à la faveur de secrets aux véracités divergentes, et si ce qu’il y avait vu resterait à sa seule discrétion, il n’était pas certain que l’entêtement de Dôn à le consacrer fièvre imaginaire au service de leurs chimériques appétits en réponse à quelques vexations, ravissent l’époux et l'amant s'ils venaient à l'apprendre ; les femmes, assurément, avaient un penchant pour la scène que peu d’ hommes possédaient, secret de leur genre dont elles brulaient, audacieuses tout autant que convaincues, l’encens jusqu’aux dernières élytres, et cela, même à des années d’une étude appliquée, lui avait toujours semblé aussi touchant que dérisoire.

Suivant les pas encore frais d’un Hiver envolé, paysages s’enthousiasmant de nuances aux délicates fraicheurs, le chant lointain de l’onde égarait ses notes aux berges adoucies d’un petit étang foisonnant d’harmoniques claires dont chaque teinte lui rappelait les bois dentelés d’un vendredi Faustien ; à la carence, chat en était venu à apprivoiser l’eau en guise de placebo et s’y réfugiait à chaque heure ensoleillée. Rome lointaine forçait l’abstinence et le gout amer du pain gris, méthodiquement, se rappelait au palais à chaque journée de jeûne égrenée.

A son épaule, Dôn, et ses bleus attentifs ; assis côte à côté sur une dalle grise dont l’excentrique platitude au milieu du fatras expansif des bois sonnait comme un perchoir pour les oiseaux de proie, ils attendaient, silencieux échassiers guettant dans la quiétude relative du dernier jour d’avril, la pitance qu’ils étaient venus chercher.
Bois et eaux grouillaient d’une vie nouvelle, arrachée aux langueurs des derniers jours de gel et s’éveillaient partout de cavalcades empressées, symphonies cliquetantes et vrombissantes ; marches nuptiales en tête, à peine sortis de leur léthargie, insectes, aves et mammifères lissaient leurs couleurs les plus éclatantes et paraient mares et bosquets d’enluminures contrastées pour nourrir le jeu lancé par Tabouret.
Aujourd’hui, leurs yeux seraient leur palette d’arômes, cet après-midi, à quelques heures d’un départ pour l’Orléans, loin des ces indispensables battements de cœurs qui enchantaient même les cendres , les couleurs nourriraient d’odeurs leurs esprits affamés.

Créature contemplative et assidue, il avait fini par comprendre ce qu’il appréciait dans la compagnie de Dana ; la gravité de ses yeux lorsqu’ils se perdaient au fil d’une pensée plus grise qu’une autre était certes émouvante, et ces instants où la stupeur fauchait la retenue, pigmentant les joues en même temps que les prunelles, rafraichissants. Ses provocations, dents écartées en guise de haut-fanion ou cédées à la faveur d’un sourire si l‘estocade retour la fauchait sans heurt, avaient jusque-là quelque chose d’adorable quand on la devinait pourtant prompte, taillée à même les falaises d’un de granit salin, à distiller le venin en guise de cuirasse ; précieuse, perdue, femme aux amputations concrètes et intrinsèques, elle prenait mouche d’un rien, s’amusait d’un tout, et suivait, à vif, le fil d’une humeur capricieuse que ses tourments n’apaisaient pas.
Il n’oubliait rien de ce que Nicolas lui avait confié, de cette autolyse avortée, de ces incohérences partagées, mais à la vérité, spectateur de ses propres déchéances pendant de longs mois atones, il n’était rien qu’Alphonse ne reconnaisse pas dans le langage de Dôn.
N’avait-il pas lui-même fait reddition, folie aux bords des lèvres, plénitude éprouvée à même la douleur, n’avait-il pas renoncé à sa vie d’homme en choisissant de se ronger la patte comme n’importe quelle bête sauvage ferrée au piège qui l’enchaine? N’avait-il pas, au fil des jours de plomb, abandonné jusqu’à sa peau de père par faiblesse, par solitude, par laideur ? Tendant l’oreille à sa gorge femelle, il était certain d’y entendre le même gravier que le sien, tumeur minérale avalant les mots pour ne laisser que la rage, dénaturant le verbe pour ne laisser que le gout du sang et l’ombre longue des interrogations décharnées.
L’on devinait en volutes à la pente abrupte de ses cheveux raides tant de discordances que la curiosité de l’animal en était piquée, bien au-delà de son nez et de la quiétude promise à un frère anxieux ; atrophié d’errances similaires quoique natives d’autres rives, il lui semblait connaitre d‘instinct le gouffre auprès duquel Røykknes dansait.

Un éclair de couleur traversa leur champ de vision, bleu improbable moucheté de noir et Alphonse creva le silence d’un simple mot lorsque la lisière d’un ventre tangerine dénonça un triton aux amours à venir fendant l’eau claire qu’ils contemplaient :


Bigaradier.
_________________
Citation:
































L_aconit
Loin, bien loin des Sorceresses, des Lupins,
des Maitres nez, des muets contrariés,
des accents à couper au couteau, des filleuls dévoués ...


    𝕽𝖔𝖒𝖊

A son réveil, le jeune religieux n'était plus là. En lieu et place, un plateau de fruits, et un récipient d'eau pour ses ablutions. Le dernier repas du condamné?

En silence, Faust fit une longue toilette, aussi longue que pouvait l'être celle que l'on croit la dernière, l'ultime, la plus douce de toutes les toilettes d'une foutue vie. Un enfant de choeur vint le chercher, lui intimant de le suivre.

Là. L'heure était venue. Sous la soutane, l'anxiété ultime. Les jambes flageollantes, Nicolas apparut digne, devant un cardinal dont le rouge de la tenue n'était pas sans lui rappeler le martyr que l'on réservait aux hommes qui s'adonnaient à des péchés de foi, et de chair contre nature. Baiserait-il avec des chèvres, qu'il ne se serait pas senti plus coupable juste en posant les yeux sur ce rouge Cardinal flamboyant, et sur le visage austère de l'inquisiteur qui lui faisait face.


- Faust Nicolas de Montfort Toxandrie.

Il inclina le chef, tout d'épis blonds qui s'ils n'avaient pas déjà été si clairs, auraient pu instantanément devenir blancs. L'heure était venue. On allait le passer à la question. Déjà, quelqu'un apportait une cuvette d'étain. On allait certainement y vider ses viscères. L'oeil bleu remarqua alors qu'elle était remplie d'eau. Soit. On laverait le sang après la besogne. Il serra les dents, repassant à une vitesse folle tous les plaisants moments passés à commettre ses pauvres péchés, comme pour surtout, surtout, partir avec eux.

- Vous avez été convoqué devant le tribunal de la sainte inquisition Romaine afin de remédier à un problème d'ordre protocolaire.

Protocolaire? Quoi, pas d'accusation de forniquer avec le plus beau visiteur de Vesone? Pas de suspicion de crime de foi? Méfiant tout de même, Nicolas n'osa pas lever le chef et regarder le haut dignitaire de la Sainte Eglise dans les yeux, attendant la suite. Il était toujours temps d’écoper de coups de fouets ou de se faire écarteler, protocolairement.

- Vos baptêmes et vos ordinations ont été fait de la façon la plus anti dogmatique qui soit, selon une enquête toujours ouverte, menée par le collège inquisitorial sur votre officiant, Monseigneur Lotx de Fayolles.

Si ses oreilles avaient pu tomber et son coeur sortir de sa poitrine, le moment était tout choisi. Incrédule, il releva le chef, rencontrant le regard du cardinal, ainsi que celui d'un évêque qui s'avança vers eux. Tout ce mouron, tout ce mystère, toute cette route jusqu'à Rome pour ... Cela? Une sourde colère enfla à sa glotte. Maudit nabot. Pouvait-on être si petit et causer tant d'infortune?


- Vous n'êtes pas sans savoir que la Sainte église, selon les volontés papales, vous a désigné pour succéder à l’Évêque Lotx... Vous êtes donc sommé de laisser à nos soins de la façon dont il convient le renouvellement vos sacrements, et pour ce faire, j'ai mandé personnellement à être secondé par témoin. Monseigneur ici présent officiera à mes côtés jusqu'à la fin.


Si l'église avait un contentieux avec le petit nabot lubrique, Lotx avait du soucis à se faire. Et au souvenir de l'horrible ordination qu'avait du subir Montfort, il n'en éprouva aucune compassion. Il suffirait simplement aux inquisiteur de gratter un peu l'écaille du vernis pour découvrir toutes les activités infâmes de l'évêque de Périgueux. Détournement d'enfant de chœur, spoliation de caves à vin entre autres joyeusetés. Sans parler des visites de la honte, subies par Faust lui-même à son arrivée au palais épiscopal.

-Acceptez vous de refaire vos vœux de prêtrise sous les yeux du collège inquisitorial?

Formuler une fois la fin de sa vie civile avait déjà été une épreuve sans pareille. Se retrouver là, percé par tous ces yeux qui venaient petit à petit emplir la pièce et se faire les témoins d'une seconde fois s'apparentait à une véritable profession de foi. Si la première avait été prononcée dans l'espoir de revoir sa liberté, contre les ruses de Lotx qui n'escomptait jamais la lui rendre, celle-ci allait être faite en son âme et conscience, dans la plus régulière des cérémonies.
Nicolas, au bord de la nausée, oppressé d'un trop plein d'émotion mêlé à un immense soulagement ploya le genou. Le temps sembla reprendre son cours, et la mécanique du coeur sa sarabande infinie... Dans un murmure rauque, les mots sortirent comme on ôte l'exuvie qui gêne tant, mains tendues aux deux entités:


-... Je ferai... Tout ce que vous voudrez.

_________________

Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Don.
"C'est entendu, je suis libre."

C'est ce qu'elle pensait répondre, avant d'oublier. Mais si l'écrit s'enfuit, l'horaire est respecté.
Prête à sourire aux aléas d'un après-midi bien entamé, c'est le cœur bondissant et tarin volontaire qui s'appliquent à trouver la place nommée. Saint-Aignan lui en fera donc voir de toutes les couleurs ? C'est que pour l'ingénue à la caboche bariolée, le comble d'une telle journée serait de terminer édulcorée. Qu'allait donc lui infliger l'Alphonse à la malice fortuite ? D'un mince et étroit visage ne pouvait-il pas émaner que cynisme et impudence ? C'était à s'y tromper, car Tabouret cachait derrière une allure ombreuse bien des secrets qu'il révélait jour après jour à la compagnie volée d'une Dôn séduite. Lucie n'avait pas tort, il aurait été bien vain de ne guère saliver quand la verve aiguisée du ravisseur hypothétique venait à fendre l'air contenu, d'un attroupement atypique formé par l'ensemble de ses compagnons de voyage.
Il parlait peu, mais bien. Il souriait peu, mais bien.


Avec lui, elle se sentait libre. Apaisée.
Si bien que paupières eurent le temps de se permettre repos lorsque seuls, ils ont atteint lieu d'incidences. Phalanges restantes caressent graminées lorsque gorge et clavicules sont découvertes et se délectent des premières chaleurs suffisamment téméraires pour venir défier une brise persistante. Derme décide d'allier sa force aux premiers rayons offerts et bien vite, en réaction, se voit bosselé. Chair de poule inévitable, mais délectable. Maëlweg se sent vivre. Sa peau, aspire, absorbe, et ainsi pénétrée... Respire. Au coeur du vent, des astres et d'une compagnie à qui elle ne doit rien, l'évidence se fait esquisse. Peu à peu, tout se révélera. Mais ce n'est pas encore le moment, là. Bretagne savoure.

Et vint la voix.
Une main tremblante soulève quelques mèches, frange écartée dévoile les azurites intriguées.
Brigadier ? C'est ce qu'il a dit ? Chef oui chef ! Au rapport ! Absurde.
Pourquoi viendrait-il évoquer pareil sujet lorsque sur missive furent promises moult teintes parfumées ? Allons. La honte refuse d'interroger le penseur à la voix déjà éteinte. Si les esgourdes n'ont su entendre, mémoire saurait faire l'affaire, non ? Ou penaude, elle peut s'improviser muette, le temps d'analyser ce que l'homme a bien pu chanter, si le temps s'écoule suffisamment, peut-être aura-t'il oublié qu'à elle, il venait de s'adresser ? Ainsi, volière sauvage viendrait combler l'intervalle imposé, par son art lyrique et apprécié des bons rêveurs. Les respirations viendraient clore spectacle musical pour ensuite laisser place à une improvisation folle : Une Dana sifflotante. Contraindre un mâle à écouter flûte de fortune restait la solution de dernier recours.
Allait-elle se taire ou laisser parler sa folie, au risque de le voir lui aussi la traiter de tarée ?

Le temps s'écoule, quelques secondes laissent le choix. Les lèvres s'accouplent, fredonnent un air celte appris grâce à Salar qui fier de son effet le servait à toutes les sauces. Le cygne de Montfort se proclame roi de Saint-Aignan, envahissant les terres par sa mélodie, et le ton employé par Dôn. Se termine l'interlude poétique par le refrain simplifié.


Dinn, dinn daon, dann egann, dann egann oh,
Dinn, dinn daon, dann egann ezan...
Dinn, dinn daon, dann egann, dann egann oh,
Dinn, dinn daon, dann egann ezan...


Par chance, chanson lui rappelle souvenirs acidulés, et sans le savoir car le mot utilisé par Alphonse ne fut entendu, Dana riposte et joue le jeu. Battle.
Son parfum fut deviné, c'est de lui dont elle pensait parler. Petite averse s'invite et vient rafraîchir en plus des idées, la peau exposée. Si le sol, dévoile les exhalaisons d'un humus apprécié, la crinière en paille crâmée de la protagoniste visée divulgue son secret.


Cédratier ?

Et du sel que Guérande gardait envieusement, on pimente l'agrume de quelques pincées pour en obtenir les qualités d'un zeste estimé.
_________________
L_aconit


    𝕽𝖔𝖒𝖊


Les yeux ouverts sur ce plafond blanc, blanc de vide, blanc de rien, blanc de la nuit, Faust Nicolas s'est égaré. En suspension, quelque part entre le sol et cette envie de crever cet aplat immaculé qui l'a happé depuis quelques longues minutes.

    La lecture de la lettre apostolique s'était poursuivie au son d'un cantique italien. L'esprit avait vrombi, partagé entre la décortication des assonances latines, dont il n'avait pas encore déchiffré tous les accents; et la communion solennelle. Alphonse aurait compris, lui, ce que le Pape attendait d'un évêque tel que lui. Le genou avait chu , les lèvres délivré leur engagement sacré en réponse à la question formelle du collège des cardinaux, entités immenses dans leurs drapés rouges, qui le scrutaient, le jugaient, et le couvraient de leurs regards perçants. Maintenir la foi et s'acquitter des devoirs de sa charge. Telles étaient les promesses à formuler à ceux qui appelaient à l'élévation.


La pièce est encore faiblement éclairée par une chandelle mourante, distinguant sur un lourd meuble de bois la mise d'évêque que Faust a pliée maniaquement. Le plateau de fruit, intact, a été délaissé à ses côtés. Incapable d'avaler la moindre nourriture physique. Nicolas cogite. Prend la mesure des choses. Demain il partirait. Ferait la route en sens inverse. Fourbu de n'avoir sur fermer l'oeil comme il aurait fallu. Fourbu de n'avoir pas mangé comme il aurait fallu. Fourbu mais béni. Et ce ne sont pas les puterelles qui viendraient forcément à sa rencontre au sortir de Rome qui s'en soucieraient. De son jeune âge, tout le monde s'extasiait ici. Comment un si jeune prodige a-t-il fait ses armes? Mystère. Chacun y va de son opinion. Les regards cueillent en coin cette jeunesse, sans pouvoir mettre un nom sur son cas. Ici, on le trouve jeune, là bas, en Périgord, on le trouve dejà vieux. Replié sur lui-même, solitaire, sans cesse abandonné à d'abondantes lectures, cours, travaux fastidieux d'écritures. Puit de science insatiable, être qui cède à l'ennui à la moindre inoccupation du corps et de l'esprit et qui se complaît à l'ombre plus qu'aux brûlantes expériences solaires. Qui trouve sa place partout, et nulle part à la fois. Aujourd'hui, comptant les projections vacillantes de la chandelle, Nicolas songe à son parcours, et à ses maux. Plus tard, à une autre époque l'on mettrait un nom sur son mal. On l’appellerait Zèbre, ou surdoué.


    La supplication litanique s'était élevée à l'écho de la cathédrale, égrenant à ses assonances une ferveur inédite. Les prélats et les clercs priaient. Invoquaient les saints. Rome, berceau de la foi prenait soudain tout son sens. L'on avait étendu Nicolas sur le dos, au sol. Figé, coulé sur place, transpercé par le mouvement fervent. Rome était une putain qui s'agenouillait chaque matin devant la croix, et lui, un chérubin emporté dans ses jupons. Des mains d'évêques, des mains de toutes part venaient se poser sur son front. Le bénir et lui transmettre la tradition, l'esprit sain. Des mains dévotes, faisant de l'Aconit le festin d'une agape.


La chandelle meurt. Les yeux refusent de se fermer. Le temps coule avec sadisme. Que fait Alphonse à cette heure-ci? Séduit-il de son sourire naturellement tentateur les réapparitions du passé? Pense-t-il seulement à lui...

La dextre tire nerveusement un pan de drap rêche, délaissant cette vision de néant que le souffle d'un mouvement d'air a fait naître. Le torse sans relief reçoit les ongles, gratté jusqu'à lézarder la peau de bon grain.


    La prière d'ordination, prononcée tandis que l'évangéliaire était maintenu sur les crins blonds au chef en berne ramenait le silence . L'ordination touchait à sa fin, laissant le jeune exsangue au détail de ses bouleversements. Le saint chrême dont le front clair avait été oint exhalait le camphre. Debout face à ses pairs, Montfort recevait ses insignes. La mitre, signe de l'appel à la sainteté, distinction parmi les hommes. La crosse, bâton pastoral rappelant la tâche du pasteur; prendre soin de son troupeau. L'anneau épiscopal. Signe de fidélité à l'église. De mariage avec Dieu.


Un mouvement vient sortir Faust de ses réminiscences nocturnes. Relevant le dos, il aperçoit à la lueur d'une chandelle dans l'encadrement de la porte le jeune religieux qui l'avait accueilli à Rome. Compagnon improbable dont il n'avait pas encore entendu le son de la voix; quel âge lui donnait-il , si ce n'est le sien, ou à peine plus? Un instant, Nicolas laisse le silence expectateur pulser à ses tempes. Et comme une évidence, senestre l'enjoint à s'approcher d'un geste. Au silence des lieux s'accouple le murmure Aconitien.


- Approche.


Il le détaille, l'ombrageux de ses yeux. La tonsure de ses cheveux. Est-il moine? Diacre? Oblat? Qu'importe. Il est; et il est là. Et à ce moment là, tout ce que désire Montfort c'est un peu de cette présence qui manque tant.

- Comment te nommes-tu?
- Francesco Borgia.


Le blond hoche la tête, recevant de plein fouet l'accent d'ici, et le nom encore émérite. Un instant de silence les laisse s'observer à la faveur de cette chandelle neuve, rapprochée. La question qui taraude à l'issue de cette éreintante journée fuit, galope, trop avide, après un ravalement de salive.


- Si tu savais que je n'allais pas mourir aujourd'hui...
- Parce que vous êtes évêque. La réponse est, parce que vous êtes évêque.


Surpris, Nicolas le considère avec la légère inclinaison de sourcils qu'il arbore toujours face à une énigme. Une nouveauté. Un défi. Ainsi, devenir officiellement évêque ouvrait toutes les portes? Accédait à tous les privilèges? Accordait tous les abus? Les bleus viennent s'accorder aux traits transalpins, soupeser leurs différences physiques, chercher aux lèvres le secret de leurs mots difformes. La main de Nicolas enserre le poignet du religieux pour l'inciter à en repousser le bougeoir, la guidant jusqu'à ce qu'il soit reposé au chevet.


- En France...

Son voisin le coupe et ponctue d'un vif mouvement de tête. Assassinant d'accents tièdes mais fermes toutes les questions, toutes les formulations, tous les remparts qui pourraient subsister.


- Mais vous n'êtes pas en France, Monseigneur... Vous êtes à Rome.

Et ce jusqu'à demain.

_________________

Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
Onzième jour de pain gris




All the accidents that happen
Tous les accidents qui se produisent
Follow the dot
Suit la trace
Coincidence makes sense
La coïncidence n'a de sens
Only with you
Qu' avec toi
You don't have to speak
Tu n'as pas à parler
I feel
Je sens
Emotional landscapes
Des paysages émotifs
They puzzle me
Ils m'intriguent





Je crève.
Par ta faute, je crève.

Ce matin, Orléans s’épaississait d’un brouillard matinal ; soleil en berne avait choisi la pudeur et ne laissait au ciel gris qu’une lumière lointaine, trop maigre, pour percer les nuées. Chape aux rémiges, pattes vrillées au sol, cornes limées par des cieux trop bas, il ne restait que l’âme pour bruire de vents amers jusqu’à de titaniques auspices ; Alphonse ce matin, était levé du mauvais pied.
A l’heure qu’il était, Archibald et Corleone devaient visiter le chenil à la recherche d’un cabot pour assouvir quelques ambitions au cœur du jeune homme ; divertissement rechigné, Alphonse préférait tourner en cage plutôt que de s’alimenter, ruminant, bile en gorge, vacarme aux doigts, le silence et ses aspérités.
Et le silence pesait, auguste, marbré, étirant ses méfaits au-delà des grèves jalonnées ; à chaque attente contrariée, à chaque déception de trouver l’ignorance en guise de nouvelles, grammage alourdissait le cœur déraisonnable d’un arbre affamé, vrillait les feuilles bichromes d’une inquiétude vexée que rien, ni personne ne savait apaiser.
Baume aux mains de Rome n’était pas là et personne n’en avait de nouvelles.


Aujourd’hui, je te hais.
Je te hais d’inquiétude, de craintes ; je peine à rassembler les nerfs, les confonds, les étire, et les noue au hasard sans plus savoir quoi faire pour qu’ils retrouvent leur maitrise.
Je hais mes promesses, celles que tu n’as pas faites, celles que j’aurais dû faire, celles que je ne ferai plus. Aujourd’hui Faust, par ta faute, je hais la terre entière et les cieux avec elle.


Nuit brève écourtée par les pas feutrés d’une maison qu’il ne connaissait pas, il s’était éveillé alerte, désespérément sobre, à la bouche d’une colère rouge et s’y était laissé engloutir, cadavre au fond des draps, airain figeant les lèvres en un pli ancien, concerné.

Je hais ta bouche, tes doigts, ton silence, ta soutane, tes horizons de pierre…
Je hais ton écharpe plus que tout le reste…


Senestre se crispa d’un tremblement et s’agita brusquement, secouant le poignet d’une insupportable piqûre, aiguillonnant chaque os d’un pouce aux angles raides jusqu’à agacer une patience déjà parcheminée.
Une inspiration gonfla méthodiquement et longuement le ventre à plusieurs reprises, formule distillée à chaque crise en guise d‘essence, et l’attention austère de Tabouret se braqua sur cette main parjure, cet imperturbable reliquat de défaite qui le trahissait à chaque contradiction; convulsions de plus en plus saccadées s’étendirent à la chair jusqu’à mordre l’intégralité de l’avant-bras, arrachant un cri de rage à la gorge mâle quittant la tiédeur solitaire du lit aux murmures de Compagne.



« Chat, il te reste trois vies ; six ont passé sous les ponts, offertes en guise d’au revoir, tribus à tes fantômes, dîme versée à la coupe aurifère d’une bouche océanide.
Crois-moi, épargne la septième, reste avec moi ; n’avons-nous pas froid tous les deux ?
Tu sais qu’à force de silence je deviendrai soleil, astre au firmament de ta gorge scellée à nos seules concordances.
Délaisse l’Achéron, le Cocyte et le Phlégéthon ; Léthé et ses ivresses sont nos seuls vrais remèdes.
Regarde, mon Chat, tu trembles. Viens, viens dans mes bras, moi au moins, je suis là… »



A la partialité de la frustration, il laissait ce qui était beau prendre des traits grossiers, se réjouissait, sarcastique, des airs de carnaval parant ses verticalités, tendait une main à l’insupportable mémoire qui avilissait sa nuque d’une acrimonie bleue pour mieux s’en dédaigner
Les humeurs devenaient bancales face à l’incertitude, étroites, et chaque sortie s’envisageait à la solitude d’un reflet concentré ; la spontanéité ne lui allait pas, et s’il lui avait fallu une preuve, elle était là, inscrite dans cette main agonisante qui ne lui obéissait plus, où chaque contrariété insoluble exigeait un dû pour consumer sa hargne.



« Qu’a-t-il fait de toi ?
Que vais-je faire de toi ? »



Senestre crispée fut frappée d’un poing compact plusieurs fois au mur sans parvenir à la faire taire et plongée rageusement à la bassine émaillée déposée la veille par une quelconque soubrette, éclaboussant à sa noyade la table d’une série de gouttes sèches, dessinant au bois un improbable astérisme ravissant aux lippes courroucées, un rictus glacial.



L’eau bouillonne, et Senestre danse, convulsive ballerine aux doigts écartelés de souffrance.
Cuvelle chancelle au rituel, arrondit sa bouche blanche d’une surprise, se renverse aux vélins jonchant le bureau et bascule au sol, y déversant une giboulée de porcelaine et d’eau en bouquet de ravages.



Sans toi il n’y a pas de présent. Juste le passé qui me lie à la terre et l’incertain futur qui se brouille sans cesse aux frondaisons de ton parfum.
Je ne veux plus rentrer.
Je voudrais déjà être là.


Coups frappés à la porte crevèrent le silence revenu, assommant le chat dont les noirs figés aux éclats s’enroulaient de gravas, et relevant la tête, il aperçut le visage curieux d’une domestique contemplant les dégâts échevelés aux pieds d’un hôte dénudé ; d’autres auraient reculé, gênées, refermé la porte en s’excusant du dérangement, mais celle-ci restait, bravant pour quelques raisons que ce soit, la nudité qu’Alphonse, au saut du lit, lui imposait.
Les rumeurs étaient-elles venues jusqu’à elle ?
L’amant de Son Altesse dort sous son toit, n’est-ce pas ce que la ville chuchotait depuis deux jours déjà ?
Corléone était un havre auquel plonger le nez, une douceur inespérée aux sanglantes irritations que Rome délayait et s’ils s’étaient découverts prompts à jouer d’eux pour le plaisir de regarder s’envoler les lascives lueurs de leurs amours passées, ni l’un ni l’autre ne s’étaient aventurés à y céder. Tacites, les corps ravis de prose s’enlaçaient sans faillir à leurs résolutions et berçaient depuis leurs retrouvailles, l’imagination emballée de chacun de leurs ignorants témoins.
Était-ce cela qui lui valait ce regard ambitieux, cette aisance provocante ?


Quelle importance de te promettre mes femmes, si tu ne les espères pas ?
A quoi bon tirer quelques fiertés d’un serment que je porte seul ? Ta foi ne m’appartient pas, tu me l’as dit toi-même avant de m’envoyer sur les routes ; tu ne crois pas en mes paroles, fussent-elles prononcées à la faveur de Mars.


Monsieur veut que je nettoie ? demanda la môme et ses quinze ans parfumés, poussant la porte du pied pour révéler une silhouette potelée, des cheveux blonds comme les blés piqués d’un nœud bleu, et des hanches rebondies où chaque main trouverait pleine et joyeuse amarre.



- Pose deux questions à ton esprit. Laisse-moi tirer les runes. Chez moi en Bretagne, nous les utilisions souvent. Tu verras, elles ne mentent jamais.


Pont se tend, présent morcèle le temps, et condamne Orléans et ses noires accointances ; Chronos, gueule rayée, se disloque dans un hoquet de surprise.


Il sourit, diverti plus que concerné. Chat noir n’est pas superstitieux ; la divination est affaire des femmes et il n’a jamais aimé que les certitudes, y menant chacune de ses quêtes pour en faire l’indispensable substrat d’une âme déracinée.
Question traverse les jais silencieux, soleil perçant les branches pour éclairer un front balayé de brun ; les doigts froids de Faust se posent sur sa main quand derrière eux, une brise agite les feuilles d’un jeune sureau et décoiffe les simples regroupées en parterre.
Au soleil de midi, le jardin de Saint Front exhale ses parfums et celui de Nicolas l’emporte sur tous.


- Hagalaz. C'est la rune du défi et/ou des situations délicates. Elle dit pour ta première question qu'il faut faire appel à la ruse, pour contrecarrer des situations soudaines ou complexes.


La réponse est obscure, interprétable à loisir et décevante comme toujours, assermentant les lippes à un pli narquois.
Rouge barre la ligne du poignet et la ruse n’y fera rien ; il n’existe aucun moyen de corrompre ce lien-là, cette entrave tissée si près de la peau qu’elle a dû finir par en prendre les reflets.
Il n’y a rien à exiger, rien à défaire.
Pour contrecarrer quoique ce soit, encore faut-il savoir contre quoi l’on se bat, et cette bataille ne le considère même pas, gardant pour elle ses vérités et ses vœux comme une parure d’épines à la peau de l'amant.





Monsieur ?La main de la donzelle secoue ses longs cheveux quand sa bouche s’étire d’une répétition et que ses yeux s’embuent d’une flottaison; silhouette saisie ne bouge pas et porte sur elle un regard qui ne la voit pas, figé au seuil d’une révélation si simple qu’il la considère avec une stupéfaction d’enfant. Mon…
Dehors, somma-t-il abruptement, accusant la saccade d’un imparfait venant reprendre ses droits, senestre atone à son flanc conjurant l’accès de colère.

Il n’y a rien à exiger, rien à défaire.
Car je ne dois ruser , ni me battre contre toi.
Mais contre moi.




Then the riddle gets solved and you push me up to this :
Alors l'énigme est résolue et tu me pousses à cet...
... state of emergency...
... État d'urgence...
... how beautiful to be ! ...
... Comme c'est beau d'être ! ...
... state of emergency...
... État d'urgence...
... is where I want to be...
... C'est ainsi que je veux être...

Björk - Joga
_________________


Dernière édition par Alphonse_tabouret le 04 Mai 2018 08:39; édité 1 fois
L_aconit



    𝕽𝖔𝖒𝖊


- Ssss...
- Cessez de bouger, allons...
- C'est douloureux.
- J'en ai bientôt fini.
- Ce n'était pas nécessaire ...
- A Rome faites comme les romains.



Le jour s'était levé d'un soleil radieux et sec, exhumant l'odeur des aiguilles de pins, des résines translucides à l'heure de leur naissance , coulant sur celles, plus anciennes, dont l'ocre émerveillaient toujours les enfants désireux de les décoller. Y engluer les doigts, jusqu'à ne plus savoir qu'en faire, et accuser mauvaise fortune. Ce matin la ville resplendissait de ses charmes méditerranéens, et si l'odeur des rues était aussi forte que leur agitation née de quelques prédicateurs enfiévrés, de mignons cherchant le dernier client avant d'aller se coucher et des passages du guet sur les tapis de mosaïques, Rome se parait d'accents encore bien mystérieux au noviciat de Faust. Pas une rue sans qu'il ne se fasse apostropher. Peintres, jeunes femmes, regards fronçant sa peau d'étranger et son cheveu blond enfantin. Il s'étonna de ne voir de mendiants. Il regretterait de les retrouver au dehors. Rejetés par la Belle qui, sous l'influence du renouveau papal tendait à renaître de ses cendres. Les monuments fleuriraient bientôt de nouveau, et pour l'heure, Rome n'était encore qu'une fourmilière en reconstruction. Trois cent églises y prenaient pied pour pointer orgueilleusement vers le ciel une herse de clochers. La ville se parait du fantasque des arts, doucement, l'effervescence semblait ne pas y connaitre de trêve.

De bonne heure et dans son habit neuf quoi que coiffé d'un grand chapeau pour protéger le teint clair de l'astre traître, l'androgyne approcha des remparts aux filtres lents, points stratégique surveillant les entrées et les sorties des murs, refusant parfois les accès à qui ne payait pas le droit de passage... Les nobles femmes avaient parfois besoin de montrer des lettres scellées pour justifier leur légitimité, quant aux paysannes, l'affabilité de leurs jupons faisait l'affaire, si leur face était bien faite. La file s'étendait sur dix pas, et s'il était pressé de rentrer retrouver son village, l’évêque nouvellement célébré prit son mal en patience, jusqu'à ce que, à son grand étonnement, ses prédécesseurs s'écartent laissant tout loisir à l'Aconit de passer à la simple vue de sa tenue religieuse...

Félicité . Si Rome était si corrompue qu'il avait pu le constater, tout n'était qu'en grande partie dû, ironiquement, aux largesses dont bénéficiaient le clergé. Personne ne remit en question le privilège d'un si jeune évêque, et un enfant vint illustrer l'incroyable scène en tendant la paume au Montfort hésitant, pour l'amener au devant de tous et l'inciter à franchir sans crainte le passage règlementé. On le lui demanda ni son nom, ni sa direction. Faust se retrouva hors des murs, brièvement séduit par ce passe-droit s'ajoutant à une liste qui ne semblait que s'allonger...

La silhouete grêle du religieux s'évanouit sur les routes, se posant parfois au gré de l'ombre bienvenue d'un arbre, remettant en ordre ses chausses, ses bas, doigts n'osant frôler les jambes redevenues glabres. Oui. A Rome , les jeunes hommes aimaient à avoir les jambes glabres. Et le religieux qui avait chastement partagé par deux fois le sommeil d'un Nicolas en demande n'avait pas manqué de le faire savoir à son hôte, l'initiant aux mystères du Rusma, corrodant de chaux et d'orpiment* .

La France le retrouverait bientôt, dans la poignée de jours qui le séparait de la Lettre. Une Lettre qu'il tremblerait à ouvrir, peinerait à lire sans s'arracher quelques fébriles sourires entrecoupés, et relirait comme toutes, une dizaine de fois, à des moments différents, pour en faire durer la saveur. La France le retrouverait bientôt, lui qui désormais appartenait à Rome, et dans la foulée de ses névralgiques nuits solitaires le tonitruant... Procès d'Isaure.

- Francesco.
- Monseigneur.
- Merci.


*Arsenic
_________________

Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Erwelyn
Nuit blanche. Les retrouvailles avaient continué sous les frondaisons, berçant Loup et Sorcière pour ce moment n'appartenant qu'à eux seuls. Le matin les avait séparés, emplis de leurs mots et de leurs maux et de ces instants que seuls de vieux amants peuvent se construire.

A l'orée du bois et à l'aube naissante, soleil prenant la place de l'astre lunaire, les pas de Corleone la poussèrent jusqu'aux écuries où de nombreux bruits lui parvinrent. Le retour de son époux, vu les nombreux chevaux piaffant dans la cour, les cris des palefreniers, les rires fusant, venait de sonner. De loin, la princesse observa la caravane de la mesnie reprendre possession des lieux avant de prendre le chemin du château, discrètement. Cheveux parsemés de petits branchages et vêtements marqués par la cavalcade de la nuit ne sauraient qu'attirer réflexions et demandes d'explications qu'elle était trop fatiguée pour donner maintenant. Les couloirs frais d'Alluyes l'accueillirent, silence pesant à son avancée, croisant de temps en temps un domestique la saluant avec déférence. Maîtresse des lieux régnait avec douceur et respect, et la valetaille lui rendait bien. Les regards avaient toutefois changé depuis quelques jours, d'étranges lueurs dansant dans les prunelles à sa vision, interrogations en suspend sans jamais oser les formuler de peur de prendre un revers bien mérité. Rumeurs balayaient tout sur leur passage, gonflant, s'armant de détails nourris par les esprits fertiles, et il ne serait pas étonnant que ces dernières arrivent aux oreilles de Lexhor avant même que les deux époux ne se soient retrouvés.

Il y eut bien le temps d'un changement rendant Corleone plus présentable qu'une Sorcière hurlant à la lune avec un Loup en cette matinée là. Houppelande sombre avait recouvert ses formes, cheveux argentés portés hauts et ornés de quelques bijoux venant parfaire le tout. Ce fut dans le grand salon qu'Erwelyn retrouva enfin son époux, gonflant son cœur à sa vision d'une étrange sensation lui vrillant le ventre. A sa tête la proposition d'Alphonse de la suivre pour quelque temps encore à se retrouver, ainsi qu'Ahenor à aller chercher en Languedoc, à son cœur la vue de celui partageant sa vie, à son ventre cette envie de voyage, toujours, et cette incompréhension qui la tenaillait. Doucement, elle se rapprocha, accrochant sa taille de deux bras amoureux, plongeant le museau à son cou pour y sentir son odeur si particulière, faisant palpiter ses sens en un automatisme maintenant bien ancré. La gorge pulsa sans demi-mesure, lèvres allant s'abîmer sur la peau aimée avant de courir aux siennes en un long baiser. D'une main tendre, la joue fut parcourue, regard capturant le sien avec chaleur. L'autre alla saisir celle de l'époux, la serrant pour lui montrer tout son attachement.


Avez-vous fait bonne route ? Commença-t-elle, d'un ton badin mais cachant mal la nervosité lui titillant les nerfs. A fleur de peau, il lui était impossible cependant de retenir plus avant le flot des mots qui souhaitaient sortir depuis bien trop longtemps.

Viens vers le chenil, j'ai à te parler.

D'une pression de la main sans appel, Erwelyn les entraîna vers l'extérieur du château. Il y avait quelques centaines de mètres à parcourir avant d'accéder aux bâtiments dédiés aux chiens où le Chat devait aussi se rendre pour la transaction dans les minutes qui allaient suivre, bien assez pour lancer le sujet de conversation qui lui brûlait les lèvres.

J'ai vendu un lévrier. A un évêque, de Périgueux.

Les mots furent lâchés, mesurés, hachés, au rythme d'une respiration reprise entre chaque phrase.

Mil cinq cent écus, je pensais que tu serais fier de moi de réussir telle vente. Es-tu fier ?

Était-ce pour se rassurer elle-même que Corleone posait la question ? Elle n'en savait encore trop rien.

Il a envoyé quelques connaissances à lui pour venir le chercher, après tout, c'est une somme à trimballer sur les chemins.

Le regard se perdit à l'horizon, le ciel maintenant dégagé de tout nuage et laissant poindre un soleil franc en ce début d'après-midi.

Je me suis toujours demandé comment Deos pouvait provoquer tels hasards, mais figure-toi que cette compagnie était menée par... Alphonse. Au prénom lâché en un souffle, les prunelles s'ancrèrent sur le visage de Lexhor pour en guetter sa réaction. Se souviendrait-il de cet amant ayant partagé ses nuits avant qu'ils ne se déclarent tous deux ? Elle le saurait bien assez tôt.

Ils sont là, depuis trois jours.

Décor posé, restait à savoir comment la suite se déroulerait et si, surtout, rumeurs avaient eu le temps de courir jusqu'aux oreilles lexhorienne, ce qui ne faciliterait pas la tâche.
_________________
L_aconit


    - Vois-tu, je suis le destin, criait la voix, et je suis plus fort que tes plans dérisoires.
    Je suis l’issue des événements et je diffère de tes petits rêves ;
    je suis la fuite du temps, la fin de la beauté et les désirs frustrés ;
    je suis toute l’existence. -

    Francis Scott Fitzgerald



𝕻𝖊𝖗𝖎𝖌𝖚𝖊𝖚𝖝

Pas un mot ne soulevait pas en Faust une montagne d'émotions. Parfois contraires, parfois unies en affluents pour les rendre extrêmement puissantes, limons fertiles, arables ou dévastatrices. Si Alphonse couchait la nuit, Faust, bien incapable d'échapper à cette empirique emprise, se couchait aussi. Si les lignes empilaient la gaieté, compilaient leurs sentiments communs, l'Aconit s'ouvrait au soleil qui brûlait et fixait tous ses espoirs. Allumeur de réverbères, Tabouret faisait d'un simple trait de plume, le cycle des saisons, la course des astres, les vacuités et les fourmillements des plages bretonnes soumises à sa lunaire influence.

Il allait avoir dix-neuf ans et atteindre sa plénitude, mais on voyait encore sur lui des traces de rosée. Bouleversé d'attente, de ce rejet des si prenantes préoccupations terrestres nécessaire à nourrir Rome tel que se devait, Nicolas regagnait son village non sans réaliser le nombre de jours où son absence avait fait régner silence. Frustré, parole donnée de l'intendant résonnait comme le glas menaçant des clochers d'Italie. S'il n'avait pas, comptable, dénombré le décompte fatal de ces nouveaux silence, il espérait qu'Alphonse en ait fait autant.


    Promets-moi tes mots, tous, même ceux que je ne connais pas, et je n’en toucherai plus une …
    Mais, nourris moi encore de dix-huit ans de pain gris, allonges seulement ton silence d’un dix-neuvième jour
    et je trousserai en ton nom tous les jupons de Paris…


Ou d'Orléans.

Étrangement ou pas, privé d'échange, aveugle et lointain de le savoir inaccessible, Faust en oublia toutes ses paroles d'évangiles. Il l'avait envoyé malgré lui dans les bras d'une autre, une de celle qui avait su défaire par sa seule nature toutes ses histoires passées. Une Femme. Aucun de ses amants n'avaient jamais su y résister. Transi, fiévreux, il n'avait plus qu'à attendre et à se draper d'espoir, pour que son amant ne lui revienne que dénué de tout parfum, de toute nuit qui signerait l'exaucement de toutes ses craintes. Trop tôt. Il était bien trop tôt pour que Nicolas pense ses vœux de liberté sous bénédiction. S'il n'était pas libre lui-même, il lui était en vérité encore bien insupportable d'imaginer Alphonse l'être sans lui. A cet instant, alarmé et craintif enfin, Nicolas prenait la mesure de tous les mots qu'il s'était interdit de glisser à l'oreille de son amant. De ces mots qui scellent des vérités et assurent le lien continu des histoires, même à des centaines de lieu l'un de l'autre...

C'était ainsi que se développait une intimité. On commençait par dresser de soi un portrait favorable, en retouchant le produit fini, bien léché, par un peu de présomption , quelques mensonges faits à soi-même et un brin d''humour. Puis il fallait ajouter des détails, et l'on brossait un nouveau portrait, puis un troisième, et le secret finissait par éclater au grand jour. Les plans du tableau s'entremêlaient et nous trahissaient, et nous avions beau peindre et repeindre, notre tableau ne trouvait plus acquéreur. Passer du premier au second tableau était d'une folle et angoissante teneur... Quant à Alphonse, qu'importe le nombre de ses toiles. S'abstenir de juger permettait à qui pouvait se le permettre de conserver indéfiniment de l'espoir.

Ne rien dire. Il ne fallait rien dire de ces tourments.

La main se crispa sur le ruban rouge. Délavé mais encore là. Précieux autant que préjudiciable.

A dix-neuf ans et vingt cinq ans, quand ils sont beaux, les hommes ont en eux-mêmes cette confiance dégagée qu'ils ne remettent qu'entre les mains d'autrui. Dix-neuf et vingt cinq ans est l'âge de l'insolence, celle, pour le premier, d'un clerc victorieux, qui parade après son ascension, celle, pour le second, d'un travaillomane frais émoulu d'une éducation trop rigide. Mais si le plus jeune des deux tire sa confiance en lui de l'excès d'intérêt qu'il suscite, le plus âgé connaît des satisfactions plus subtiles. Affamé, c'est avec discernement qu'il comble ses appétits. Rassasié, il déguste avec bonheur les grains de caviar d'un pouvoir confirmé. N'est-ce pas le privilège de la jeunesse et à la fois sa faiblesse, que de pouvoir vivre dans le présent et de toujours le comparer à un futur radieux et imaginaire? Les fleurs et l'or, comme les jeunes hommes et les étoiles, ne sont que la préfiguration et la prophétie d'un rêve formidable et irréalisable à la fois.

Faust, malgré son âge faisait l’effet d’un enfant précoce et enjoué : dans la radieuse douceur de sa jeunesse et de sa beauté, tous les hommes et toutes les femmes qu’il avait connus n’étaient que morceaux de bois flotté sur les vaguelettes de son tempérament. Il profita de son retour un vendredi matin - traditionnellement libre de toutes ses taches - pour répondre à Alphonse, avec pour seule ligne de conduite, le formel empêchement d'exprimer ses inquiétudes, ses troubles et ses états d'âmes, allant ainsi contre tous ses principes...

Hélas. On ne pouvait pas en vouloir sérieusement à un si jeune homme d'être parfois malhonnête...


Le sujet n'était-il pas le chien de la victoire? Il ne fallait pas s'en éloigner. Chasser des lignes les Princesses, les remords, les questions dont Faust ne souhaitait pas connaitre les réponses.

Citation:

    Ampart daouarn.*

    Je savais bien que tes lettres étaient des chefs-d’oeuvre. J’aurais souhaité t'en témoigner davantage mon estime, mais en te lisant, que je me sens pauvre de mots! J'avoue sans honte, lire et relire tes œuvres, leurs embardées poétiques et leurs racines impénétrables jusqu'à parfois les connaitre par cœur. N'est-ce pas une belle expression que celle-là? Connaitre par cœur... Prononce-la du bout des lèvres. N'est-ce pas caressant?

    Tu vois, voilà la beauté que je désire. Il faut que la beauté soit étonnante, étourdissante… Il faut qu’elle s’impose comme une rêverie, comme tes yeux exquis à mon souvenir. Alphonse. Pardonne-moi d'avoir tardé à répondre. Mon voyage vers Rome a duré si longtemps, que mes pieds sont durcis et mon teint presque doré, après avoir subi les affres du soleil. Je ne dénombre plus les voitures, les chars, les embarcations dans lesquels j'ai été promené. Je suis laid, sale et épuisé. Mais ta lettre, fabuleuse lettre ravive en moi tout ce que tu sais y faire germer. Affalé sur mon siège, je me sens à ta lecture à l'empyrée.

    Je te déclare Muse. Tu seras dès à présent et pour les années à venir si tu le veux mon Muse, puisque Polymnie t'a enfanté, que Calliope t'a béni et qu'Erato te couvre de ses gloires. Tes mains sont de l'or à mon collier, à mes lectures, à mes fantasmes.

    Alphonse, je suis vivant. L'inquisition n'était qu'un détour administratif bien pervers de me laisser en croire autrement. J'ai du refaire par la volonté des hauts ecclésiastiques mes sacrements, et ai hérité de mes armes épiscopales. Rien de bien tranchant, ni de bien lourd, si ce n'est le poids de l'or que l'on ose apposer aux doigts des évêques. J'ai vu l'Italie. Sûr que ce n'est pas Florence, mais que de dépaysement... De coutumes méconnues et de faveurs aux religieux!

    Tout ce folklore et ces influences m'ont ramené vers toi. Penaud du temps passé à l'absentéisme, Tabouret je t'en conjure, ne m'en veux pas. Je vais dès ce soir me confronter à celui qui m'a tant tourmenté et asseoir la volonté de Rome ailleurs que sur ses écœurants genoux. Une ère nouvelle est arrivée. J'attends la tienne avec impatience.

    Dis-moi que ton escorte a pris soin de toi. Que tu ne t'es pas ennuyé pour ma stupide course. Dis-moi que je te manque un peu. Au regard du temps qui passe, ce lévrier m'importe bien moins que tes plaisirs.

    Ne t'oublie ni ne te néglige.

    Faust

    PS: Isaure est en procès pour haute trahison, et je me suis un peu fâché contre elle, tout comme Dana. Une histoire sur laquelle finalement, j'ai pris le parti de fermer les yeux. Dana fera bien ce qu'elle veut de son époux, et Isaure entendra qu'elle le veuille ou non quelques vérités.

    *Mains habiles.





La bague épiscopale apposa son sceau, et la missive fut confiée, scellée, à de bonnes mains.


Tu t'es marié. Et je suis rentré dans les ordres. Je sais que tu sais, tu sais que je sais.
Que ce n'est pas pour nous. Aucun de ces sacrements divins ne nous est réservé.
Et malgré tout, nous en voilà encore à l'échange originel.
Tu seras le plus grand Epoux du siècle, distribuant ton amour à celles qui,
bouches ouvertes, le réclameront. Je serai le plus grand des Évêque,
délivrant des messages que je n'appliquerai pas à ma personne,
et auxquels je ferai le dos rond. Sommes nous de si bons comédiens...


De Faust à Ansoald.

_________________

Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil






































Citation:










































Lexhor
Bien loin d'imaginer le traquenard qui se tramait dans son dos, alors qu'il était occupé à faire son devoir, celui-là même qui lui permettait d'offrir à sa famille la condition qui était la leur, entre châteaux, terres, élevages de poneys ou de lévriers. Un retour chez lui, alors qu'il aurait sans doute été préférable de continuer d'occuper la frontière encore un temps, par mesure de précaution, mais qui lui était nécessaire. L'envie et le besoin de revoir sa femme et ses enfants, de reprendre des forces auprès de ceux qu'il aimait et pour qui il vivait.

Depuis qu'il avait épousé son poney rose, il n'avait jamais eu peur, jamais craint pour leur union et la solidité de leur amour. Il avait toujours été serein et confiant, c'est pourquoi il ne vit pas venir la lame qui lui transpercerait bientôt les reins, bien que ses oreilles sifflaient quelque peu depuis son retour. Il s'était donc isolé près d'une cheminée, un hanap de bon vin à la main. Songeant à la vie, à sa vie, à celui qu'il avait été et à celui qu'il était devenu. Il songea surtout à Erwelyn, attendant son retour. Elle se faisait de plus en plus distante, ne tenant jamais longtemps en place. Il savait bien qu'il la décevait, qu'elle ne comprenait pas son investissement si poussée au service de sa province et de la Couronne. Il savait qu'elle préférait mener une vie de bohème qu'il ne pouvait lui offrir, trop impliqué pour pouvoir faire ce qu'il le voulait quand il le voulait. Trop contraint, aussi, par un sens du devoir exacerbé et, probablement, par la haute opinion qu'il avait de lui et de son importance. Si lui n'agissait pas, qui le ferait ?

Pourtant, cette fois, il était décidé à faire passer son mariage avant tout autre chose, car celui-ci était l'essence même de ce qu'il était devenu. Épouser Erwelyn fut pour lui une plus qu'une renaissance. Si le phénix avait déjà connu plusieurs résurrections, il eut la sensation, dès leur toute première union, non pas de renaître, mais de naître. Sans elle, il aurait probablement sombré peu à peu plus bas qu'il ne l'avait jamais été auparavant. Le vrai Lexhor était probablement né aux alentours de la quarantaine et, depuis, rien n'avait pu l'ébranler ou le toucher. Sa seule peur demeurait de perdre celle qui faisait sa force. Il ne voulait donc plus la négliger et avait, de ce fait, élaborer tout un plan afin de parcourir les routes avec elle et, si elle le souhaitait, quelques proches. Une histoire de tour de France su Premier Secrétaire d'Etat, venant à la rencontre des gouvernants et des peuples et accompagnée d'une escorte armée en la personne de son époux. De quoi, probablement, rassurer et gagner à leur causes les régnants des provinces qu'ils traverseraient. Il était hélas trop tard pour lui. Il n'aurait pas le loisir de dévoiler son plan à celle qu'il aimait, un sourire fripon dessiné sur ses lèvres.

Une chape de plomb pesa très vite dans le grande salon lorsque Erwelyn fit son entrée. S'il ne se doutait pas encore de ce qui l'attendait, Lexhor se rendit rapidement compte que quelque chose n'était pas naturel chez elle, malgré les marques d'affection qu'elle lui témoigna et auxquelles il répondit machinalement.
Il haussa légèrement les épaules, à sa première question, n'ayant guère le temps de s’épancher plus. Puis elle lui ordonna de la suivre vers le chenil, sans plus d'explication. Son cœur s'alourdi et il comprit alors que quelque de déplaisant allait arriver sous peu. Tant de mystère et de solennité chez son épouse n'augurait rien de bon.
Enfin, elle poursuivit et il arqua un sourcil. Depuis quand s'occupait-elle de leurs affaires financières ? Elle ne s'était jamais soucié de ces considérations là, alors pourquoi s'était-elle lancée dans une telle affaire, dans son dos qui plus est ? Il hocha la tête, aussi surpris que perplexe, tentant de comprendre là où elle venait en venir et se gardant bien de dire que si le prix était correct, ce lévrier pouvait être mieux vendu encore. Et enfin, le couperet tomba finalement et tout s'éclaira. Son cœur se serra et quelque chose se brisa en lui et il se trouva ridicule, lui, l'homme de guerre, de trembler de cette façon pour une histoire de cœur. L'amour avait toujours été sa faiblesse et il se maudit, sur l'instant d'être tel qu'il était. Bien évidemment, il tâcha de ne rien laisser paraître et de se reprendre vite, se contentant de résumer sa pensée en quelques mots.


Je ne crois pas au hasard.

Seuls ces mots purent s'échapper de ses lèvres, laissant transparaître son mécontentent sans pour autant priver son épouse du bénéfice du doute. Pourtant, la ficelle lui semblait bien trop grosse pour ne pas la voir. Et certaines bribes de conversations captées ça et là depuis son retour semblaient prendre sens tout à coup. Après quelques années de répit, voilà ses vieux tourments de retours pour le torturer. Fallait-il vraiment que ses sentiments soient toujours malmenés ?
Sur l'instant il se sentit brumeux, spectral, comme si son âme était en train de le quitter ou comme s'il était encore endormi mais sur le point se tirer d'un mauvais cauchemar. Puis il retrouva ses esprits, le temps de reprendre.


Quoi d'autre ?

Il ne savait pas ce qu'elle attendait de lui. Ni ce qu'il devait comprendre de ce qui venait de lui être révélé. Se confiait-elle d'une faute déjà commise ou à venir ? Cherchait-elle à lui annoncer quelque chose qu'il avait toujours redouté ? Il songea même qu'elle voulait le torturer en le laissant mariner, devenant mutique après avoir été si prolixe.
Tâchant de rester le plus impassible et de ne pas céder à ses vieux démons ou du moins d'attendre que tout lui soit pleinement et clairement révélé avant, il plongea ses yeux bruns dans ceux d'Erwelyn cherchant à y déceler la vérité.

_________________
Alphonse_tabouret
Barreaux de cage en guise de frontières, au soleil changeant du mois de Mai, canin et félin se toisaient avec un discret mépris à une raisonnable distance sans porter attention au messager se dirigeant vers eux, courrier frappé du sceau épiscopal de Périgueux avec lui; "En main propre" avait on insisté au château en lui en confiant la tâche.


Menhir au fond des poches, denier Aconitien passe à la pulpe des doigts et l’y trouve toujours noyé de pluie.
Sel de la Bretagne dessine dans les pas d’un Hermès juvénile des fleurs blanches, des feuilles bleues.



Les mille cinq cents écus fournis par Faust avaient enfin changé de main, allant enrichir les caisses d’Amahir et scellant définitivement le contrat passé entre Orléans et Périgueux ; retour pointait enfin au travers d’une attente qui ne devait d’être insupportable qu’à la vanité de détails amoureux. Treize jours de silence et d'inquiétudes soldaient un premier constat tendrement égoiste: aux mailles de son cou, le parfum de Faust, lentement, se dissolvait au profit du sien et il ne resterait bientôt que lui et ses solitaires grisailles en guise d’horizons.

… une fois par jour seulement, de la viande si vous pouvez… Oreille enregistrait patiemment les informations dispensées par le Maitre-Chien, élève assidu et pourtant désintéressé, visage résolument tourné vers l’animal qui avait plié son corps longiligne jusqu’à l’assise et dont les yeux globuleux et noirs le fixaient toujours.
… du pain si vous n’en avez pas… A côté d’eux, l’agitation ne cessait pas. Après avoir fixé la cage à la charrette, il fallait encore y entreposer par-delà les malles de ses dames, le baril de farines qui composeraient l’essentiel des repas de l’animal une fois sur les routes et que l’artisan canin avait décidé de lui décliner , interprétant l’impassibilité de son interlocuteur comme une écoute appliquée.
… froment et orge…

La silhouette de Corléone crevant le tableau du chenil attira son attention et les jais curieux, glissèrent immédiatement sur l’imposante silhouette à laquelle elle se raccrochait.
Première pensée fut tournée vers Pierre, à l’ourlet d’une ironie qu’il aurait certainement partagé devant le volume ; si les hauteurs se valaient, stature annoncée ne laissait de fait que le choix de la rapidité s’il fallait chercher à lui échapper. D’Amahir à n’en pas douter devait avoir la main ferme.


Monsieur, j’ai un…

Dextre commanda le silence au jeune domestique ; certaines rencontres ne pouvaient se munir d’immobilisme au risque d’être faussées, et s’il était une chose à laquelle Alphonse répudiait, c’était qu’on se méprenne sur ses crimes tant il aimait à les signer personnellement. Hochant la tête sans protester, le garçon se tut et laissa couler un regard sur la cire rutilante qui scellait le vélin, pulpe en expérimentant les détails façonnés avec l’avidité des premières fois ; il attendrait que l’on en revienne à lui.

Chat quittant le giron du Maitre-Chien en s’en excusant de quelques mots délaya les pas sur une poignée de mètres, étudiant à l’expression du prince s’avançant, la vivacité de ses souvenirs.

_________________
L_aconit
*


𝐅𝐚𝐮𝐬𝐭 𝐍𝐢𝐜𝐨𝐥𝐚𝐬 𝐌𝐨𝐧𝐭𝐟𝐨𝐫𝐭 𝐓𝐨𝐱𝐚𝐧𝐝𝐫𝐢𝐞 𝐡𝐚𝐯𝐢𝐧𝐠 𝐛𝐞𝐞𝐧 𝐜𝐚𝐥𝐥𝐞𝐝, 𝐚𝐧𝐝 𝐬𝐞𝐭 𝐚𝐩𝐚𝐫𝐭,
𝐛𝐲 𝐭𝐡𝐞 𝐥𝐚𝐲𝐢𝐧𝐠 𝐨𝐧 𝐨𝐟 𝐡𝐚𝐧𝐝𝐬, 𝐛𝐲 𝐭𝐡𝐨𝐬𝐞 𝐰𝐡𝐨 𝐚𝐫𝐞 𝐢𝐧 𝐚𝐮𝐭𝐡𝐨𝐫𝐢𝐭𝐲,
𝐭𝐨 𝐚𝐝𝐦𝐢𝐧𝐢𝐬𝐭𝐞𝐫 𝐨𝐧 𝐭𝐡𝐞 𝐨𝐫𝐝𝐢𝐧𝐚𝐧𝐜𝐞𝐬 𝐨𝐟 𝐭𝐡𝐞 𝐩𝐫𝐢𝐞𝐬𝐭𝐡𝐨𝐨𝐝,
𝐚𝐧𝐝 𝐫𝐞𝐜𝐨𝐦𝐦𝐞𝐧𝐝𝐞𝐝 𝐚𝐬 𝐨𝐧𝐞 𝐰𝐡𝐨'𝐬 𝐰𝐨𝐫𝐭𝐡𝐲, 𝐢𝐬 𝐧𝐨𝐰 𝐨𝐫𝐝𝐚𝐢𝐧𝐞𝐝.

Faust Nicolas Montfort Toxandrie a été appelé, et mis à part,
par l'imposition des mains, par ceux qui sont en autorité,
à administrer sur les ordonnances du sacerdoce,
et recommandé comme digne, est maintenant ordonné.



    Que tout est lourd ce jour. Le poids des missels. Le regard des élèves. Les pas des enfants, l'odeur de l'encensoir. Que tout est lourd où tu n'es pas. Tu me punis, c'est cela?


Adossé à la porte de l'appartement de Vesone, la clef n'a pas bougé du fond de la main. Les jambes, quilles aux grêles déliés ont étendu leur longueur sur le carreau de terre cuite. La nuque scelle tout ce qui pèse à la paroi de bois le séparant du territoire Muse qui n'a pas été foulé depuis le départ de son propriétaire. Il y a une frontière austère entre le dedans et le dehors qui épie les moindres soupirs, les moindres apoplexions myocardes de celui qui attend. Tout est marbre, figé aux paupières fermées. Il est revenu. Il est revenu aussi seul qu'il s'en est allé. Tous ont migré vers cet Orléans qui, s'il était d'abord perçu comme anecdotique, devenait monstrueusement anxyogène au silence de Tabouret.


𝐇𝐞 𝐢𝐬 𝐞𝐱𝐩𝐞𝐜𝐭𝐞𝐝 𝐭𝐨 𝐝𝐞𝐯𝐨𝐭𝐞 𝐚𝐥𝐥 𝐡𝐢𝐬 𝐭𝐢𝐦𝐞 𝐭𝐨 𝐬𝐞𝐫𝐯𝐢𝐧𝐠,
𝐥𝐞𝐚𝐯𝐢𝐧𝐠 𝐛𝐞𝐡𝐢𝐧𝐝 𝐚𝐥𝐥 𝐩𝐞𝐫𝐬𝐨𝐧𝐚𝐥𝐬 𝐚𝐟𝐟𝐚𝐢𝐫𝐬,
𝐢𝐧𝐯𝐢𝐭𝐢𝐧𝐠 𝐨𝐭𝐡𝐞𝐫𝐬 𝐭𝐨 𝐛𝐞 𝐠𝐫𝐨𝐨𝐦𝐞𝐝 𝐛𝐲 𝐭𝐡𝐞 𝐛𝐫𝐞𝐭𝐡𝐫𝐞𝐧.

On s'attend à ce qu'il consacre tout son temps à servir,
laissant derrière lui toutes les affaires personnelles,
invitant les autres à être soignés par les frères.


Dans un élan de courage, la silhouette se redresse, franchissant le tracé invisible pour loger la clef dans la serrure, faisant trois tours de battements humains.
Il y a quelque chose d'essentiel à celui qui, privé du sens de la vue, perd ses repère et se déboussole, s'arroge de cent tourments, s'étiole au matins des nuits sans fin. La silhouette maigre allonge ses pas jusqu'au lit, irrépressible, cherchant à combler. Sans Francesco. Sans lettres taiseuses. Sans autre baptême que l'odeur de la pièce, des draps, l'odeur des souvenirs. Il s'étend là, entre l'édredon trop propre et le mur, laissant ses mains en caresser la chaux claire. Fertile, l'esprit s'abreuve de mille images, papillonnant jusque dans l'ornière du plexus, soulevant les pans de tissus de la trop sacerdotale tenue, soulevant aussi de fluctuants ondoiements la médaille d'Aristote aux bords élimés, houle émotive charriée sur la cage du poumon las. Que fait-il, ce serpent insidieux, ce ver séduisant, loin de ses prunelles bleues? A-t-il comblé à son tour, d'amantes délurées ses nuits de jaspe? Les mains étranglent le col, étiré jusqu'à la brûlure, le tourmenté se contorsionne un peu dans un sanglot brutalisé, cherchant à assouvir l’oppressant besoin. Il n'aura pas le courage d'aller affronter Lotx ce soir. Comme il ne l'a pas eu hier. Ni avant hier, malgré les beaux mots donnés au faune. Il s'épuise et s’amenuise à l'attente d'une réponse. Misérable.

    Tu me punis. Tu m'écartèles. Chien de paille.


𝐀𝐧𝐝 𝐢𝐧 𝐬𝐨 𝐟𝐚𝐫 𝐚𝐬 𝐡𝐞 𝐧𝐨𝐰 𝐩𝐫𝐨𝐦𝐢𝐬𝐞𝐬 𝐭𝐨 𝐤𝐞𝐞𝐩 𝐭𝐡𝐞 𝐜𝐨𝐯𝐞𝐧𝐚𝐧𝐭𝐬 𝐡𝐞 𝐚𝐬 𝐦𝐚𝐝𝐞,
𝐡𝐢𝐬 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞 𝐢𝐧 𝐭𝐡𝐞 𝐛𝐫𝐨𝐭𝐡𝐞𝐫𝐡𝐨𝐨𝐝 𝐢𝐬 𝐚𝐬𝐬𝐮𝐫𝐞𝐝.

Et dans la mesure où il promet maintenant de garder les alliances qu'il a faites,
sa place dans la confrérie est assurée.


    Rome, chienne ! Tu m'as volé son temps! Maintenant où est-il, mon bel amant? Où est-il que je le déteste... Où est-il, que je le haïsse à la hauteur de tes foudres?


La bouche halète ses insultes muettes, happent l'air, empressant le palpitant. Là dans le creux de l'oreiller, Alphonse continues d'exciter tous les supplices. Délices de joies bonnes à souffrir. Le menton fier caracole, la main viole un tremblement au foutre récolté. Stérile moisson née d'une prière au Léthé. La plainte exorcisée déchire, magistrale, la gorge du chérubin qui arrache la tiretaine d'un geste fou. Défaisant l'aplat trop vide de cette couche trop faite, emportant de rage ces linceuls esseulés. Tourment s'est mué en colère, colère a expié sur les rives de la honte.

Qu'il a honte, d'être aussi... Enchiéné? Enchainé. Etouffé. Aussi lourd qu'une pierre inutile.

La complainte étire un peu son écho dans la chambre désertée, se moquant de la Tour, de la vie, de ses gens. Doigts essuyés chassent l'humeur larmoyante au creux d'une paupière atone, saisissant fermement un flagellant. Le dos se dénude à la hâte. Vite. Vite. Rejetant soutane souillée, retenant un sanglot qui perce tout de même l'ardente bouche blanche.

Nicolas pleure mais ne rompt pas, lorsque les verges de bouleau s'abattent avec violence sur sa peau. La clef est tombée de la serrure.


    J'appartiens à Rome maintenant, tu entends? Tu entends, il n'y a que Dieu pour me punir.


    Ordonné Homme, parmi les hommes.

_________________

Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Erwelyn
Amahir s'était refermé comme une huître à peine les premiers mots prononcés. Erwelyn le connaissait assez pour ressentir la chape de plomb qui venait de lui secouer les épaules, trop empêtré par ses propres peurs pour ne pas voir tout l'amour inconditionnel qu'elle lui portait. Pour celle qui ne connaissait pas l'ire et la piqûre de la jalousie, le spectre de cette dernière et les supplices infligés lui étaient incompréhensibles. A quoi servait de brider la liberté des corps sous prétexte d'appartenance ? Mais elle s'y était pliée, sans heurts, avec tout de même quelques interrogations dans la voix à chaque fois que le sujet avait été abordé. Pliée aussi car elle se savait insensible aux charmes masculins. Lui, était homme, pulsions battant forcément en son ventre, et Erwelyn lui avait laissé toute liberté pour prendre maîtresse, à loisirs. Il s'y refusait, morale accrochée et valeurs cramponnées aux tempes. Vexation aurait pu, tout aussi, emporter Corleone à la faveur de ses traits rabattus, mais l'espoir, cependant, la tenait encore. Ils devraient discuter, bientôt.

Balayée sa fierté mal placée d'avoir su mener à bien cette vente qui au départ n'avait eu que pour objectif de le rendre fier de son épouse. Pas un mot. Seule la pensée s'accrochait à ce prénom ravageur, ramenant avec lui toutes les craintes du Phénix. Le pragmatisme s'était envolé pour laisser place aux mots froids, percutants et vifs, laissant Erwelyn un instant sans voix, comprenant en une douche froide pourquoi ce sentiment d'inconfort lui tenaillait le ventre depuis des jours.


Moi, j'y crois.

Et c'était bien là toute leur différence. Erwelyn avait toujours eu tendance à considérer la vie comme un grand puzzle complexe fait d'interconnexions, l'abordant à travers un prisme émotionnel à la recherche de sens profond. Lexhor, à son altérité, était le représentant de la tradition et de l'ordre, utilisant sa compréhension du bien, du mal et du socialement acceptable pour rassembler famille et mesnie. Doté de valeurs traditionnelles, ces dernières assuraient sa cohésion et sa stabilité. Un coup de pied dans la fourmilière envoyait alors tout valser, le replongeant dans ses vieux démons et le détachant de son rationalisme. De manière empirique, il réitérait ce qui l'avait souvent conduit à sombrer.

La douceur habituelle de la princesse, pourtant, n'arrivait plus à refaire surface. Sentiment mêlé d'incompréhension et de colère prenait le dessus, la laissant bouillonnante alors que sa question venait de lui piquer l'oreille. Mâchoires serrées, ses prunelles se fixèrent dans celles de son époux, y jetant tout son courroux. Il ne lui faisait pas confiance et doutait de son amour, voilà tout ce qui apparaissait à ses yeux maintenant, et cela la blessa plus que tout au monde. L'entretien, court, serait houleux, à n'en pas douter, alors que déjà se dessinait la silhouette du faune, là, à quelques pas.


Rien, qu'attends-tu donc que je te dise ? De toute façon, rien qu'à l'énoncé de ce prénom, tu as déjà pipé les dés et décidé de l'épilogue. Tu ne me fais pas confiance, c'est tout ce qui j'y entends, moi.

Si la relation du couple princier était d'une nature tranquille et sans nuage, c'était sans conteste ces discussions là qui déclenchaient le plus de joutes verbales, acides, et laissant un goût amer en bouche. Celle-ci sentait exceptionnellement le souffre car réalité venait percuter la fiction. Comment rajouter à cela ses envies de voyage, que Corleone souhaitait aborder avec lui dès son retour ? Plus tard, pas maintenant, une chose à la fois, songea-t-elle, glacée de la rencontre qui aurait lieu dans quelques secondes. La main revint dans son giron, lâchant celle de son époux alors que les trois silhouettes étaient maintenant réunies. Un silence de plomb régna en maître pendant une poignée de secondes, brisé par la voix d'Erwelyn, narines frémissantes de ce face à face.

Ai-je besoin de vous présenter ?
_________________
Lexhor
L'attitude d'Erwelyn lui paraissait de plus en plus étrange. A quoi pouvait-elle s'attendre en lui faisant ce récit et en le mettant devant le fait accompli. Il pensait qu'elle le connaissait assez bien pour savoir qu'il ne pourrait être jouasse à l'idée qu'elle ait intrigué dans son dos. Et elle semblait, qui plus est, en colère de le voir avec la tête des mauvais jours. La meilleure défense est l'attaque, une manœuvre vieille comme le monde. Elle était donc la victime de l'histoire. Victime du hasard et d'un époux jaloux, abrupte et trop étroit d'esprit, empêtré dans de vieux principes désuets. Elle ne devait sans doute pas si bien le connaître qu'il le pensait, car s'il tenait beaucoup à la fidélité aux serments prononcés, il n'était pas un époux volage car il ne désirait aucune autre femme que son épouse qui le comblait à tout point. Il croyait, en réalité, en quelque sorte, en l'âme sœur. Étrange mièvrerie pour un homme dont l'occupation préférée était d'enfoncer des crânes et de trancher des membres, quelques qu'ils soient.

Ses yeux se perdirent dans le vague alors qu'il écoutait les reproches dont il faisait l'objet de la part de son épouse. C'était sans doute l'une des rares fois où elle semblait sérieuse, bien loin de la légèreté dont elle faisait montre habituellement. Il l'avait senti dès qu'elle était entrée dans le grand salon, apportant avec elle une noirceur jusque-là inédite. Bien plus que le retour d'un ancien amant, c'est ce changement de comportement qui l'affectait le plus malgré les primes tentatives de la part d'Erwelyn de faire comme si tout allait bien.


Tu montes bien vite sur tes doubles poneys, je trouve. Et tu y entends ce que tu veux bien, ou peut-être, oserais-je le dire, ce qui t'arrange ?

Elle avait beau prendre les devants, c'est elle qui semblait avoir déjà décidé de l'issue de la conversation, par ses agissements et sa manière d'aborder et de présenter les choses. Dès lors, il savait qu'il ne trouverait jamais grâce aux yeux de son épouse et que son sort ne dépendait probablement plus de lui.

Tu ne t'es jamais occupée de nos affaires jusque là. Tu vends un de mes chiens sans m'en parler et, par le plus grand des hasards, c'est lui qui vient chercher la bête. Tu pourrais au moins me laisser le bénéfice de l'étonnement. Qui plus est lorsque tu l'héberges chez nous en mon absence. Mais tu préfères me jeter la pierre, fort bien. C'est toi qui me condamne sans jugement.

Il marqua une légère pause, ne comprenant pas bien ce qu'elle espérait de lui en lui racontant tout cela d'une manière aussi peu adéquate. Il avait toujours été fière d'elle et il l'admirait grandement. Elle n'avait pas besoin, pour cela, de vendre un chien.

Tu reviens à peine de très longs mois d'absence. Pardonne-moi d'avoir espéré autre chose pour nous deux que de devoir offrir l'hospitalité, à mon insu, à un ancien amant. Qu'attendais-tu de moi comme réaction de ma part en me mettant au pied dur mur ? Que je saute de joie et que je fasse préparer un banquet ?
Il n'y a rien avoir avec un quelconque manque de confiance de ma part. Tu m'as caché des choses volontairement et tu as agis dans mon dos. Et tu souhaiterais que je m'en réjouisse ? La confiance va de paire avec l'honnêteté. Tu aurais dû être franche avec moi. Quoi que tu en penses, tout aurait été bien différent.


Avant de se lancer dans un flot de paroles dont il pouvait être coutumier, il s'arrêta net, se pinçant l'arête du nez entre le pouce et le majeur. S'il avait épousé Erwelyn c'est parce qu'il ne se sentait jamais si apaisé que lorsqu'il était auprès d'elle et qu'avec elle, le conflit était quasi inexistant. Il inspira un grand coup, avant d'expirer lentement.

Qu'importe. Il n'y a pas mort d'homme. J'aimerais simplement que tu sois franche avec moi, bien que je t'aime trop pour supporter l'idée de devoir te partager. J'ai confiance en toi plus qu'en quiconque et ce n'est pas vers toi que ma défiance est dirigée. Je sais que cette idée t'as toujours parue idiote, mais ce n'est pas pour moi de simples préceptes à respect. Ce n'est que ce que je ressens au fond de moi. Tu ne dois sans doute pas prendre la mesure de l'amour que je te porte. Sans toi, je ne serais probablement plus de ce monde.

Il marqua une nouvelle pause, sentant qu'il allait de nouveau lui imposer un long monologue inutile. Sans doute n'était-il jamais arrivé à lui faire comprendre ce qu'il ressentait au plus profond de son âme et sans doute n'y arriverait-il jamais. Il respira à nouveau afin de reprendre une certaine contenance, plus digne du Prince qu'il était.

Trop occupé qu'il était comprendre ce qui lui arrivait et à s’épancher auprès d'Erwelyn et ne s'imaginant pas qu'il pouvait ne pas être en confiance chez lui, il ne s'était pas rendu compte que l'intimité de leur discussion privée avait été violé, sans doute depuis le début. Son regard se planta une nouvelle fois dans les yeux de sa femme, lorsque celle-ci lui asséna sa dernière réplique et alors qu'il se rendait compte qu'une silhouette approchait, secouant légèrement la tête, atterré par cette nouvelle trahison. Il comprit sur l'instant ce qu'elle entendait par "là". Ce n'était pas Orléans, c'était chez eux. Son regard ne nécessitait pas de paroles supplémentaires. Comment avait-elle pu lui faire cela ? L'entraîner dans une telle discussion sachant qu'elle serait écoutée par lui. Mais à quel jeu jouait-elle ? Il avait son lot d'emmerdes pour un bon moment et le seul moyen qu'il avait de s'en détourner était de se plonger dans le travail. Coupé par cette apparition imposée, il en oublia de lui parler des projets et des envies qu'il avait envie de partager avec elle. Du temps qu'il voulait partager avec elle avant qu'elle ne reparte d'ici quelques temps, probablement. Et surtout, de la durée de son séjour auprès de lui.


J'ai à faire.

Après tout, l'essentiel était dit. Il avait fait bel étalage de sa faiblesse et allait probablement perdre, malgré tout, la confiance de celle qu'il aimait. Si ce n'était perdre celle qu'il aimait, tout court. Mais il valait sûrement mieux qu'il prenne congé. Il n'aurait pas supporté de voir de l'animosité, de la colère, ou pire, de l'indifférence et de la froideur dans les yeux de l'amour de sa vie. Alors il tourna les talons et fit percé un tonnelet de vin.
_________________


Dernière édition par Lexhor le 07 Mai 2018 20:51; édité 1 fois
Alphonse_tabouret
Te souviens-tu de cette soirée où nous avions erré sur les berges de la Seine ?
Nous avions quinze ans et mon père était tellement ivre qu’il s’était endormi entre les cuisses de Marie à tout juste minuit. Paris suffoquait sous juillet et le bordel était désert malgré l’heure précoce ; ce soir-là, il faisait trop chaud pour monter sur quelles que putains que ce soit sans y fondre littéralement.
Nous sommes sortis, avons parcouru la ville, longé le fleuve jusqu’aux premières musiques qui perçaient, jusqu’à découvrir le bal qui frappait le sol de ses bottes sur la berge opposée. Le pont n’était pas loin, nous aurions pu traverser, nous joindre à la cohue, aviner bouches et chairs à quelques citadines égayées par l’alcool et les rythmes tambour, ravir quelques croupes avant d’en rire et de nous embrasser aux ombres de potron-minet…
Mais nous nous sommes assis, à l’exil, en face d’eux, bras de fleuve nous coupant d’un monde à portée de doigts, et nous y sommes restés longtemps, côte à côte à les regarder danser ; été foisonnait de vie et notre monde de secrets valait le leur jusque dans notre arrogante solitude.

J’ai eu peur.
Peur de le perdre, comme je t’ai perdu toi ; sans un adieu, sans un Je T’Aime.





Citation:
Faust,




Tu vis.
Cela semble dérisoire à écrire, comme ces évidences que l’on raille à la faveur de quelques prétentions quand il nous faudrait pourtant en célébrer chaque lettre, chaque syllabe : tu vis, tu respires, tu écris, tu es là.
Mémoire t’a entretenu à la flamme de chaque veillée. Tu y as eu tant d’existences que j’ai cessé de les recenser, moi qui tiens pourtant si justement les comptes ; tu as vécu dans les reflets du vin, t’es étiré dans d’ondines aubades, a posé tes dents parfois au voile des silences, a fermé les yeux sur ces journées trop longues et je jurerai, hier, t’avoir vu éteindre un sourire sur un minois de femme en y saisissant mon reflet.
Temps nous a trahis, s’est fait femelle et a enfanté tant d’heures sèches, tant de secondes creuses que j’en ai perdu parfois la raison, jusqu’à tes mots. Limos psychosée t’en remercie ; baume, ils viennent enfin repaitre la gueule vorace de mes inquiétudes et les assagit autant que les malmène. Ne lui en veut pas, son cœur tâtonne d’heureuses contradictions et le mien, païen à nos errances, en suit chaque mesure; colère m’a nourri quelque fois jusqu’à la satiété passagère des illusions, et crainte a éperonné le cœur a d’injustes remontrances. J’ai eu peur, Faust, au-delà du manque, au-delà des rancunières noirceurs. J’ai eu peur de te perdre, que Rome t’engloutisse et te tue sans même me laisser ficher à tes lèvres en guise d’obole, la soie d’une plume noire.
Je n’aime pas l’idée d’un monde qui ne nous retrouverait jamais, je lui préfère nos frontières de futaies.

Je sais que tu ne souhaites pas te rendre seul à Vésone, mais je te demanderai dans quelques jours, d’en ouvrir les fenêtres, d’y chasser Avril qui nous a éloignés et de laisser Mai y poser ses rameaux
Toi, je t’ai coiffé de parenthèses dès nos premiers courriers, et aujourd’hui, je veux que tu les portes en couronne de lauriers ; voilà, Faust, à quel point tu me manques, voilà à quel point je te réclame. La seule idée de te toucher bientôt, de sentir ta chaleur à mes doigts, ton souffle à mon cou et tes yeux, de retrouver l’auguste coupe de tes yeux, tes yeux si mouvementés qu’ils bercent à leurs étendues toutes les nuances dédiées à ma seule ferveur, me chavire et me tue.
Crâne Tendron, tu ne sauras jamais le nombre de noyades, le nombre de cercueils auxquels tu m'as glissé ces dernières semaines.


Ton courrier nous trouve sur le départ ; les tiens rassemblent leurs dernières affaires pendant que je t’écris. J’espère leur être de bonne compagnie comme ils le sont pour moi. Parmi eux, nous avons fait de la place ; Erwelyn et sa dame de compagnie nous accompagnent et feront route avec nous jusqu’à Périgueux.
Nous avons chargé il y a quelques heures à peine ton chien et ses colis à notre suite, et prenons route ce soir vers la proximité de Paris à laquelle j’ai souhaité faire bref détour ; Catalyna n’y a jamais mis un pied, Archibald a grand besoin de pousser les portes d’un bordel digne de ce nom et j’ai quelque chose à aller y chercher.

Considère ces quelques heures s’additionnant à nos carences comme l’anamnèse de mon orgueilleuse rancune ; maintenant c’est toi qui m’attends, c’est toi qui me guette, ce sont tes bleus qui désormais se diluent d’une discrète contrariété, tes doigts qui s’exaspèrent au bas de ce vélin, ta queue qui se fâche en pensant à mes reins.
Crée Pygmalion, modèle moi, dessine ton Muse au bout de tes mots. Rappelle moi auprès de toi, fais-moi courir, fais-moi regretter le ventre de Paris quand le tien me désire jusqu’au bois, dis-moi ce que je veux entendre, ce que je ferai semblant de ne pas savoir déjà. A tes tempes blondes, baise-moi cette nuit encore, encore, et encore ; baise moi jusqu’à ouvrir les yeux sur ton prieuré et te rappeler que ce que Dieu possède au soleil, j’en partage le règne à la première étoile.

Exige-moi.


Par cœur,
Alphonse.




A la route quittant les frontières orléanaises, les lèvres d’Alphonse s’accusent un pli songeur depuis la veille, flottaison tendre jetée en pâture aux houles qui constellent les pensées de chacune, car sur le chemin vert de Blois, femelles s’octroient le sceptre des bourrasques ; fugueuse à peine quittée digère l'embarrassement d’avoir été retrouvée avant même d’en perdre de vue la jolie silhouette, Sorcière aux neigeuses humeurs rumine d’amoureuses colères et Slave s’essaie au silence de l’introspection.
Il règne au pas des chevaux et des roues de la charrette, une harmonie d’étain ; sans un mot, Orléans est quitté au regard d’un Prince endeuillé.

L’on imaginera que c’est l’égoïste plaisir de la présence de Corleone qui apaise les reflets lassés parfois offerts ces derniers jours, ou le soulagement d’avoir retrouvée Dôn avant même d’avoir eu à prévenir Monseigneur de ses entêtements Isauriens. Peut-être est-ce la silhouette promise de Paris, ses tapages et ses mirages qui plaisent à Tabouret au point de le détacher, à moins que ce ne soit le plaisir du travail bien fait qui toujours le ravit; chien est en cage, prêt à garder les caves de l’église.

Qu’on imagine…


Fauve, tu t’empourpres ; à ton sein, pigments bleus ont dévoré la chair et l’on perçoit la cohue infernale des affres à venir.
Puisqu’à tes crocs l’on récolte le collier d’Artémis et le pouce de Venus, là, pose Memento ; tu dois être léger si tu veux te lever.

_________________


Dernière édition par Alphonse_tabouret le 07 Mai 2018 22:12; édité 2 fois











Citation:












































See the RP information <<   <   1, 2, 3   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)