Erwelyn
Les mots s'étaient écoulés comme une pluie d'orage, glaçant les os et plongeant l'esprit dans une nébuleuse étrange. Ils se fracassaient et tempêtaient à ses tempes, la laissant exsangue et sans voix, sans son qui ne puisse passer sa gorge. Erwelyn y entendait toutes les rancurs, tous les maux de son époux qui lui semblaient naître à l'orée de ses propres paroles, ses propres actes. Au temps suspendu se défoulaient les mercuriales, et il n'y avait guère que le silence pour les accueillir, absence de réaction totale du côté de l'alcide, prenant, avalant, analysant et digérant le flot ininterrompu venant se fracasser à ses oreilles. Coupable. Coupable de tout, pécheur qu'elle était de ne savoir dire et faire sans heurter le cur en miettes de son époux. Coupable si bien que les derniers mots, où il lui avouait tout, où la quintessence même de leur amour se trouvait là, se perdirent dans les limbes de son cur, égaré et impur. Silence pesant, avide de se nourrir des remords et des regrets, vint plonger l'atmosphère dans une enveloppe cotonneuse. Seule la sortie de l'Amahir brisa le tout, et les iris vrillèrent au sol, laminées. Dans son regard, Lexhor aurait pu lire une incommensurable tristesse de voir leur entente parfaite brisée comme on le ferait d'un miroir. En mille morceaux. Point d'animosité, point de colère. Point de froideur ou de rancur. Seul un sentiment coupable lui ployant le cur.
Lorsqu'il ne resta plus que le vide à observer, quand sa silhouette disparut de sa vision brouillée, Corleone reprit conscience de ce qui l'entourait. A ses oreilles bourdonnait la complainte du mari blessé. Coupable, coupable elle l'était, mais drapée dans sa dignité, menton haut et traits impassibles, prunelles se posèrent après de longues minutes sur Alphonse. Le sang italien coulant à ses veines la maintint à flot, visage fermé ne laissant transparaître aucune émotion. Pourtant faune connaissait ses mystères, ses traits voilés lorsqu'une pensée obscure la traversait, avait su lire en elle ses tourments et ses errances. Une voix blanche vint trancher le tout, couperet sonnant le glas de cette journée sans fin. Erwelyn n'avait jamais su faire dans la demi-mesure.
Demain, mes pas se mêleront aux vôtres. Maintenant, buvons, l'ivresse m'accompagnera jusqu'à l'aube.
Nuit blanche s'était transformée en nuit noire, et ce n'est que bien plus tard, à l'abri des regards, que le flot se mit à ruisseler sur les joues carmines. Coupable, coupable de tout, mais surtout, d'avoir été elle-même, sans fard et sans détour. Jusqu'au départ le lendemain, Corleone ne croisa son époux, laissant en suspend les explications tumultueuses sur un tapis de cendres fumantes. Pour la première fois depuis de longues années, les Amahir se quittèrent sans un baiser et sans même un regard en arrière, acculés à leurs propres certitudes.
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Lorsqu'il ne resta plus que le vide à observer, quand sa silhouette disparut de sa vision brouillée, Corleone reprit conscience de ce qui l'entourait. A ses oreilles bourdonnait la complainte du mari blessé. Coupable, coupable elle l'était, mais drapée dans sa dignité, menton haut et traits impassibles, prunelles se posèrent après de longues minutes sur Alphonse. Le sang italien coulant à ses veines la maintint à flot, visage fermé ne laissant transparaître aucune émotion. Pourtant faune connaissait ses mystères, ses traits voilés lorsqu'une pensée obscure la traversait, avait su lire en elle ses tourments et ses errances. Une voix blanche vint trancher le tout, couperet sonnant le glas de cette journée sans fin. Erwelyn n'avait jamais su faire dans la demi-mesure.
Demain, mes pas se mêleront aux vôtres. Maintenant, buvons, l'ivresse m'accompagnera jusqu'à l'aube.
Nuit blanche s'était transformée en nuit noire, et ce n'est que bien plus tard, à l'abri des regards, que le flot se mit à ruisseler sur les joues carmines. Coupable, coupable de tout, mais surtout, d'avoir été elle-même, sans fard et sans détour. Jusqu'au départ le lendemain, Corleone ne croisa son époux, laissant en suspend les explications tumultueuses sur un tapis de cendres fumantes. Pour la première fois depuis de longues années, les Amahir se quittèrent sans un baiser et sans même un regard en arrière, acculés à leurs propres certitudes.
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