Iaggo
Cela faisait déjà plusieurs jours quelle sétait barrée. La garce! Jamais je naurais cru quelle aurait mis ses menaces à exécution. Quand je lai renvoyé dans sa chambre pour méditer sur la façon dont elle me parlait, je ne pensais pas quelle aurait pris la poudre descampette à la première occasion. Je lai cherché pendant des jours à Montmirail. Jai questionné le pelé et le tondu qui y reste et personne ne la vu partir. Pas un mot, pas une lettre, pas même un indice qui puisse mindiquer où la retrouver. Le lendemain, jai fait les villages environnants. Jai posé je ne sais plus combien de question. Jai perdu mon temps précieux à cause de ses caprices de petite fille gâtée. Jaurais dû la rosser au lieu de la houspiller. Ça aurait été plus efficace. Et voilà quaujourdhui je reçois ça.
- La saloooooope!
Cette lettre
Nimes. Mais elle se fout de ma gueule en plus? Elle na pas croisé dhomme? Cest déjà ça. Pourtant je parie que ce nest pas faut davoir essayer. Bon sang! Mais elle a quoi à vouloir tous les allumer? Profite petite soeur. Profite du temps quil te reste avant que je ne te mette le grappin dessus. Ça ne va plus tarder.
Les morceaux de missive trainent éparses sur le sol. Le mur de torchis a encore la marque de mon poing quil a rencontré lorsque jai ouvert sa lettre. Prendre la plume? Moi? Ça nest pas mon truc. Elle le sait. Dhabitude, cest toujours elle qui écrit quand on en a besoin. Ah, elle la mérite sa raclée!
Citation:
Montmirail, le 31 mars 1466
Nîmes? Mais quest-ce que tu fais à Nîmes? Le pays dOc est rempli de tarés qui ne pensent quà abuser des petites filles naives. Tu ne bouges pas de là. Tu as assez fait de bêtises comme ça. Je prends la route et je file vers Nîmes. Sil y a un homme qui te touche, je le tue. Tu ne tapproches pas deux, tu évites les tavernes, tu évites les fonctionnaires, tu évites les moines qui nont pas vu de filles depuis longtemps, Tu te tiens tranquille et tu mattends.
Jespère au moins que tu as assez décus pour manger. Sinon, je tenvoie une lettre de change. Je ne connais personne dans cette ville, alors va falloir que tu assumes tes folies le temps que jarrive.
Écris-moi tous les jours. Je veux avoir de tes nouvelles une fois par jour.
Iago.
Lui dire que je suis inquiet pour elle? Que jai envie de la serrer dans mes bras pour lui faire comprendre que je ne veux plus jamais quelle sen aille comme elle la fait? Elle peut toujours courir! Nîmes
mais quest-ce quelle est allée faire à Nîmes? Mais quoi quelle fasse, ça reste ma soeur. Elle lest et elle le restera toute ma vie et le premier qui la touche, je lécrabouille.
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Iaggo Elle avait obéi. Elle en faisait toujours à sa tête mais elle avait obéi ou presque. Cétait la troisième lettre que je recevais de sa part depuis quelle avait enfin daigné donner des nouvelles. Son insolence mavait laissé dans un état de frustration indescriptible. Elle avait osé défié mon autorité, celle que me conférait le statut de grand frère. Oui, je sais, cest un statut quelle contestait mais de toute façon, elle contestait tout. Jumeaux nous étions et Mère avait toujours prétendu que jétais lainé, que jétais venu avant elle. Mais ça aussi, elle ne voulait lentendre. Elle disait que jamais elle naurait laissé un mâle lui passer devant. Ça, vu comment elle se comporte aujourdhui, je veux bien le croire: elle nhésite jamais marcher en tête pour montrer son cul à ceux qui la suive, pour les faire tous baver à chaque fois quils posent leur sale petit regard lubrique sur ses fesses. Ventre-Dieu! Je leur foutrais bien la raclée à tous lorsquelle fait ça, elle y compris.
Cest vrai, je naimais pas écrire. Ça aussi, elle le savait et pourtant, il fallait encore quelle me nargue. « Tes toujours partisan du fais ce que je dis pas ce que je fais. ». Tu le sais mais il faut que tu le fasses remarquer. Tu pousses le bouchon toujours un peu plus loin, tu cherches à voir ce qui va me faire réagir, ce que je tautorise à faire, jusquoù tu peux aller sans que je te réprimande. Cest ça que tu cherches Indra. Il ny a aucun doute, tu fais ça avec tous les hommes. Ensuite, tu rejettes la responsabilité sur les autres.
Tes mots me font rager, tes lettres finissent par se consumer dans le feu une fois que jen ai pris connaissance mais au moins elles me disent que tu vas bien. Jose croire que tu ne me caches pas déventuels problèmes. Quand au reste, si jamais tu tes tapé un homme, tu as intérêt à ce que je ne le sache pas. Jamais. Sans ça, tu le sentiras passer et lui, je lui réduirais lentrejambe en bouillie pour quil ne touche plus aucune femme, pour quil nait même plus envie, pour quil vomisse toutes ses tripes rien quà imaginer une donzelle cherchant à laguicher.
Elle bluffe ou pas? Elle va vraiment prendre la route sur un chemin où les autorités ont détecté la présence de brigands? Ou elle cherche juste à me faire sentir mal? A lui écrire les mots « Je regrette. Jai été trop loin. Pardon » ? Bordel de garce! Elle sait que sa phrase allait me faire cogiter parce que sil lui arrive quelque chose, oui je la vengerai mais jaurais aussi ce foutu sentiment de culpabilité envers elle. Rhaaaa! Pourquoi je suis encore bloqué à Montmirail? Il arrive quand ce cheval? Avec tout ça Indra, tu as même réussi à me couper toutes les envies. Même la jolie servante qui me fait de loeil avec son décolleté avantageux et qui me glisse au creux de loreille ses interrogations sur la taille de ce que jai entre les jambes, ouais même à elle je ne lui ai pas ouvert la porte de ma chambre! Alors quitte à ne pas dormir.
Citation:
Tu ne bouges pas.
Cest un ordre.
Iago
Tu me manques petite soeur. Prends soin de toi.
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Iaggo Ça y est, lheure du départ était enfin arrivé. Je nai aucune idée du temps que durera la vieille carne quon mavait vendu en échange de quatre-vingt dix pièces dor mais il est hors de question que je reste un jour de plus à Montmirail. Cela faisait assez de temps quon était séparé elle et moi, assez de temps quelle était loin de mon influence. Sans moi, elle va se fourvoyer. Elle va faire des bêtises quelle regrettera toute sa vie. Jamais elle navait été capable de prendre une décision censée par elle-même. Cest une écervelée qui ne pense quà prendre du bon temps. Oh ça, pour écrire, elle est bonne, ya pas à dire. Gratter le papier elle sait le faire si je lui dicte quoi écrire. Je vous parie une bourse pleine décus et une soirée avec votre femme quelle na même pas mangé tous les jours depuis le début de sa fugue. Ah mais ça, elle sera trop orgueilleuse pour lavouer. Ça nest même pas la peine que je lui pose la question, ce foutu orgueil de femme lui intimera lordre de nier tout en bloc.
Combien de temps se passera t-il encore avant que je puisse la retrouver, la prendre dans mes bras pour sentir à nouveau sa présence, mabreuver de ses émeraudes resplendissantes, poser mon front contre le sien et terminer par lui offrir la gifle quelle mérite pour sous insolence. Si jarrivais à marrêter là, elle serait chanceuse. Seulement voilà, je sais déjà ce quelle va faire: Elle va poser sa main gauche sur mon torse, elle va entortiller son index dans ma barbe. Elle va me regarder avec ses yeux de chatte en mode séduction et elle va me dire de sa voix la plus mielleuse : « Tu me pardonnes ? ». Je la connais comme si je lavais fait et si elle navait pas été ma jumelle, jaurais pu croire que javais engrossé ma propre mère pour quelle vienne au monde.
En parlant de grosse, jespère quelle na pas joué à la conne avec ça.
Citation:
Montmirail, le 5 avril 1466
Je me barre de cette ville perdue ce soir, direction le sud.
Si je perds mon temps à te chercher, sois sure que tu vas le regretter.
Parait quil ny a que les cons qui néchangent pas de vit? jespère que le tien na pas reçu de visite pendant mon absence. Sans ça, je te jure que je tenvoie chez les nonnes refaire ton éducation.
Ton ainé.
P.S: Tu pensais à où quand tu parlais de carrer mon ordre?
Ventre-Dieu! Pourquoi a t-il fallu quelle soit sa soeur? Jai beau la corriger comme il le faut, elle ne comprend rien à rien. Peut-être que je ne la frappe pas encore assez fort pour que mes « conseils » entrent dans sa tête. Ou peut-être que je devrais la faire la battre par autrui pour que ça lui fasse quelque chose. Jen suis même à me demander si elle ne prends pas plaisir quand je la corrige.
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Iaggo
Oui, ils étaient jumeaux. Aussi étrange que cela pouvait paraître en les regardant: il était grand et bâti comme une montagne, elle navait rien des matrones italiennes qui vous décochent une mandale à vous faire valser le dentier dans la souplette. Ils navaient pas la même taille aussi. Il était aussi masculin quelle pouvait être féminine mais ils avaient la même couleur de cheveux, les même émeraudes dans les yeux, le même étirement des lèvres pour exprimer la satisfaction. Le côté sauvage de leur famille transparaissait chez lun et lautre et sexprimait autant au travers de leur façon de parler que dans leur non-verbal. Oui, ils étaient jumeaux. Elle nétait ni sa cadette ni son ainée même sil revendiquait toujours sa primauté pour la taquiner. Ils étaient jumeaux mais surtout elle était la chose la plus précieuse quil avait au monde. Chose? parfois oui. Parce que cette expression illustre bien les rapports complexes qui existaient ente Indra et Iago.
Au fur et mesure quil avançait vers le sud, la colère sapaisait. Enfin, elle avait des hauts et des bas mais le principal était quelle convergeait vers la clémence. Iago navait pas un caractère facile et même certaines de ses qualités se teintaient de ses défauts pour alimenter son mauvais côté. Indra, cétait sa soeur chérie, son tout, lêtre quil révérait presque et dont il prendrait soin toute sa vie. Quand il sagissait de sa soeur, Iago devenait cet être extrême qui était dans ses gènes: jaloux, possessif, surprotecteur. Personne navait le droit de jeter son dévolu sur SA soeur. La regarder, pour lui cétait la déshabiller du regard, lui sourire, cétait la prendre contre un mur. Quand elle sécartait de lui, elle était en danger. Enfin
selon sa propre analyse de la situation. Elle ne pouvait pas partir une demi-journée sans quil ne sinquiète pour elle. « Petite soeur chérie » ne pouvait avoir de vie en dehors de lui, cela il ne laurait pas conçu. Le matin, si elle était déjà habillée quand il se levait, même sen rendre compte leffet mimétisme le poussait à se vêtir de manière coordonnée à Indra. Si cest lui qui était le plus matinal, il tiquait lorsquelle dépareillait.
Chateauroux venait dêtre dépassé. Il nescomptait pas de nouvelle delle avant quelques jours mais ne pas la trouver dans les rues des ville traversées lagaçait quand même et sa déception lui donnait envie de la gifler. Et puis, le manque reprenait le dessus et ses sentiments négatifs sapaisaient. Oh oui, elle lui manquait. Il avait besoin de se rassurer, de la prendre dans ses bras, de constater de visu quelle allait bien, de reprendre son rôle de frère protecteur quil ne pouvait plus assurer depuis sa fugue. Selon les périodes de la journée et les humeurs masculines qui variaient, il imaginait leur retrouvailles violentes, sauvages ou amicales. Il pouvait passer dune gifle ferme à un étouffement de ses gros bras pour lui signifier combien il était heureux et soulagé de la retrouver elle, indra, sa soeur jumelle, sa raison de vivre, son tout. Peut-être après tout quil abandonnerait les gifles au profit dune simple fessée juste histoire de se soulager la main? Ou peut-être encore quelle réussirait à l amadouer de son regard de velours.
Citation:
Chateauroux, le 10 avril 1466
Tu me manques petite soeur.
Iago
Il najouta rien dautre. Cela suffisait, elle savait lessentiel. Il ne voulait pas en dire plus, il devait rester le grand frère protecteur, celui qui décide pour eux deux. Et puis, elle savait quil naimait pas écrire alors autant en profiter pour ne pas semmêler dans des explications compliquées.
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