Iginia
[Iginia & Audrey]
- Heureusement pour la musicienne quelle a eu la présence desprit de rester hors de portée de la pirate. Parce que cest un sifflement furieux qui séchappe de ses lèvres. Elle, être dans les rangs des
corsaires ?! Linsulte, parce que cen est une, lui donne une brusque envie dattraper son poignard et de le brandir sous le nez de la blonde. Au lieu de quoi elle serre les dents et darde sur elle un regard glacial.
« - Ne me traite pas de corsaire ! » crache-t-elle sèchement. « Les corsaires sont des couards, des faibles qui pleurnichent dans les jupes dla royauté et sprennent pour de grands forbans. Je suis une pirate. Une pirate, tu comprends ? Pas une foutue corsaire. »
Son regard se fait un peu moins dur face au sourire de lignorante, qui continue de lui parler de la chanson. Au moins, elle a touché presque juste. Les hommes comme elle, comme le dit lartiste, sont ceux que lon pend, pour les punir de piller des navires. Iginia boit ses paroles, découvrant avec étonnement linterprétation quelle en fait. Pour elle, la chanson revêt une toute autre signification. Sa voix sadoucit lorsquà son tour, elle reprend la parole.
« - Jdevrais finir pendue, tas raison. Jai connu des hommes qui lont été. On a chanté lArbre du Pendu en leur mémoire. Mais notre version na pas lair de correspondre à la tienne. »
La Salée inspire et décrispe ses muscles un à un. Elle ne va pas égorger quelquun qui vient de la traiter de corsaire. Ce nest pas la faute de lAnglaise si elle ne sait pas distinguer les couards des pirates. Son regard vagabonde un instant à la surface de leau, dans les malicieux volutes de vapeur, le temps de rassembler ses mots. Cest linstant que choisit une voix de femme pour demander à la musicienne de sapprocher. Cest lautre blonde, celle qui sest planquée dans une alcôve un peu plus loin. Iginia relève légèrement la tête et jette un regard noir à la femme qui ose interrompre ses échanges avec lartiste.
« - La musicienne a déjà une cliente. Attendez votre tour. » lance-t-elle avec sécheresse.
Puis les prunelles grises, vaguement vertes, reviennent se poser sur la fille au luth.
« - Ne me fais pas dire cque jai pas dit. Ta chanson ma plu. Ta musique aussi. Tu es douée. Si tacceptes de me jouer encore un morceau, jte file quelques pièces. Et jtexplique cque veut dire lArbre du Pendu, pour moi, et pour les pirates que jai connus. »
La pirate fixe la musicienne avec insistance, attendant sa réponse. Et, pour appuyer ses dires, elle tend un bras vers ses vêtements encore entassés par terre, à la recherche de ses écus.