Gauchet
Eyquem a écrit:
Et bien, l'occident ça désigne toujours l'ouest. C'est le côté du ciel où se couche le soleil. La gauche si tu regardes une carte. Du coup, la Guyenne Occidentale, c'est la partie Ouest de la Guyenne. Celle qui a les pieds dans l'eau si tu veux. Enfin celle qui donne sur l'océan.
Tu connais l'océan ? L'océan, c'est la vaste mer où se couche le soleil.
Et à l'inverse, la partie Est de la Guyenne, s'appelle la Guyenne Orientale. Du moins géographiquement, parce que concrètement, concernant Montauban, par exemple, on parlera plutôt de la Guyenne toulousaine ou languedocienne ou cathare.
Tu habites où, toi ?
Et le gamin de réfléchir, bouche bée, devant les explications de l'homme en face de lui qui avait l'air d'en savoir beaucoup. Mais alors vraiment, vraiment beaucoup plus que lui.
Je comprend rin à vot' truc. Chez moi ya une graaaande mare avec pleiiiin de canards, et même des fois un cygne, et où on a souvent les pieds dans l'eau mais c'est là ou que le soleil brille quand moi z'me lève. Enfin sauf quand ya pas d'soleil. Après quand le soleil il est pas là il est p't'être là où que vous dites qu'y se couche, mais moi z'ai zamais vu d'eau là ou qu'y s'couche.
Bah z'habite chez moi, m'sire ! Enfin chez ma grand-mère, pasque mon papa qu'z'ai zamais vu y parait qu'il a été méchant avec ma maman en lui f'sant des trucs que z'ai pas compris et que du coup maman elle a été brûlée sur un bûcher par un gros messire en robe blanche pasque elle m'avait eu pas dans un mariaze, mais z'ai pas tout compris ce que m'a raconté ma grand-mère mais c'est pour ça que z'habite avec ma grand-mère qui fait des super confitures de groseille qu'on étale sur l'pain qu'elle fait cuir dans un four en même temps que les navets pasque ça la fatigue de faire un aut' feu zuste que pour des navets et qu'en plus le bois il est trop cher et que du coup il faut pas trop en faire brûler même si ça réchauffe quand y fait froid l'hiver mais en ce moment ça va un peu mieux y fait un peu moins froid et chui content qu'y fasse moins froid.
Le gamin souriait, fier d'avoir pu répondre au messire.
Merci m'sire ! à Hubert qui venait de lui refiler un pourboire.
Beaba Bonjour bonjour
Béa sort deux pièces de sa bourse en les écoutant d'un air distrait.
Tenez, moi aussi je veux un journal.
Béa, qui ne perd pas le nord, commence à feuilleter.
Ah, mais y'a même des dessins.
Et des hommes nus en plus!
ça c'est chouette!
Gauchet
Gauchet criait toujours ses phrases vendeuses de sa voix un peu aigüe, gesticulant à qui mieux mieux tout en prenant garde de ne pas tomber de son tabouret.
Le Pilori ! Aaach'tez l'Pilori ! Si vous l'faites pas vous risquez d'le r'gretter toute vot'vie ! Et pis moi z'vais m'prendre une raclée si z'vend pas tout alors ach'tez l'Pilori !
Il sentit soudainement des petits coups sur son épaule. Il se retourna et tomba nez à nez avec une femme qui était arrivée sans rien dire. Grand sourire.
Oh... z'êtes zolie vous. Vous voulez quoi zolie m'dame ? Un zournal ? C'est deux écus m'dame.
Il tendit à la zolie m'dame un journal.
Gauchet
Quatre écus ! Whaaa. Le gamin en avait les yeux qui brillaient, et pas uniquement parce qu'il y avait devant lui une « zolie m'dame ». Avant de comprendre que les pièces n'étaient pas pour lui. Grosse tristesse.
Oué bin en fait vous êtes pas si zolie que ça m'dame de m'donner des sous qui sont même pas pour moi m'dame alors que moi ze travaille dur pour vous vendre tous ces zournaux et c'est pas zuste, pasque z'ai pas le droit de partir tant que z'ai pas tout vendu et que si z'ai pas tout vendu on va me « dire ma rat'lée » comme m'a dit le m'sire qui m'a donné tout ça à vendre alors qu'moi et ma grand-mère on a pas beaucoup d'sous alors que si vous voulez donner des sous à cui qu'a écrit ça il avait qu'à v'nir ici pour les vend' lui-même et en fait vous êtes méchante et z'vous aime pu et partez sinon z'vais pleurer pasque vous étes méchante.
Le gamin de la regarder, la larme à l'oeil.
Alfred555 Alfred qui promenait et prenait le soleil sur la place publique, fut attiré par des espèces de cris un peu aigus et pas très agréables parlant de... il ne savait trop quoi. S'approchant, il vit un drôle sur un tabouret avec une pile de paperasses. Il avait l'air de se prendre la tête avec... ah ben comme par hasard ! Lantana !
Bonjour à vous deux. Lantana, ne martyrisez pas comme ça ce pauvre garçon qui ne fait que son travail. Il a encore tant à apprendre. Faites preuve de bonté envers lui, il vous le rendra peut-être plus tard. Je vais vous montrer comment on s'y prend.
S'adressant au garçonnet :
Mon garçon. Donne-moi un exemplaire de ton papelard. Voici deux écus, et trois autres pour toi. Il faut bien l'avouer, elle n'est pas commode tous les jours, et là elle a encore dû se prendre le chou avec on ne sait trop qui avant de venir. Faut l'excuser.
Remerciant le gamin, il se met à lire, en riant tout d'abord de grand coeur. Puis en s'étranglant, réalisant qu'un chapitre lui était consacré. Il parla vivement, pleinement énervé :
Mais qu'est-ce que c'est que cette fichue feuille de chou ?! Qui a osé écrire toutes ces insanités ! Je peux vous dire qu'il y en a un qui ne verra pas le prochain lever de soleil !
S'adressant à nouveau au gosse, en colère :
Dis-moi qui t'a embauché pour vendre cette immondice ! Et puis d'abord, rends-moi les pièces que je t'ai données en plus ! Tu n'as pas honte de faire une si basse besogne ?! De travailler pour de si viles personnes ?! Tu devrais plutôt rester aux champs à cultiver tes carottes, petit sacripant ! Foi d'Alfred, ça ne se passera pas comme ça !
Alfred pestant, râlant et gesticulant bruyamment, n'avait pas vraiment l'impression d'attirer l'attention de toute la place.
Gauchet
La dame s'en allait lorsqu'un grand dadais s'approcha et entama direct la conversation. Il se la pétait quand même un peu celui-là. Voyant qu'il prenait sa défense, Gauchet se mit à faire un grand sourire en hochant de la tête, et son visage s'illumina lorsqu'il lui tendit trois pièces en plus, qui seraient pour lui et rien que pour lui. Pas comme la dame, il était sympa, lui. C'est alors que l'homme s'énerva, et le morveux ne comprit pas pourquoi au début. Et voilà que maintenant, le type voulait qu'il lui rende les pièces qu'il lui avait donné. Il ne manquait pas de culot !
Heu nan mais donner c'est donner, r'prendre c'est voler. Vous voulez vraiment que ze crie au voleur m'sire ? Z'êtes encore plus méchant qu'la dame à côté, vous.
C'est alors que le messire qui s'énervait dit son nom. Gauchet réfléchit un instant. Il ne savait pas lire, mais on lui avait lu le journal avant de le lui donner à vendre.
Alfred !
Le mioche se mit à rire. Puis à crier à la ronde.
Eeehh ! Ya le m'sire qu'a des fayots et des râteaux qu'est là ! Et il est pas conteeeeent et il est tout rouge et y râle !
Le morveux de rire de plus belle, encore plus fort, avant de descendre du tabouret et de se rouler par terre de rire.
Alfred555 Mais de quoi se mêlait-elle ?! C'est lui qui se faisait allumer dans ce fichu journal, pas l'avocate ! Il fallait toujours qu'elle ramène sa fraise là où on n'avait absolument pas besoin d'elle ! Et voilà qu'elle se mettait du côté du drôle... l'ingrate.
Ne commencez pas à prendre sa défense, Lantana ! Nous ne sommes pas à l'audience, où je sais que vous avez à coeur de défendre la veuve et l'orphelin contre l'injustice, mais au beau milieu d'une place publique ! Et c'est moi qui suis ici victime de fausses accusations, toutes plus viles les unes que les autres. Pas ce mioche ! Il est de ce fait bien complice de cette entreprise de torchons visant à me rabaisser et à m'humilier !
Il froissa le journal, le jeta à terre. Imitant Lantana, en faisant des mimiques et essayant d'imiter sa voix, bien que restant énervé :
Il n'est que l'innocent distributeur... gnagnagna... Il n'est même pas sûr qu'il sache lire... gnagnagna... il ne connaît pas le contenu de ce qu'il vend... gnagnagna...
Reprenant sa voix normale, disons sa voix masculine vu qu'il est toujours bel et bien en rogne :
Il m'a tout l'air de bien en connaître le contenu ! Vous voyez bien qu'il se moque ouvertement de moi, là, se roulant par terre ! Et voilà qu'il appelle la populace à venir me regarder, comme si j'étais une bête de foire... Sale gosse, va ! Si j'étais ton père, il y a belle lurette que je t'aurais déjà infligé une belle correction !
À la question de Lantana, fatalement il se calma, bien moins à l'aise. Bégayant à peine :
Ce qui me met le plus en colère ? Eh bien... le passage à la fin, là... où l'on sous entend que... heu... dans les ragots... où il est écrit que vous avez repoussé mes avan... heu... L'histoire des impôts, bien évidemment !
Qu'avait-elle avait encore bien pu imaginer ?!
Gauchet
Gauchet s'était un peu calmé de son fou rire, et relevé. Il eut de nouveau les yeux qui brillèrent agrémentés d'un large sourire lorsqu'une autre jolie dame lui acheta un journal en lui offrant un pourboire. Encore un ! C'était le début de la fortune !
Merci m'dame. Vous êtes zentille vous au moins.
Il rangea les pièces dans sa poche à pourboires et se tourna ensuite vers Alfred qui faisait moins le malin, d'un coup. Il ne se la pétait plus du tout, semblait plutôt gêné face à la dame - celle qui était pas si gentille que ça, mais quand même plus gentille que le grand dadais - et avait vraiment perdu de sa superbe. Mais pourquoi donc ? Ah ben oui, c'était logique...
Ouhlala, il est a-mou-reu-heux ! Il est a-mou-reu-heux...
Le gosse se remit à rire avec grand bruit.