Iaggo
- Veiller.
Le calme après la tempête, celle qui avait surgi brusquement ce dimanche soir et qui avait ravagé une partie de Limoges. Oh non, pas toute la ville, pas même un quartier entier. Juste une maison, celle dune femme fraichement installée dans la ville.
- Prendre soin delle.
Elle lui avait dit quelle avait froid. Le colosse jeta un regard vers la porte fermée autant quelle le pouvait encore. Bloquée par une chaise, de guingois par rapport au cadre, elle présentait aux occupants sa plus belle face. Dici on naurait pu croire que le charpentier qui lavait fabriqué était saoul quand il lavait travaillé ou plutôt que les charnières du forgeron étaient de piètre qualité. Deux faces, deux réalités: lextérieur témoignait de la violence de la tempête. Au centre de la pièce, au sol, gisait celle qui était responsable de tout cela: une hache. Sa hache, celle qui avait fait voler toutes ces éclisses de bois, celle qui avait testé la qualité des charnières du forgeron et gâcher le travail du charpentier.
- Se remémorer.
Dans le calme revenu de la petite bicoque délabrée de la capitale, les souvenirs revinrent hanter le jumeau. Comment cela était-il arrivé? Alors quIndra dormait près de lui, la scène se rejoua dans sa tête. Une fois de plus. Ce jour-là, il avait trouvé un artisan pour aiguiser sa hache. Cétait le fou la veille qui le lui avait fait pensé avec les chuchotis adressés directement dans le creux de loreille de sa soeur. Quand au maire, il lui avait lautorisation de se faire justice par lui même pour tout ce qui concernait les affaires familiales. Comprenez par là la protection dIndra. Son poing aurait suffit à casser le nez de nimporte quel homme trop avenant avec elle. La hache amenait un effet dissuasif supplémentaire.
Tout était parti de ce concours de minage quIndra avait gagné et du fait que ce soit une femme qui le gagne. Pour le colosse quil était, le minage était un travail fatigant, requérant une force importante. Cétait un travail dhomme avant tout. Si la mine était accessible aux femmes, cétait surtout pour y accomplir des tâches de soutien, pas y extraire la pierre ou le métal des entrailles de la terre. Lautre là-haut avait sans doute eu envie de tester ses enfants. La conversation avait dégénéré entre les jumeaux au point quIndra sétait détournée de celle-ci pour sadresser au maire de la ville, portant la discussion ailleurs. Iago navait pas apprécié: la boule de neige qui avait dévalé les pentes de cette échange venait de provoquer lavalanche tant crainte. Indra quitta la taverne, excédée. Iago lui emboita le pas, bien déterminé à régler comme il se devait ce quil appelait « ce manque de respect fraternel ». Le maire tenta bien de len dissuader mais se mêler des affaires de famille dIndra et Iago nétait pas une bonne idée. Cest que le colosse fit comprendre au premier fonctionnaire de la ville.
Dans les rues de Limoges, un Iago furieux, la hache à lépaule poursuivait la jolie blonde, scandant son nom sur un ton qui ne souffrait daucun doute quand à la nature houleuse des sentiments qui lanimait. Il avait sans doute réveillé un bon nombre de limougeauds sur son passage et il nen navait même pas conscience. Comme la tempête qui gronde au loin et dont on sait quinexorablement elle nous frappera, il arriva devant la demeure de sa soeur. Les vociférations quil déballa augmentèrent sa fureur. Elle était là et il le savait. Elle lui avait répondu. La porte close était une insulte supplémentaire quil ne pouvait tolérer. Obtempérer ou laisser la haine de son frère faire le travail, tel était son choix. Un choix? Vraiment? Ce soir, il la battrait. Quoi quil puisse désormais se passer, il la battrait pour lui avoir manqué de respect. Ce fut à coups de hache pour faire céder la porte quil se fraya un chemin jusquà elle, éclisses de bois volant au gré des gestes ravageurs. Il entra et
- Prendre soin delle et réfléchir à tout ceci.
Oui, la tempête sétait apaisée. Les bras bandés dindra témoignaient de la violence de la soirée, la porte aussi dailleurs. Dans le silence revenu de la nuit, le colosse réfléchissait. Sa soeur chérie, la chose qui comptait le plus au monde à ses yeux, récupérait. La journée avait été joyeuse, la nuit affreuse, dure, extrême. A ses côtés, il la veillerait. Il sassurerait quelle ne manque de rien, quelle na besoin de rien de plus. Elle était sa soeur chérie, il était son frère protecteur. Cétait son rôle de veiller sur elle et il ne le faisait pas seulement par obligation. La nuit, quand on na pas grand chose à faire, la noirceur et le silence incitait à la réflexion. Iago ne dérogeait pas à la règle. Oui, il était grandement responsable de ce qui venait de se passer mais était-il le seul? Vraiment? Le seul?
*: Toi aussi ma soeur : toute référence à Brutus et à son papa serait bien entendu purement fortuite, Indra n'ayant pas de ressemblance avouée avec le fils du vieux Jules.
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