Axelle
*Jules Renard
Labrit l'avait laissée songeuse, silencieuse, et meurtrie. Bien plus profondément que dans sa chair même. Bouillon, bien plus que la blessure d'une sombre épée adverse, l'avait laissée par terre. Durant ces longues heures à ressasser en observant la toile de tente onduler faiblement sous les caprices du vent, elle avait regretté plus d'une fois que l'offensive épée ne soit plus habile et finisse proprement son ouvrage. Sans bavure. Lui épargnant, sans l'épargner, des événements qui chambouleraient sa vie. Pourtant, comme à chaque foi qu'elle pensait ne plus avoir la force de se relever, ou du moins ne plus en avoir l'envie, des visages se penchaient vers elle. Et en ces visages, en ces sourires, en ces attentions, elle puisait sa force. Visages tant chéris que le moindre mot les flagellant, lui était insupportable. Malgré l'attachement. Malgré l'amour, peut-être. Sans doute. Et si elle s'appliquait à sourire, une ombre déchirée au regard gris la hantait. Sans doute la hanterait-elle sans fin, l'oubli, malgré les efforts n'étant pas le fort de la manouche. Mais excuses, pardons, remords n'auraient pas leur place, juste des montagnes de regrets,de tristesse, de gâchis mais ainsi la vie en avait-elle décidé.
Alors, quitte à remettre de l'ordre dans sa vie, après s'être délestée le fardeau de ses sentiments ravalés, paix précaire avait été signée avec Nemours. Et même, chose improbable, avec son épouse. Arnoul grandirait donc auprès d'eux. Oh, la crainte était grande, terrifiante même, de perdre ce fils qui pourtant ne cessait de la mettre hors d'elle. Mais patience mise à sac, elle l'aurait perdu sans l'ombre d'un doute en le gardant près d'elle. Et magnifique égoïste, parfois, elle voulait que ses visites soient auréolées de tendresse, de baisers, de câlins. Être celle qu'il attendrait. Être celle qu'il espérerait, appellerait s'il pleurait, sans plus devoir se caparaçonner d'autorité et de punitions. Autre séparation douloureuse mais toute aussi nécessaire.
Alors en ces moments troubles, Bazens était havre de paix et de repos. Même si les nouvelles de la Jussienne n'étaient pas folichonnes, même si l'espièglerie du Renard et le rire de Justin lui manquaient terriblement, elle y égrainait ses heures, plongée dans des manuels de fauconnerie, nouvelle lubie ayant émergée dans sa caboche. Mais elle avait un autre point de sa vie à régler. Un point d'une importance capitale qu'elle n'avait déjà que trop repoussé. Craintive qu'elle était de risquer d'écorcher le Chat d'une réaction qu'elle ne maîtrisait pas. Si Antoine avait tout de l'enfant modèle, petite merveille à peine né, opposé de son braillard de frère, elle était pourtant incapable de prévoir ses réactions face à ce père retrouvé après trop d'absence.
Un point qui n'admettait nul témoin.
La lettre avait été envoyée depuis plusieurs jours et la manouche se prenait parfois à espérer qu'elle se soit égarée.
Missive bancale, se cassant la figure sur les dernières lignes tant elle ne savait que proposer ses retrouvailles au détours d'une phrase oubliée là, comme par mégarde.
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Labrit l'avait laissée songeuse, silencieuse, et meurtrie. Bien plus profondément que dans sa chair même. Bouillon, bien plus que la blessure d'une sombre épée adverse, l'avait laissée par terre. Durant ces longues heures à ressasser en observant la toile de tente onduler faiblement sous les caprices du vent, elle avait regretté plus d'une fois que l'offensive épée ne soit plus habile et finisse proprement son ouvrage. Sans bavure. Lui épargnant, sans l'épargner, des événements qui chambouleraient sa vie. Pourtant, comme à chaque foi qu'elle pensait ne plus avoir la force de se relever, ou du moins ne plus en avoir l'envie, des visages se penchaient vers elle. Et en ces visages, en ces sourires, en ces attentions, elle puisait sa force. Visages tant chéris que le moindre mot les flagellant, lui était insupportable. Malgré l'attachement. Malgré l'amour, peut-être. Sans doute. Et si elle s'appliquait à sourire, une ombre déchirée au regard gris la hantait. Sans doute la hanterait-elle sans fin, l'oubli, malgré les efforts n'étant pas le fort de la manouche. Mais excuses, pardons, remords n'auraient pas leur place, juste des montagnes de regrets,de tristesse, de gâchis mais ainsi la vie en avait-elle décidé.
Alors, quitte à remettre de l'ordre dans sa vie, après s'être délestée le fardeau de ses sentiments ravalés, paix précaire avait été signée avec Nemours. Et même, chose improbable, avec son épouse. Arnoul grandirait donc auprès d'eux. Oh, la crainte était grande, terrifiante même, de perdre ce fils qui pourtant ne cessait de la mettre hors d'elle. Mais patience mise à sac, elle l'aurait perdu sans l'ombre d'un doute en le gardant près d'elle. Et magnifique égoïste, parfois, elle voulait que ses visites soient auréolées de tendresse, de baisers, de câlins. Être celle qu'il attendrait. Être celle qu'il espérerait, appellerait s'il pleurait, sans plus devoir se caparaçonner d'autorité et de punitions. Autre séparation douloureuse mais toute aussi nécessaire.
Alors en ces moments troubles, Bazens était havre de paix et de repos. Même si les nouvelles de la Jussienne n'étaient pas folichonnes, même si l'espièglerie du Renard et le rire de Justin lui manquaient terriblement, elle y égrainait ses heures, plongée dans des manuels de fauconnerie, nouvelle lubie ayant émergée dans sa caboche. Mais elle avait un autre point de sa vie à régler. Un point d'une importance capitale qu'elle n'avait déjà que trop repoussé. Craintive qu'elle était de risquer d'écorcher le Chat d'une réaction qu'elle ne maîtrisait pas. Si Antoine avait tout de l'enfant modèle, petite merveille à peine né, opposé de son braillard de frère, elle était pourtant incapable de prévoir ses réactions face à ce père retrouvé après trop d'absence.
Un point qui n'admettait nul témoin.
La lettre avait été envoyée depuis plusieurs jours et la manouche se prenait parfois à espérer qu'elle se soit égarée.
Citation:
Màćka,
« La nuit, tu pesteras quil manque de lumière pour tes croquis, et le jour, je ronchonnerai, trouvant le ciel trop lumineux pour ma gueule de bois »
Tu vois, tes mots sont inscrits dans ma tête, mais tu sais déjà combien je retiens ce qui me plaît et oublie le reste. Rassure-toi cependant, ce n'est pas déjà que je demande de filer vers cette Florence qui ne t'a retenu que bien longtemps déjà. Non, ce que je te propose, c'est un petit avant-goût, si tu es encore dans le sud, à Bazens. Tu pourrais y passer quelques jours. Faute de Santa Maria del Fiore, la demeure, si l'on regarde bien, a quelques accents italiens. Quoiqu'il en soit, elle est grande et agréable, tu pourrais t'y plaire. J'espère. Antoine sera là. Sans son frère. Sans personne.
A.
« La nuit, tu pesteras quil manque de lumière pour tes croquis, et le jour, je ronchonnerai, trouvant le ciel trop lumineux pour ma gueule de bois »
Tu vois, tes mots sont inscrits dans ma tête, mais tu sais déjà combien je retiens ce qui me plaît et oublie le reste. Rassure-toi cependant, ce n'est pas déjà que je demande de filer vers cette Florence qui ne t'a retenu que bien longtemps déjà. Non, ce que je te propose, c'est un petit avant-goût, si tu es encore dans le sud, à Bazens. Tu pourrais y passer quelques jours. Faute de Santa Maria del Fiore, la demeure, si l'on regarde bien, a quelques accents italiens. Quoiqu'il en soit, elle est grande et agréable, tu pourrais t'y plaire. J'espère. Antoine sera là. Sans son frère. Sans personne.
A.
Missive bancale, se cassant la figure sur les dernières lignes tant elle ne savait que proposer ses retrouvailles au détours d'une phrase oubliée là, comme par mégarde.
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