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[RP] Entracte

Sabaude
J'aurais peur pour toi...aurait-il répondu à l'interrogation, doigts entrelacés en soutien.


Sous son pied la neige crissa, le drap blanc d'une végétation endormie troué du bout de sa botte, sous son talon les vestiges recroquevillés de feuilles mortes émirent une plainte évanescente.

Une main réchauffée de la marche et de l'abri de l'épais manteau ceignit la nuque jumelle et la cueillit tendrement, élevant les traits pour sceller les lèvres tiraillées du froid d'un baiser doux avant d'imbriquer les corps.
Dos appuyé au large tronc, celui de son jumeau fut mené à son torse, rivé d'une paire de bras protecteurs et fidèles. Menton à l'épaule, une tempe en rejoignit une autre et le regard plongea sur l'orée de la civilisation d'où montait au loin le filet gris-blanc de l'auberge, promesse moutonnante d'un feu qui réchaufferait leurs membres engourdis.
Au contact de l’écorce rugueuse le crâne fourmilla des caresses affermies plus tôt à sa chevelure, illusion des sens qui abaissa ses paupières lourdes.

S'il aimait à parler, l'inverse était aussi vrai, complice de ces mots boiteux livrés aux saccades d'un cœur meurtri, celui de l'ami devenu essentiel, fut-il incapable de le définir sans en altérer l'essence. L'aurait-il pu qu'il ne l'aurait fait, conscient des écueils de la parole, de l'étroitesse de ce monde lové aux lettres d'une communication étiolée.

Aucun commentaire, aucune question ne franchirent sa bouche, apprivoisé à respecter ces silences à leur première rencontre sans qu'il ne fut nécessaire de l'imposer et sans éprouver le manque de la réponse. C'était ainsi entre eux. Et qu'aurait- il pu dire lui l'égaré venu trouver ce guide un soir de désarroi pesant trop à son être, lui qui avant septembre s'était perdu à se morfondre, une solitude et une souffrance amplifiées à chaque bordel visité, à chaque femelle pénétrée et rejetée, l'élan brisé d'insatisfaction, lui que le terme laissait confus?
Sa prise se resserra autour de la taille, malheureux de ne pouvoir faire mieux.

Sous la protection du chêne, axe empreint de force et de sagesse, un lien qui leur était propre, puisé à des sources inconnues, les faisait frères s'enlaçant âme contre âme, entrés en contact par leur manière marginale d'exister, unis dans l'indicible.
A tenir contre lui l'homme qu'il laissait s'insinuer jusqu'aux tréfonds de son être physique et psychique, sa semence encore jeune à sa gorge , les orbes noires portées sur cette frontière entre le monde des hommes et celui des bêtes, souffle et palpitations du Renard se fondirent dans celles du Chat, gardien de ses certitudes. Au temps suspendu tout s'était tu, seules leur respiration et leurs palpitations défiaient le scintillement hypnotique de la robe hivernale dont la longue traîne gelée s'insinuait en volutes glacées sous les pans de leurs manteaux et dansaient sur leur peau nue.
Les minutes passèrent, silencieuses et alanguies, spectres sentinelles d'un retour parmi les hommes. C'est un frisson qui décida le jeune noble à rompre la symbiose du végétal et de l'animal. Ses dents cherchèrent un lobe et le mordillèrent, signal tactile du changement. Son flanc droit entama une courbe qui mena l'un là où s'était tenu l'autre, et nez à nez, un sourire espiègle annonça la légèreté. De sa senestre il emprisonna le poignet droit du frêle comptable, ne dissimulant nullement son plaisir à pouvoir ainsi le dominer, par jeu, nul n'étant dupe de qui baissait le regard aux troubles et aux excès remontrés. Répétition de l'entrée sous le couvert des bois, la sortie serait toute aussi tendue sous l'étoffe et fiévreuse au front. Le bas ventre du goupil frotta son homologue, la langue laissant au cou découvert son tracé.


Méfie-toi des leçons que tu me dispenses, celles-ci mâtinées à mes facéties pourraient bien déstabiliser le maître, susurra-t-il, murmure suave copiant celui du vent levé. Ainsi donc tu as eu des femmes dans ton lit? Seulement deux....? Je te croyais plus vigoureux, tomba la fausse remontrance au creuset de l'oreille, une paume tiède épousant le renflement à l'aine pour le mener vers un délicieux voyage de noces. Sais-tu que ton appétit de moineau, malgré tous les efforts des cuisinières, a considérablement muselé le mien. Vois comme je flotte
dans mes habits,
pesa chaque syllabe quand le poids faisait de même sur sa proie. Elles ne devaient donc point être très grasses pour que j'en pèse deux.... continuèrent à voguer les paroles mêlées de gémissements entraînants et provocateurs. Je ne suis pas aussi facile à contenter que tes donzelles, j'ose espérer que l’amollissement ne t'a point gagné au toucher de leur chair, s’abattit la dernière vague saluée par la trille de quelque oiseau voyeur.

Assuré d'avoir suffisamment gorgé de sang la virilité du captif, l'aussi mouvant que des sables le libéra pour l’entraîner main dans la main, rieur, vers l'établissement plein de promesses.

Courons encore mon ami, puisque j'ai besoin d'exercices as-tu dit! Claqua dans leur sillage la provocation amusée, leurs pas devenant folles enjambées quand l'un ne poussait pas l'autre dans l'étendue neigeuse.

Bâtard privé de nom jusqu'à décider du sien, défiant de son choix et de son départ la mère et ses aînés, désorienté pris très tôt au piège des marais de l'autorité et de l’obéissance aveugle lors l'enfance volée et esseulée ne demandait qu'à s'exprimer, le gueux anobli s'était fait homme singulier, tout en contradictions, quelles fussent maîtrisées ou non. Ses forces et ses faiblesses s'étaient parées d'un masque ôté seulement en présence de rares individus. Et c'est l'un d'eux qui le percuta quand il s'arrêta net devant la porte de l'auberge, les épaules basses.
Envolé le fanfaron provocateur et assuré qui titillait son guide quelques instants auparavant. Se tournant d'un bloc, des prunelles et un visage désemparés s'offrirent au regard faune.


Alphonse...tu as bien dit que nôtre hôte est myope comme une taupe. Mais il n'est pas sourd, n'est-ce pas? Et si nous crions? Tomba l'interrogation, l'émail plantée nerveusement dans une lèvre.

Depuis que la main propriétaire s'était portée à sa gorge, interdisant aux sons d'y mourir étouffés par quelques subterfuges de son cru, Sabaude ne les avait plus retenus pendant leurs complicités charnelles.
La soudaine perspective que d'autres puissent l'entendre fit monter une vague de chaleur des orteils à la racine des cheveux. On pourrait penser que l'oisillon craignait d'être découvert avec un autre homme, mais là n'était pas sa préoccupation. Le trouble était d'éducation, d'indispositions entretenues, Renard à ses heures était plein de pudeur.

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Alphonse_tabouret
L’étreinte attarda sa langueur au-delà de la chair, berçant l’âme corrompue à la flamme de ces émotions tout aussi complexes que simples, lambeaux drapant les cieux à la manière de chimériques oriflammes noyant les couleurs pour mieux les révéler, soulignant cette fatigue perpétuelle à la confrontation de leur douceur, amenant l’animal à ces moments de lucidité que le monstre craignait, si fragilement à l’étroit dans son habit d’homme. Sur l’étoffe de la veste, les doigts longilignes du comptable se crispèrent sans bruit, contemplant sous les yeux clos de cette parenthèse, l’étroit fil d’Ariane le maintenant à flot aux chants tempétueux d’une vie essoufflée par l’absence, la solitude et la survie, Thésée que le Minotaure menaçait d’achever à l’ombre d’une inattention.
Chacun des combats livrés ces dernières années avaient mêlé la douleur au fer et le parfum au sang, cuirasse disparate s’enchevêtrant à ses veines pour mieux le protéger du chaos permanent et qui, dans la sureté de son cocon, l’étouffait lentement d’une colère méprisante, s’inquiétant, maternelle, de ces éclaircies porteuses d’espoirs et si souvent décevantes. Entre les torses, malgré les tissus, la mélodie des cœurs se répondaient, sourds, palpables, tambours réconfortants dont l’octave grave embaumait les muscles jusqu’à faire vibrer l’air de ses senteurs indicibles dont le langage propre ne s’adressait qu’à l’oreille en connaissant la rareté, liant à ses notes graves l’irréelle légèreté que leur proximité faisait naitre, tantôt matinée par les spectres de cette vie les accaparants, souvent bercée par cette inexplicable réconfort puisé dans la présence de l’autre.
Les dents s’appropriant le lobe de son oreille éveillèrent ses sens engourdis dans la seconde, et les yeux sombres du jeune homme s’ouvrirent au creux du mouvement sur le visage réjoui du vicomte dont les errances s’appuyèrent malicieusement à ses convictions avant d’embraser ses murmures d’une salve de mots aussi insolents que charlatans, facette que le Goupil revêtait à son museau blanc pour mieux dévoiler les crocs et qui savait trouver chez le comptable l’écho d’une joie primesautière. Au jeu mêlé de défi quand le corps s’enhardissait aux avances que lui prodiguait le Renard, le chat se contenta, d’une morgue féline, attisé du parfum délivré par les promesses murmurées à la chair au fait de l’habileté disciple, de lui retourner l’arrogance d’un sourire carnassier sans y joindre le moindre mot, la promesse d’une répartie tenant dans la langue qu’il passa à ses lèvres encore fraiches de leurs souffles corrompus.

Le mouvement l’entraina sur la pente de ces derniers mètres, instants de jeux essaimés de neige et de vent, jusqu’à faire disparaitre les cordeaux froids de l’hiver étreignant leurs membres et achever de les porter jusqu’à l’auberge dressant sa silhouette devant eux, nouveau rivage aux contours d’une humanité qui à l’instant, en la compagnie jumelle, pesa aux épaules de ce Chat dont la sociabilité déclinait irrémédiablement aux premiers signes de civilisation. Le visage du Goupil se tourna vers lui défait, nerveux, inquiet, subjuguant la créature lovée aux flancs comptable d’une curiosité claire, accordant sa lecture jusqu’à la tête s’inclinant doucement de coté lorsque les mots enfin, éventrèrent les pensées qui avait ravagées les tempes mâles.
D’un mouvement, il avança, heurtant doucement le torse du vicomte qu’il n’accula à la porte que d’un second pas, le regard noir et épais noué aux prunelles amantes, le silence en guise de paroles quand il se pressa contre lui pour mêler voracement leurs souffles, crocs dévorant une proie qui quelques instants auparavant avait choisi d’éveiller ses désirs les plus fiévreux, la main venant prendre la sienne pour l’amener aux lignes les plus ardentes née de la provocation. Sous le tissu, le membre raidit frissonna du contact des doigts rafraichis, la gorge exhalant un soupir alangui quand le regard se noyait toujours à celui de l’autre, amenant le mouvement à s’amplifier, mains jointes, jusqu’à ceindre sa voix des frimas d’un timbre animal ; de leurs ébats, il aimait tout, du gout de la peau, à la voix palpitante du jeune homme s’amplifiant sans plus de mesure lorsqu’il s’abandonnait au plaisir, de cette tendresse mêlée de hargne aux vertiges insensés traversant leurs esprits pour les déchainer l’un à l’autre et rien n’aurait su, à cette heure enneigée, l’astreindre à la privation de cet homme. Le geste fut rapide, sec et pourtant sans aucune violence, faisant pivoter le poignet pour retourner le jeune homme et le plaquer dans un bruit mat contre l’épaisse porte, épousant pleinement les reins ainsi offerts du poids de son corps tout entier, la senestre, tentatrice tortionnaire, s’accaparant de caresses sournoises, le silence de Sabaude . Insidieux, le souffle s’égara à l’aube de l’oreille quand le bassin s’harmonisait instinctivement aux vallons mâles, y pressant l’envie qui le tiraillait avant d’enfin accorder la note :


Ta voix quand tu te gorges de plaisir est comme un chant qui me pousse au délit…, commença-t-il dans l’esquisse légère et pourtant perceptible d’une danse qu’il connaissait tous deux pour s’y être perdu avec emphase… Mais tes regards… La langue dessina une ligne dans le cou pâle, échouant à l’oreille, auquel le murmure voilée et rauque de la voix chuta dans un murmure… tes regards quand nous nous égarons, Sabaude, sont autant de laisses que tu arraches du cou de ma raison, poursuivit le Faune en mordant la ligne de l’épaule avec une force surprenante et volontaire, cherchant à tendre le corps plus encore pour en entendre le timbre entier, hommage aux bêtes abandonnées quelques instants plutôt à l’ombre protectrice des arbres couronnés.
Le premier qui crie a perdu, le taquina le jeune homme dans l’entente d’un sourire espiègle à ses lèvres en glissant la dextre sur le loquet de la porte pour l’ouvrir d’un geste prompt, rompant l’équilibre et les faisant pénétrer dans l’auberge en chancelant, à la façon de chiots aux pattes emmêlées, pour trouver face à eux, descendant l’escalier menant aux chambres, le regard froncé du propriétaire cherchant à percer par delà l’opacité de sa myopie, le visage de ses clients.

Ah, vous voici Messires, dit-il enfin après avoir rejoint le rez-de-chaussée, passant une main flétrie sur ses yeux fatigués, les scrutant avec une attention soutenue sans pour autant parvenir à les discerner nettement sans plus s’approcher. Le bain est prêt et quelques pierres ont été placées dans l‘âtre si d’aventure vous le trouviez tiède… Le tenancier s’approcha, au fil d’une lenteur qu’appuyait sa vue défaillante, baissant d’un ton une fois près d’eux pour leur glisser en relevant le nez pour chercher leurs regards : Souhaitez vous quelque chose à y manger ou un peu de compagnie ? J’ai une petite soubrette qui ne rechigne pas à arrondir ses fins de mois, glissa-t-il d’un air entendu. L’un de mes hommes y a laissé sa solde toute entière, ricana-t-il doucement.

Un sourire poli étira les lèvres comptables, dessin duquel on n’aurait su démêler avec certitude l’amusement de la concupiscence, et s’il aurait pu être tenté par n’importe quelle ribaude en compagnie d’un autre, amateur de ces festins des sens qui naissaient des partages les plus enchevêtrés aux creux des draps, ce fut néanmoins une main doucement possessive qui se posa sur l’épaule vicomtale pour lui donner l’impulsion du départ.


Je ne vois pas assez cet homme pour le partager, Boutet. S’il ne s’est pas endormi au fond du bain dans deux heures, peut-être songerons nous à égayer notre après-midi… fit il en se détournant de leur hôte pour franchir une première marche… mais pour l’heure, que l’on ne nous dérange pas, nous avons quelques comptes à régler… conclut-il, tendrement insolent pour les oreilles confidentes, leur tournant le dos pour poursuivre l’ascension entreprise sans plus se retourner.
Guidé par ses précédentes visites et l’odeur discrète de quelques sels glissés dans l’eau du bain, l’animal trouva sans mal la pièce choisie pour les accueillir et, droit, aux reflexes le plus élémentaires de ses manières, attendit que Sabaude en franchisse la porte pour la refermer derrière lui, s’adossant au panneau pour contempler ce Frère de Tout quelques instants avant de s’avancer vers lui, le pas léger, la démarche souple. Lent, non point pour attiser la brulure, mais par envie d’étirer cette nouvelle suspension qu’ils venaient de rejoindre, créature perdue, plus qu’elle ne le pensait, plus qu’elle ne le voulait, le Chat rejoignit le Renard, et, précautionneux comme s’il avait dû s’emparer d’un joyau fait d’éther et de rêves, l’enveloppa de ses bras et l’étreignit sans un mot, redevenant humain tout simplement, le nez plongé au cou brun durant de longues secondes avant de soupirer, presqu’inaudible, ce qu’il n’avait alors pas encore dit quand les heures s’étaient depuis longtemps étiolées depuis l’aube de leurs retrouvailles.


Tu m’as tant manqué.

Dans le silence rompu de la chambrée, les doigts félins cueillirent les pans de la veste pour la faire choir des épaules, laissant au sol le fatras du tissu épais pour s’occuper de la chemise et la faire passer par-dessus tête, attardant quelques instants la cécité jumelle pour mordiller les lèvres mâles avant de le libérer et de lui rendre la vue, abandonnant au même sort que le précédent, le vêtement à leurs pieds. Dextre et senestre s’égayèrent, délicates, du ventre jusqu’au nœud des braies, qu’elles défirent sans hâte et sans les faire chuter, tandis que le corps poussait doucement Sabaude jusqu’au rebord d’un siège proche du baquet qui leur avait été préparé et sur lequel, ainsi acculé, il ne put que s’assoir. Reliquat d’une éducation servile , ou gout personnel à prodiguer à ceux que l’on aimait les attentions que l’on craignait, le comptable s’agenouilla, lui qui ne ployait que peu malgré une fierté morte née, trop faible pour survivre aux projets paternels , à cette vie faite de chaos, et, chassant l’interrogation pour ne plus entrapercevoir que l’envie du geste, ramena méthodiquement à sa mémoire ceux dont il avait été gratifié durant ces longs mois envolés, ôtant une botte et la seconde, condamné par lui-même à servir sans en subir l’amertume, massant chacun des pieds ainsi offerts à ses mains effilées, jusqu’à ce qu’il perçoive à la gorge fraternelle, le soupir heureux de celui que l’on délasse.

Serais-je plus doué pour te masser que pour me battre ?, demanda-t-il au fil d’un sourire amusé en relevant le velours de son regard vers le visage Goupil.
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Sabaude
Comment s'était-il retrouvé face contre le bois de la porte, la respiration courte et hachée, un inconfort lancinant entre les jambes et une pression provocatrice à ses reins ? Il n'aurait su le dire, trop surpris par l'action vive alors que son corps et sa chimie répondaient à l'éveil de ceux jumeaux sous le travail des paumes. L'abandon le gagnait comme une fièvre dès lors la présence familière stimulait sa chair, laissant ses tempes vaseuses et son être pantelant, toute force évanouie aux paroles et caresses maîtresses. Ce n'est qu'à la diffusion de la douleur à la naissance de son épaule que la scène se dévoila sous son crâne en même temps qu'un cri éclatait comme une bulle dans sa bouche entre-ouverte. Le goupil haleta, ses yeux sombres écarquillés, tout saisi était-il d'affolement et d'envie. Il voulut l'implorer de ne pas le prendre ici aussi offerts étaient-ils à la vue de tous voyageurs, qu'il avait compris la leçon -il n'attiserait plus son désir pour le laisser par jeu au tourment- mais la supplique mourut à la manipulation du loquet et à leur précipitation dans la vaste salle, donnant naissance à un vif soulagement et à une prise goulue d'air.

La chair lui cuisait là où l'émail s'était enfoncé, et le cœur battant la chamade et les joues empourprées brûlant d'un feu aussi ardent que celui de l'âtre de la grand-pièce où ils venaient de pénétrer sans manière, il se redressa d'un pas chancelant Aussi informé était-il de la vue basse de l'aubergiste, Sabaude tint son front bas, dextre rabattant le manteau sur son bas ventre gonflé, mèches en rideau de son émoi masquant le chuchotement satiné de fierté ébranlée :
tu me paieras ça vile Matou ! Puis silencieux il laissa son guide convenir de leur emploi du temps avec l'homme pour suivre ensuite docilement l'impulsion donnée jusqu'à leur chambre, laissant enfin échapper en haut des marches, boudeur, le hors jeu de son cri contre le battant de l'entrée.

La démonstration de tendresse, à peine la tranquillité de la pièce les enveloppa-t-elle, le cloua sur place et fit taire le reproche muet d'avoir été ainsi joué. Ses bras se refermèrent sur le corps de l'ami et il dut se faire violence pour ne pas le garder ainsi , heureux et apaisé du contact dont l'étrange magie et la chaleur diffuse chassaient ses maux au loin. Plus rien en cet instant n'avait d'importance, il baignait dans une plénitude salvatrice.

Encore oint du témoignage d'affection il se laissa partiellement dévêtir, pousser et asseoir sur le siège sans opposer de résistance. A travers les longs cils bruns de ses paupières mi-closes, Renard observa la diligence du Chat, empruntant au félin cette mine de contentement habituellement soutenue de ronronnements. Les siens ressemblaient d'avantage à des soupirs d'aise chaque fois qu'une pression précédait une vague de soulagement.
Et lors les phalanges l'eurent comblé de leur noviciat il éprouva l'envie de satisfaire au plaisir de son tendre ami par quelques manières que se soit sans pour autant en oublier le jeu lancé plus tôt.

A la question qui fit naître un sourire amusé sur ses traits fins et une réponse distraite : Chercherais-tu à te faire pardonner ton indéniable rébellion de tout à l'heure pour échapper à mes exercices ?, il se leva, les prunelles pétillantes d'une envie gourmande, fit tomber le dernier rempart à sa nudité et rejoignit la position à genoux d'Alphonse pour d'un geste délié baiser l’intérieur des poignets et les paumes qui venaient de le délasser. Il musela ensuite sa proie d'une prise labiale impétueuse et passionnée, la pulpe des doigts tâtant le tissu pour relever les pans d'une chemise faite carcan d'un visage et de bras dès lors maintenus d'une poigne ferme et volontaire jusqu'à arquer le buste vers l'arrière et exposer la gorge à l’appétit de sa bouche.

Et moi t'ai-je déjà dit aimer chaque grain de ta peau ? Ne pas crier pour ne pas perdre hein ? Déposèrent les carmines taquines au creux d'une oreille à travers l'étoffe.

Un téton fut enveloppé de moiteur, suçoté jusqu'à durcir et tordu entre l'émail. Le deuxième reçut les mêmes égards juste avant de se faire mordre, et le velours de l'appendice traça une ligne humide vers le nombril, l'envahit, chaud, mouillé, fouilleur besogneux en quête de tressaillements.
Le vicomte lâcha sa prise et l'amena d'une avancée dominante à choir et s’allonger sous lui, ne l'aidant en rien à dégager la tunique qui entravait encore les bras.
Lentement il défit du bout des dents les lacets retenant les braies et réattribua aux mains leur rôle dans le retrait complet du vêtement, bottes ôtées.
La partie basse livrée à ses sens tendait douloureusement sa virilité préalablement stimulée. Il aimait l'odeur mâle de cette toison bouclée, la saveur saline de cette peau, la longue épaisseur courbe dressée vite couverte de ses baisers, happée jusqu'à sa gorge et dont la promesse de délivrance attisait depuis l’expérience matinale une faim nouvelle, curieuse, souveraine. Là sur ce parquet de campagne il lui fallait vérifier, comprendre, posséder ce qui l'avait laissé pantelant dans les bois.Son majeur caressa le pli sensible des lobes pâles aux cuisses fermes et ne le quitta plus que pour saluer sagement le petit cercle rose ou courtiser les deux sœurs au corset de plus en plus remonté. Perdu au royaume de l'assouvissement, il s'appliqua, inaccessible, à libérer l'amant du flux oppressant et ses oreilles des gémissements.


L'avancée pour partager aux lèvres du contenté le goût de la liqueur et livrer la conclusion de cette quête fut timide.
J'aime ce foutre qui se vide en moi, plein suis-je alors de ce Tout indescriptible, sans honte, ni gène, seulement étonné à sa découverte. Les seins rebondis, les fesses trop molles et les cuisses fleuries n'attisent plus que mon attention morne, presque doctorale, si fade puissent être devenus la femme et son jardin. Il y a des routes dont on ne revient pas et sur lesquelles on va toujours plus avant, n'est-ce pas ? Mourut songeusement le murmure.

Une joue fut embrassée.
Il ne s’appesantit pas, l’espièglerie à découvert revenue au galop, ne laissant aucun répit afin de profiter de la langueur subséquente. Sa victime fut retournée avec facilité et ses crocs se plantèrent durement dans le galbe haut d'une fesse jusqu'à laisser leur empreinte.


Ne pas crier ! Lança-t-il avec impertinence. Une marque chacun, nous voilà à égalité, s’égaya la fanfaronnade.
Il se redressa alors dans sa position à califourchon pour contempler la jolie trace nuancée de rouge et de blanc sur le derrière des plus charmant où tombait du ciel par la fenêtre une lumière hivernale, on dirait la couronne d'un roi, et asséna joyeusement une claque ferme dessus. Debout Votre Majesté! Il y là un bain qui n'attend plus que nous.
Il le redressa d'une main tendue, le précédent dans le grand baquet doublé de toile pour l'y mener et s’occuper avec une douceur attentionnée de le laver, enserrant sa taille de ses jambes pour joindre l'étreinte à la possibilité d'atteindre son dos.
Chaque membre savamment savonné lui semblait exquis, et il le but tout son saoul quand leurs regards se croisèrent.

J'ai aimé ce délassement que tu m'as offert et je vais y prendre goût, susurra-t-il au creuset de l'ouïe. Ses doigts sur l'éponge avaient des mouvements sûrs, habiles dans l'art de délecter. Je ne saurais toutefois te laisser meilleur masseur que guerrier, ma dignité d'enseignant en prendrait un coup, argua-t-il. Un large sourire s'épanouit et ses mains ralentirent avant de passer avec délicatesse à l’intérieur des cuisses, l'éponge rencontrant doucettement chaque repli, sillon et phallus pendant qu'il l'embrassait lascivement, s'attardant à cette double attention enveloppé par le tumulte des palpitations, coupé du monde pour ne laisser qu'eux. Convenant de la nécessité à poursuivre la toilette, d'une pression sur la nuque le crâne brun s'inclina vers l'onde troublée. Sitôt rentrés nous intensifierons tes entraînements, et crois-moi je ne te permettrai aucune dérobade comme ta mutinerie sur l’éminence. Et je t'établirai un programme d'exercices physiques à faire seul deux fois par jour ceci pendant quelques mois. Si tu es rigoureux, je ne devrais plus être capable ensuite de te maîtriser aussi facilement, à mon grand désespoir, mais j'aurais au moins la satisfaction de te savoir mieux loti face à des adversaires, qu'il s'agisse des cuisinières de l'Aphrodite armées de leur poulet, de tes femelles faméliques lubriques ou d'hommes mal avisés. La chevelure dégoulina bientôt de la cascade d'eau chutant de la réunion éventrée de sa dextre et de sa senestre, vigoureusement frictionnée dans le temps où dura l'effet de son annonce. Un pouce sous le menton releva la tête comme il s'éloignait pour prendre ses aises. Celui qui crie en premier a perdu, c'est cela ? Jouons nous le nom du chat là-dessus ? Demanda-t-il à mi-voix cherchant la bonne assise. Et alors qu'il ballottait un bras en dehors du baquet, l'éponge encore détenue fut lancée au visage faune ainsi qu'un regard fuyant mi fâché mi repenti.

Idiot ! J'ai vraiment cru que tu allais me faire mon affaire contre la porte de l'auberge ! Le jeune disciple croisa les bras sur son torse , le visage affûté par la vexation et soupira: Tu as gagné, je n'attiserais plus ton désir que pour le satisfaire en l'instant.
Puis vint l'inévitable rire franc du gai luron incapable de tenir rigueur à Alphonse de quoi que ce soit, surtout si la faute lui incombait en partie. Bon tu te décides à retirer la saleté qui orne ma joue par ton fait ? Le battant n'était guère propre, assurément !
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Alphonse_tabouret
Le dos nu épousa le plancher dans un bruit sourd, animal entravé pour être mieux libéré, et sous les caresses du Goupil, chaque centimètre de peau frissonna d’un chant nouveau que les successives jouissances n’apaisaient en rien, ogre perpétuellement affamé de cette application fervente, de ce désir aux frontières sans cesse repoussées que chaque nouveau geste de l’amant amenait, tantôt de la voix, tandis de la bouche, tantôt de sa peau, jusqu’à le laisser fiévreux d’un halètement qui savait l’extase proche et qui s’y refusait tant que sa conscience l’y autorisait. Tortionnaire, tout autant qu’esclave, le faune se laissait aller à l’union du vice et de la piété, badinant avec Eros pour mieux étreindre Thanatos, guettant dans l’ardent balbutiement du ventre, au sommet d’une folie consumant les nerfs, l’instant où les chaines exploseraient pour libérer le son rauque d’une voix soulagée. Le souffle brulant, entravé au tissu qui le maintenait par son consentement, consuma le peu d’oxygène qu’il glanait malgré les lampées d’air que sa gorge réclamait, embrumant les tempes au seuil d’une suffocation aussi redoutée qu’appréciée, amateur dépravé de la foudre tout autant que du baume, créature incomplète trouvant dans la violence comme la douceur, des fragments de lui, luisants, sans qu’il sache les assembler avec certitude, patient prédateur qui savait accuser le rôle de la proie au sommet des excitations les plus animales, et qui, à la bouche mâle du renard, releva de l’expiation la plus délectable.
Tâtonnant d’une main hagarde pour enfin repousser le lin de son visage quand le corps, provisoirement repu, frémissait encore de la vague qui était venu le submerger, grelottant presque et dénué de la moindre force vive, il cueillit l’épice du baiser dispensé, happant la lèvre jumelle pour l’y retenir quand ses bras se refusaient à tout mouvement, les mots confiés étirant un sourire presque imperceptible au dessin de son visage.

Etait-il si loin que ça, ce jeune emprunté venu le voir quelques mois plus tôt, vide, esseulé de désir comme de choix, perdu aux confins d’envies qui déroulaient devant lui les pierres d’une route dont il ne concevait ni la courbe, ni la durée et qui, en désespoir de cause, s’en était remis à ce guide corrompu, à ce Faune tentateur par jeu comme par passion ? Avait-il enfermé Sabaude plutôt que lui ouvrir les horizons qu’il recherchait au point de le condamner à se consumer dans l’appétit contre nature du sel, ou n’avait-il fait que lui proposer l’éveil tant attendu pour se sentir enfin complet ?
Aurait-il un jour à répondre devant ce Dieu entêté et si peu miséricordieux d’avoir égaré l’une de ses brebis les plus pures et entières, dont la joie de vivre raccordait au firmament des déchirures les plus sanglantes, les espoirs de jours meilleurs, être encore inconscient du voyage qu’il entreprenait lorsqu’il avait posé ce pas curieux à l’aune du sien pour maintenant y trouver un écho aussi rassurant que définitif ?
Le baiser à sa joue écorna se pensées, et la morsure à ses reins eut raison d’une léthargie qu’il brisa d’un glapissement sourd à sa gorge volontairement entravée, égrenant à sa mâchoire doucement crispée, une tonalité tendrement blasphématoire au travers d’un sourire plus marqué que le précédent en entendant le verdict de l’impénitent fanfaron.

L’eau du bain raviva la chair encore amorphe de ses langueurs, et, sans un mot pour rompre la douce mélodie de l’onde rencontrant la peau, il se fit malléable sous le regard attentif du Goupil, gardant rivé au sien, le velours d’un regard noir ou se dissolvaient le bien être de telles attentions et la chaleur de cette proximité trop rare qui leur était octroyée. Aux mots, se succédaient le phrasé d’un autre langage, joignant les bouches et l’âme dans les esquisses maitrisées des gestes délassant traitreusement pour mieux subjuguer et dénerver le corps pour éviter toute rebuffade de l’apprenti au Maitre d’Arme, accusant dans l’amusement naissant d’une moue espiègle, le pas auquel comptait le faire marcher le Renard.
La tête penchée au son de l’eau dévala le haut du crane pour fuir le long de la nuque et inonder le front jusqu’à mouiller complétement la tête, tétanisant le Chat dans un réflexe aussi brutal qu’instinctif lorsque les mains s’apposèrent innocemment aux cheveux, un instant renvoyé à ce reliquat de passé dont il ne tolérait rien, les tempes brusquement vides de tout si ce n’était de ce mauvais parfum de femme qui avait si longtemps bercé sa jeunesse et qui, fatalement, resterait à tout jamais associé à la main s’appropriant la chevelure enfantine. Le poing se crispa naturellement dans le flot apaisé du bain, prêt à se relever pour sèchement mettre fin à ce qu’il redoutait, mais resta invisible lorsque la menace de la caresse disparut au profit d’une vigoureuse friction de la masse brune offerte aux doigts mâles. Quelques secondes hagard, effaré par la vivacité de ses acquis bileux, il ferma les yeux, le front barré d’un pli soucieux jusqu’à ne plus percevoir que les ténèbres les plus sombres, maudissant la créature souillée qu’il portait en lui, s’accablant de reproches acides à la simple idée d’avoir pu entacher de peine et d’incompréhension le visage amant par la faute des souvenirs humiliants qui l’avaient forgé.
Le contact du pouce à son menton chassa, impératif, toute trace de dégout de son visage, automate tant de fois exploité malgré ses crises les plus abyssales qu’il avait fini par acquérir l’extraordinaire capacité de ses pantins qui se modèlent par eux même pour ne point être percés à jour et s’il n’y avait eu la voix du vicomte à laquelle se raccrocher, à demi noyé, Alphonse eut la certitude qu’il aurait tout simplement sombré dans l’apathie la plus désagréable.

Celui qui crie en premier a perdu, c'est cela ? Jouons nous le nom du chat là-dessus ?
Le sens des mots ne lui parvint pas immédiatement, l’attention focalisée toute entière sur les traits candides de Sabaude avant que l’éponge ne le surprenne en lui étant lancée au visage, amenant le sursaut tout comme le déracinement aussi entier qu’inimaginable à ses idées noires, avant que la cause du geste ne vienne égayer le Félin au point d’emmurer de nouveau le monstre tout juste éveillé.
Idiot ! J'ai vraiment cru que tu allais me faire mon affaire contre la porte de l'auberge ! Tu as gagné, je n'attiserais plus ton désir que pour le satisfaire en l'instant.Le rire éclata en bulles paradisiaques, soleils brillant à l’opacité d’un monde trop souvent terni, ravivant l’esprit assombri et amenant, avec un naturel dont il ne se savait pas capable, le visage à s’ouvrir d’un sourire amusé. Bon tu te décides à retirer la saleté qui orne ma joue par ton fait ? Le battant n'était guère propre, assurément !

L’eau stagnante, au mouvement du corps, déborda sans commune mesure hors du baquet, tempêtant en plusieurs gerbes claires sur le plancher de la chambre, inondant les alentours tandis que le corps du comptable venait se plaquer à celui du nobliau, écrasant ses lèvres aux siennes avec une sainte fureur, s’appropriant le souffle d’une avidité impossible à feindre quand les mains enferraient nuque et cou au bon vouloir de leur pression. Le baiser s’attarda, sauvage, impie, sans plus de concessions, dévorant sa proie jusqu’à sentir les doigts mâles blanchir la peau humide de ses épaules, s’accaparant alors quelques secondes encore, propriétaire intransigeant, le délice de sa langue jusqu’aux prémices de l’asphyxie.

Comment feras tu si tu l’attises à chaque instant?, haleta-t-il doucement au bord des carmines assujetties à la proie enfin relâchée, Comment t’acquitteras tu de cette promesse quand ton regard brule ma raison jusqu’à ne laisser que le vice de l’instant présent ? , murmura-t-il au fil d’un sourire bourreau en venant mordiller l’oreille pâle avant de reprendre une distance moins voluptueuse et de se saisir de l’éponge, tenant le menton vicomtal à ses doigts pour lui faire tourner la tête et offrir à ses soins la joue qui avait accusé la porte quelques instants plus tôt ... Remercie donc ce baquet d’être trop étroit pour ce que tu m'inspires, poursuivit-il d’un ton goguenard, prenant le temps, avec une infinie douceur de débarbouiller le visage, taquinant d’un air docte le visage jumeau en faisant mine de nettoyer les oreilles comme il l’eut fait sur le poupon lui servant de fils, ourlant ses gestes d’une mine toute en caricature paternaliste avant de laisser glisser l’éponge jusqu’aux épaules pour les asservir aux longueurs de caresses plus diluées et plus fraternelles.

Si les deux hommes se différenciaient sans mal, il n’en demeurait pas moins des points communs leur servant d’attaches malgré eux, passé dont ils ne parvenaient pas à se défaire au plus profond de leur chair quand ils courraient pourtant jusqu’à en perdre haleine pour s’en éloigner, et ce fut le plus superficiel de tous qui, à l’instant, accapara l’attention d’Alphonse lorsqu’il baigna les poignets du jeune homme ; les cicatrices l’entravant répondaient aux plaques lissées qu’il arboraient aux siens, et ce fut d’une voix aux tonalités basses qu’il creva le tranquille silence installé.


On m’a enfermé sept jours dans une cave… J’y ai été attaché, drogué, battu et pansé à chaque fois que l’on venait m’y rendre visite. Les premières aubes n’ont pas été les plus douloureuses contrairement à ce que j’ai cru… être frappé, torturé, et soigné pour mieux recommencer n’était qu’une succession d’instants dont je ne gardais aucune cohérence réelle, abruti par les plantes que l’on me faisait absorber…
Le pouce s’attarda brièvement sur la strate nette d’habitude cachée par un brassard de cuir que portait souvent Sabaude, animal cherchant les mots les plus simples pour éviter toute perdition dans les relents d’une mémoire qui s’agitait toujours au fil des réminiscences qui l’assaillaient.
Mes seuls instants de lucidité ne devaient qu’à la douleur que je ressentais, alors, à chaque fois que l’on avait fini de me soigner et qu’on me laissait seul, je tirais encore et encore sur mes chaines jusqu’à ce qu’à ce que je perçoive l’éclaircie au-delà de la brume… C’est de cette façon que je me suis abimé les poignets au point d’en porter encore les stigmates, conclut-il sans montrer les cicatrices laissées, conscient que le Goupil connaissait chacune d’elle malgré le tacite silence dont il faisait preuve à leur égard. L’éponge délaissa les mains pour venir s’appliquer au torse en en souligner chaque muscle quand le velours noir du regard s'attachait à éviter le charbonneux du jeune homme.
Le cinquième jour, peut-être à cause de l’habitude des drogues que l’on me soumettait, j’ai cru avoir les idées plus claires et j’ai tenté de m’enfuir. Je me suis brisé le pouce pour permettre à ma main de se dégager de l’une de ses menottes et j’ai attendu que l’un de mes geôliers ne reviennent pour essayer de l’étrangler. J’y suis presque arrivé, mais dans ces circonstances, un "presque" ne suffit pas… On m’a puni de quelques coups et lié plus surement encore, sans plus la moindre marge de manœuvre.
C’est là que j’ai abandonné…

Le pire était enfin dit, mâtiné d'un mépris personnel d'avoir cédé si vite à des démons qu'il ignorait être siens et qu'il redécouvrait toujours aussi terrifiants au fil d’une confidence presque chuchotée tandis que la dextre amenait la tête à se pencher pour ne point avoir à regarder le visage du jeune homme et les possibles expressions qu’il redoutait à l’entente de cette défaite sur lui-même.
Je n’ai plus cru en rien, ni en ceux qui me cherchaient, ni en l’espoir de cette vie que me promettait Antoine, ni en moi… J’ai abandonné tout espoir et je me suis résigné à mourir au fond d’une cave dont je ne connaissais rien, pour des raisons auxquelles je n’entendais rien. Ce fut alors le début d’un calvaire dont je ne suis toujours pas sorti…
Essorée, l’éponge libéra un épais filet d’eau qui vint alourdir la longue chevelure de l’amant et le geste fut répété dans un mutisme concentré jusqu’à les imbiber en long serpentins noirs flirtant à la surface de l’onde.
Chaque chose que tu m’apprends Sabaude, est comme une marche qui me ramène à la surface, sottement sans aucun doute, mais me sentir moins vulnérable fait partie de ma guérison... C’est un processus long et complexe dont j’ai du mal moi-même à apprivoiser les ressorts, mais ce temps que tu passes à m’enseigner l’art du combat est un temps précieux et si parfois je renâcle, ce n’est pas par paresse… C’est uniquement l’envie de te toucher, de te sentir, de te comprendre qui dépasse parfois mon propre instinct de survie…
La dextre tenant l’éponge s’appuya sur le crane pour le pousser vers la surface de l’eau sans pour autant l’y enfoncer, morgue féline reprise sans plus attendre d’être plus encore à découvert, créature pudique dont le long monologue avait écorné les défenses et qui se sentait le besoin de changer rapidement de peau , se relevant sans plus attendre, le corps ruisselant d’eau et invitant d’une main tendue le vicomte à rejoindre les hauteurs de l’après-midi entamée.
Debout, tu as une leçon à me dispenser…
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Sabaude
Jumeau docile il baissa à son tour la tête, plus attentif aux mots faits vipères en ses chairs qu'aux serpentins d'eau sur sa peau.
Pour la première fois l'histoire s'associait aux marques laissées au corps par des bourreaux sans visage et sans nom. Les blancs laissés par un subconscient courtois devinrent noirs, l'écorchèrent vif par les maux acérés de l'être complémentaire. Il la sentit alors s'agiter fébrilement en son sein, enlacer vigoureusement ses entrailles, presser à son front et à ses tempes, serrer sa gorge et crisper ses poings : la colère, sourde et silencieuse. Elle était là, maîtresse, menaçant de le submerger.
Pour la deuxième fois depuis qu'ils étaient rentrés de leur excursion forestière il crut ne plus pouvoir reprendre sa respiration, et si la précédente eut été la plus délicieuse des façons de succomber à l'étouffement, celle-ci avait l'aigreur du vinaigre.
A la main tendue pour sortir du baquet il offrit des serres, au buste ami il opposa le sien, tremblant d'une rage qui déployait ses ailes dans son dos marmoréen, statufié fut-il, privé d'air par le déchirement. Lentement le jeune noble releva son visage affûté vers celui qui portait les stigmates de la folie des hommes. Toute aménité l'avait abandonné, toute candeur déserté, la douceur des traits remplacée par la rigidité d'un courroux que des yeux embués ne pouvaient dissimuler et qui envoya Alphonse s'affaler sur le lit d'un geste sûr.


Je ne veux pas te blesser, prévint-il d'un regard impérieux et désapprobateur, anticipant toute tentative de mouvement. Il ne serait pas judicieux que je tienne une arme présentement, prévint-il d'une voix étrangement calme et froide.

Il se détourna, et l'unique objet décoratif de la pièce se fracassa contre un mur près de l'entrée dans une explosion poudrée de porcelaine. La tempête s'était levée, il voulait combattre, prendre la vie de ceux qui avaient fait ça, jusqu'à ce qu'à force de coups portés sa lame vibre douloureusement et laisse son être pantelant, assouvi d'une vengeance funeste. Il pouvait enfin le voir recroquevillé dans cette cave sinistre, en proie aux démons et à l'abandon, capitulant chaque jour un peu plus, et devenir l'ombre d'une humanité presque éteinte. Le broc et la vasque d'étain percutèrent le même endroit, suivis par un guéridon et un siège bas dont le bois se brisa sinistrement comme autant de squelettes disloqués et rompus.


A la volée il ouvrit la porte et cria dans le couloir, dédaigneux de sa nudité:

Je paierai pour les dégâts. Mais que quiconque entre dans cette pièce sans mon autorisation et je l'embrocherai aussi sûrement que ces rats !

S'il ne parlait des rongeurs, le quiproquos leur vaudrait la coopération d'un aubergiste piteux convaincu d'offrir à ses clients si mauvaise compagnie en ses chambres.

Sabaude claqua le panneau de bois et se dirigea d'un pas rapide et déterminé vers la couche où il domina Alphonse, à quatre pattes au dessus de lui, muscles saillants, côtes sinuant sous sa peau pâle et ventre se creusant au rythme d'une respiration hachée. Tendant ses doigts à la recherche de leurs frères, il se tint ainsi, sa chevelure dégoulinant, ses charbonneux plongeant droit dans les puits sombres, en quête d'une paix et d'un calme échappés par les plaies en miroir.


Il m'est insupportable que l'on puisse s'en prendre à toi, Alphonse.

Sa voix tremblait et tranchait, forte d'émotions vives, les prunelles humides brûlants d'une envie destructrice. Au fil des mois, l'homme sous lui avait revêtu une importance incommensurable à ses yeux et à son cœur sans qu'il puisse en comprendre et nommer la nature. Chaque blessure portée à ce frère devenait cicatrice à son être, qu'elle ait le goût du sang ou celui de la bile.

Tiens-moi le temps que je m’apaise, implora-t-il.Tiens-moi d'autant plus fort qu'ils sont peut-être encore en vie.

Son front s'abaissa lentement jusqu'à celui de son compagnon, la pièce tournoyant autour d'eux au rythme du sang pulsant dans ses veines. Et sous des paupières closes, aux prémices d'une stabilité retrouvée après plusieurs minutes d'immobilité, des lèvres en trouvèrent d'autres, offrant le velours à l'avidité grandissante, poumons échauffés. Quand le baiser cessa Renard jeta un œil par-dessous son épaule.

Je vais finir par croire que nous ne pouvons laisser une pièce sans désordre, fut le retour timide à la maîtrise de soi.

Puis aussi subitement qu'elle les avait quitté l’espièglerie revint aux traits goupils sous la forme d'un regard posé sur la fenêtre et d'une idée aussi incongrue qu’excitante dont le maintien et l'élégance naturelle du comptable ne s'arrangeraient guère à n'en point douter. Ceci eut pour effet d'élargir définitivement la face sur un sourire.

J'espère que tu es souple et agile car je n'ai aucune intention de croiser nôtre hôte en repartant ! Surtout après ce que nous allons faire.

Sans s’appesantir sur les détails il bascula sur le dos et fit venir Alphonse au dessus de lui, ancrant les nuances de brun, l'enserrant d'un bras quand sa dextre caressait affectueusement la joue imberbe.

Nous monterons ces marches ensemble, à ton rythme, souffla-t-il tendrement. Maintenant viens en moi. Emmène-nous là où le Faune est roi et où le Phénix s'embrase. Élève-nous au-dessus des hommes pour nous faire animaux fabuleux quand l'insanité des premiers gangrène nôtre âme.

Il venait de refaire la décoration de l'endroit à grand fracas, ainsi sa pudeur craintive de la condamnation d'autrui, de surcroît un tenancier, avait battu en retraite. En outre il la trouvait soudainement absurde quand il pourrait tuer pour celui qui lui avait tant manqué lors un seul mois les séparait.

Et je change les règles, poursuivit-il malicieusement, celui qui ne crie pas assez fort a perdu.

Il devança ensuite les craintes de l'amant d'une esquisse rassurante tandis que senestre se portait au flanc pour s'y poser à l'image de son autre main sur celui opposé.

Je ne suis pas fait de papier. Si je t'ai demandé d'être doux à notre première fois j'ai besoin présentement de cette étrange alliance du plaisir et de la douleur pour ne pas ressentir tout à l'heure l'envie de passer au fil de l'épée tout ce qui se dressera sur notre chemin. Étanche ta soif et la mienne, Faune.

La langue humidifia les purpurines et l'émail fondit sur un cou tel l'oiseau sur sa proie.
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Alphonse_tabouret
Colère, tu m’as tout pris.
La paix, la satisfaction, la quiétude, le sommeil… Crois-tu que je te laisserai le dépecer lui, quand tu n’en n’as pas encore fini avec moi ?


Le fracas de porcelaine creva le silence murmurant de l’auberge aux reflets de havre, emportant avec lui le mutisme qui les avait préservés pour ne laisser place qu’à la cruauté des vérités que l’on retarde.

Regarde-moi, Colère, souviens-toi de nos heures fauves, de ces insomnies où nous nous tenions compagnie… Ne suis-je pas plus laid, presque déjà conquis à ta cause, incapable de m’arracher à ton étreinte quand bien même la surface de l’onde ne s’ourle d’aucun remous en présence des autres ?

Broc et vase suivirent, éclatant en gerbes de couleurs étincelantes, tapissant un sol où s’abattirent le restant d’un mobilier trop fragile pour la tempête qui courrait aux veines du Goupil.

Colère, Mon Amour, ne t’ai-je pas assez nourri, entretenue, occupée pour mieux vivre ensembles ? Oublierais-tu le grain de ta peau à mes nerfs, la nausée lancinante de ta précision, le plaisir insensé de t’assouvir un jour ?

Les mots à leur tour, tonnèrent au crépuscule de cette journée, figeant plus bas un personnel de maison interdit sans qu’il ne s’en présente un seul au pas de la porte, soumis à l’inflexible autorité lovée à chaque syllabe proférée à cet étage devenu carnage.

Regarde-moi, chérie, souviens toi, aime moi…

Aux regards jumeaux se nouèrent les doigts, filins cherchant au travers de leur entrelacs commun, le langage que les mots ne savaient atteindre avec la justesse tant recherchée par les plus pudiques tandis qu’une goutte d’eau s’écrasait au cou nu du félin et dévalait la ligne courbe pour disparaitre au drap.
La créature frémit, témoin de la fureur et désormais spectatrice vertueuse tout autant que fascinée, du chaos né de ses aveux jouant de reflets acides et d’accents tendres dans les prunelles braquées sur elle, accusant le comptable d’un sentiment d’affection ému, balbutiant.


Il m'est insupportable que l'on puisse s'en prendre à toi, Alphonse.
Tiens-moi le temps que je m’apaise. Tiens-moi d'autant plus fort qu'ils sont peut-être encore en vie.


Torture-le encore une fois, vieille trainée, et je te tue.

Les bras du Faune se replièrent sur le corps froid et frémissant du Goupil sans que le moindre mot ne soit prononcé, liés dans l’immobilisme de l’indispensable tendresse de la chair aux échos jumeaux, les respirations s’adaptant l’une à l’autre dans la symbiose de la sérénité retrouvée à l’accolade jusqu’à se mêler, incorrigibles, en un baiser aux saveurs des fièvres qui succèdent le règne d’un calme trop fragile.


Je vais finir par croire que nous ne pouvons laisser une pièce sans désordre
Un rire léger échappa aux lèvres mâles, doucement nerveux, encore fragile de la tempête morte contre son cœur, ne s’accentuant en un sourire complice que lorsque le Renard eut retrouvé cette fougue salvatrice qui le fascinait plus encore que ses morbides tourments.
J'espère que tu es souple et agile car je n'ai aucune intention de croiser nôtre hôte en repartant ! Surtout après ce que nous allons faire.
Les mots poursuivirent leur course, diables dont les couronnes lunaires portaient l’ombre sur leurs fronts un instant assagis, étirant les prémices des saveurs musquées dans lesquelles ils s’abandonnaient si volontiers, pantins que le monde soumettait à des vies cruellement complexes quand l’osmose des présences était, elle, si simple à contenter. Désormais aux hauteurs de la mêlée de leurs corps, le Chat accueillit chaque parole avec un prudent intérêt avant qu’une espièglerie insolente ne vienne mâtiner ses lèvres lorsque le vicomte eut fini de parler pour s’épancher à la chair d’un coup de bec qui soumit sa gorge à un ronronnement faune.

Du plaisir et de la douleur, l’animal était friand, insatiable monstre qui ne démêlait que rarement l’un de l’autre tant l’apathie de ses sens premiers l’avait poussé à se sentir désiré au travers des violences les plus amoureuses, objet pris au piège de ses propres travers, et si son corps avait accusé les fièvres les plus délirantes, il n’avait fait subir ses foudres qu’à peu d’élus, conscient de la bête sommeillant à ses entrailles, de sa voracité si sa laisse venait à céder.
Au fil des instants qui suivirent, ce furent des coups de crocs et de griffes qui se succédèrent, mise en bouche d’amants jouant de la force tout comme de l’envie pour s’approprier la peau, les lèvres et les soupirs entrecoupés de grognements aux caresses les plus blasphématoires, rixe langoureuse que le roulement des muscles sous les peaux pales tendait plus encore vers l’apologie de ce désir de sauvagerie assumée sans crainte de heurter puisque c’était là l’essence de leur plaisir. De son rôle de maitre, Alphonse n’oubliait rien, lucide guide dont la raison s’entravait inexorablement aux attentions de ce Frère de Tout, et ce fut pantelant qu’il émergea, posant avec autorité une main pleine sur la gorge du Phénix jusqu’à entraver sa respiration pour ne laisser qu’un filet d’air venir nourrir un souffle déjà court.
Les yeux noirs, concupiscents, pleins, éveillés, plongèrent dans le regard qui lui faisait face, guettant la tentation née de l’instant avant de prendre la parole dans un filet de voix carnassier :

Ce que tu me demandes, je veux que tu le voies… Vois, ressens, comprends... Je prendrai ce que tu me donnes et je ne te rendrai que ce que j’aurai dévoré… Les hanches furent soulevées d’un geste sec tandis que le bassin se pressait aux rondeurs ainsi amenées à portée d’un membre enflé quand les crocs apparaissaient aux commissures étirées des lèvres, peignant les traits si courtois du jeune homme d’une ombrageuse beauté. Crie, hurle, exulte, mais ne me quitte pas des yeux, exigea-t-il au murmure rauque d’une exaltation débridée en pliant le corps mâle pour s’y lover pleinement, grognant de satisfaction en voyant les pupilles se vriller de plaisir au-dessus d’une mâchoire crispée, relâchant lentement la pression de sa main pour compter la trace rouge de ses doigts sur la peau blême de son jumeau.

La tendresse fut bannie, ennemie avec laquelle ils passaient trop de temps pour lui permettre une intrusion même sommaire au creux de ces draps sélénites et des minutes s’enchaînant, il n’y eut plus que le chant spartiate des corps perlés de sueur par un effort sans compromission, claquant dans l’air au rythme de tambours de guerre et ce ne fut que repu, étourdi, la chair exsangue, que le Faune consentit à relâcher sa proie sur laquelle traces de dents et de doigts achevaient de s’estomper pour rendre à la peau son unicité.
Louvoyant au-dessus de lui, l’animal jaugea cet autre exaucé, le sourire impertinent de la jouissance dessiné sur son visage, narguant le corps sans force quand lui-même menaçait de s’écrouler sur le flanc, profitant de l’exquise vue des lèvres sèches et des joues encore roses de l’effort pour lui confier, espiègle, essaimant sur le visage quelques baisers doux :


Boutet est presque aveugle mais certainement pas sourd… Pas plus que ses employés... Si tu savais comme je me délecte déjà du moment où il te faudra passer devant l'un d'eux pour espérer récupérer ton cheval…
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Sabaude
La main posée avec autorité sur sa gorge mit fin à leurs ébats de chiots, signal tactile de l'endossement de rôles auxquels il se prêtait volontiers, que celui-ci fut d'accord tacite ou plus naturel qu'il n'aurait pu l'avouer. Le jeune Renard apprivoisé s'immobilisa aussitôt, captivé par ces subtilités du langage corporel d'Alphonse et du sien en réponse. Il n'opposa aucune résistance, n'essaya ni d'écarter le membre propriétaire ni d'en diminuer la pression, réceptif à l'ordre implicitement donné. La privation partielle d'air engendra une déglutition instinctive et força l'apaisement d'un souffle erratique quand la tension tapie au plus profond s'intensifiait.

Ce que tu me demandes, je veux que tu le voies...Vois, ressens, comprends. Je prendrais ce que tu me donnes et je ne te rendrai que ce que j'aurai dévoré. 

"Mes pensées seraient-elles traîtres à mon cœur lors je convaincs mon âme de mes craintes imbéciles, et mes envies fanfaronnes et inconséquentes comme je puis l'être parfois ? Devrais-je à mon emportement de t'avoir invité à nous repaître sans retenue quand je puis être si pusillanime à l'idée de nous exposer?
Dis-moi, toi qui portes tant de fardeaux quand nous devrions avancer sans, plus forts, plus ….
"

Et l'un fut en l'autre, les mots traçant leur chemin de la bouche du guide aux tempes du novice, un croassement assourdi sous des doigts encore serrés au cou, un buste tendu, et des yeux ronds de la douleur précédant la disparition des prunelles sous une frange brune.

Haaannnnnnnnn

"...libres..."

Le rideau de longs cils s'ouvrit sur la compréhension et la reddition, la nuque possédée d'une prise ferme à la chevelure, l'attention exigée. Un rire nerveux, presque dément, se mêla au flot des cris et gémissements, serpent bifide s'exprimant aux lèvres depuis le foyer des entrailles brûlantes. Les jais plantèrent leurs éclats brillants dans les deux puits sombres du Faune, l'auréole de la provocation au faîte des plus grands,

"Qu'ils entendent et nous surprennent à forniquer là où nous dansons bestialement. Plus d'ombre, de refuge ou de recul, que l’inhibition soit jetée aux orties... Je te veux en moi, intense, sans réserve à l'image de mon désir pour toi gonflé à chacun de nos pas et aux claquements des sabots depuis l'aube."

et il lui donna tout, paupières ouvertes sur une vision chimérique, oublieux des hommes à la morale étriquée et de leurs interdits. Le maître avait ordonné, l'élève avait regardé et les avait vus tels qu'ils étaient: sauvages, magnifiques, effrayants comme ces forets obscures et profondes où les enfants apeurés pénètrent avec bravoure ou inconscience pour en percer les mystères. Phénix s'abandonna complètement, dompté, exalté dans le va-et-vient satyre , plumes en bataille et bec claquant avidement quand les reins s'arrondissaient en quête de satisfaction au lieu de se creuser d'assouvissement, s’ébattant avec délectation et brutalité dans cette union animale, les sens baignés d'odeurs mâles, de chairs en sueur et de faces sublimées. Dressé dans l'explosion, la gorge alourdie de râles, le torse opalescent d'une jouissance qu'un souffle d'air aurait suffi à libérer, paume et phalanges posées à l'arête de sa virilité, il chut inerte dès l’accueil en son sein de celle jumelle, repu.

Boutet est presque aveugle mais certainement pas sourd...Pas plus que ses employés. Si tu savais comme je me délecte déjà du moment où il te faudra passer devant l'un d'eux pour espérer récupérer ton cheval... 

Le monde tourna tel la samare de l'érable détachée au vent léger, et, vision voilée, l'éreinté se fendit d'un sourire et d'un épanchement aux sons étouffés et convulsifs, la voix éraillée des manifestations éthérées de son débridement.

Tu as de la chance que je n'ai plus assez de force pour te jeter à bas de cette couche! Et ne me parle pas de cheval...grimaça-t-il, rien qu'à l'idée de remonter en selle j'ai mal partout.

La gausserie de l'ami employa l'hilarité à aplanir les derniers reliefs de la vigueur quand le Renard poussa le Chat au flanc pour s'y blottir, les joues rougies et mouillées de larmes rares et précieuses.

Ne t'inquiète pas, elles sont de joie et d'un épuisement salvateur, le rassura-t-il en haussant son menton pour croiser leurs regards. Merci pour tout ce que tu apportes dans cette vie dont j'avais perdu le fil. Merci d'être là lorsque entouré je me sentais si seul. Merci. Essaima-t-il entre deux baisers tendres à la peau moite de l'effort. Et je ne dis pas cela parce que tu viens de m'offrir un torride moment.

Sur une caresse affectueuse le sommeil salua l'affranchi cueilli plus tard au réveil des derniers feux d'un jour sur le point de s'évanouir aux ombres et parements vespéraux.

Lavé silencieusement au baquet du nacre de leur délectation, Sabaude revint auprès de l'endormi, l'éveillant aux passages doux d'un linge humide sur son front et son cou. Aux pensées goupils, la fuite à la manière des scélérats troquait au rythme du réveil ses atours de pudeur craintive contre ceux du bon tour et de l’entraînement.

Prêt à sauter ?fut la demande enjouée à brûle-pourpoint.

Sur un baiser bref le tissu imbibé fut laissé au ventre comptable et la fenêtre ouverte, un air guilleret siffloté dans le sillage du déterminé, vêtements amassés un à un avec une lenteur et une lascivité étudiées. A la révolte naissante dont le couperet tomba trop tard, le facétieux entreprit de se hâter, leurs habits prenant déjà leur envol vers l’horizon quand le fameux regard désapprobateur pesa sur lui.

Oups ! Le dernier arrivé est un Faune mouillé ! Lâcha-t-il avec l'aplomb d'un garnement encore épargné par le filet du blâme.

Inutile de s'attarder même s'il aurait volontiers claqué un fessier au passage par pure forfanterie. L'appui fut pris au rebord, et dans le plus simple des appareils, l'intrépide se réceptionna souplement sur le sol dur et blanc au manteau froid duquel il s'allongea rapidement, étalé de tout son long sous le corps nu et pesant d'un Chat vitupérant et mécontent. La lutte fraternelle en roulades et prises diverses s'acheva aux tremblements et claquements de dents des protagonistes.

Cesses de feuler, matou ! Nous allons le voir ton Boutet... J'ai soif, je suis transi et nous avons laissé la moitié de nos affaires dans la chambre.

L'écrasant de tout son poids Sabaude partit d'un fou rire... Rien que pour cette tête-là cela en valait la peine. Tu devrais te voir !.. avant de l'aider à se relever, tunique tendue piteusement en signe de pénitence. Vêts-toi où tu vas tomber malade... Un raclement penaud de gorge accompagna la recommandation sous une tête légèrement baissée. Un jour peut-être cesserait-il de se comporter avec la légèreté de l'enfance, un jour qu'il ne voulait voir venir...

A l'entrée de l'établissement, l'oeil Goupil se tendit vers un ciel d'hiver dans ses parures parme et orangées, l'esquisse allègre aux coins d'une bouche entrouverte sur les aspirations d'une déclaration inspirée du heurt et du chant des chairs. Sous la pulpe de ses doigts, vagabonds alanguis, la rugosité du bois dicta les mots un à un.


Crois-tu que cette porte aurait supporté le poids de nos corps enflammés si tu... si nous avions laissé libre cours à nos pulsions ici-même tout à l'heure ?

La question qui n'attendait pas de réponse le vit se retourner et saisir un bras de son compagnon , tirant une manche pour l'amener contre lui... Sache que si la fureur m'a quitté, je n'aurais de cesses de vouloir voir mort quiconque s'en prendrait à toi... et d'une volte, reléguant l'avertissement, le plaquer dos au battant avec un petit air narquois.

Que dis-tu d'une histoire de rats qui t'auraient mordu et fait hurler à en fuir par la voie des airs?

N'y tenant plus il l'embrassa fougueusement jusqu'à crever la pulpe d'une fine incartade de son incisive et d'en récupérer le sang de son majeur pour l'étaler à la jonction du pouce et de l'index de la senestre d'Alphonse.
D'un coup de langue une seconde perle vermeille fut effacée, et à son tour il tira le loquet, velours encore emmêlés.

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Alphonse_tabouret
Dormir avait toujours été l’un des fardeaux les plus terribles qu’Alphonse ait porté, fuyant du plus loin qu’il se souvienne la couche, à moins de n’être plus que brisures prêtes à être essaimées aux vents des rêves sourds et sans transparence.
La solitude forcée à laquelle était obligé de se soumettre chacun une fois enroulé aux draps attendant que ne vienne Morphée et son souffle trouble, avait toujours empli le jeune homme d’une angoisse sourde, et rien ni personne pendant longtemps, n’avait eu le droit de s’aventurer sur cette grève où l’animal se sentait si vulnérable. Les maitresses et les amants n’étaient fréquentés que dans leurs propres couches, ou au hasard de lieux qui s’y prêtaient tout autant, mais le panier du Chat restait son terrain le plus privé, jalousement gardé sans jamais en céder une once. Apprivoisé par la respiration d’un coquelicot, la déraison d’une passion et maintenant l’osmose jumelle, le Faune gardait pourtant un sens de la propriété viscéral quand il portait si peu d’attention à la luxuriance des possessions, et rares étaient ceux à auprès de qui il consentait à n’être rien d’autre que lui-même, bercé par l’éther et ses rivages.
Le souffle d’Antoine changeant en s’éveillant suffisait le plus souvent à l’extirper des songes où il était empêtré, l’oreille toujours attentive aux moindres bruits dès que l’enfant était concerné.
Axelle effleurait l’onde de la brume à l’instant même où elle quittait ses bras pour se retourner, signe indubitable que le réveil ne tarderait pas à lui faire ouvrir les yeux.
Sabaude avait quant à lui le don de le plonger dans les sommeils les plus profonds desquels il ne s’extirpait que lorsqu’il était sollicité avec insistance, masse inerte se construisant un repos salvateur dans l’oubli pur et simple du monde.

Le linge humide l’éveilla sans pour autant ouvrir les miroirs sur la chambre ravagée, Félin ne rechignant jamais recevoir quelques caresses de ces rares compagnons de nuit lorsque les limbes du sommeil tissaient encore ses tempes, et ce furent les mots qui laissèrent filtrer le velours sombres des prunelles aux travers de paupières plissées d’une incompréhension.

Prêt à quoi ?, demanda-t-il en s’appuyant sur un coude quand la paume de la senestre venait dégager un visage encadré des mèches inégales, dernier vestige des heures brutes et douces égrainées entre les murs de la chambre, le regard encore embué suivant les gestes dénudés du Goupil pour n’en comprendre le sens que trop tard, poignée de secondes d’incrédulité se condensant en un instant pour offrir la fulgurance de la lucidité.

L’envol des vêtements eut en écho celui du félin hors du lit, bondissant dans une exclamation sourde à la suite du Renard, n’avisant la hauteur de l’étage que pour mieux sauter à sa poursuite, le contact froid et brulant de la blanche achevant d’exciter la vengeance joyeuse et puérile lovée aux veines. Rattrapé, plaqué, le Goupil eut à se dépêtrer du Faune dont le sourire carnassier allait en s’agrandissant au fur et à mesure de la lutte éventrant le sol immaculé d’une série de combes en friches, jusqu’à claquer sans pouvoir être calmé, le corps fumant de l’énergie consumée aux frimas de l’air rigoureux d’une campagne enneigée.

Cesses de feuler, matou ! Nous allons le voir ton Boutet... J'ai soif, je suis transi et nous avons laissé la moitié de nos affaires dans la chambre.
Rien que pour cette tête-là cela en valait la peine. Tu devrais te voir !,
le taquina le Renard avec cette espièglerie dont toute son aura était ourlée avant de lui tendre une main qui fut saisie, mettant fin à cette ultime rixe de chiots qui les abandonnait nus tout aussi que gelés à plusieurs dizaines de mètres de l’auberge.

Des vêtements essaimés, Alphonse ne passa que les braies et le mantel sans prendre le temps de le boutonner, puis, trouvant une unique botte inutile à compléter la panoplie que le Goupil lui avait fourni à la descente de l’étage, lui emboita le pas vers la porte d’entrée en soufflant sur ses doigts gelés, la neige crissant doucement à chacun de ses pas. De la gêne, le jeune homme ne connaissait pas grand-chose, éternel observateur qui avait compris déjà jeune, que la provocation était une chose qui suscitait bien souvent le silence selon l’auditoire, voire, l’écartait tout simplement de ce qu’il avait en tête, en lui trouvant un nouvel os à ronger et s’il avait toujours soigneusement choisi les moments où en usait, il ne doutait pas que celui-ci serait de circonstance ; entrer la tête haute à demi nu dans une auberge ne lui demandait pas plus d’efforts que d’y pénétrer habillé de pied en cap et valait mieux que de chercher à s’en excuser.
S’arrêtant sur le perron, la voix du vicomte se fit plus basse, amenant plus que ne demandant, dans une teinte souriante tout autant que nostalgique, les souvenirs des heures appartenant désormais au passé :


Crois-tu que cette porte aurait supporté le poids de nos corps enflammés si tu... si nous avions laissé libre cours à nos pulsions ici-même tout à l'heure ?
La chair franchit une dernière fois les barrières socialement tolérées pour se rapprocher sous l’impulsion Goupil et faire naitre les mots aux accents de serments, rappelant le désordre du fracas et l’assouvissement de la chair au creux des diverses syllabes. Sache que si la fureur m'a quitté, je n'aurais de cesse de vouloir voir mort quiconque s'en prendrait à toi... Le dos plaqué au bois en un instant, l’animal ne répondit rien, accroché au regard sincère posé sur lui, jusqu’à ce qu’un sourire ne réponde crânement au prétexte farfelu évoqué dans les secondes suivantes :
Que dis-tu d'une histoire de rats qui t'auraient mordu et fait hurler à en fuir par la voie des airs?
La lèvre fendue crispa doucement le fil de la mâchoire, livrant aux tempes du félin les envies revanchardes desquelles naissaient les jeux où ils aimaient s’ébrouer, avant d’être livré en pâture à l’intérieur de la petite auberge sous le regard fuyant d’une soubrette baissant le nez pour s’évaporer dans un couloir.

Sans la moindre hésitation, le pas du Faune éventra la pièce aussi surement qu’en terrain conquis, le visage peint d’une expression à ce point assurée que la tenue extravagante à laquelle l’avait astreint Sabaude devenait un simple accessoire tout juste incongru pour cette fin d’hiver. S’arrêtant à hauteur d’une porte, le vicomte dans son sillage, le comptable toqua à une porte pour ne l’ouvrir qu’une fois qu’on le lui ait accordé, découvrant le vieillard à son bureau.

Boutet, votre auberge est infestée de rats , commença-t-il d’une voix volontairement appuyée, saisissant le vicomte par le bras pour l’amener à ses côtés, poursuivant, avec une grandiloquence espiègle : Des rats haut comme cela… Sa main effleura la tête du jeune homme silencieux tout autant que embarrassé, rattrapé inexorablement par ce côté enfantin qui accusait invariablement à ses traits, le rose de joues muettes, pour en donner une idée… et particulièrement agressifs… Regardez, l’un d’eux m’a mordu jusqu’au sang, fit il en s’approchant pour lui designer la lèvre doucement gonflée plutôt que sa chair facticement ensanglantée, résistant à l'envie de regarder Sabaude à cet instant ci pour éviter de rire. Sans plus de cérémonie, à son aise comme n’importe quel nabab en son palais, il s’assit sur le siège réservé aux visiteurs, se penchant brièvement par-dessus la table pour en saisir un parchemin et l’encrier, qu’il ouvrit pour y plonger le bout de l’index.
Nous avons bien essayé de les arrêter, au détriment du mobilier de la chambre, ce que nous déplorons, croyez-moi… L’index traça un premier chiffre remplissant toute la hauteur du vélin d’un trait épais que l’aubergiste malgré sa vue misérable ne pouvait pas ignorer… car cela ne nous a servis à rien. Les bêtes se sont jetées par la fenêtre et malgré toute notre vélocité, nous n’avons su les attraper avant qu’elles ne se tapissent dans la forêt, nous accablant de honte…, continua-t-il en ajoutant un premier chiffre avant de relever la tête vers son interlocuteur… Croyez-vous qu’il serait possible pour vous et votre personnel de taire cette cuisante humiliation faite à des gentilshommes ? Être incapables de venir à bout de quelques nuisibles… Un dernier zéro acheva de tracer le chiffre grassouillet que le comptable retourna vers Boutet pour le laisser le lire… n’est jamais bon pour les affaires de tous… ajouta-t-il dans la courtoisie d’un sourire ne trompant personne, Chat venu en affaire et attendant de conclure le pacte qui se jouait au teintes de centaines d’écus
Une esquisse entendue apparut sur le visage ridé tandis que la main flétrie pliait le vélin en hochant la tête, signal suffisant à Alphonse pour se lever, magistral toujours, en attrapant le vicomte par le bras pour le faire sortir du bureau.

Nous règlerons les détails à votre prochaine visite à l’Aphrodite fit il , rajoutant avant de passer la porte : Faites seller nos chevaux vous voulez bien, Boutet ? Nous rentrerons après avoir vidé la chambre, acheva-t-il en les entrainant dans l’escalier pour rejoindre le havre déserté sans plus échanger un mot, et sans croiser âme qui vive, jetant un coup d’œil sur son compagnon pour jauger au fil d' un sourire fauve, de l’ampleur de son état, ne demandant, qu’une fois la porte passée et l'intimité retrouvée, pour le plaisir de voir s'animer d'une moue empourprée , le visage mâle.

Penses-tu qu'il m'a cru ?

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