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[RP] Son mignon à lui...

Etienne_de_ligny
...C'est un co**ard.

En retrait le Griffé observe le combat qui se joue devant ses yeux. Pas un mot ne sort de ses lippes, aucun geste, aucun pas ne vient troubler ce désordre éreintant. L'heure est au règlement de compte et alors que tous observent et qu'Alphonse hausse le ton, le Griffé réalise que son absence a causé bien des torts. Les coups et leur raison lui échappent, tout comme les mots et alors qu'autrefois il lui aurait suffit de s'interposer, il se fige en retrait, tel un vulgaire puceau intimidé. Le Griffé n'est plus maître de son domaine. A quoi pouvait-il s'attendre après plusieurs mois d'absence ? Sinon à cette simple réplique glissée, amicale et franche à son oreille. Pourtant Adryan n'a plus rien de la Bauta, il n'est qu'un animal enragé, épris d'une donzelle à la peau hâlée. Savait-il pour le viol ? Pour la drogue ? Non. Pour lui, comme pour les autres, cela ressemble à une vulgaire querelle entre deux coqs, un constat aussi avilissant que banal. Une éloge à la connerie féminine, une de plus. Usé, le noble s'éloigne quelque peu jusqu'à ce qu'enfin, le calme s'impose. Les deux mâles se lèvent tour à tour avant de quitter l'arène de boue et d'herbes, mais alors que tous les regards se posent sur Eux, ceux du Griffé cherchent ceux de son Autre.

Rentrez vous mettre au chaud. Inutile de chopper la mort pour ça...Vous en verrez d'autre.

S'adressant à Edgar, Lucie et Nej, Etienne fait demi-tour pour regagner les couloirs de l'Aphrodite. De loin, il observe cette ombre familière qui s'engouffre, sans un regard, sans une attention à son égard dans les méandres de la Maison Basse. Ses iris disparates se posent le temps d'un instant sur le comptoir, la gorge sèche le tiraille, tout comme la clarté de son esprit. Il ne peut s'y arrêter, boire une fois de plus jusqu'à sentir sa bile envelopper son palais. Les pas dévient, tout comme le regard et alors que le Comptable regagne son refuge, Etienne s'y engouffre à son tour. La porte est fermée, le Griffé s'y adosse.

Lentement, il le dévisage et tente de se remémorer ces moments passés, tout comme cette promesse faite entre deux coups de reins. Il sait qu'il a merdé. Il devrait s'excuser simplement, mais à quoi bon, le Chat n'est pas idiot, attaché, entier, il se fera une joie de lui faire ravaler son insolence et son absence. Alors quitte à en prendre plein la gueule, autant lui donner une bonne raison de se défouler.

Tu comptes bouder comme une donzelle ?....

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L'Aphrodite, une invitation indécente.
Alphonse_tabouret
Il avait espéré.
Espéré le vide pour conforter la sangle passée à son cœur et la tirer encore jusqu’à le rendre exsangue, vide, dénervé de tous les futurs qui avaient accompagné la vision romaine et enfin, alors, respirer au travers d’un filtre nauséeux, l’air tel qu’il devait être.
Espéré que les pas retentissent pour assouvir cette faim tyrannique qui ne le quittait pas de le sentir encore, juste une fois, même si cela devait être la dernière, à la façon des espoirs tenus qui sifflent au bec d’une hirondelle quand on ne l’attend plus Vacillant au crépuscule de cette soirée qui avait vu éclore un monde nouveau, Alphonse contemplait, la mâchoire crispée d’épuisement cette senestre qui ne cessait de trembler, mêlant au souvenir déjà abyssal de cette maladie chronique, l’enfer d’une fin d’année. Lentement il ferma et ouvrit le poing, exercice auquel il ajoutait invariablement un décompte, s’attachant à aller jusqu’à la dizaine quand bien même les nerfs auraient trouvé à se calmer avant qu’il ne finisse d’égrener les nombres.
Les tempes frémirent à l’écho du premier pas posé à l’escalier qui menait à sa chambre, fermant les yeux quelques secondes dans une prière muette où se mêlait l’envie et la terreur, jusqu’à les réouvrir quand Étienne franchissait le seuil de son territoire pour les y cloisonner.
Le velours des yeux s’attarda sur la silhouette mâle, l’âme soigneusement calfeutrée derrière les remparts d’un visage neutre, le cœur pris dans une tempête qui se mesurait à l’ampleur de la colère glacée qui louvoyait à ses nerfs depuis des semaines.

Tu comptes bouder comme une donzelle ?....

L’animal étira un sourire froid à ses lippes en accusant le trait, la créature tapie dans son ombre s’enthousiasmant d’un tressaillement cruel au choix offert des armes, étirant ses membres difformes en tâtonnant aux abords de sa cage.
La provocation…

M’as-tu quitté depuis si longtemps que tu ne te souviens pas qu’à ce jeu-là, je peux t’emporter dans mon sillage ?

L’orgueil ronronnant au diapason de la rancune, le chat attrapa la bouteille de Whisky posée sur le coin d’un petit bureau, la débouchant d’un geste lent sans quitter le Griffé des yeux, détaillant au fil d’une observation qui ne se cachait pas le fil net de sa mâchoire, l’ombre à son regard, et un instant, il crut presque sentir le parfum enivrant de sa peau balafrée se nouer à la sienne, poignardant la fierté quand le cœur se permettait un battement incongru.

As-tu toujours été aussi beau ?

Le coude plia pour porter le goulot à la bouche, déversant l‘ambre en une longue goulée avant de s’essuyer les babines d’un revers de main, avançant d’un pas vers l’Intrus, son regard fracturé, cet Autre incapable de mots, même les plus élémentaires et qui, en guise de retrouvailles offrait la guerre avant la paix.

As-tu toujours été ce splendide connard qui se tient devant moi ?

Il s’était toujours refusé à penser au retour d’Etienne, à se perdre dans les méandres frustratoires des possibles, gangrené par l’amertume d’une éducation qui ne permettait pas l’espoir, et pourtant, aujourd’hui, il se tenait là, à portée d’un mouvement, à portée d’un mot, d’un futur qu’il s’était si résolument engagé à ne jamais entrapercevoir qu’il eut pu se croire aux frontières d’un songe, attardant le silence jusqu’à ce qu’ils se fassent face, un mètre tout au plus les séparant, dans lequel sommeillait un univers de vide.
L’âme s’agitait, enfer de lave soumis à l’alchimie que subissait la chair assujettie à la présence de son Autre, la détermination jusque-là nourricière se consumant sans appel, laissant apparaitre le vide sous les sabots du faune et une seconde, il se prit à fondre le présent d’une envie de lui, à imaginer l’impulsion qui aurait suffi à mêler les corps pour les emporter dans une danse dont il gardait la fièvre rivée à l’éther sans pourtant céder le moindre millimètre à ce rêve imbécile.


Une femme t’aurait dit que tu as mauvaise mine… fit il remarquer en lui tendant la bouteille, l’esquisse d’une ombre impertinente dessinant ses traits d’une beauté doucement dédaigneuse, visant à égratigner la pellicule d’indifférence dont s’était drapé Étienne dont le caractère ne demandait qu’à s’embraser pour s’exprimer. Je dirais pour ma part que tu as vraiment une sale gueule…ponctua-t-il dans un rictus volontairement narquois. Aurais-tu, par hasard, besoin de moi pour soulager ta conscience ?, poursuivit-il d’un ton teinté d’une insolence légitime, tendant la main pour récupérer la bouteille, luttant pour ne pas emporter le geste jusqu’à toucher sa peau.
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Etienne_de_ligny
Dans son antre, au cœur de Son territoire, le Félin est Maître. Il s'étire, jubile, lèche ses babines et s'approche, lentement. Les iris félins ne lâchent pas ceux de l'Intrus et devant un tel spectacle, une telle envie de vengeance, le Griffé sourit intérieurement. Insolent. Impassible, il soutient le regard jusqu'à ce qu'enfin, le parfum du Faune soit à sa portée. Après des semaines sans Lui, ces quelques flagrances s'insinuent en lui, jusqu'à frapper ses tempes et irradier son bas ventre. Pourtant, Etienne maintient sa position. Acculé contre la porte, il n'est qu'un animal aux stigmates multiples épié et dévisagé par un Félin maintenu depuis trop longtemps en cage. Un Faune qui, malgré cette bouteille tendue, n'en reste pas moins un vil adversaire. Du Wishky ? Aurait-il déjà oublié ? Amusé par la proposition dépourvue de vert, le Griffé récupère la bouteille qu'il lorgne avec dépit. Même pendant ces semaines d'agonie et de rixe, le noble avait préféré rejeter de la Fée plutôt que cet alcool qui portait le visage de son Autre.

Cet alcool a beau être ton préféré, il n'a toujours pas gagné mon intérêt.

Redonnant la bouteille au Félin, préférant ainsi qu'il s'imbibe et s'apaise, Etienne encaisse les premières verbes de l'amant. Une sale gueule ? Pas étonnant. Assuré, prêt à tout pour le décontenancer et l'affliger par son dédain et son indifférence, le Griffé effleure son propre visage, raclant de la pulpe de ses doigts, cette barbe de quelques jours, ces traits tirés et le saillant de ses mâchoires. Le Verdict est juste, aucun mensonge, juste la délicatesse d'une vérité servie sur un plateau de mépris. Reluquant les courbes du Félin, Etienne réalise que ce dernier avait gagné en musculature, a croire qu'il lui fallait une occupation pour palier à son absence. Inspirant fortement, le Griffé avoue son répondant avec une pointe de sarcasme.

J'ai rarement vu un homme à qui le deuil réussit. Il semblerait que la sale gueule, soit un des nombreux effets secondaire.

S'éloignant de la porte, Etienne contourne les courbes de l'amant jusqu'à se nicher dans son dos. Prenant sur lui et ses envies primaires, il conserve ses appuis à quelques pas de l'animal. Le parfum se fait moins entêtant, moins troublant et ainsi positionné dans son dos, il peut à loisir contempler son amant. L'envie est là, bruyante, usante, de le saisir contre son torse et de laisser couler ses lippes contre la nuque chaude et brûlante de son amant. Mais il n'en fait rien. Éternellement stoïque jusqu'à ce que les Félin ait enfin planter ses griffes.

T'ennuyais-tu autant de moi que tu t'es forgé en quelques semaines une musculature si saillante ? Oublions volontairement la question sur la conscience, Etienne se garde de lui répondre qu'elle se porte à merveille, malgré quelques maux dont le Félin fait l'objet. Nul doute, le De Ligny n'est qu'un parfait connard plein de dédain.

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L'Aphrodite, une invitation indécente.
Alphonse_tabouret
All around me are familiar faces
Worn out places, worn out faces
Bright and early for the daily races
Going nowhere, going nowhere

Their tears are filling up their glasses
No expression, no expression
Hide my head I want to drown my sorrow
No tomorrow, no tomorrow

And I find it kinda funny
I find it kinda sad
The dreams in which I'm dying
Are the best I've ever had

Mad world Gary Jules



Cet alcool a beau être ton préféré, il n'a toujours pas gagné mon intérêt.

Si seulement j’avais que faire de tes intérêts, répondit le chat au fil d’un sourire froid en récupérant la bouteille pour la porter à ses lèvres, égrenant l’un de ces mensonges qui vous maintiennent en vie quand le cœur est en charpie. L’absinthe avait déserté la chambre en même temps que Lui, quand l’animal, à vif, avait choisi l’oubli à l’imbécile attente, à ce point terrassé par les évènements qu’ôter de sa vue une simple bouteille habituellement réservée à son Autre lui avait semblé un poids en moins à supporter au quotidien.

J'ai rarement vu un homme à qui le deuil réussit. Il semblerait que la sale gueule, soit un des nombreux effets secondaires

Sarcasme s’envolant jusqu’à trouver la gueule crispée de la bête tapie en lui, nourrissant la colère plus encore, forçant le comptable à prendre le temps d’une inspiration pour ne pas acculer de Ligny à la porte d’un geste brusque en lui demandant ce qu’il connaissait du deuil, lui qui l’avait poignardé d’un silence subit de l’abandonner sans même l’achever.

Six mois d’agonie, Etienne, six mois avant qu’enfin, tu te décides à venir fouler de tes pieds mon cadavre... Je ne te ferai même pas le plaisir de bouger le petit doigt quand tu t’assureras que tu as gagné cette bataille.


Car que penser d’autre sinon qu’Etienne venait uniquement contempler le final d’une mise à mort orchestrée depuis cet été si lointain qu’il en avait oublié la chaleur du soleil sur leurs peaux dans les rues de Tarbes. Comment imaginer un seul instant qu’il eut pu ressentir le regret quand son visage ne reflétait que le mépris des survivants, jusqu’à venir le narguer au creux même de son territoire, s’octroyant le droit d’y rentrer comme s’il avait été vide.


Qui aurait cru que tu aies le cœur assez vaste pour t’encombrer de ce genre de choses, admit railleusement le Faune au fil d’une voix basse, remarque faite pour lui mais distillée à haute voix dans l’unique volonté de voir se crisper le visage de son Autre, caressant du pouce le goulot humide de la bouteille, parfumant le doigt qu’il porta à ses lèvres pour en savourer la fragrance tandis que de Ligny quittait le support de la porte pour faire quelques pas, se soustrayant à sa vue sans pour autant éteindre l’emprise sur ses sens.

T'ennuyais-tu autant de moi que tu t'es forgé en quelques semaines une musculature si saillante ?

La présence dans son dos le brulait jusqu’à la combustion, rejetant autant qu’espérant le contact de Ses doigts à sa peau, déchiré entre la rage et le besoin, écœuré de lui-même de se trouver aussi faible quand il avait pourtant lutté pour s’endurcir le long de sa balade solitaire.
Tenu uniquement par sa volonté au stoïcisme de sa pose quand la chair palpitait traitreusement de cette voix revenue d’un passé vibrant d’emphase, il puisa désespérément dans les mantras psalmodiés à chaque fois que le manque l’avait saisi jusqu’au tournis avant de se retourner, le visage dégagé de tout sourire de circonstance, beauté froide autant qu’attristée, portant dans son regard l’étincelle d’une plaie qui refusait de se taire.


Quelques semaines, répéta-t-il d’une voix absente où ne pouvait s’empêcher de percer une tendre mélancolie à la contemplation de ce royaume si jalousement gardé et que De Ligny piétinait jusque dans le temps suspendu à sa disparition. Tu chiffres si facilement l’éternité, poursuivit-il doucement avant que le voile d’un sourire peiné ne chasse de ses lippes l’accent amer venu s’y lover.

Je me suis ennuyé, oui. Si longtemps, si souvent. Encore maintenant, quand je ferme les yeux trop longtemps, c’est Toi qui accapare mes pensées…
Je t’ai attendu, en vain. Si j’avais été capable de pleurer peut être l’aurais-je fait, mais en me quittant, tu avais tout pris…


J’ai trouvé un bon maitre, répondit-il enfin, reprenant pied dans le monde obscur qui s’ouvrait devant lui et où l’insupportable lumière d’Etienne grignotait les repères qu’il s’était forgé jusqu’à l’étreindre d’une volupté grandissante qu’il n’avait jamais su juguler devant Lui. Il ne m’épargne pas, admit il avant de s’éloigner jusqu’à une commode proche sur laquelle il déposa la bouteille avant de l’éventrer d’un geste pour y piocher une chemise. Passant les pans du vêtement couturé de son costume par-dessus sa tête, il se débarrassa du tissu ourlé de fourrure, offrant à la vision Amante quelques traits nets dont les bleus finissaient enfin de se résorber, étalés sur ses flancs, reliquats d’une dernière leçon où la branche de noisetier avait eu raison de lui quelques fois avant qu’il ne parvienne à l’esquiver… Il faut croire que tu n’es pas le seul, ajouta-t-il en portant aux fractales dépareillés l’accusation des maux en un regard épais
Enfilant les bras dans les manches blanches, il coinça le pouce au col pour y passer la tête, s’interrompant quelques instants en regardant Etienne, une nausée grandissante de cette lutte contre lui-même lui empoignant les tempes et agitant la senestre de ce maudit tressautement incontrôlable, trahissant le flegme si durement entretenu. Un agacement brusque lui vrilla les nerfs, engloutissant le calme jusque la tempéré en un brasier sans fin, et finissant de se vêtir d’un mouvement brusque visant à éradiquer le tremblement, le Chat avança jusqu’à De Ligny pour se planter devant lui, puisant dans le louvoiement de la lave pour surmonter les propres règles qu’il s’était fixé, penchant la tête en accusant l’insensé parfum de son Autre le contaminant lentement. La dextre s’avança, sans crainte, mû par l’intransigeance d’une volonté qui se découvrait le besoin du sang tout autant que de la lutte, caressant d’un revers d’index, la barbe naissante du Griffé, comme pour en jauger l’état, abimé une poignée de secondes au tournoiement de son propre corps à ce simple contact, le ventre s’éveillant viscéralement, le regard coulant instinctivement sur les lèvres avant de remonter et de demander, dans l’insolence du détachement contredisant la langueur du geste :

Dois-je annoncer ton retour à l’ensemble du personnel ou es-tu juste venu tirer un coup avant de repartir ?
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Etienne_de_ligny
Une vraie langue de p*te. Quelle idée foireuse que de provoquer le Faune dans son domaine d'excellence. La verbe est piquante, saisissante, et malheureusement pour lui, inspirée. La vengeance avait mûrie et voici qu'armé de son culot, le Griffé avait tendu la joue. Les mots s'y perdent donc, telle une claque, bafouant le deuil, moquant l'absence et provocant la jalousie. Fourbe, le Félin avoue alors ses maux qui tel des stigmates lui rappelle qu'il n'est pas irremplaçable. Ainsi donc le Comptable avait trouvé croupe et tortionnaire à son goût. Piqué à vif, la mâchoire du Griffé se serre et lorsque la main féline se porte à sa joue pour découvrir sa barbe naissante, Etienne conserve ce masque d'impassibilité. Qu'importe la question qui se porte à ses tempes, le Griffé ne voit que par ces bleus qui jonchent le corps de son Félin. Qui donc avait- eu la folie d'abîmer ce corps pour lequel il s'était damné ? Savait-il l'inconscient que celui qui avait osé torturer son Faune s'était vu torturé et émasculé sans une once de compassion. Agacé, le Faune est vainqueur.

Fût un temps, je me suis engagé auprès de l'Aphrodite.

Lentement le corps du Griffé se rapproche de son Faune. La main se plaque contre son flanc tandis qu'une autre se perd à la hauteur de sa nuque. Pressée, la chair est malmenée jusqu'à ce que le visage, résistant, se porte enfin à portée de lippes. Le souffle se coupe, le ventre tiraille, la chaleur se dissipe, et enfin, le Griffé vient happer les lèvres de son Autre. Le baiser à un goût de soulagement et de rage, un goût d'encore et d’écœurement. S'il est aisé pour le Comptable d’enchaîner les conquêtes masculines et de les assumer, Etienne quant à lui, ne voit que par cette exception, que par ce fourbe réfléchit et manipulateur. Incapable de Le remplacer et de L'oublier, le Griffé presse la chair de son Autre tandis que le souffle se perd, inconscient et fou, contre ses lippes. Les résistances sont vaines, même si la nouvelle musculature le force à insister d'avantage. Le Maître a visiblement tenu sa promesse, le Comptable est plus résistant qu'autre fois. Avide, il découvre cette nouvelle musculature, relâchant la hanche pour retrouver la chaleur de sa peau pour longer son échine et en apaiser les maux. Qu'il ose le Comptable le repousser..Etienne bien incapable de rivaliser avec sa joute verbal sait toutefois prendre ce qu'on lui refuse.

Fût un temps, je me suis engagé envers toi...

Le bas ventre irradié, les braies malgré lui gonflées par tant d'envies et de frustration, le Griffé repousse et s'éloigne de sa tentation. Il serait aisé d'oublier l'absence au rythme de quelques soupirs, d'apaiser les doutes par quelques baisers et morsures, mais les mois ne peuvent se résoudre à tant de simplicité. La rancœur est tenace aux iris du Comptable et si le noble estime que son absence est justifiée et dénouée de toute culpabilité, le comportement de son Amant prouve le contraire.

Peu importe mes absences et mes silences, je n'ai qu'une parole.

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L'Aphrodite, une invitation indécente.
Alphonse_tabouret
Maudite Aphrodite, as-tu donc si faim qu’il te faille trahir jusqu’à tes serviteurs les plus fidèles sans même réclamer la tête de leurs coupables ?
N’as-tu pas assez d’encens brulé à ton nom pour que tu souhaites en plus porter les fragrances des passions qui détruisent les mondes pour en rebâtir d’autres ?
As-tu donc le cœur si sec que protèges les diables qui tuent d’un baiser fiévreux, tes propres enfants ?

Aurait-il voulu échapper à la poigne tyrannique de De Ligny qu’il n’y serait pas parvenu, empêtré dans l’instant même au frisson d’harmonies lui traversant l’échine dès lors que Ses mains furent sur lui, fers rougeoyant consumant sa chair des souvenirs qui leur étaient liés , détruisant les derniers lambeaux d’indifférence jonchant sa conscience. Le corps se contracta, de révolte tout autant que de plaisir, pantin soumis aux nébuleuses tempêtes d’un cœur aussi avide que rancunier, provoquant dans une satisfaction maladive, le besoin du Nobliau de ferrer un peu plus sa proie à ses griffes par sa crispation, prédateur sanguinaire qui prenait ce qu’il estimait dû, rappelant à la bouche Faune, cette saveur indescriptible née des serments qu’Etienne délayait par ses gestes.
Aux lippes jointes avant que les souffles ne s’emballent, voraces, le simple contact des peaux dévora les reliquats d’une parenthèse de vie forgée à même une volonté de fer, et si pour l’un, l’écœurement valait par la simple enveloppe mâle narguant ses désirs les moins avouables, la nausée du chat ne valait que pour cette faiblesse à aimer Etienne plus encore qu’il ne le haïssait à l'instant, quand bien même Son affection ne pouvait s’empêcher l’ombre d’un dégout éthéré à l’égide de ses lèvres. Sous l’inattendue caresse de la main à ses flancs outragés, l’animal, vacillant, contempla les forteresses d’une résolution jusqu’alors exemplaire s’effondrer pour un Autre qui ne cesserait jamais de le considérer comme un monstre de déviance, une épine plongée dans les bonnes mœurs auxquelles on l’avait bercé, un mauvais choix, et crispa, fugitivement, quelques doigts sur le tissu recouvrant les flancs mâles, effleurant au travers de l’étoffe, cette outrageuse peau balafrée.
Repousser Etienne aurait été aussi superflu qu’inutile, aussi violent que mensonger, et au parfum de cette proximité un instant rétablie, dans le confort insensé de cette chaleur fiévreuse , l’animal sentit sa gorge se serrer brusquement, faisant germer l’horreur absolue de laisser apparaitre la fêlure devant cet Autre intransigeant, d’admettre le manque et la douleur au travers des larmes. Lové à ses entrailles, le monstre lui servant d’âme feula, s’agita, agacé de tant de sentimentalisme devant celui qui n’en montrait aucun, exaspéré par le brasier de ce corps si faible, de l’excitation primaire de sa chair répondant à la Sienne, et ne consentit à détendre le fil de la mâchoire mâle que lorsqu’Etienne relâcha son étreinte.
Dieu, qu’elle était longue cette nuit de Noël…

Peu importe mes absences et mes silences, je n'ai qu'une parole.

Que vaut la parole de celui qui est parti sans un mot ?

Le silence s’égara une poignée de secondes et quand il fut certain que sa voix ne tremblerait pas, que l’émotion la plus vibrante était assujettie à cet orgueil malheureux si désespérément niché en lui quand il connaissait si peu le gout naturel de la fierté, il releva le velours attristé de son regard sur la silhouette blême devant lui. Etienne et Artur avaient disparu sans l’ombre d’une explication, emportant dans leur mutique sillage, une myriade d’interrogations et d’accusations qui n’avaient cessé de torturer le comptable jusqu’à l’insomnie et pourtant, on ne discernait dans ce regard fracturé, ni le remords, ni la culpabilité de celui qui a porté le glaive jusqu’au cœur.
"Peu importe mes absences et mes silences, je n'ai qu'une parole".
Les mots dansaient entre les tempes brunes, en une valse enfantine au concert de ricanements cruels excitant le désespoir enragé du Faune dont les muscles s’engourdirent doucement d’une tension saline.

Non. La tête pencha à droite puis à gauche pour appuyer l’opposition. Non, pas « peu importe …», poursuivit il, la voix grave prenant enfin de l’ampleur dans le ton accusateur jusque-là retenu dans l’insolence du flegme, Faune courroucé que le baiser d’Etienne avait contaminé jusqu’à la sincérité, malmené par d’irrésolues envies que des tempes embuées ne parvenaient plus à juguler, avançant d’un pas vers De Ligny. Les serments ne permettent pas tout… Les iris s’exaltèrent, s’épanouissant dans un iris sombre jusqu’à presque en voiler les prunelles.

Où étais tu ?

Au chaos des pensées, les questions s’entrechoquaient dans la cacophonie furieuse de ces instants où la raison n’a plus de prise sur les sens, les pensées épurées éventrant les mots trop pauvres pour les contenir.

Comment as-tu pu m’imposer ce silence ?

Et pourtant dans la tempête, l’égoïsme intrinsèque de l’animal mis à mort ne pouvait s’empêcher de percer les vents de la seule question qui rongeait le félin, cruelle lumière portant aux nues l’éternel narcissisme humaine.

Pourquoi ?

L’élan fut rompu, immobilisant Alphonse dont le regard s’arrêta à la lisière d’une curiosité résumée en quelques mots, suspendue toute entière, à l’appétence d’un point d’interrogation.

Pourquoi es tu parti?, demanda-t-il enfin.

Pourquoi m'as tu quitté?

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Etienne_de_ligny
Run boy run! This world is not made for you

"Peu importe". Les mots d'apparences simples, dénoués de toute sensibilité se heurtent à celle du Comptable, qui étreint par l'Abandon, gagne en méfiance et en réticence. A proximité du Félin, le bas ventre criant famine, Etienne peine à rester de marbre et si les excuses lui manquent, les justifications, elles sont attendues. Devant lui, le visage du Comptable basculent en une négation et la question est lancée, intransigeante et emplie d'incompréhension. La réponse se doit d'être franche, honnête et là, est la peine du Griffé. Ainsi donc il lui faut revivre cet enfer, poser des mots sur une souffrance déjà éprouvée à deux reprises, matérialiser la peine et la rage en quelques mots quand des semaines furent nécessaires pour en soulager les maux. Cherchant dans ses lambeaux, volontairement éparses, Etienne se remémore cette nuit où il L'abandonna à sa solitude et à ses doutes.

Pourquoi ne peux-tu pas te contenter de mon retour quand expliquer mon départ me plonge dans ce que j'ai mainte fois essayé de taire ?

Prenant appui sur le rebord du bureau, le noble glisse une main lasse sur son visage qu'il laisse échouer le long de sa nuque en un massage appuyé et douloureux. Fermant un court instant ses iris disparates, Etienne fouille dans sa mémoire. Si plusieurs nuits et journées furent jusque là, noyées dans l'ivresse et les coups, celle qui fut la cause de tout ces maux, ne fut que crainte et insomnie. Lentement, il se remémore les plaintes et les gémissements d'Artur qui le tirèrent de son sommeil, les heures interminables où, impuissant, le médicastre peinait à comprendre le Mal dont il était éprit. Sueur froide, douleurs vives, forte fièvre, rejet, tremblement et gestes désorganisés, Artur, impuissant subissait chaque crise, chaque assaut, avec un regard qui n'aspirait qu'à la libération. Acteur meurtri de ce Mal, Etienne se souvient encore de la douleur émanant de ses muscles qui tendus, plaquaient le corps agonisant de son fils, du bruit insupportable de cette suffocation qui étreignit sa gorge enfantine jusqu'à ce le corps, épuisé, ne puisse plus lutter...

Maudit, impuissant, responsable, le Griffé serre les poings alors que la peine retrouvée, vient à nouveau enserrer sa gorge. Artur est décédé devant moi, contre moi... Sarcastique, Etienne serait tenté de rajouter "Encore" quand la rage et la douleur se rappelaient inexorablement à lui. Un premier enfant puis un deuxième, le Très Haut semblait s'appliquer à le priver de son désir de paternité. Incapable de revenir auprès de son Faune, persuadé de sa malédiction, le Griffé, renfermé et affligé, organisa l'enterrement d'Artur. Ni Lui, ni Axelle, n'étaient invités et pour cause, c'est seul qu'il souhaitait lui rendre hommage. Quant aux semaines qui suivirent, Etienne ne se rappelle que de ce goût de bile, de sang et la douleur des coups qui affligèrent son corps déjà mutilé.

Quant aux semaines qui suivirent sa mort, j'ai réalisé que trop tard, que ma rage était insatiable. Tout comme j’ai compris que ne pouvais pas revenir auprès de toi, quand jaloux et envieux, j'aurai pu te haïr d'avoir un fils vivant.

Alors ne me reproche pas mon absence, quand celle-ci fut interminable à mes yeux, quand en homme de parole je fus là quand l'Aphrodite eu besoin de moi, quand en homme privé de toi j'ai pris sur moi pour affronter ton mépris, ta rancune et ta paternité qui me fait défaut.

Les mots, durs et vides, se perdent aux tympans du Faune, sans aucune conscience. Le Griffé, vacciné par ces deuils, s'était fait à la putridité de ses raisonnements, de sa jalousie et de son égoïsme. Si même l'alcool, les coups et les putains ne peuvent soulager ce Mal tenace et ses effets secondaires, ce n'est pas le Chat qui allait pouvoir lui affliger le coup de grâce.
Alors oui, qu'importe...

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L'Aphrodite, une invitation indécente.
Alphonse_tabouret
C’était peut-être dans ces moments là qu’Alphonse aurait su le moins dire s’il tenait de l’humain ou du monstre, encaissant dans un silence blême la vérité qu’il avait attendu des mois durant, incapable de dissocier l’affligeante tristesse qui le contaminait, de l’aveugle sentiment d’injustice qui fauchait, narcisse, les élans les plus affectueux à l’écoute du conte.
Il savait l’ombre permanente qui avait enlacé Etienne depuis de nombreuses années, invisible fardeau pesant à ses épaules qui ne cessait de s’acharner à courber cette échine fière et qui, inexorablement, finissait par s’immiscer aux replis de l’âme Balafrée. La vie… étrange obsession pour celui qui avait guerroyé plusieurs années avant de devoir se résoudre, amoindri par une épaule blessée, à exprimer sa rage dans des cercles plus fermés mais plus lucratifs où les coups se portaient jusqu’au sang, parfois même jusqu’à la mort, et pourtant, au-delà de ces horizons macabres, le nobliau persistait à entretenir ce Désir de paternité, lentement mû en un Besoin à ce point viscéral, qu’il avait fini par les séparer.

Les envies, contradictoires tempêtes qui s’agitaient, virulentes, sans s’accorder de lâcher prise au profit d’une possible accalmie, figeaient le comptable dans une immobilité qui pesait sur lui à la manière d’un costume de plomb, le laissant perdu dans divers parfums de souffrance en contemplant les myriades de possibles s’offrant à lui.
D’un pas, il aurait pu franchir la distance le séparant d’Etienne et l’étreindre d’un baiser affamé, de mains propriétaires, d’un souffle foudroyé de plaisir, jusqu’à lui faire oublier, quelques instants seulement, ce deuxième enfant perdu, cet échec involontaire tout autant qu’accablant.
D’un mot, il aurait pu sceller à cet instant ces douloureuses retrouvailles, soumettant cet amour blessé à l’inexorable absence de ses excuses tant attendues et admettre alors, vaincu, la légitimité de cette fuite folle.
D’un geste, il aurait pu claquer la porte, emportant avec lui ce bâtard dont l’existence même était un tel châtiment qu’il en avait chassé Etienne, quitter le ventre du Bordel et ne plus jamais imposer les babillements enfantins d’Antoine aux oreilles affligées qui ne les supportaient pas.
Et tandis que défilaient les chemins, Alphonse, au chaos du moment, sentit la lassitude poignarder ses reins, balayant en un instant l’incessant brouhaha cognitif pour ne laisser que le vide, le rien, le silence, se suspendre aux bois sombres du Faune dont le reflet trouble lui apparut enfin, libérant aussi brusquement que violemment l’air retenu dans ses poumons, retrouvant l’éther pur d’un chemin qui apparaissait si net, si instinctif, qu’il en devint Unique.

Le coude se plia et la dextre claqua sèchement sur la joue d’Etienne, avant que l’étau des mains ne se resserre au col pour maintenir à l’orée de son visage, celui de Son Autre, l’œil noir d’un désir déterminé, d’un langage enfin commun aux deux Amants.


Ne décide plus jamais pour moi de ce qui est meilleur pour nous, articula-t-il d’une voix courroucée à la lisière des lèvres mâles, conscient des foudres qu’il avait pu déchainer à l’instant même où la gifle avait cinglé mais entrapercevant enfin cet horizon où Griffé et Chat parvenaient parfois à se comprendre, laissant une poignée de secondes blanches estomper l’instant pour s’imprégner des fractales rivées aux siennes.

Il aurait suffi de si peu Étienne… Un mot, un simple mot… Mais tu as choisi le silence pour me préserver, me brisant à ton insu, un peu plus, à chaque mutique journée, jusqu’à ce qu’il ne reste que le besoin primaire de me sentir vivre sans Toi pour pouvoir encore exister parmi les vivants…

Dans un soupir, les doigts relâchèrent leur pression, coururent dans le cou jusqu’à le cueillir avec une étonnante tendresse quand le corps perdait en tension et que la voix s’allégeait d’un ton, doucement hypnotique :

Je suis tellement désolé pour Artur… Les lèvres pressèrent légèrement leurs jumelles, attardant l’épice d’une suspension au temps qui se jouait d’eux depuis six mois déjà… Je n’imagine pas ce que tu as enduré… Les lippes cette fois s’accrochèrent, sans pour autant s’abimer jusqu’à la satiété, torturant le corps dont cette proximité retrouvée agaçait la chair jusqu’à l’irrésistible, créature pétrie d’envies aussi absolues que radicales dès qu’il s’agissait d’Etienne… ni combien tu souffres encore… S’ils avaient peu en commun, les deux hommes partageaient bien souvent le gout du silence, choisissant comme langage celui des actes bien plus souvent que du verbe, et si les mots s’égrenaient, concentrés, concis quand il y aurait eu tant à dire, les baisers eux chuchotaient une autre mélopée, plus complexe, moins définitive, destinée aux sens seuls d’Etienne pour l’imprégner de cette peine partagée qu’il avait jusque-là si farouchement tenu à porter seul.
L’animal se redressa lentement, la chair crispée d’une frustration pleine de ne pas s’être approprié le souffle jumeau pour faire taire cette faim phénoménale faisant frissonner sa peau, égarant le pouce sur la chair de l’inférieure jusqu’à la commissure, comme pour estomper cette parenthèse amoureuse.

Ne me reproche pas ma colère, quand ton absence a été interminable à mes yeux, quand tu as répondu aux besoins de l’Aphrodite sans t’arrêter aux miens, quand en homme privé de toi, j’ai pris sur moi pour affronter ton silence, tes résolutions et ta logique tronquée par un deuil si cruellement entretenu…


Une part de moi veut tout oublier, me nourrir de toi jusqu’à la nausée…, commença-t-il au fil d’une voix basse, égarant dans les syllabes une sincérité transie… m’endormir pour recommencer à mon réveil et ce pendant six mois pour avoir l’impression d’enfin pouvoir combler le vide que tu y as installé … La caresse attardée mourut quand le Chat ramena son bras à lui, poursuivant : Une autre t’en veut tellement de s’être fait à l’idée que tu n’étais pas mort mais simplement parti qu'elle ne veut plus jamais souffrir par ta main…. Il prit le temps d’une respiration avant d’avouer dans un sourire esquissant l’ombre d’une émotion attristée:
L’Aphrodite n’attend que toi… Six mois durant, Alphonse avait géré comme de coutume les affaires du bordel sans jamais prononcer le moindre mot pour alimenter les meurs liées à la disparition de leur directeur, noircissant patiemment les livres de compte sans s’avouer l’espoir de voir un jour revenir Etienne reprendre les rênes de ce royaume double… Moi, conclut-il enfin, je ne sais pas ce que j’attends…
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Etienne_de_ligny
Usé, le Griffé reste de marbre jusqu'à ce que le Faune décide de réveiller sa joue par une gifle bien sentie. Le poing du noble se serre aussitôt, réaction naturelle d'un combattant pour qui l'audace d'un tel geste est à même de se traduire par un coup payé au centuple. Pourtant, les phalanges serrées et compactes se figent à l'écoute de cette réplique féline. Ainsi donc, il existait toujours un "nous" et comme pour en appuyer les termes, les mains du Faune s'apposent à sa nuque. Sous le contact, le corps du Griffé s'apaise enfin, oubliant les tensions autrefois combattues et éprouvées. Les iris lassés cherchent alors la rancune enlisée dans ceux de son Autre réalisant, malgré lui, que les mots félins s’enchaînent et que vils, ils rappellent au noble une douleur que le Faune venait à l'instant de raviver. Cruel Amant pour qui l'attente et l'espoir se gorgent désormais d'un tourment personnel et récidiviste. Sadique, rancunier, le Comptable appuie ces maux d'un baiser aussi corrosif qu'enivrant. Le contraste est fourbe, putride et pourtant, le noble s'y abandonne. Sa dextre masculine se glisse sur la hanche jumelle, remonte jusqu'à l'échine pour enfin s'apposer contre Sa nuque. Envieux, la pulpe de ses doigts se fait contrainte et le baiser méfiant, se fait appuyé. A bout de souffle, les serres s'enfoncent à même la chair de son Autre, incapables de s'en extraire. Qu'importe le venin qu'abandonne Alphonse ou la brûlure qu'il ravive, qu'importe qu'il soit désormais bourreau quand de son absence, il ne fut que victime, Etienne encaisse sans broncher l'amertume de son Amant. Mais cependant, le baiser Faune s'interrompt, laissant le Griffé sur sa faim.

Empli d'assurance et de mépris, Alphonse se ravise et s'éloigne. La rancune faune est tenace, trop, à son goût. A fleur de peau, impatient de nature, le jeu de son Autre commence à l'agacer. Si Alphonse s'était appliqué pour s'insinuer à même sa Raison, ses cicatrices et ses failles, saisir ainsi ses lippes pour mieux le repousser, fût une entreprise coûteuse et malheureuse. Même les putains qui se plaisaient à l'incendier sans en assumer la brûlure et l'en soulager, se perdait à se jeu de dupe. Alphonse, pourtant, mieux que quiconque connaissait la cruelle devise de l'Amant. Le Griffé prend, quel qu’en soit le prix. En effet, durant une année, le Faune l'avait contaminé par sa chair et son souffle, et si la lutte et le déni dont avait fait preuve Etienne furent de cruels tourments aux yeux du Comptable, la dépendance de ce dernier en fût l'amer résultat.

Ainsi, piqué à vif, le corps scarifié se redresse et s'éloigne du bureau pour venir se plaquer contre la chair de l'Amant. Trop fier pour accepter l'affront d'un refus, trop épris de Lui pour en assumer la perte, Etienne se fait Salaud, assumé et inverti. L'égo mis à mal, Etienne se saisit de la nuque féline pour contraindre ses lippes à rejoindre ses jumelles tandis qu'une main plus franche et perverse, se glisse, malgré les résistances à même les braies du Faune. Qu'il ose le rejeter, crier que cette envie n'est que foutaise, que cette chair tendue saisie à pleine main n'est qu'illusion...Le Chat ne lui assènera pas le coup de grâce. Comment oses-tu me parler d'un "nous" quand en vulgaire indécis et courtisan tu m'embrases pour mieux me repousser ? Tu veux te venger, soit. Mais sache qu'à ce jeu tu seras perdant. Menaçant et fier, la main masculine glissée à même l'entrejambe se fait appuyée pour lentement devenir caresse perfide et vicieuse. De Lui, le Griffé voulait se gorger de ce regard envieux, d'un soupir qui plus fort que le déni et l'orgueil blessé du Chat pourra l'affubler d'une vérité plus cruelle encore. Si l'orgueil du Comptable le contraignait à la distance et à la réflexion, la fierté du Griffé quant à elle, le forçait, tel un sot à l'étreindre de gré ou de force. Avides, envieuses, les lippes masculines s'emparent de sa chair pour lui asséner mordillements et baisers invertis. Le corps quant à lui, se fait pressant et alors que les braies se font incommodantes, le Griffé enchaîne les pas jusqu'à contraindre le corps de son Autre contre le mur. Acculé, plaqué, le Faune autrefois maître du jeu, devient supplique. Tu m'interdis de décider pour Nous quand toi, vil, tu te permets cette audace ? De qui te moques-tu ? Crois-tu que je suis revenu pour t'entendre dire que tu es indécis ? Les sourcils froncés, le Griffé lorgne son Autre tandis que sa dextre affuble cette roideur de mouvements amples et lents. Implacable, sa dextre libre s'appose quant à elle contre l'arrête de sa mâchoire. Tu ne t'es pas donné tout ce mal pour me corrompre pour me repousser ainsi, n'est ce pas ?

Tu es mien et tu le sais, alors soit tu l'acceptes, soit tu en paye le prix.

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L'Aphrodite, une invitation indécente.
Alphonse_tabouret
Life is hard
And so am i
You better give me something
So i don't die

Eels, Novocaine for the soul


Deux mondes entrant en collision n’auraient pas créés plus de tempêtes à l’instant même où la silhouette d’Etienne se levait pour avaler la sienne de son appétit, laissant naitre l’ivresse du chaos auxquels se succédaient sans pour autant s’imposer, la fièvre et la nausée, l’envie et l’écœurement, le besoin et la raison. La nuque fut assujettie à une poigne intransigeante excitant la colère encore à fleur de peau quand la main provoquait d’honteuses envies qui susurraient à la chair, chimériques traitresses, la barbarie du plaisir à mêler de nouveau les corps, les parfums et la chaleur des peaux, abandonnant aux lèvres jumelles un souffle pantelant et désordonné.
Les mots s’enchainèrent, fendant le balbutiement de l’âme jusqu’à trouver le cœur pour y assoir le couronnement de leurs griffes ; « indécis, vengeance, repousser, perdant »… Les syllabes empoignaient les tempes félines sans qu’il ne comprenne le reproche qui lui était adressé, le désignant coupable des extrémités auxquels ils étaient confrontés quand il n’était que dommage collatéral des maux qui engloutissaient De Ligny jour après jour.

Tu es perpétuellement en guerre… murmura-t-il d’une voix frémissante aux frontières des crocs de son Autre se plantant à sa chair, extatiques punitions auxquelles répondait, malgré lui, la crispation des doigts envieux sur les hanches jumelles et la raideur naissante sous cette main vicieuse et déterminée.

… Contre toi, ton ventre, moi, le Très Haut, Son Monde…
Je t’ai perverti un peu plus chaque jour, jusqu’à ce que tu me cèdes, mais sais-tu, toi, à quel point tu m’as corrompu ?


Ce qui n’avait été qu’un jeu d’orgueil entre les deux hommes avait tourné au pugilat des sens et s’il avait assisté à la naissance de cette lutte chez Etienne avec une stupéfaction aussi sincère qu’inquiète, il lui avait fallu se présenter au front de sa propre guerre, et assister à ce premier battement de cœur, faible, difforme, apeuré, s’inquiétant trop tardivement de savoir s’il fallait le laisser vivre ou l’écraser aussi simplement que la vermine sous le talon de la botte. Empoisonné par cette ridicule mélodie, le chat s’était débattu, et à chaque coup porté, avait vu éclore chez le Griffé la brutalité d’émotions toujours jugulées, qui, une fois la violence de l’acceptation consumée, prenaient à la gorge des accents de douceurs insoupçonnées.

Le dos d’Alphonse épousa le mur avec une brusquerie qu’il percevait sans plus la redouter, sur le chemin de cette rencontre difficile pour l’un comme pour l’autre, comprenant enfin que c’était par l’incendie qu’ils arriveraient à s’entendre, accusant la chaleur de De Ligny contre lui, frissonnant jusqu’à l’exaltation. Etienne avait tout d’une drogue dure, terrible, addictive, blasphématoire, exhortant les sens à se cristalliser jusqu’à ne laisser qu’une étincelle irréelle tout autant qu’immortelle se diluer dans un horizon où les choses n’avaient plus de couleurs qu’à l’ombre de son aura.

Tu m'interdis de décider pour Nous quand toi, vil, tu te permets cette audace ? De qui te moques-tu ? Crois-tu que je suis revenu pour t'entendre dire que tu es indécis ?
Les reproches poursuivaient leur litanie à la bouche égoïste, quand la chair du chat ne pouvait plus se permettre la moindre retenue, l’habileté fourbe d’Étienne entrainant le grondement d’un gémissement rauque à sa gorge que suivit une exclamation étouffée à l’aube du cou balafré, hachant définitivement la respiration du fauve dont les oreilles se dressèrent au son de ce premier cor de guerre.
La tête bascula en arrière, retrouvant la verticalité du mur à laquelle s’appuyer, les regards s’ancrant quelques instants durant lesquels les prunelles faunes, voilées de plaisir, lurent dans leurs jumelles l’irrépressible désir de le voir perde pied à l’extase prodiguée.
Tu ne t'es pas donné tout ce mal pour me corrompre pour me repousser ainsi, n'est-ce pas ?


Quelques secondes à peine, Étienne… La phrase s’entrecoupa d’un gémissement modulé qu’il ne chercha pas à restreindre quand senestre venait s’attacher toute en douceur à cette main apposée au fil de sa mâchoire.
La guerre avait commencé…

Tu n’as tenu que quelques secondes quand j’ai enduré ça six mois… Le sourire s’effila, lascif, frémissant aux caresses lentes qui enserraient son membre, prenant le temps de s’y perdre une seconde de plus avant de poursuivre, la tête basculant lentement vers les doigts mâles à portée de sa bouche… Vois l’état de colère dans lequel cela te met et imagine ma rage à cette simple échelle… Dextre glissa sur le tissu du costume jusqu’à y dénicher sans mal, le vit enflé du Griffé pour y assoir le mouvement délictueux d’une caresse pleine, le gout insensé de l’épice inondant ses tempes d’un feu impie, quand dextre poussait les doigts mâles à effleurer la bouche entrouverte du chat. Aux fers des astres se sondant, il attarda une langue sur la pulpe à portée d’envies, avant de refermer la gangue de ses lèvres dessus, soumettant les pointes de l’index et du majeur quelques instants au même rythme que l’attention portée au ventre, avant de les délaisser à l’aube d’un soupir.
Fleurissant à même la fange, les sentiments s’ouvraient aux vents contraires, ensemençant le champ de bataille qui s’ouvrait sous leurs pieds.

Te corrompre ?... Le sourire s’accentua, guerrier tout autant qu’amoureux, alchimie des heures blêmes de leurs maladies et qui s’abreuvait ici même de leurs retrouvailles infernales. Qui, ce soir, est monté jusqu’ici ? Les lèvres se pressèrent à celles d’Etienne, gangrenées, enchevêtrant les souffles avec voracité entre chaque question: Qui, de toi ou de moi, est la perte de l’Autre ? Délaissant sa prise, la senestre rejoignit la nuque aimée pour s’y ficher, s’étoilant à la lisière des cheveux courts, ramenant les corps à se presser l’un contre l’autre pour en sublimer la folie sous la danse concupiscente du duel engagé. Crois-tu vraiment que ce soit ta force qui me soumette, Étienne ? demanda-t-il enfin, les muscles se raidissant sensiblement, se tendant sous les mains de leur indéniable propriétaire, menaçant d’une résistance neuve, véritable, résultat de l’entrainement fourni depuis plusieurs mois. C’est ma faiblesse pour toi qui me perds, rajouta-t-il au fil d’un aveu troublé autant que déterminé, transformant la poigne en une caresse douce ramenant les bouches à s’unir… Je ne peux plus me permettre d’être faible… poursuivit-il, étrange écho aux propres démons du Griffé, partageant sans le savoir le gouffre insondable et les travers faussés d’une absence contrainte, si certain que cette séparation malheureuse n’avait pas nourri le courroux d’Etienne, qu’il n’imaginait pas avoir le pouvoir de scarifier ce cœur déjà abimé.
Je ne peux pas m’empêcher de t’aimer et je te hais pour cela… avoua-t-il, étrangement victorieux sous le flot enflant du désir embourbant son ventre, remisant quelques instants cet insatiable orgueil qui demandait la rédemption de son Jumeau avant d’offrir la sienne…Je ne peux pas m’empêcher de te désirer au-delà de toutes mesures et je me hais pour cela… admit il aussi au fil d’un soupir si entièrement dédié à cette outrancière main à ses braies qu’il était impossible de ne pas y entendre la sincérité la plus débridée …Mais je ne peux plus te laisser seul maitre de mon âme, c’est un rôle qui n’appartient qu’à moi…
Cette résolution drastique n’existait que pour le rassurer, si démuni face à l’abandon éprouvé, si craintif de risquer la récidive quand nulle culpabilité ne venait sceller les baisers d’Etienne pour le rassurer… Illusoire tout autant qu’inutile, elle finirait fatalement par s’effriter, Faune trop épris pour s’y tenir à jamais , compromis par la fièvre de cet Autre dont la chair à la sienne irradiait d’un plaisir que ni les putains, ni la fée verte ne savaient absoudre avec le même abandon, amoureux aussi sottement que simplement, mais qui trouvait refuge pour l’heure dans les certitudes froidement nées au sortir de cet interminable deuil qu’Il lui avait imposé. Les doigts se serrèrent à la nuque sans compromission, amenant les regards à se trouver quand la main blanche délaissait la brulure des caresses quelques instants.
Je me marie, Étienne, finit-il enfin par dire en plantant un regard pétri d’envies aussi brutales que douces dans les fractales jumelles. J’épouse Axelle dans quelques semaines.
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Etienne_de_ligny
Acculé contre le mur, le souffle court, Etienne s'applique à corrompre celui qui devant lui, semble aussi roide qu'impassible. Impuissant, avide, le Griffé réalise combien l'addiction est forte, corrosive et combien cette dernière, s'effrite sous ses doigts. Rancunier, blessé, la Raison du Faune est tenace. Qu'importe alors, les murmures, les soupirs qui s'échappent de Ses lippes et ce plaisir qui se lit si aisément dans Ses iris, la Raison lui refuse toute abdication. Les barricades sont tenaces et ce malgré son habilité, la Souffrance fut telle que prudent, le Comptable s'interdit toute faiblesse. Encore une fois, le combattant craint la défaite, pourtant ici lieu, la force et la puissance ne sont qu'illusions et absurdités. Seul le palpitant est habile et robuste, seul le ventre est à même de s'endurcir face à la famine et l'envie, et devant ces armes-ci, le Griffé n'est rien. Devant une résistance, il frappe, esquive, et asservi. Devant Lui, le Griffé, ignare, se rattache à des actions primaires et futiles. Pourtant, le Faune n'espère ni le vit, ni les coups de reins, c'est une promesse qui seule, peut apaiser ses craintes et ses réticences. Ce sont des mots qui seuls, peuvent panser le mal causé par son impassibilité déroutante. Mais la maîtrise de ces armes-ci, lui échappe. Confronté à la Réalité, la haine se dissipe, passant outre la blessure d'un orgueil bien trop fier, pour laisser place à un sentiment plus avilissant encore, la Crainte. Ainsi, malgré la dextre masculine qui s'empare de son vit, ces baisers fiévreux qui s'apposent à ses lippes, ce Mal qui lui brûle le bas ventre et la poitrine, ce sont les mots du Comptable qui, tels un poison tenace, lui vrillent les tempes. Paralysé, la gorge sèche, le noble réalise que cet Autre tant désiré, lui échappe et qu'au delà des sentiments, de l'attirance, de l'addiction, c'est bien la Haine qui semble parasiter la raison féline.

Oubliant alors les attentions du Faune, l'esprit du Griffé se cantonne à ces échos limités. Je ne peux plus me permettre d’être faible…Je ne peux plus te laisser seul maitre de mon âme, c’est un rôle qui n’appartient qu’à moi…  Jusqu'à ce qu'enfin, le coup de grâce se porte à ses tempes.Je me marie, Étienne ...J'épouse Axelle dans quelques semaines.

Les iris rivés sur Lui, la mâchoire crispée, la Raison du Griffé n'est plus qu'un bruit sourd. Qu'en est-il de son assurance, de cette réflexion selon laquelle, fier et déjà éreinté, nul coup de grâce ne pouvait le frapper et lui nuire à nouveau ? Alphonse avait abattu sa dernière carte. Abasourdi, usé, Etienne s'éloigne de quelques pas, retirant sèchement cette main qui, experte, le mettait désormais à l'étroit. A chacun de ses pas, les vagues sourdes s'enroulent et s'échouent contre ses tempes, emportant avec elle, réflexion et analyse. Ainsi donc, son Autre allait s'unir à une femelle, ainsi donc, cette Exception qu'il avait aidé et sauvé, s'était appliquée à corrompre l'esprit et les reins du Faune. Ainsi donc, Alphonse avait retourné sa veste. Ainsi donc, il s'était appliqué à l'embraser pour mieux le briser. Raclant sa gorge, le Griffé se dirige vers le bureau du Comptable pour s'emparer de cette bouteille de Whisky. Débouchée, il s'enfile plusieurs gorgées, passant outre son dégoût pour euthanasier égo et crainte.

Lentement, après quelques gorgées, la brûlure de son bas ventre se dissipe enfin, soulageant la gangrène qui depuis sa rencontre s'était installée en son sein. Prenant appuie sur le bureau, les iris vairons se posent sur cet Autre sans que la haine, le dégoût et l'envie ne puisse se dissiper. Il sait qu'il lui faut rompre ce silence, anéantir les doutes et les idées faussées qui s'installent entre ses tempes, pourtant, c'est le vide qui seul, persiste.

Alphonse vire sa cuti...Je m'attendais à tout, sauf à cela. Finalement, tu auras su me donner le dernier coup de grâce. Je te félicite. Amer, le Griffé s'avale une dernière rasade afin d'apaiser cette rage qui, perfide et viscérale, s'invite jusqu'à ses phalanges. D'une poussée, il s'éloigne du bureau, emportant avec lui, orgueil et bouteille. La défaite est cuisante, avilissante, humiliante. L'Inverti découvre pour la première fois, qu'il lui faut battre retraite et admettre les évidences, aussi fourbes soient-elles. S'attendait-il à échouer ? À se heurter, roide et envieux, contre l'indifférence et les desseins de son Autre ? Non. Mauvais perdant, ravagé par cette haine que son Autre lui voue, Etienne réalise que son absence fut plus cruelle qu'il ne l'aurait espéré et que la fourberie féminine n'a assurément aucune limite.

Maintenant, si tu permets, je vais vous laisser, toi et Axelle...préparer votre mariage. Et si j'avais su, je l'aurai laissé, elle et ses craintes, inerte sur le pavé. Quant à moi, j'ai un retour professionnel, à préparer.

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L'Aphrodite, une invitation indécente.
Alphonse_tabouret
Répudié, aussi simplement qu’à l’aube de cet été désastreux, abandonné contre le mur auquel il était jusque-là soumis par l’intransigeant besoin de son cœur imbécile de sentir l’Autre à sa peau, à son âme, Alphonse regarda Etienne reculer, créer de nouveau le fossé qu’Il s’était acharné à construire dans sa fuite de quelques pas, asphyxiant le Faune d’un désespoir plus insupportable encore qu’il n’avait osé le concevoir.
Pantelante créature poinçonnée à son mur, le Chat suivit les mouvements du Griffé avec une attention inquiète, les mots se bousculant à sa gorge sans pour autant qu’aucun n’en sorte, trop intimement liés à la mélodie sinistre et falsifiée qui se jouait sur le visage aimé, l’esprit perdu à la contemplation de ce magma de rancune, de doutes et d’amertume qui, lentement, prenait les couleurs d’un zéro absolu. D’autres se seraient rattachés aux aveux d’amour égrenés dans les phrases envolées, mais Étienne ne gardait au cœur que l’évocation de la colère, si intimement liée à elle au quotidien qu’elle en éclaboussait de noirceur jusqu’aux intentions les plus sincères. Enfin, la voix s’éleva, confirmant ce que le Faune avait redouté, emprisonnant plus avant Son Amant dans une cohorte d’additions qui n’existaient que dans la fébrilité de cet Amour si outrageant, si incohérent, qu’il en refusait la lumière pour n’en garder que l’abysse.

D’Étienne il encaissait la plus part des coups, amant conciliant que la nature même de son Autre amenait à la guerre bien plus souvent qu’à la compromission, et il savait combien l’intransigeance de ses résolutions étaient indispensables à heurter le caractère entier qu’il admirait tant chez le nobliau, belliqueux guerrier qui ne s’ouvrait à de nouveaux horizons qu’au prix âpre d’une lutte sanglante… Et pourtant, pourtant il y avait une seule chose contre laquelle l’animal n’avait jamais pu se battre, ni même enfouir aux décombres célébrées de leurs rixes ; la peine, dénuée de tous les artifices de la vanité et de la fierté enrobant si promptement les ressentis, imbibant l’âme de nouvelles résolutions jusqu’à ne laisser plus que la fatalité empoigner l’espoir et l’étouffer d’une poigne résignée. Contempler l’Amant esseulé aux plaines mornes de convictions tronquées était au-dessus de ses forces, chaines trop lourdes et trop brulantes lui comprimant le cœur bien au-delà des limites imposées par la froideur de ses résolutions, alors, le corps se mit en marche, enfin, sachant qu’il ne survivrait pas à cette porte se refermant pour le laisser seul, et, abattant un bras sur le panneau de bois que De Ligny s’apprêtait à faire pivoter, rompit l’élan mortuaire de la bête blessée.
Dans le dos de son Autre, la dextre fermement aplatie au chêne ouvragé, l’animal garda brièvement le silence, surpris d’avoir trouvé la force de condamner cette échappée, mais s’étonnant plus encore de sa main attrapant le bras d’Etienne pour le retourner vers lui et l‘adosser au bois, cueillant sans plus de colère, la grise froideur de son regard vairon.


Je n’ai pas de nom derrière lequel retrancher ma faiblesse pour toi… La noblesse, même la moins rutilante, gardait pour elle l’apanage de droits que la roture ne connaitrait jamais, et si le ventre d’Etienne l’égarait aux bras du comptable, son seul droit de naissance le mettait à l’abri de certains défis qui jalonnaient le parcours lunaire du plébéien … pas de famille à laquelle assoir la notoriété pour masquer la mienne… Créature solitaire depuis ses dix-sept ans, depuis cette fugue qui l’avait vu quitter à tout jamais la matrice infernale de la maison familiale, l’animal avait dû forger, jour après jour, les fondations de son monde chancelant, sans pouvoir se reposer un instant à l’assise d’une lignée assez digne pour que l’on ne doute pas de lui… Je suis seul Étienne, avec mes péchés et mes tares… Il n’avait jamais compté le nombre de ses liaisons les plus volatiles et s’il avait toujours pris grand soin de ne confier les penchants de ses déviances qu’à des bouches qui auraient eu tout autant à perdre à éventer l’officieux secret, il savait néanmoins l’aptitude des rumeurs à pouvoir détruire sans sommation sa vie, et par ricochet, celle d’autres.
La dextre relâcha sa prise, animal retenant difficilement l’élan qui le menait si intuitivement aux lèvres mâles.

Il y a un an, tu m’as fait jurer de ne jamais risquer tes Lettres pour notre liaison… Ta main serrant ma gorge, tes lèvres frôlant les miennes pour te nourrir de mon serment… Au fil du souvenir, la dextre s’était animée, copiant dans l’intensité de la réminiscence à laquelle l’animal se plongeait, chaque mouvement évoqué, empoignant, fantomatique, sa propre gorge avant d’effleurer de la pulpe de l’index, le dessin de ses lippes, en sentant encore l’épice du souffle sur la rondeur. Je te l’ai promis, et je m’y suis tenu, mais tu n’es plus le seul désormais à qui je doive allégeance… Antoine avait bouleversé sa vie à peine avait-il arrondi le ventre la gitane, présence si imperceptible et intrusive qu’il avait poussé la projection d’une lumière neuve sur le monde l’entourant, et son premier cri n’avait fait qu’ancrer à l’âme égoïste une certitude jusque-là à peine effleurée ; le danger venait de lui, insatiable épicurien qui n’avait jamais considéré que son propre chemin et qui aux frondaisons de ce mois de mars, comprenait devoir forger l’horizon d’un autre, innocente partie de lui qui hériterait de son nom tout autant que de ses faits et de sa réputation.
Le mariage avait été la réponse la plus évidente, mêlant le contrefort à la façade avec une parfaite harmonie et le jeune homme s’était froidement résolu à précipiter ce qu’il avait jusque-là fui avec une intraitable volonté malgré les enjeux dont on l’avait menacé. L’instinctive rage d’Axelle à l’évocation de ce projet l’avait à peine ébranlé, et s’il avait juré la danseuse que nulle autre qu’elle ne serait la mère de leur enfant, il n’en avait pas moins gardé l’intégrité de ces intentions, se faisant cueillir, quelques mois plus tard sous une averse sudiste, par l’improbable et pourtant réfléchie demande en mariage de la gitane.

Qui de mieux qu’Axelle ?, demanda-t-il en plongeant de nouveau un regard clair dans celui d’Étienne, la voix modulée d’une tendresse qui ne demandait qu’à éclaircir la tempête de gel au front courroucé du Griffé. Qui d’autre accepterait ma fièvre ? Qui comprendrait ton importance ? Qui me la pardonnerait ? Qui la tairait comme elle le fait déjà ?
Qui, Étienne ?
Qui mieux qu’elle pourrait endosser ce rôle quand elle compte déjà tant pour moi, et qu’elle n’aspire qu’à élever un enfant qui est sien?

L’animal passa une main nerveuse à sa nuque, fermant les yeux quelques instants, se découvrant uniquement animé par cet inexplicable liant vrillant leurs âmes malgré la défiance et le temps, mû le désir absolu d’éradiquer l’involontaire gangrène semée au cœur du Griffé quant à ses intentions.
Toi qui connais la charge des responsabilités, comprends-tu celles qui m’incombent aujourd’hui ? demanda-t-il enfin, approchant de lui jusqu’à le frôler, poursuivant à l’orée du visage jumeau. J’étoffe mon rôle d’une femme légitime, quand tu étoffes le tien de titres d’arène, parce que l’on ne soupçonnerait ni le père de famille, ni le guerrier le plus brutal d’être capables de préférer une ruelle à laquelle s'étreindre plutôt que rejoindre le lit conjugal… continua-t-il d’un ton plus doux, la main s’aventurant enfin à la mâchoire jumelle pour en saisir le fil quand l’autre enlevait aux doigts crispés le support de la bouteille pour la laisser choir au sol sans pour autant s’y briser et y nouer les siens, geste rare qui survenait bien peu à la folie blême de leur passion et n’en prenait à l’instant que plus de sens.
Si je suis perdu… demanda-t-il après une poignée de silencieuses secondes, les lèvres effleurant lentement leurs jumelles impassibles, attardant la simplicité de cette viscérale envie jusqu’à percevoir les prémices d’un plaisir commun qu’il attacha alors à la langueur d’un baiser plus appliqué, ne quittant les lippes mâles que pour finir la question qui Lui était destiné… sauras tu me retrouver ?
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