Alphonse_tabouret
L’aurait-il évité s’il avait pu ?
Cette question, le chat, au fil d’une ivresse aussi joyeuse que mauvaise née de l’absence de l’Autre tout comme de sa détermination à s’en défaire, ne se l’était pas posé avant d’embrasser la donzelle au beau milieu de la rue, ni même quand le galant l’accompagnant l’avait saisi au col de sa chemise pour scinder les bouches unies.
Si le rire n’avait jamais été la marque le plus parlante chez Alphonse, il savait néanmoins en user comme d'une arme, et, échaudé par le vin qui coulait à ses veines jusqu’à lui embourber les tempes, ravagé par ce vide laissé par Étienne depuis ce mirage de retrouvailles devant la prévôté, avait clos les menaces du cavalier bafoué d’une hilarité qui avait dessiné sur les visages de ses compagnons, l’une de ces moues qui n’auguraient rien de bon.
Plus tôt, il avait quitté l’Aphrodite sur un coup de tête, sans prévenir Hubert dont le chaperonnage excessif lui pesait, rappelant sans cesse à ses souvenirs son séjour forcé dans les geôles humides des limbes parisiennes, et s’était enfoncé dans les ruelles avoisinantes de l’Aphrodite pour atterrir dans l’une de ces tavernes bondées où l’on ne vous posait aucune question si tant est que vous saviez payer quelques godets quand venait votre tour. Les rires, les chahuts, les claques dispensées aux croupes des serveuses l’avaient immergé dans une cacophonie bien heureuse, lui qui vivait dans un monde de silence auréolé de chiffres, et il s’était laissé porter jusqu’à ce que la matrone ne chasse les derniers ivrognes pour les rejeter aux heures matinales de l’aurore à venir. Eparpillé, rapidement au vent froid de potron-minet, chaque soiffard avait repris sa route et comme les autres, le comptable avait retrouvé le chemin de cette maison qu’il avait fui.
Il avait croisé le groupe quasiment à hauteur de la lanterne rouge, s’était à peine étonné qu’elle ne soit pas encore éteinte, l’attention déjà absorbée par le visage opalin de la jeune femme devant lui, et avant même qu’il n’eut pu assujettir ses pensées aux risques encourus, avait cueilli sans préambule l’ovale entre ses mains et dispensé aux lèvres fraiches un baiser aussi brulant que parfumé.
Le rire se lézarda quelques secondes jusqu'à la mort lorsque le poing arriva au terme de sa course, fauchant la mâchoire et le faisant reculer d’un pas, vacillant, la douleur inondant aussi subitement que certainement la bouche toute entière du gout du fer, et si un instant, le silence se fit devant l’Aphrodite, il fut brisé par l’éclat de rire sanguinolent qui explosa aux poumons félins devant l’air courroucé de son adversaire.
Ce soir, le chat était bon pour quelques coups de bâtons.
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Cette question, le chat, au fil d’une ivresse aussi joyeuse que mauvaise née de l’absence de l’Autre tout comme de sa détermination à s’en défaire, ne se l’était pas posé avant d’embrasser la donzelle au beau milieu de la rue, ni même quand le galant l’accompagnant l’avait saisi au col de sa chemise pour scinder les bouches unies.
Si le rire n’avait jamais été la marque le plus parlante chez Alphonse, il savait néanmoins en user comme d'une arme, et, échaudé par le vin qui coulait à ses veines jusqu’à lui embourber les tempes, ravagé par ce vide laissé par Étienne depuis ce mirage de retrouvailles devant la prévôté, avait clos les menaces du cavalier bafoué d’une hilarité qui avait dessiné sur les visages de ses compagnons, l’une de ces moues qui n’auguraient rien de bon.
Plus tôt, il avait quitté l’Aphrodite sur un coup de tête, sans prévenir Hubert dont le chaperonnage excessif lui pesait, rappelant sans cesse à ses souvenirs son séjour forcé dans les geôles humides des limbes parisiennes, et s’était enfoncé dans les ruelles avoisinantes de l’Aphrodite pour atterrir dans l’une de ces tavernes bondées où l’on ne vous posait aucune question si tant est que vous saviez payer quelques godets quand venait votre tour. Les rires, les chahuts, les claques dispensées aux croupes des serveuses l’avaient immergé dans une cacophonie bien heureuse, lui qui vivait dans un monde de silence auréolé de chiffres, et il s’était laissé porter jusqu’à ce que la matrone ne chasse les derniers ivrognes pour les rejeter aux heures matinales de l’aurore à venir. Eparpillé, rapidement au vent froid de potron-minet, chaque soiffard avait repris sa route et comme les autres, le comptable avait retrouvé le chemin de cette maison qu’il avait fui.
Il avait croisé le groupe quasiment à hauteur de la lanterne rouge, s’était à peine étonné qu’elle ne soit pas encore éteinte, l’attention déjà absorbée par le visage opalin de la jeune femme devant lui, et avant même qu’il n’eut pu assujettir ses pensées aux risques encourus, avait cueilli sans préambule l’ovale entre ses mains et dispensé aux lèvres fraiches un baiser aussi brulant que parfumé.
Le rire se lézarda quelques secondes jusqu'à la mort lorsque le poing arriva au terme de sa course, fauchant la mâchoire et le faisant reculer d’un pas, vacillant, la douleur inondant aussi subitement que certainement la bouche toute entière du gout du fer, et si un instant, le silence se fit devant l’Aphrodite, il fut brisé par l’éclat de rire sanguinolent qui explosa aux poumons félins devant l’air courroucé de son adversaire.
Ce soir, le chat était bon pour quelques coups de bâtons.
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