Bisac
La porte du lupanar souvrit sur le salon. Un premier homme invita les officiers royaux à rentrer. En tête du minuscule groupe, Bisac suivit les conseils de limprovisé portier et pénétra dans létablissement. Le Prévôt était un homme de taille moyenne, trapu. Le salon baignait dans une douce atmosphère parfumée dessences florales, de musc et où les voix séteignaient delles-mêmes en allant se perdre dans les méandres dun salon feutré à lexcès. La pièce, hexagonale, semblait desservir quantité dautres lieux où limprudent se laisserait aisément perdre dans le délicat plongeon des sens et des mélanges des corps. A lextrémité du salon, le bar trônait en majesté. Les boissons, vins, liqueurs et autres alcools étaient donc servis aux clients qui, une fois leurs coupables péchés charnels accomplis, devaient ressentir la nécessité détancher une soif plus
pieuse.
Petit à petit, dautres individus, hommes ou femmes venaient rejoindre la cohorte du comité daccueil prévôtal. Bien que conscient de la tragique infériorité numérique de ses hommes, Aymeri comptait bel et bien que les comptes soient soldés et que lAphrodite paye. Nulle autre raison aurait pu motiver lhomme de loi à se rendre ainsi dans un tel établissement. A lavarice, lenvie et lorgueil il nétait point nécessaire dajouter la luxure à la liste des vices du Prévôt de Paris.
Enfin, lAlphonse Tabouret fit son apparition. Le fameux comptable pour ne pas dire le « félin comptable ». La démarche chaloupée et féline de lhomme lamena à se retrouva face à son débiteur. Que les choses soient claires et pour pousser plus avant les métaphores animalières, si Alphonse était un chat, Bisac aurait été un vautour ou un corbeau. Un volatile de mauvais augure en somme.
Et comme les arrivées de certains appelaient celles des autres, une orientale fit son apparition. Avançant avec grâce jusquaux invités, elle sapprocha dAymeri et déposa sa main, dans le cliquetis de ses bracelets, sur lavant-bras masculin. La femme avait laccent et lallure de lorient. Lhomme se fendit dun demi-sourire et repoussa délicatement la main égyptienne. Avec son ton mielleux et son éternel dédain naturel, Bisac avisa la charmante orientale.
Nous ne sommes point ici pour boire et encore moins pour profiter de quelques coupables vices. Cest une affaire bien différente qui nous amène ici et à laquelle, je le crains, vous nentendez que peu de choses. Aussi vous serais-je infiniment gré de laisser les personnes responsables discuter entre elles.
Pour terminer, une dernière personne fit son entrée. Le visage marqué par une entaille et la mine sombre. Le balafré linforma donc que la petite troupe devait se délester de leurs armes et quune entrevue pourrait régler les différends qui creusaient davantage le fossé entre lAphrodite et le Châtelet. Bisac jeta un rapide regard à ses deux officiers. Sil pouvait compter sur Albin dans cette entreprise, la participation de Kalimalice ne présageait en rien de son degré dacceptation de larrangement qui jadis unissait le lupanar à la police parisienne. En effet, il savait la duchesse prompte à respecter les vertus morales et autres inaccessibles projections prêchés par quelques drôles souvent bien éloignés des considérations du commun des mortels. Autant Alin dAr Sparfel exécuterait les ordres sans broncher sils lui garantissaient quelques bourses bien rebondies, peut-être même ferait-il preuve de zèle, autant il nétait pas à labri dune déconvenue de la part de Kalimalice.
Bisac, sans se départir de son si caractéristique miel dans la voix, déclara. Miel qui ne présageait nullement dune quelconque douceur ou empathie. Lapparente bonhommie du personnage, renforcée par sa voix mielleuse et son embonpoint, nétait que façade. Si le bien public lexigeait, Aymeri ne refusait jamais de se laisser aller à quelques cruelles décisions ou ordonnances. Navait-on point dû engager un deuxième bourreau en les geôles du Châtelet, en raison du manque de disponibilité du premier pour appliquer les ordonnances de question du Prévôt. Navait-on point vu des coquillards et courtauds la langue tranchée ou des ribaudes tondues. Le bien public et lordre civil étaient-ils réellement les seuls soucis qui occupaient lesprit parfois torturé dAymeri ? Si ses supérieurs au Louvre pouvait le croire, ses subalternes nétaient nullement dupes des concessions quautorisaient le Prévôt. Ce dernier laissait ses hommes, quils fussent sergents, maréchaux ou archers profiter de leur ascendance sur quelques donzelles tant que cela restait discret. Nombre dhommes du Guet troussaient gratuitement des catins dans les ruelles. Lui-même, leur chef, tirait avantage de sa situation pour garnir un peu son nid. Des avantages qui justement chancelaient.
Lheure nest plus à la conversation ou à la palabre je le crains. Je nai point pour us de me déplacer pour du menu fretin ou pour quelques affaires de bas étage. Si jai pris la peine de me déplacer séant cest uniquement pour vous rappeler à vos exigences à lendroit de votre présent débiteur, moi en loccurrence. Il serait fâcheux pour la prospérité de votre affaire que je sois réduis à user du glaive de la répression publique. Nous venons donc récupérer les paiements en retard assortis dune compensation pour le retard et la gêne occasionnée. - Avisant du regard ses deux compères Compensation dont lexécution serait laissée au loisir de mes hommes, en nature ou en espèce.
Dans la théâtralité de son entrée et l'esprit torturé par la possibilité de perdre sa main-mise sur les commerces et établissements de la capitale, le Prévôt n'avait pas remarqué que, parmi les personnes présentes, un visage aurait dû attirer son attention. Un visage qu'il n'avait pourtant jamais vu, du moins en chair et en os. Car ce visage s'exposait depuis quelques temps sur des avis de recherche. Un huissier du Louvre avait informé le Prévôt que l'homme dont les traits s'affichaient sur des parchemins devait être appréhendé dans les plus brefs délais et que l'affaire lui était personnellement confiée.. Tout à "son" Aphrodite, Aymeri avait succinctement regardé le visage de l'avis de recherche et ne l'avait nullement gardé en mémoire, se contentant simplement de mettre ses mouches sur le coup et de le tenir régulièrement informé si elles devaient entendre quelques éléments sur le traqué. Qui sait, si les petits yeux qui grouillaient en la Capitale, des hôtels particuliers à la fange de la rue, n'aviseraient point le Prévôt, sous peu, de nouveaux éléments.
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Ne croyez donc jamais d'emblée au malheur des hommes. Demandez-leur seulement s'ils peuvent dormir encore ? ... Si oui, tout va bien. Ca suffit.
Petit à petit, dautres individus, hommes ou femmes venaient rejoindre la cohorte du comité daccueil prévôtal. Bien que conscient de la tragique infériorité numérique de ses hommes, Aymeri comptait bel et bien que les comptes soient soldés et que lAphrodite paye. Nulle autre raison aurait pu motiver lhomme de loi à se rendre ainsi dans un tel établissement. A lavarice, lenvie et lorgueil il nétait point nécessaire dajouter la luxure à la liste des vices du Prévôt de Paris.
Enfin, lAlphonse Tabouret fit son apparition. Le fameux comptable pour ne pas dire le « félin comptable ». La démarche chaloupée et féline de lhomme lamena à se retrouva face à son débiteur. Que les choses soient claires et pour pousser plus avant les métaphores animalières, si Alphonse était un chat, Bisac aurait été un vautour ou un corbeau. Un volatile de mauvais augure en somme.
Et comme les arrivées de certains appelaient celles des autres, une orientale fit son apparition. Avançant avec grâce jusquaux invités, elle sapprocha dAymeri et déposa sa main, dans le cliquetis de ses bracelets, sur lavant-bras masculin. La femme avait laccent et lallure de lorient. Lhomme se fendit dun demi-sourire et repoussa délicatement la main égyptienne. Avec son ton mielleux et son éternel dédain naturel, Bisac avisa la charmante orientale.
Nous ne sommes point ici pour boire et encore moins pour profiter de quelques coupables vices. Cest une affaire bien différente qui nous amène ici et à laquelle, je le crains, vous nentendez que peu de choses. Aussi vous serais-je infiniment gré de laisser les personnes responsables discuter entre elles.
Pour terminer, une dernière personne fit son entrée. Le visage marqué par une entaille et la mine sombre. Le balafré linforma donc que la petite troupe devait se délester de leurs armes et quune entrevue pourrait régler les différends qui creusaient davantage le fossé entre lAphrodite et le Châtelet. Bisac jeta un rapide regard à ses deux officiers. Sil pouvait compter sur Albin dans cette entreprise, la participation de Kalimalice ne présageait en rien de son degré dacceptation de larrangement qui jadis unissait le lupanar à la police parisienne. En effet, il savait la duchesse prompte à respecter les vertus morales et autres inaccessibles projections prêchés par quelques drôles souvent bien éloignés des considérations du commun des mortels. Autant Alin dAr Sparfel exécuterait les ordres sans broncher sils lui garantissaient quelques bourses bien rebondies, peut-être même ferait-il preuve de zèle, autant il nétait pas à labri dune déconvenue de la part de Kalimalice.
Bisac, sans se départir de son si caractéristique miel dans la voix, déclara. Miel qui ne présageait nullement dune quelconque douceur ou empathie. Lapparente bonhommie du personnage, renforcée par sa voix mielleuse et son embonpoint, nétait que façade. Si le bien public lexigeait, Aymeri ne refusait jamais de se laisser aller à quelques cruelles décisions ou ordonnances. Navait-on point dû engager un deuxième bourreau en les geôles du Châtelet, en raison du manque de disponibilité du premier pour appliquer les ordonnances de question du Prévôt. Navait-on point vu des coquillards et courtauds la langue tranchée ou des ribaudes tondues. Le bien public et lordre civil étaient-ils réellement les seuls soucis qui occupaient lesprit parfois torturé dAymeri ? Si ses supérieurs au Louvre pouvait le croire, ses subalternes nétaient nullement dupes des concessions quautorisaient le Prévôt. Ce dernier laissait ses hommes, quils fussent sergents, maréchaux ou archers profiter de leur ascendance sur quelques donzelles tant que cela restait discret. Nombre dhommes du Guet troussaient gratuitement des catins dans les ruelles. Lui-même, leur chef, tirait avantage de sa situation pour garnir un peu son nid. Des avantages qui justement chancelaient.
Lheure nest plus à la conversation ou à la palabre je le crains. Je nai point pour us de me déplacer pour du menu fretin ou pour quelques affaires de bas étage. Si jai pris la peine de me déplacer séant cest uniquement pour vous rappeler à vos exigences à lendroit de votre présent débiteur, moi en loccurrence. Il serait fâcheux pour la prospérité de votre affaire que je sois réduis à user du glaive de la répression publique. Nous venons donc récupérer les paiements en retard assortis dune compensation pour le retard et la gêne occasionnée. - Avisant du regard ses deux compères Compensation dont lexécution serait laissée au loisir de mes hommes, en nature ou en espèce.
Dans la théâtralité de son entrée et l'esprit torturé par la possibilité de perdre sa main-mise sur les commerces et établissements de la capitale, le Prévôt n'avait pas remarqué que, parmi les personnes présentes, un visage aurait dû attirer son attention. Un visage qu'il n'avait pourtant jamais vu, du moins en chair et en os. Car ce visage s'exposait depuis quelques temps sur des avis de recherche. Un huissier du Louvre avait informé le Prévôt que l'homme dont les traits s'affichaient sur des parchemins devait être appréhendé dans les plus brefs délais et que l'affaire lui était personnellement confiée.. Tout à "son" Aphrodite, Aymeri avait succinctement regardé le visage de l'avis de recherche et ne l'avait nullement gardé en mémoire, se contentant simplement de mettre ses mouches sur le coup et de le tenir régulièrement informé si elles devaient entendre quelques éléments sur le traqué. Qui sait, si les petits yeux qui grouillaient en la Capitale, des hôtels particuliers à la fange de la rue, n'aviseraient point le Prévôt, sous peu, de nouveaux éléments.
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Ne croyez donc jamais d'emblée au malheur des hommes. Demandez-leur seulement s'ils peuvent dormir encore ? ... Si oui, tout va bien. Ca suffit.