Le blond faisait tourner ses pensées dans sa tête en même temps que la cuillère de son absinthe entre ses doigts.
Il avait incliné la tête au sourire d'Alphonse, le loup observa ensuite la conversation avant de s'en détourner assez vite. Point le cur, ce soir de septembre à écouter les jérémiades des uns et des autres, ou d'en observer les liens, les tenants et les aboutissants. Replongeant son regard sur la petite fée, qui jouait dans son verre, un flot de pensée l'envahissait .
Tôt ou tard, parler, aller vers les autres serait nécessaire. Pour l'instant il attendait que les autres viennent. Hélas, il se connaissait, il savait qu'il n'était pas un bon compagnon de parlotte, un bien mauvais interlocuteur quand la conversation ne lintéressait pas, qu'il ne la contrôlait pas, ou qu'il sentait qu'il perdrait la joute orale. Tout pour lui était jeux et combat....
Souvenir de cette pauvre fille, de qui il s'était joué, petite ingénue aux airs fragiles, aux nez légérement retroussé et aux cheveux noirs. Qu'elle était belle dans sa robe pourpre. Léon, en plus de son cur lui avait volé une coquette somme d'argent et planté son surin au fond de la gorge de son chambrier. Pourquoi il pensait à cet instant à cette fille ? Le parisien n'en avait aucunes sortes d'idées, juste un petit regret inavouable...
Ce qu'il avait envie en cette instant, c'était juste de faire cavaler la petite fée verte dans sa tête, elle remontait déjà le long de ses bras, laissant derrière elle une douce trainée de feu... Edgar voulait aussi se perdre dans la nuit sans fin. Images éparses lui vinrent... Des mains attachés, des lèvres ourlées, un joli postérieur rougis par le soufflet, des mots qu'on murmure les paupières mi-closes au coeur de l'extase...
Sa tête fiévreuse commença à suer par la chaleur et la douce euphorie que la fée semait dans son sillage. De la pulpe d'un index, il enleva la goutte de son front. Il recommanda une absinthe et se replongea dans d'autres pensées et souvenirs...
Quand il revint à la réalité, rien n'avait bougé dans ce tableau immuable. Chacun était à sa place, seule la petite fée courait maintenant dans sa tête, allumant un petit brasier à l'intérieur. Soûl ? Il ne l'était pas, peut être était ce l'effet de ces fleurs étranges qu'un vieux malandrin de ces connaissances lui avait vendu comme de l'opium.Edgar Léon, n'était pas certes consommateur régulier de ces stupéfiants, seulement il aimait parfois à tirer sur la bouffarde pour s'oublier un peu, oublier un peu le reflet dans le coin du miroir.
La petite fée verte semblait jouer à la corde à sauter dans la boite crânienne du parisien. Il l'a distinguait vaguement sauter au ralenti, entourée d'un épais brouillard d'une fumée bleue opaque.
Un pas chancelant lui fit vite comprendre qu'il devait rester au comptoir et sauver les apparences. Des images violentes et rouges, crépitaient comme des flashs dans sa tête, entrecoupées parfois du brouillard et de la petite fée qui sautait avec un horrible ricanement.
Un regard circulaire lui assura que personne ne l'avait remarqué. Les images se firent plus douces et plus estompées dans le temps, la fumée s'évapora, la petite dame verte, sortit, glissa le long de son bras et plongea dans le verre encore à moitié plein.
Il posa une main, sur son front, ses jambes étaient flageollantes, et son corps trempé de sueur, ses cheveux collés au front. Le loup s'assura que personne ne le vit, s'essuya le front d'un revers de manche et fit un pas en avant afin de s'assurer que sa démarche n'était pas trop chancelante. Quand il en fut sûr, il quitta le salon de réception, pour gagner sa chambre.
Dans un couloir, il entendit ricaner derrière lui. Elles revinrent dans sa tête, la fée, la fumée et les images rouges, le son en plus cette fois ci. Entre deux hurlements stridents qui résonnaient contre sa boite crânienne, amplifiant l'écho, il s'adossa contre un mur.
Après un petit moment, tout revint à la normale, il se calma et gagna sa chambre, s'affala sur le lit après avoir fermé la porte à double tour...