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[RP] Anima, Animus

Sabaude
Il fait suite à l'arrivée de Sabaude et à sa rencontre avec Alphonse qui quittait le bar.



Que fait-il là ?
Une prise en compte progressive d' éléments contradictoires et conflictuels, parties conscientes et inconscientes de son être soumis aux changements.

Derrière la constance, l'inconstance.
Derrière la gaieté, la tristesse.
Derrière l’assurance, le doute.
Derrière la chaleur, la froideur.
Derrière le désir d'une femme, celui d'un homme ?

Pourquoi dissocier les deux après tout ?
Rejeter en bloc la perception ? Occulter des faits, balayer d'une pensée de soupçonneuses attitudes ? Pourquoi ? Être dans la norme ? Ne pas déplaire ? Ne pas tordre le balais que les grenouilles de bénitiers ont dans le fondement ? Le regard des autres ?
Il sourit le Renard. Non il s'en moque. Sa singularité est déjà suffisamment marquée pour qu'il aille s'empêtrer dans des considérations inutiles et futiles.
Il veut juste savoir. Il se sent comme un enfant dans le noir qui tâtonne pour appréhender son environnement.

Et pour cela il a justement besoin de Tabouret. Celui-ci porte bien son nom car il pourra asseoir sa perplexité, parer à la vacillation.

Il ne sait par où commencer... Le sourire avenant est rehaussé d'un regard hésitant et de mains gantées de cuir noir qu'il ne sait où placer. Ceinture? Bras croisés? Tapoter une surface ? Inspiration.

Si je puis vous appeler Alphonse... Je tenais à vous dire que vous étiez particulièrement à vôtre avantage en Faune ce soir de bal pour lequel je tiens à vous remercier.

Lamentable... Le souvenir de son dépucelage avec un tendron dont il n'a retenu le nom offre une plus grande affirmation de sa personne.

Quelque chose me dit qu'un grand verre de je ne sais quoi de fort ne sera pas de trop.

Sa tirade parsèmera ses prunelles d'un éclat d'amusement.
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Alphonse_tabouret
De Sabaude, il connaissait si peu qu’il s’attardait encore à l’observation des expressions et celles entraperçues sur le visage du jeune homme à l’instant étirèrent un sourire poli sur ses lèvres, conscient qu’il se tramait derrière le profil avenant autre chose que la simple visite de courtoisie. Le Renard avait à chaque visite en ces murs, varié les rôles, tour à tour instigateur, proie d’une autre entre les mains d’une catin redoutable, Phénix se délestant de ses plumes lors d’une danse hivernale, et, en se dirigeant vers la banquette qu’ils s’apprêtaient partager, Alphonse se demanda, chat curieux, quelles étaient cette fois les horizons qui lui présentaient un hôte aussi emprunté quand il le savait flamboyant.

Si je puis vous appeler Alphonse...
Un hochement de tête en guise d’assentiment répondit à la proposition, profitant des points de suspension pour affirmer l’autorisation avant qu’il ne reprenne
Je tenais à vous dire que vous étiez particulièrement à vôtre avantage en Faune ce soir de bal pour lequel je tiens à vous remercier.
Quelque chose me dit qu'un grand verre de je ne sais quoi de fort ne sera pas de trop.


La surprise resta docilement verrouillée derrière le visage aimable du jeune homme, revenant instinctivement à cette soirée de fête, étirant ses souvenirs pour essayer d’en retrouver une bribe à mettre en exergue pour en saisir toutes les subtilités qui lui auraient échappé, et finalement, indécis mais piqué à vif par les mots choisis, se contenta d’un dessin espiègle à ses lèvres en guise de première réponse. Les chemins dédoublés aux tempes fauves se présentaient à lui et il se permit de les contempler, funambule dont la seule liberté s’était vue naitre dans l’insolence tandis qu’une soubrette venait poser sur leur table un grand cru italien et deux verres joliment ciselés.
Se pouvait-il que l’alcool ou l’excitation d’être un autre l’espace de quelques heures aient affiné une quelconque brèche ouverte derrière cette élégance qu’exprimait involontairement les vrais épicuriens ? Se pouvait-il qu’il ait plu, ce soir-là, à l’œil perplexe du renard travesti sur commande au point de ramener ses pas au creux des secrets indécents que le bordel gardait dans ses bras opulents ?


Quelque chose me dit qu’aucun excès n’est jamais de trop, rétorqua Alphonse doucement à l’attention seule de son voisin en remerciant la donzelle d’un sourire lui permettant de retrouver les autres clients, attrapant le verre de son hôte pour le remplir avec cette élégance servile liée à chacun de ses gestes lorsqu’il n’était pas à l’ombre de l’intimité la plus animale. Le verre de vin fut tendu et l’autre remplit, dans la même volonté que le premier, ne gâchant nulle goutte au goulot et n’entachant de rien l’étiquette qui signalait la Toscane comme lieu de provenance.
Et si nous devons parler couture, votre tenue, Sabaude, donnait quant à elle, l’eau à la bouche… Le sourire s’étira, dévoilant l’affleurement blanc des crocs quand les prunelles cueillaient les jumelles d’une flamme amusée sans perdre de vue le sous-entendu visant à déceler quelle route arpenter en compagnie du brun. Cela dit, ce n’est pas à vous que j’apprendrais qu’à mettre des plumes sous le nez d’un carnassier, on ne peut pas lui tenir rigueur de vouloir y planter la mâchoire . Il présenta son verre pour le faire tinter à la corolle jumelle, et en but une gorgée avant d’en faire lentement danser le contenu au creux de sa main.
Viendrez-vous m'emprunter le mien ?, le taquina-t-il en revenant au costume évoqué, adoptant une interrogation jouée, effet marqué d’un sourcil doucement arrondi quand le pli lascif de son sourire grandissait et marquait, indélébile, l’impertinence inhérente à cet esprit qui n’avait trouvé refuge que dans l’implicite quand on lui avait imprimé l’esclavage à la chair.

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Sabaude
Il est des compagnies singulières empruntées à des bouffées de fumée psychotrope qui aiguisent et allèchent l'esprit et le corps. Tabouret est pour lui de ces êtres qu'une danse des sept voiles ne suffirait à mettre à nu, l'obscur drapé d’impénétrabilité ceignant encore l'homme au dévêtement final.
Accoudé, deux pouces soutiennent le menton, et par dessus creux et bosses de ses doigts enlacés les prunelles obliquent vers le souverain des lieux.


Je rejoins vôtre point de vue sur l'excès, considération subjective s'il en est. 

Le regard brun vient à errer tel un voyageur peu pressé sur celle qui leur apporte de quoi faire tourner  têtes et langues, appréciateur mais guère demandeur en l'instant. L’expédition visuelle est délaissée pour revenir à son hôte, oasis pour une soif curieuse dont les maux n'embarrassent que ceux qui s'y livrent soumis. Or il est libre, liberté de celui que peu de choses désormais affectent. Leçons et mort de l'un ont entraîné le détachement de l'autre. 

A l'emploi de son prénom il offrira en retour un court silence appréciateur paré d'une esquisse labiale, par mimétisme et jeu de connaisseurs. A l'évidence l'un et l'autre maîtrisent l'art de l'adaptation. Il apprécie les fins coups de pinceaux qui transfigurent un paysage et livrent un tableau de maître. Il s'interroge toutefois sur l'aspect qui sera sien sur cette toile immatérielle. Lui même à défaut de la mâchoire y planterait bien son décor et sa patte. Un bras quitte la table pour reposer en son giron et une paume vient tourner le vin en son réceptacle. Des ondulations naît la scène de chasse.

A carnassier empressé, proie envolée. Et la plume chatouille le nez, de quoi mettre crocs en terre sur un éternuement malheureux.

Les lèvres abordent alors la promesse de légèreté, le palais reçoit l'offrande entêtante puis la langue claque ainsi que le verre sur le bois.

Si j'arborais telle tenue, me feriez-vous visiter votre monde, Alphonse ? Il m'est étranger et pourtant il m'attire. Des portes s’entrouvrent mais je reste sur le pas, curieux indécis.
Accepteriez-vous de guider l'esquif ?

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Alphonse_tabouret
Derrière, le rire d’une putain ricocha sur les murs, détournant brièvement l'attention des uns et des autres dispersés au salon pour cueillir le spectacle joyeux, mais nullement celle du chat, dont les prunelles aiguisées de curiosité s’étaient arrêtées sur l’animal qui accusait la place voisine sur la moelleuse banquette.
Il retint ses pensées dans un silence effilé au sourire naissant d’un nouveau pli, sur les mots choisis par son hôte avant de se détacher du regard jumeau, lentement, dans le contretemps volontaire du monde les entourant, début de la bulle implicite que le jeune homme semblait être venu chercher, qu’elle que soit la finalité de cette entrevue. Le questionnement était délicat, laissant le chat conclure à un acte réfléchi, envisagé, intrigué et tacha de se souvenir de son allure ce soir-là, se remémorant jusqu’à l’ombre que projetaient sur son visage les cornes ceintes à sa tête… Etait-ce son corps dont la peau avait été presqu’outrageusement mise à nue dans le torse dénudé du Faune et le dessin sur mesure des braies suivant la ligne de ses hanches pour se rejoindre à celle du ventre qui avait attisé la curiosité mâle ? Etait-ce la proximité délurée qu’Etienne n’abordait qu’à l’Aphrodite, qui ce soir-là avait éveillé l’appétence de Sabaude au point d’éclairer ses tempes d’un rayon de lune ? Etait-ce antérieur encore, accident qui avait écorné ses élémentaires pour le précipiter ici ?
Il posa son verre vide sur la table basse ouvragée à leur disposition, profitant d’attraper la bouteille pour prendre la parole, laissant à son voisin l’occasion de juguler au mieux la figure qu’il avait envie de composer, premiers temps de la danse qui allait s’entamer. Verbe ou gestes, curiosité ou délit, le chat appréciait assez Sabaude pour accorder son temps à une quête aussi singulière que celle de plaisir jusque dans la damnation.


Vous n’avez point besoin de costume pour vous joindre à la ballade, Sabaude… Il ne s’agit pas d’être l’un ou l’autre, mais d’être soi, je suis sûr que je ne vous apprends rien… Sur un sourire épicé, la dextre saisit la bouteille et empourpra de nouveau les verres dans le geste gracile de la maitrise avant que le chat ne rejoigne le dossier confortable de la banquette commune, s’accoudant au rebord molletonné en pivotant pour embrasser son voisin du regard.
La première fois que je suis venu ici, j’avais tout juste quatorze ans, commença-t-il d’un ton adoucie par la confidence, le vin, et l’intimité de leur échange, la lippe feutrée par la lascivité inhérente à la mémoire, de ce jour où il avait saisi dans le regard affamé de l’autre et dans l’orgie des corps mâles entremêlés, l’ampleur de sa propre foi. Mon père m’avait laissé dans le salon en filant avec deux putains et c’est quand il a disparu à l’angle du couloir que j’ai vu ce garçon… La beauté anglaise de Quentin se superposa une seconde au décor désormais altéré de l’Aphrodite, lui rappelant qu’un an déjà avait passé depuis qu’il avait refait à neuf ce bordel en changeant les entrailles jusqu’à ne plus rien laisser du passé, si ce n’était parfois, l’odeur fugace d’un souvenir. Mon âge, brun, les cheveux longs noués, un visage qui m’a précipité aux portes de l’enfer sans même que je m’en aperçoive, et une voix… Ah Dieu, une voix à vous mettre au supplice…
Son sourire s’aiguisa doucement aux souvenirs fauves de cette rencontre quand son regard s’ancra à celui de Sabaude pour lui demander, conscient que la première escale à franchir ensemble était celle de l’appréhension, de l’impulsion qui verrait ou pas s’allumer l’étincelle, car si l’on faisait guide, ce n’était qu’au fil des envies de l’autre. Il s’était joint à tant de lits, tant de chairs à la recherche du plaisir qu’il ne les comptait plus, mais gardait toujours en bouche, l’exaltation de ces premières fois suscitées par la curiosité de son corps, l’étonnante et pathologique jubilation d’être l’objet du plaisir de l’autre jusqu’à la corruption des pudibondes bonnes mœurs… Le regard de Sabaude avait quelque chose de sombre dans ses arrières plans et pourtant luisant d’une malice vive, d’une intelligence perspicace et s’il n’avait pas déjà été bel homme, cela aurait pu contenter l’animal dont la faim de ces autres sachant briller avec distinction par leur esprit n’était jamais repue.
Vous souvenez vous de cette première fois où un simple chuchotement au creux de votre oreille vous a tétanisé l’âme au point de ne plus laisser que la chair vibrer ? L’amalgame du souffle contre votre peau, et de cette intention lovée dans chaque syllabe qui n’existe que pour vous… Instinctif, son pouce s’égara à la lisière des siennes, suivant la mémoire de ce frimas de plaisir, soulignant d’un silence léger le bien être des corps qui se trouvent… de ce frisson extatique qui vous fait basculer aux lèvres impies, redoutées, attendues ou bien craintes avant de vous jeter aux draps, quel que soit l’autre… Inconnue, cousine, soubrette, cliente, adversaire, promise, femme, époux ou fils… Le désir et l’envie s’insinuaient avec tant de perfidie qu’on n’était à l’abri d’aucune tentation, cette rencontre finalement, n’en était-elle pas la preuve ?
Avant son baiser, je ne me serai jamais cru capable d’un tel appétit, ponctua le chat en retrouvant imperceptiblement cette lueur carnassière à l’aube de son sourire égayé par le vin, semant l’intention sans encore donner le souffle, resserrant dans la promiscuité de leurs silhouettes côte à côte, le sujet même de leur colloque, mâtinant d’une espièglerie salée sa question :
Et vous, êtes-vous homme à vaciller d’un simple baiser, Sabaude ?
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Sabaude
Quand au détour d'une conversation le nom de l'établissement est prononcé du bout des lèvres, la déesse grecque est putain au cœur des femmes qui au creux d'une oreille le recueillent tel un blasphème.
Il se souvient encore des chuchotis et des incompréhensions nés de son choix de nuit de noces à l’Aphrodite, lieu de débauche dont la seule existence est une insulte au sacro-saint mariage. Mais il aime l’ambiguïté, les pieds de nez, déranger, sinon il s'ennuie, se sent vide. Goupil couché dans l'herbe rase d'une falaise, museau au vent, regard sur une vallée de promesses, de perspectives qu'il caresse en pensée. Tout cela doit changer.

Le vin resservi est bu à lentes gorgées et les paroles de Tabouret distillées dans l'alambic cérébral.De l’expérience décrite ne née pas la compassion que d'autres auraient pu ressentir. Son vis-a-vis a fait d'un passé vicié une force tranquille, il l'insulterait à éprouver tel sentiment.
Feu des vignes aidant, l'assise se ramollit, jambes et bras complètent une posture lascive et les paupières s'abaissent.
Chuchotement, souffle, âme, tétaniser, extatique, se jeter …
Cela lui semble si lointain. Depuis quand n'a-t-il eu son être chevillé de passion, chaque parcelle de sa peau répondant à une danse charnelle, à un appel des sens? La réponse fait froid dans le dos, les yeux s'ouvrent vivement et contemplent avec fixité le plafond:


Cela est brume, à l'orée d'une foret de souvenirs qu'un corps affamé a délaissée pour devenir le pantin froid de l'indolence. L'acte n'a guère plus de saveur qu'une aubergine sans huile d'olive, sans aromates, sans...

La voix s'éraille, les prunelles plongent dans le verre désormais vide, comme lui. A se foutre de tout plus rien ne vous emplit. Depuis quand l'apathie le tient-il en ses serres ? Depuis quand se pare-t-il de présences auxquelles il n'octroie aucun laisser-passer, les laissant au jardin de son petit monde? Le menton se redresse et expose un visage tendu par la perplexité et l’incompréhension enfantine de celui qui admet sa nature et la livre en pâture à un presque inconnu.

Je ne vacille plus Alphonse. J'ai oublié, mis sous clef le vertige.

Pensif la main se tend entre eux et s'ouvre paume vers le haut.

Envolé ! Comment fait-on pour ré-apprivoiser tel oiseau ?
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Alphonse_tabouret
Je ne vacille plus Alphonse. J'ai oublié, mis sous clef le vertige.
Le vide et son cortège morne, c’était donc cela le mal dont souffrait le Goupil, animal usé par des plaisirs qui satisfaisaient les besoins sans plus exciter l’envie, pantomime douloureuse dont on s’extrayait le plus souvent au hasard d’une rencontre, d’une ombre à laquelle attarder la langueur d’une audace et qui ravivait la nuit de ses spectres les plus délictueux. La maladie parlait au faune, animal ayant gouté l’absence de désir, le sexe dans tout ce qu’il avait de plus mécanique, incapable à la mort de Quentin de retrouver le vertige de ses jumeaux, abandonné, dévoyé, perdu entre tant de mains dont les visages flous ne savaient même plus hanter sa mémoire, qu’il s’était cru fantôme et avait fini par vivre tel quel, allongeant ses journées dans les livres de comptes et écourtant ses nuits aux orgies monotones de son inertie… Un frisson dévala sa nuque, au prise un instant du souvenir si net de la brutale et inattendue morsure qui avait porté l’extase du salut dans l’étreinte passionnée d’une nuit qu’elle chassa de ses prunelles le voile de la compréhension pour ne laisser que celui du possible.
Envolé ! Comment fait-on pour ré-apprivoiser tel oiseau ?

Sabaude ne venait pas en terrain conquis, il n’était pas sûr qu’il vienne même en sachant quels pas suivre ce soir, et quand bien même l’idée lui avait traversé les tempes, il avouait de lui-même, patte rongée à même le collet, un manque plus pernicieux que celui du possible vice rassasiant. Le regard suivit la paume de la main s’ouvrant à l’aube d’une interrogation, et, sans savoir s’il serait capable d’y répondre mais enivré subitement par l’envie de voir dans les yeux males l’étincelle éclore, quelle qu’elle fut, épicurien avant d’être sélénite, se régalant autant des travers viciés de ses semblables que des siens, animal dont l’appétit passait autant par la quête que l’assouvissement, le chat étira un sourire où se disputaient le jeu et l’idée.

Commençons par le trouver avant de vouloir l’apprivoiser
, proposa-t-il en se levant, quittant l’assise moelleuse de la banquette dans la maitrise exercée d’un vacillement liquoreux, nouant ses doigts libres à ceux du jeune homme pour le relever à son tour, les statures retrouvant leur pleine mesure et se frôlant dans le contigu aviné d’une proximité tenue par le félin, aiguisant un sourire dont l’éclat suggéraient les crocs sous les babines élégantes.
Le sourcil se haussa d’une expression qui, si elle gardait en perspective la légèreté du vin, s’épiçait d’une insolence malicieuse, jusqu’à attarder la fatalité d’une seconde à l’observation des prunelles faisant écho aux siennes, soumises à une mitoyenneté neuve, égarant une respiration à l’aube de la bouche jumelle, provocation ourlée d’une précaution prédatrice, nourrie par l’assurance de grandir jusqu’à l’outrage aux heures privées de la nuit, aiguillonnant les tempes, les nerfs, jusqu’à la ce que vienne la réponse.

Vous n’avez jamais visité, n’est-ce pas ?
Il délaissa la main en reculant d’un pas, fauve gracile dont la courbe amusée aux lèvres faisaient une promesse, celle du voyage, au diable la destination, l’horizon, les fracas, tout tant qu’il s’agissait de sentir de nouveau à la peau, la délicieuse libération de l’envie, posant la senestre sur l’épaule de Sabaude, poursuivant en lui donnant l’impulsion pour le suivre.
Prenez votre verre, vous aurez peut être soif, fit il en agitant le sien, l’invitant à lui emboiter le pas pendant qu’il traversait le salon pour les diriger vers une porte dérobée aux premières marches de l’escalier menant vers la Maison Basse, saluant d’un geste l’homme de main stationnant discrètement devant à la faveur d’un renfoncement.
On l’appelle usuellement le Couloir aux sirènes, expliqua-t-il, baissant la voix pour l’inviter à faire de même en lui ouvrant la porte, révélant un couloir étroit et sombre, dont les lignes suivaient visiblement les chambres dispersées à l’étage de la Maison Haute, éclairé de manière sommaire pour ne projeter que la luminosité la plus discrète, atmosphère lourde de parfums dont le silence trouble ne délayaient encore aucun secret. La porte se referma sur eux, laissant le chat à l’avantage du terrain, des murs, des sons, profitant de l’obscurité et de la petitesse des lieux pour gagner l’oreille goupil et lui confier dans un murmure peint au dessin d’un sourire effilé : Les gardes l’appellent plus communément le Chant du Borgne.

Parce qu’il les avait arpentés lui aussi jusqu’à en connaitre les secrets, animal soucieux de savoir tout de la maison qui l’accueillait, il se tut jusqu’à ce que le brouhaha encore audible derrière eux s’estompe au profit des quelques pas effectués les enfonçant dans l’intimité du ventre rouge de l’Aphrodite, révélant, dans la lente montée de l’adaptation à l’environnement, les notes premières troublant l’onde cotonneuse du lieu. Soupirs, mots dont l’enrobage des murs empêchaient la clarté, ne laissant qu’au ton de la voix le loisir de dicter l’intention, bruits de chairs, gémissements, et plaintes enrouées de plaisir aux gorges montaient en une douce cacophonie dont la lascivité s’épiçait d’un sentiment de voyeurisme quand bien même l’œil ne se nourrissait encore de rien, empoignant fatalement l’imagination lors de mélopées enflammées mêlant l’aigu au rauque. Etrangement dans ce couloir, on était seul au milieu des autres, âme invisible quand le spectacle se jouait de l’autre côté du mur, immergé par le stupre, l’odeur entêtante de l’encens et du foutre se liant imperceptiblement, abandonné sans le regard des autres au choix de s’y laisser porter en solitaire ou de le traverser pour rejoindre , plus bas, le rez-de-chaussée, enivré de pensées lestes, mais la main propre.
Comment trouvez-vous la musique ?, lui demanda-t-il en se penchant à son oreille, s’appuyant à l’épaule, la chaleur se dispersant au travers du tissu, murmure abandonné aux sous-entendus quand ses lèvres frôlaient le lobe salé de son compagnon de route, animées d’un sourire curieux, attentif.
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Sabaude
Un instant la main devenue captive est centre de son attention détournée des états d'âme remis sur un plateau d'argent à l'étrange Tabouret. L'inhabituel l'emporte sur le convenable là où d'autres se seraient formalisés du geste et de la provocatrice proximité. De ses titres il n'a pas la rigidité, trop curieux et habitué par celui qui fut son suzerain à ne pas en faire grand cas. A être dans l'ombre d'un, dévoué, vous devenez l'autre. Cette nuit il est celui qui explore le donjon de la désaffection en quête de l'émoi et d'un souterrain menant aux contreforts de l'Exaltation.
Contiguïté des corps et pénétration des souffles désarçonnent les reliquats de rigorisme et émoustillent l'audacieux aventurier. Il n'y a pas que le vin qui anime le feu de ses prunelles quand elles croisent le fer avec celles de son guide. S'il ne sait nommer ce qui l'étreint alors, il peut toutefois desserrer les jumelles carminées étirées par le sourire né de l’égaiement.


Je n'ai jamais visité les lieux au delà de cette mise en bouche où à grand renfort de vin vous faites tomber les barrières d'une pudeur encore au pré de nos appréhensions s'il doit y en avoir. A moins que ce ne soit pour délier nos bourses, répond-t-il amusé, une part de lui fouillant l'endroit de coin sombre en coin sombre.

L'enfant assoiffé de découvertes mène l'homme défiant qu'il persiste encore à être, verre en main, dans le sillage d'Alphonse. La porte refermée le fait sursauter, à moins que ce ne soit l'insaisissable et ses murmures ou la chape d'obscurité qui pèsent sur ses épaules affaissées. Oh, des lieux de concupiscence il en déjà vu, maison prostibulaires, demeure du Courceriers, et pourtant à chaque fois qu'il pénètre dans l'Aphrodite il se sent comme renard parmi les loup. Le troublant appelle le trouble, et la sirène se joue du voyant voyageur.

Chant du Borgne dites-vous ? Perdrait-on à moitié la vue à la contemplation de vos filles ? Où l'oeil est-il le prix à payer pour leur savoir-faire ?

Il se rend tout à coup compte qu'il ne s'est jamais renseigné sur la maison close aux volets fermés et lanterne rouge des ruelles parisiennes. Ceux qui y entrent en sortent-ils tous ? Entiers ? Vivants ?Délestés ? Plaisir de chair n'est-il que façade ? En réponse à l'altération qui fait naître sueur froide le long de son échine, lentement vers le tactile il se retourne, pivotant sans chasser la main posée sur son épaule. Ses bras viennent former une cage autour de Tabouret qu'il accule contre une paroi et presse de son buste sur le sien. A son tour au lobe il délivre un message, suavité matoise des mots et du souffle chaud.

Cette musique de chambre me laisse froid, au mieux elle irrite mes tympans et gangrène mon humeur. L'artiste qui délivre la note est tel le passereau invisible qui de sa branche se moque de l'alangui étendu sur l'herbe tendre.

En appui sur le bout des doigts il maintient toujours le captif entre ses membres tendus, face à face ourlé de défi.

Qui êtes vous, Alphonse ? Vous me faites tour à tour sentir proie et chasseur, ce qui je dois l'avouer pique ma curiosité et m'incommode.

Ce soir il ne délivrera que le vrai, sans omission.
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Alphonse_tabouret
Emprisonné entre les bras tendus de son hôte, le chat ne broncha pas, flegmatique animal que la promiscuité n’avait que rarement écorné dans ses limites et qui se délectait des voisinages les plus proches, spectateur toujours attentif des autres qui se livraient au-delà des frontières habituelles, et qui offraient en pâture à la soif le tiraillant, de quoi s’abreuver aux cascades d’étincelles de vie luisantes à leurs regards. Le buste trouvant le sien pour appuyer la confidence déversée à l’oreille, comprima un instant son souffle, l’amusant dans un sourire indiscernable à l’orée du cou renard, des réactions élémentaires du corps quand l’esprit même s’assurait une voie tracée par les demandes prononcées plus tôt. Les mots suivirent le tracé du lobe pour tomber dedans, verdict de l’homme à l’auguste facilité des tentations et qui, en en répudiant les faveurs, laissa onduler aux nerfs comptables la satisfaction d’entrapercevoir la sincérité de l’entreprise. De tous les vices, l’ennui était sans nul doute le plus pénible, et de tous les péchés, la curiosité était la plus proche de se draper des accents de la vertu, indissociables entités qui enivraient les fronts les plus sages avec souvent le plus grand hasard.

Qui êtes vous, Alphonse ? Vous me faites tour à tour sentir proie et chasseur, ce qui je dois l'avouer pique ma curiosité et m'incommode.

Pourquoi se contenter d’être ou l’un ou l’autre ?, répondit la voix calme d’Alphonse, demi teinte ronronnant bassement à l’attention mâle, le parfum du renard répandu à ses sens jusqu’à susciter l’envie du gout au-delà des senteurs. Quel plaisir tireriez vous d’un voyage où vous seriez au spectacle et jamais dans l’acte ?, poursuivit il quand la senestre s’approchait de la hanche et en effleurait la ligne au travers du tissu, trop légère pour être définitive, trop lascive pour être anecdotique.
Vous m’avez fait guide, en aucun cas gourou… lui rappela –t-il en penchant doucement la tête, quittant l’intimité chaude du cou pour frôler le profil, l’œil rivé dans une langueur épicurienne, à sa jumelle. Je suis le Faune, Sabaude, qui vous a plu un soir de Noel, lui confia-t-il quand la senestre s’entichait du poignet tendu pour le déloger de sa prise murale et l’amener à la nuque féline dans la volupté d’une lenteur maitrisée, accordé à chacun des mots dont il gratifiait son hôte, lui, si peu bavard mais séduit, toujours par les errances les plus personnelles… le possible à portée d’égarement, passant son temps à fouler de ses pattes de bouc, les chemins les plus divers… La pulpe des doigts s’attacha enfin, délaissant la fugitive caresse pour affermir sa prise, étonnamment mâle dans son appropriation, amant qui possédait sans nul doute la délicatesse de l’offrande et la force de la morsure, équilibre perpétuel sur lequel, amoureux des deux sexes, Alphonse jouait avec une habilité de funambule. Au frôlement des bouches, aux souffles en écho sans encore se mêler, l’animal baissa encore d’un ton, confidences dissoutes aux limites qu’il s’apprêtait à transgresser, donnant à ses hanches l’infime impulsion pour lier les corps plus étroitement encore, torse à torse, ventre à ventre, silhouette oscillant à la lisière d’une réponse… le gout du sel et du vin à vos lèvres dans l’ombre d’une maison où l’on s’attache à en garder tous les secrets…conclut il dans un souffle en venant sceller les carmines à l’interrogation première de cette soirée, laissant affleurer dans l’ourlet de ce premier baiser mâle, les saveurs entêtantes de la gémellité, lune attendant l’emphase de l’osmose pour dévoiler les crocs.
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Sabaude
En appui sur une seule main, la coupe de vin pincée entre pouce et index choit. Bris et bruits de verre resteront derrière le rideau de la scène ou baignés d'ombres deux acteurs improvisent. L'un donne la réplique, l'autre répond par un soudain mutisme et une fixité de toute sa personne.
L'ivresse au garçon perché lui a fait donner un baiser.
L'ivresse au camarade lui a fait donner un baiser.
Cette nuit qu'en est-il ?

Il pourrait se dégager sans douceur, revenir sur ses pas et quitter l'Aphrodite.
Il pourrait gourmander son guide pour son audace et l'enjoindre à lui faire oublier l'écart.
Il pourrait laisser la gangue pesante se craqueler, se fendre, tomber en morceaux à ses pieds comme la coupe, et les laisser tous deux l'un en Faune l'autre en phœnix.

Comment pourrait il ignorer l’échauffement qui le consume peu à peu ?
Sacrifierait-il à ses convictions s'il... ?

Inspiration est prise.
D'une petite inclinaison il éloigne les carmines pour rapprocher les fronts et libérer les mots.


Pourquoi après tout ne se contenter que de la moitié des plaisirs qu'offre ce monde ?

La main libre vient cueillir celle d’Alphonse quelle plaque contre le mur et remonte au dessus de l'épaule, l'autre à la nuque restée en renfort. Les yeux bruns se penchent aux puits de la divinité champêtre et luisent d'un bref éclat remis aux lèvres humidifiées d'un coup de langue. Familièrement les corps s'accolent impétueusement, libérés de mœurs hypocrites, exacerbés par le vin et la curiosité avide du Renard au manteau de plumes. Puis les carmines délaissées subissent l'assaut de ses deux cavalières qui lancent une charge invasive pour se heurter aux crocs mâles et d'une caresse veloutée faire se lever la herse d'émail.

Dans un épanchement modeste de tendresse, il s'écarte d'un pas et entreprend avec douceur et maladresse d’exhiber le buste de Tabouret.



Vous ne sauriez être Faune avec ces nippes, dans mes souvenirs à Noël vous étiez à demi vêtu, suggère-t-il non sans malice du jeu de rôles qu'ils s'apprêtent à jouer.

Montrez-moi la suite, satyre, vous avez toute mon attention.
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Alphonse_tabouret
L’ombre des soupirs se dissolvait, le couloir lui-même avait pris des allures d’antre quand il n’était que longueur exiguë, et au bruissement discret des étoffes frôlées, des respirations s’alarmant des premiers frissons à la chair, la bulle, lentement, referma ses persiennes sur eux, éradiquant aux volutes des pensées les plus instinctives, l’idée du temps et de l’espace. Au baiser fougueux de Sabaude, avait répondu celui du chat, goutant avec félicité à la nervure assumée de l’inclinaison, le sel piquant ses lèvres quand l’épice embrasait ses tempes, laissant à la main aventurière le loisir de célébrer l’ascendance de ses charmes. L’obscurité velouté avait beau s‘emparer des murs, elle ne noyait ni l’étincelle, ni l’effilé des sourires jumeaux se répondant dans le jeu lorsque les mains goupil agrippèrent le tissu pour dévoyer à ses yeux bruns, le larcin qu’il avait en tête aux abords de ce poulailler luxuriant.

Vous ne sauriez être Faune avec ces nippes, dans mes souvenirs à Noël vous étiez à demi vêtu
Les crocs luisirent à la faveur d’une chandelle lointaine, rehaussant les traits félins d’une lueur carnassière tout autant qu’échauffée, savourant ces instants aériens où le désir amenait aux sous-entendus, aux rapprochements temporaires tolérant les familiarités, les demandes et les envies, où chaque geste s’ourlait d’une lascivité corrompant l’atmosphère jusqu’à la rendre propice à la concupiscence et ses délicieux tourments.
Montrez-moi la suite, satyre, vous avez toute mon attention.

Amusé, volontairement crâne, le faune pinça les pans de tissu entre ses doigts, et avec lenteur, sans quitter le regard gourmand de Sabaude, éternel narcissique dont l’étincelle dépendait de celle qu’il allumait dans le regard des autres, passa sa chemise par-dessus tête, exauçant l’envie, déployant, dans la douce irrévérence d’une beauté qui s’assume pleinement, les courbes déliées de son corps. Loin des carrures viriles d’un jouteur aguerri, tout aussi distant des silhouettes androgynes qui pouvaient éveiller l’ombre sélénite à portée des sens, le chat était fait à la façon de ces bourgeois insolents, beau, ciselé par des sports raffinés, et animé d’une indolence propre aux forces tranquilles.
Le vêtement tomba au sol, retrouvant la dérive de la flaque de vin, sitôt oubliée lorsque le chat profita du peu d’espace pour le réduire à néant, la dextre glissant près des hanches renardes sans pour autant s’y arrêter, rejoignant le profil jumeau, confiant au fil des souffles suspendus quand un léger cliquetis se faisait entendre :

Il me semble, Phénix, que c’est vous qui avez toute la mienne…

Les crocs happèrent les lèvres, plus férocement, sursaut incontrôlé de l’animal à l’humain, mutation qui enivrait le comptable à chacun de ses saisissements et réveillait, tyrannique, despote, salvatrice, cette faim absolue de l’osmose fugace des sens. Dans le dos de Sabaude, le pan de mur céda doucement, révélant l’une des nombreuses portes dérobées menant aux chambres du bordel, et la dextre s’accaparant les reins de son hôte, le chat évita tout vacillement possible quand elle révéla l’une des nombreuses couches discrétes de la Maison Haute. Au vertige du souffle, le félin associa l’audace de ses mains courant le long du tissu jusqu’à le profaner et trouver la peau mâle que la pulpe de ses doigts s’accapara avide, en découvrant les premiers reliefs, la tessiture, le parfum au travers de sa douceur ; au claquement de la porte d’un coup de talon, l’animal asservit les lèvres d’un baiser plus tendre mais plus pernicieux, le bassin redessiné aux prémices de l’excitation venant s’appliquer à celui du brun d’une caresse équivoque et tendant indéniablement son corps d’une énergie neuve.
Relâchant les lippes, il offrit un sourire en coin au renard avant, du plat de la senestre appuyée à hauteur du torse, de le pousser pour le faire chavirer sur le lit, défait sans être déshabillé, s’offrant le luxe de la contemplation, faune définitivement, tant par le sourire aviné effleurant ses lèvres que par l’appétence brillant à ses yeux devant le corps palpitant à portée de désirs.

Le plaisir était un sujet sensible, tour à tour porteur, exaltant, aveuglant, pour savoir être, sans se parer d’illégitimité, source de questionnements, de craintes, de précipitations… Sabaude était venu chercher une réponse et c’était elle qui désormais perçait dans les tiraillements de leurs nerfs, provocante, prometteuse, et fragile puisque naissante, horizon encore neuf qui s’ornementerait par leurs seules volontés. Les limites n’appartenaient en aucun cas au renard mais bien au chat, guide le long de cette balade, détenteur des secrets et leurs conséquences, conscient de l’importance de la découverte et de ses marches… Ce soir était une première marche et il eut été idiot tout autant que décevant, que de noyer si tôt, si prématurément, ce compagnon d’errance dans la somme pleine des plaisirs lunaires, car si donner le plaisir était un art dont il se délectait, le susciter jusqu’à la récidive, était à ses yeux, le véritable succès de cette flânerie masculine.

A petits feux, Goupil, à petits feux…


Dans mes souvenirs, à Noel...
, le paraphrasa-t-il dans un soupçon d’espièglerie, enfonçant un genou dans le matelas contre la cuisse mâle, ... je vous ai promis de m’occuper personnellement d’ôter de vos épaules vos derniers lambeaux de costume lorsque vous auriez bu votre dernier verre… L’insolence du corps à portée de bouche, la ligne peinte à même les braies et le sourire effilé d’Alphonse laissèrent brièvement un silence planer quand la main s’aventurait à révéler le plat du ventre jumeau en jouant d’un pan de chemise à ses doigts fins :
Avez-vous encore soif ?, demanda-t-il en scellant à sa réponse les remous du temps à venir.

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Sabaude
Le vertige...
Suivi de la chute sur le moelleux d'une couche qui l'offre tel l'exotique met sur le plateau d'argent.
Puis la prise de conscience qui le prend à la gorge, écarquille ses yeux, ceint son front d'une pression indéfinissable et rend battements de cœur et souffle erratiques. Les charbonneux qu'il dardent alors sur Alphonse superposent au visage mâle ceux des femmes dont il a jusqu'ici visité la soyeuse et humide intimité.
Il ne vient pas d'accepter, sous une possible emprise d'un esprit dans le déni, qu'il est en compagnie d'un homme dont il a goûté les lèvres, senti le désir et noyé icelui au sien. L'appréhension est toute autre, insidieuse, à ses dépens moqueuse. Pour la première fois depuis qu'il n'est plus ce jouvenceau malhabile, il ne maîtrise plus rien. Le terrain est inexploré, plongé dans l'obscurité de son inexpérience. Il n'est plus celui qui pousse l'épouse, l'amante ou la donzelle en travers du lit, d'une table ou d'une banquette. Il n'est plus le vicomte à la musculature gainée d'une martialité d'officier à la belle présentation, fougueux conquérant qui maintient l'autre prisonnière de sa puissance physique, la lie à ses envies, dominateur impétueux qui place tout ou partie de la gent féminine aux cuisines ou au lavoir sur fond de misogynie feinte.
Les cartes qu'il a en main ne sont plus les plus fortes, aucun pli n'est acquis, l'issue de la partie incertaine. Face à lui se dresse l'inconnu, et cette chair miroir est ironiquement étrangère.

Reprenant pied, en appui sur son bras gauche, il pivote et souplement se soustrait à la patte de son guide pour se dresser tel un canidé aux aguets. Nerveusement senestre remet en place une chevelure épaisse aux mèches indisciplinées qu'un lacet de cuir noir vient de livrer à l’échauffement de ses joues imberbes.

S'il avait du tourner les talons il l'aurait déjà fait. Partir serait un échec, un aveu de faiblesse, et il ne peut s'y résigner. Alors il reste là, torse regonflé d'une profonde inspiration. La pulpe d'un index vient caresser ses lèvres, suivre la fine ligne brune qui descend jusqu'à la pointe du menton, puis se tendre vers Tabouret
.

J'ai soif ! Quelque chose de fort ! Mais nous allons jouer à un jeu, Faune.

Les yeux se plissent et les carmines s'étirent en un rictus séditieux comme il fléchit ses membres pour revenir au contact par un louvoiement charnel et bestial qui le place à califourchon sur le satyre à demi dénudé.

Une gorgée par réponse de vôtre part à mes questions. Une fois que j'aurai le verre entre paume et doigts, la première sera la suivante : Quel est vôtre plus heureux souvenir, Alphonse ?
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Alphonse_tabouret
L’effervescence de l’amusement s’empara une seconde des prunelles quand celles de Sabaude s’opacifiaient dans la pleine mesure de l’instant, signal attendu du faune comme la première frontière qu’il devrait prendre en compte. S’il avait dû être franc avec son hôte, s’il avait cherché à apaiser la légitime angoisse née de l’inconnu, Alphonse aurait dû avouer qu’il n’avait jamais eu l’intention d’outrepasser les cadres qu’ils s’étaient posés en qualité de guide, soucieux du voyage autant que du novice, et qu’il n’était pas question que la jouissance s’enhardisse aux confins les plus intimes de la chair pour une première fois… Mais rassurer le Renard, c’était signer la fin d’une flottaison qui menait invariablement aux réflexions les plus crues, les plus vraies, celles comportant le savoir niché au creux du désir, et cela, pour l’infatigable funambule en perpétuelle de quête de lui-même, avait le gout de l’hérésie. Attentif, plus encore qu’à la faveur des ombres concupiscentes du couloir qu’ils venaient de quitter, il suivit le mouvement laissant au Goupil le loisir de reprendre possession de l’espace, l’étincelle fugitive des possibles dans le regard aviné nourrissant ceux du chat, conduisant ses pensées sur les chemins qu’il avait dessiné.

Il ne s’offusqua ni du retrait nerveux du corps à portée de sa main, ni du besoin de se sentir redevenir égal à défaut de chasseur dans l’alcôve ouatée du bordel, convaincu depuis bien longtemps qu’en matière de chair, les rôles étaient à ce point indispensables l’un à l’autre que les rênes du pouvoir se dissolvaient sans cesse d’une main à l’autre, accusant la silhouette du jeune homme s’asseyant sur la sienne, le corps gardant sa lascivité sans y porter la moindre ombre de gêne, enchâssé entre l’édredon et les cuisses males encadrant ses hanches.


Une gorgée par réponse de vôtre part à mes questions. Une fois que j'aurai le verre entre paume et doigts, la première sera la suivante : Quel est vôtre plus heureux souvenir, Alphonse ?

Lascif, s’amusant indubitablement de la lutte intestine chez son hôte, il remonta un coude jusqu’à coincer son poignet sous son crâne, appuyant sa tête dessus et s’offrant quelques secondes, le loisir de la vue le surplombant dans un silence oisif avant de désigner d’une dextre nonchalante, l’une des bouteilles d’alcool trônant sur la table jouxtant le lit, lui laissant le loisir de l’attraper pour commencer le jeu selon ses lois.

Je crains qu’il ne faille boire au goulot, mais cela ne devrait en rien changer les règles, juste, allonger le jeu, fit il en étirant un sourire, se calant sans le moindre trouble au poids qu’on lui soumettait, la peau laiteuse du ventre s’enflant délicatement de la respiration.
Mon plus heureux souvenir ? répéta-t-il un instant distrait, délaissant les morsures de l’envie les plus directes pour celles du badinage, égarant volontairement une main sur la cuisse mâle à sa gauche. Je crains de n’être pas très adroit à ce jeu-là, Goupil… Ou trop léger ou trop sérieux… Voyons, fit il en levant les yeux au plafond, cherchant dans ses souvenirs celui qu’il ne serait pas impudique à partager sans perdre de sa sincérité….
La naissance de mon fils fut éprouvante mais auréolée d’une joie difficilement équivalente à une autre, admit-il dans un sourire, le visage poupon du bâtard passant à ses tempes teintant d’une fierté paternelle orgueilleuse les traits du félin. Antoine avait rempli une attente qu’il n’avait pas su soupçonner, ni même déceler et qui malgré les écueils, les tempêtes et les trébuchements, restait, immuable, une source pleine d’adoration, même au plus bas de son enfer, même dans les errances nées chez lui à l’ombre d’une cave humide. Mais il ne serait pas approprié de mêler un enfant à tout cela, poursuivit-il quand son sourire grandissait, espiègle, reposant les yeux sur le jeune homme pour choisir, finalement : L’achat de ma première possession… Un tableau, précisa-t-il, la première chose qui fut à moi par mes propres moyens … La peinture s’imposa immédiatement, de même que l’odeur piquante de l’atelier et le sentiment encore inégalé de cette première fois, de se libérer du mercantile auquel il avait été toujours si fermement enchainé jusqu’à se considérer lui aussi, comme un simple objet parmi tant d’autres.
Cela suffira-t-il à justifier et la boisson, et la narration du votre ?, demanda-t-il en sollicitant la bouteille d’un regard.

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Sabaude
Vous me surprenez Tabouret. Quant à justifier la boisson... laisse-t-il trainer avec amusement.

Son hôte a donc un fils, de ceux que l'on regarde avec les yeux d'un père, que les entrailles fouaillées par la peur et la fierté révèlent comme la chair de la chair, le sang du sang, et non le rejeton dont on n'aura que faire du sort. Il n'aurait jamais soupçonné que le comptable puisse à l'image du von Frayner avoir une descendance et nourrir pour celle-ci de tels sentiments.

Si l'esprit découvre, le corps aussi. Il ne saurait nier l'effet stimulant du chevauchement et des allées et venues contre sa cuisse.
Le corps s'étend pour faire sienne la bouteille qu'il mène en son giron et pose sur le nombril d'Alphonse une fois délestée de quelques gorgées. Paume sur le goulot, peu à peu sa respiration se cale sur celle du partenaire au rythme des montées et descentes du ventre tandis que l'autre main s'égare sur la peau nue, reptile craintif à l'exploration timide et indécise.
Un trait de perplexité vient barrer son front comme son pouce s'arrête sur un mamelon et que son regard fouille celui d'Alphonse à la recherche de la notice. C'est différent et il se sent gauche, tel est le constat. Il bascule alors sur le coté pour se retrouver allongé , flanc à flanc, vin fermement tenu et laissé en ballottement au bout de son bras qui pend entre sol et couche. Il répondra à la question pour éluder celle qui vient de s'imposer sous ce fichu crâne en perdition.


Mon plus heureux souvenir donc..., souffle-il yeux rivés au plafond.

Le jeune vicomte égraine silencieusement les bons moments, ceux qui font naître un sourire sur son visage: ses amis, ses premières fois, ses débuts au cynodrome... Par amusement et similarité de caractère avec un certain seigneur il avait appelé son lévrier Judas. En réponse au camouflet l'autre avait nommé le sien Sabaude.
Un petit rire point , bien conscient qu'ils ont tous deux joué aux cons, une fois de plus. Mais là n'est pas ce qui occupe le piédestal. Viennent les fois où la confiance ,à lui accordée, l'avaient fait se sentir différent, important, responsable. Toutefois se n'est rien de tout cela qui étire ses carmines jusqu'aux oreilles et gonfle son cœur.

...c'est une personne, le Père Martin Tamarre de Nivellus. Il incarnait la bonhomie et la joie de vivre sur courtes jambes et grosse bedaine. Il était le tonnelet de vin et le tranchoir imbibé de sauce recouvert de viande de l'assoiffé et l'affamé.

Sur un reniflement nostalgique les doigts s'entrelacent à ceux libres d'Alphonse. Alors il sait par ce simple geste qu'il tient la réponse à l'embarrassante interrogation qu'il repousse depuis qu'il a franchi plus tôt les portes de l'Aphrodite: il n'aurait pu agir d'un autre initiateur. Contester l'emprise ambiguë qu'exerce sur lui son guide reviendrait à se mentir. Il y a quelques mois de cela un faune a captivé un phœnix avec toute l'ambivalence qu'il pouvait affecter.

En sa compagnie vous vous sentiez heureux, oublieux des maux de ce monde
, ponctue-t-il dans un filet de voix.

Oublieux...S'abstraire... Lâcher prise et plonger dans la chaleur d'une nouvelle gorgée, délaisser celle d'une main pour lui confier enfin le contenant demandé et recouvrir le corps jumeau du sien, en appui sur ses extrémités pour n'écraser que les lèvres des siennes. Le Renard se laisse aller à recommencer, consciemment puis inconsciemment. Il soumet bassins et entre-jambes aux faibles pressions de sa personne, délaissant la raideur du conflit pour le vaporeux de l'abandon, et suspend le mouvement, incertain quant à ce qu'il convient de faire ou ne pas faire, décontenancé par l'afflux sanguin, la tension temporale et l'étoffe tendue. Détourner l'attention!


Vous m'avez retourné ma question, il vous faut boire aussi, confie-t-il suavement, avec toute la conviction qu'il est capable d'user pour dissimuler au mieux son trouble.

Les prunelles pétillent de l'ivresse légère des sens et de l'esprit induite par la boisson, les manières et les desseins feutrés du Chat porté à émoustiller sa raison. Le feu de la sensualité est chandelle à la flamme vacillante, source insaisissable qui éclaire chichement ses repères et échauffe son désir par vagues successives. Tout autour de lui confine à la volupté vers laquelle il se sent doucement glisser. Baste qu'il déteste avoir tout l'air d'un puceau empoté! De poursuivre paresseusement sur le même ton  :


Et me dire quel chemin aurait aimé emprunter les sabots si à quatorze ans ils n'avaient foulé le feutré de l'Aphrodite. Est-ce ici votre foyer?

Quelques mèches échappent à l'oreille derrière laquelle il les avait mises et balayent son visage, rideau dissimulant ses appréhensions .
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Alphonse_tabouret
Le fourmillement à la chair agita le faune sous son masque contenu, amenant à l’animal à savourer les liens délicats se tissant dans l’appropriation de l’oiseau le surplombant, d’abord moineau au chant volontaire qui petit à petit, se parait des étincelles entraperçues aux festivités de fin d’années, aiguisant mélopée et serres aux entrelacs des désirs immergents, retrouvant dans les confins d’une intimité lascive, les parures flamboyantes de la mythologie.
Les mains mâles sur sa peau menaient ses nerfs sur un chemin dont il connaissait les méandres, goutant les exquises frondaisons bruissant aux vents, frémissement léger et offert qu’il ne brusquait de rien, laissant à son hôte, le loisir controversé d’assurer ses pas dans l’oral autant que le tactile, félin guettant patiemment l’œil rond auréolé de plumes, laissant les routes diverger le long des berges singulières qu’étaient la conscience, la découverte et l’envie, souriant à demi, comme les font les chats, énigmatiques quand leurs desseins conjugués jusqu’à l’imprimé indiquaient pourtant le presque ronronnement. Un instant voisins pour répondre à la question, Alphonse attarda ses sens à l’observation des traits plus que du corps lui-même quand bien même la chaleur des flancs se trouvait, se goutait dans le diffus de la proximité, se découvrant camarade avant d’être objet de désir, homme avant d’être la nouveauté sous les crocs hésitant du goupil.
Un rire aussi silencieux que bref nervura sa gorge à l’entente du portrait, soumis comme tous ceux de son espèce à ne savoir que faire des éclats de joie à moins qu’ils ne soient accidentels, ne connaissant de l’emportement que les échos des autres et ne sachant, la plus part du temps que s’attendrir de ces expressions humaines dont les subtilités lui échappaient dès qu’il cherchait à les essayer.


En sa compagnie vous vous sentiez heureux, oublieux des maux de ce monde,

L’oubli comme réponse, l’oubli comme mot d’ordre, l’oubli jusqu’à ces doigts jumeaux dont l’enchevêtrement était à l’instant plus intime que bien des baisers essaimés aux lèvres rencontrées… Ce fut l’oubli qui amena les corps à retrouver la ligne aérienne d’une courbe lunaire, enlacement sélénite dont les lèvres alcoolisées saluèrent les retrouvailles en abandonnant les affres des pensées à d’autres, se nourrissant, animal, des gestes encore entravés de la nouveauté. Les carmines se trouvèrent et la senestre d’Alphonse s’aventura, impie délicate sur le fil de la nuque brune, enjoignant le phénix à attarder son vol quand les corps, sagement tenu en laisse pour l’un, à l’errance d’horizons neufs pour l’autre, apprivoisaient de leurs desseins communs, la lente et exquise montée du désir dont la muselière cédait inexorablement au savoir faire, à l’alcool et l’envie. Un instant, au silence, s’opposèrent les inaudibles soupirs du plaisir, à la délectation du parfum d’homme, la brume du désir, décervelant les limites pour ne laisser résonner que les pulsations sourdes du ventre, éveillant irrésistiblement la concupiscence refrénée du chat à celle qui pointait dans les braies jumelles et ce fut un parfum d’un dépit frustratoire qui lui prit les sens quand l’oiseau se déroba encore une fois pour retrouver l’usage de la parole, à la façon du carnassier dont la mâchoire claque dans le vide et ne garde en bouche, que le délicat tracé d’une plume duveteuse, amenant le chat à percevoir que sous les attentions, il avait un instant oublié le chemin et ses déviations.
Si Sabaude se sentait gauche, il n’en possédait pas moins l’aisance naturelle d’une sensualité qu’il portait en ramage, éveillant les sens au point d’avoir estompé le plan au profit de l’instant, et Alphonse eut la terrible envie de planter les crocs sur cette proie mythologique, réfrénant ses instincts le plus primaires dans une gorgée d’alcool qui lui brula la langue et lui donna le répit nécessaire à ne pas laisser ses reflexes prendre le pas pour s’approprier la bête jusqu’au supplice de la béatitude.

Vous m'avez retourné ma question, il vous faut boire aussi. Et me dire quel chemin aurait aimé emprunter les sabots si à quatorze ans ils n'avaient foulé le feutré de l'Aphrodite. Est-ce ici votre foyer?

D’un doigt, il chassa l’une des mèches le privant du regard brun, voyeur affamé de sensations, chassant la possible appréhension mâle d’un sourire doucement espiègle, et joignit à la craintive prunelle, le chant lunaire de la sienne, chaleur insensée de l’astre froid dont la volupté assumée semblait promettre pour l’hôte, le baume des mots délivrés à l’oreille seule de l’anxiété, assurant dans la lueur qui l’animait, qu’ils se trouvaient tous deux dans une bulle dont aucune paroi n’était infranchissable, qu’elle mène au pays précédent ou à la contrée suivante. La senestre délaissa la nuque pour le cou, ramenant à ses lèvres affamées celles qui lui avaient échappé, délayant dans le temps des souffles mêlées, le cambré instinctif des reins pour étreindre les ventres, caresser les envies affichées mais point encore assumées de leur dénuement contre nature, jusqu’au frémissement, jusqu’à l’inconfort du tissu, prenant avec une lenteur volontaire, le temps d’une réponse étonnamment sincère.

Non, ma maison n’est point ici… Aucun chat digne de ce nom, n’accrochait à son cou, les clefs du gite, et la vente récente de l’Aphrodite n’arrangeait pas chez Alphonse cette lutte personnelle à ne se lier à aucune chaumière, peureux de se trouver un jour, lesté d’un fil à la patte, prudent tout autant que borné. S’attacher à l’Amant était la seule hérésie du cœur qu’il s’était octroyé et l’unique tort qu’il aurait à se reprocher si d’aventure, sa croyance aveugle le trahissait. Je n’ai pas vraiment le gout des murs, poursuivit-il, tout au plus, ai-je celui des toitures, précisa-t-il quand la dextre s’aventurait sous la chemise encore aux épaules renardes.
Les lèvres se turent quelques instants au profit du regard, laissant parler pour lui l’éclat de ses yeux noirs, la senestre venant souligner du pouce la pulpe de la bouche goupil quand la dextre goutait à la peau chaude du dos.

Je crois, Phénix, que mes sabots seraient restés vissés à l’échoppe parentale, que je n’aurais jamais eu le gout de la débauche aussi certain… Peut être n’aurais-je jamais gouté à une peau mâle, ou alors, honteusement… Un mouvement fluide de hanche les bascula sur le lit, inversant momentanément les rôles, quelques gouttes d’alcool s’échappant du goulot pour venir parfumer l’édredon, appuyant à son tour, le délié nerveux de son corps sur celui de son hôte, quand il poursuivait plongeant les lèvres à l’aube de la clavicule le narguant à l’orée du tissu… entre deux rendez vous ou deux lignes de comptes… La dextre gagna le ventre et remonta, découvrant la chair sans ôter la chemise, s’étendant au dôme discret du torse, leçon de naturel, guide attendu aux pérégrinations de l’envie, répondant par le geste aux hésitations perçues. Le plaisir féminin et masculin de différait pas tant que cela, l’animal en était convaincu, et dès lors que l’on aimait la chair, on aimait ses attentions, fussent elles veloutés ou mordantes, emportées ou tendres, sauvages ou délicates ; tout n’était que question de moments. Le bassin se lova fermement à l’autre, lien volontaire de quelques instants qu’il allongea d’une indécente caresse mouvante, esthète trouvant le plaisir dans celui qu’affichait les autres, s’animant de la satisfaction de discerner sur les traits du jeune homme, la confirmation d’un désir plus primitif, plus brulant, à l’écho du sien… entre deux reproches d’une épouse qui n’aurait pas pu me satisfaire pleinement parce qu’elle n’aurait jamais eu le gout du sel… J’aurais été, Sabaude, un être incomplet sur un chemin fait de truismes, et la chair n’est pas faite pour se contenter de platitudes, conclut il en se redressant pour boire une nouvelle gorgée à goulot de la bouteille, délaissant volontairement les brulures jusque là dispensées, autant par jeu que par curiosité de voir le voyageur s’enhardir lui-même jusqu’à les réclamer ou venir les prendre.

J’ai l’impression que je ne suis pas le seul dont l’Aphrodite a su proposer la bifurcation, fit-il badin, copiant le détaché de son hôte en l’exagérant à peine d’un sourire en coin … Vous n’êtes pas sans surprise vous non plus… Je n’aurais pas cru retrouver le jeune marié de l’année passée dans la même couche que moi, avoua-t-il, amusé. A vous, poursuivit-il en saisissant sa main pour le redresser, pour lui faire retrouver de la hauteur sans pour autant que le chat ne quitte l’assise de ses cuisses auxquelles il était momentanément juché, avalant une lampée de malt et venant la partager d’un baiser embrasé, avant de poursuivre le jeu lancé, lui laissant la bouteille presque vide en otage pour libérer sa senestre et enrouler le cordon des braies renardes à son doigt tendancieux, sans pour autant qu’il ne le tire encore. Quelle est la dernière chose que vous ayez faite sans même réfléchir ?
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Sabaude
Il n'y a pas que l'oiseau qui aime à prendre de la hauteur...le chat aussi se perche et de sa patte de velours soumet le plumage au frisson. Les paupières s'abaissent et se lèvent, la privation d'un sens en exacerbe d'autres. Au basculement des pôles il ne dit rien, n'oppose aucune résistance, s'approprie son nouvel espace délimité par le corps félin sans songer un instant qu'il pourrait y avoir disparition des espèces: il pense évolution, ou changement climatique: il brûle d'un besoin de plus en plus insoutenable de délaisser l'auréole de la faible flamme d'une mèche entourée de suif pour le crépitement infernal d'un brasier. Aux baisers il répond avec la même fougue, emporté par l'élan du faune et le flot de concupiscence charnelle qu'une digue vient de déverser par ses failles dans ce corps désobéissant.

Honteusement... En réponse aux propos de son hôte le psychique s'efface au profit du physique :des mains qui n'en n'ont cure,dans un souffle, s'assurent aux bras ciselés d'une ferme et discrète musculature, se juchent aux épaules mâles pour glisser lentement et fermement sur les côtes avant de retomber mollement sur la couche pour n'entraver aucun mouvement. Allongé silencieusement sous le ventre du matou penché, il s’imprègne de cette présence simple et complexe à la fois qui depuis un couloir aiguillonne son appétence.

L'émail retient difficilement l'étirement de ses lèvres quand choient en son oreille la bifurcation, le jeune marié, et la situation du moment. La réponse est spontanée, agitée d'un rire de gorge.


Je n'aurais pas misé un écu sur cette éventualité il y a près d'une année de cela.

Insolemment ses prunelles viennent défier leurs sœurs toutes aussi sombres si ce n'est plus.

Vous avez contribué à la naissance de cette fourche-là, Satyre. Je n'ai pas oublié l'égyptienne, cadeau de la maison, alors que j'escomptais passer sagement la soirée au comptoir à attendre la sortie des invités.

Un doigt malicieux vient tracer un cercle sur la peau nue, autour d'une couronne imberbe et colorée qu'il sanctionne d'une pichenette.

Vous êtes le premier à m'avoir envoyé une fille de joie.

Il se gardera, par jeu, de préciser qu'ensuite un autre s'est employé à lui montrer ce à quoi il s'imposait de renoncer par principe, à savoir les plaisirs de la chair autrement qu'avec l'épousée. Le seigneur avait repéré la fertilité du terrain vicomtal, il n'avait plus eu qu'à semer les graines du libertinage.

Redressé par son guide, il garde pour plus tard la conclusion. Les bouches s'entrouvrent pour lier les langues dans un échange qui se passe de mots. Et la bouteille de nouveau au contact de sa paume il penche légèrement son torse vers l'arrière pour apprécier la vue qu'offre son partenaire sans s'affaler, et estimer d'une ronde du poignet la quantité de liquide restante. L'organe claque contre le palais, sourire en tapinois. Foutu Faune à l’œil acéré! Ils sont deux à avoir compris que le jeu va prendre fin.


La dernière chose que j'ai faite sans réfléchir? exprime-t-il d'une voix traînante. Hormis venir ici ce soir? poursuit-il en observant Alphonse du coin de l'oeil, volontairement moqueur. Je pourrais vous livrer en pâture n'importe quelle action répondant à la condition mais quelque chose me dit que le fond de la question n'est pas là, hasarde-t-il.

Du regard il suit la ligne directrice qui mène de Tabouret à ses braies, simple cordon dont le retrait les mènera au-delà de caresses encore sages. Le contenant est soulevé à hauteur de visage puis vidé d'une traite avant de finir en cadavre à côté d'eux. Voilà qui est fait pour clouer le bec à toutes protestations sous-crâniennes, et il a chaud, très chaud, et la tête lui tourne un peu. D'un revers de main il essuie ses carmines, les traits volontaires.

L'ivresse ne saurait être seule mise en cause dans ce qui arrivera, soyez rassuré.

Il le fixe longuement, tant pour laisser le temps à la pièce de cesser de bouger que pour apaiser ses palpitations cardiaques. Dextre vient caresser la courbe d'une mâchoire féline et appuyer un dos tandis que senestre s'enfonce dans la chevelure brune à la base du crâne. Il remarque alors pour la première fois leurs similitudes: âge, teintes et corpulence. Il passe sur l'information. Sa joue frôle une jumelle pour qu'il puisse délivrer au plus près d'un lobe, toute retenue envolée:

Mène-moi au-delà de cette fourche-ci, Faune, sur ce chemin où tu t'es fait lanterne au bal. Tu me plais.


Tutoiement et sincérité pour un moment particulier : lui Renard a cédé, la seule barrière encore en place est celle de l'inexpérience.
Quoiqu'il en soit s'il doit finir délesté de tous tissus, le cuir viendra en premier. Et comme tout ancien soldat qui se respecte, il ne saurait en laisser le dépouillement à un autre. C'est donc avec un mélange d'actions réfléchies et irréfléchies qu'il entraîne fermement son hôte dans une roulade qui s'achève en chute. Ça, il ne l'aurait fait avec une femme sous peine de recevoir une baffe. Il l'amortit du mieux qu'il peut avec ses réflexes émoussés , et ravi de sa facétie gratifie Alphonse d'une prise d'assaut labiale avant de retirer ses bottes et de les lancer dans un coin. A son tour, debout, il tend une main pour le relever.

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