Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP fermé] J'ai rendez vous avec vous (*)

Alphonse_tabouret
(* Brassens)




A dix sept ans, Paris l’avait accueilli, fugueur insolent, se dévoyant à tous les bras qui avaient voulu de lui pour occuper un temps qu’il n’avait jusque là jamais possédé, soucieux de corrompre la pensée à la chair jusqu’à la libération de la satiété. Sept ans plus tard, la ville avait pris du relief, aiguisé ses serres tout en adoucissant son sourire, tour à tour belle et laide, alternant les coups et les caresses au travers des rencontres semées dans ses ruelles, colorant ça et là, des horizons dont il ne savait rien, l’immolant dans le gouffre pour mieux le rejeter, plus loin, plus fort en se sentant plus faible, étonnante sensation réservée à ceux qui survivent malgré eux, accidentés.
Son amant était mort en l‘oubliant ci bas et de longs mois, le chat avait perçu sa subsistance à ce monde comme un outrage jusqu’à ce qu’un matin il se rende compte que respirer ne lui brulait plus la gorge, et longtemps encore après cette révélation, il avait laissé sa chair à la dérive des parfums jumeaux, pulsant sourdement dans des reliquats de souvenirs qui n’appartenaient plus qu’à lui, ne prêtant la beauté à la brulure que dans l’instant précis où elle se consumait. Durant cet exil, Alphonse avait filé le long des toits et de leurs gouttières, avait jeté ce qu’il restait de ses songes dans les vapeurs éthérées des autres, se nourrissant sans faim pour finalement retrouver l’appétit là où il ne cherchait pas, à des lèvres inconnues, dans l’ombre d’un escalier à la recherche d’une duelliste égarée.
Le Criquet avait été une surprise, sa chair une réelle révélation, l’osmose oubliée des corps males depuis la mort de l’anglais, une apothéose estivale à ses sens, aiguisant la cruauté de cette rencontre dans le sublime de l’apaisement qu’elle avait fait naitre.

Leur dernière rencontre l’avait laissé seul dans un lit duquel il ne s’était extirpé qu’en début d’après midi, un mot en guise d’au revoir étirant un sourire à ses lèvres engourdies de sommeil, les tempes apaisées mais le corps frustré d’une nuit que ni l’un ni l’autre n’avait partagé ailleurs que dans le parfum des draps auxquels ils avaient échoué sans parvenir à se croiser.
Leurs rencontres n’avaient cessé de jouer en intensité, d’abord funambules sur les crêtes de quelques verres l’esprit embrumé de vin, puis, à la faveur de retrouvailles salées qui avaient explosé en un bouquet de bile, et enfin, au détour d’une ruelle où le visage ensanglanté de Val avait moucheté la nuit d’une rage intense avant de se dissoudre dans l’onde d’un bain chaud et de ses confidences. Aujourd’hui serait la première fois depuis que les pas du comptable et de l’adonis s’étaient croisés que le hasard ne s’emmêlait pas et l’abandonnait à la tendre satisfaction qui étreint à l’idée de bientôt s’abreuver à la présence de l’autre.

L’attendait il, le Criquet ?
Les jours s’étaient enfuis sans qu’il ne trouve moyen de s’échapper plus tôt, soucieux perpétuel que tout soit à sa place regardant le temps filer dans une moue doucement maussade , tendrement résigné, et finalement, ce fut le soupir innocent d’une soubrette en regardant par la fenêtre qui lui fit attraper manteau et chapeau pour sortir, délaissant derrière lui les comptes et son bureau. Il se payait le luxe des jérémiades silencieuses quand il avait à portée de main, à quelques encablures, ce qu’il cherchait : un havre, un endroit où l'Aphrodite n’avait pas d’emprise, une escale à la chevelure blonde dans laquelle la lumière avait le gout du miel et des envies nues de leurs carcans.
Ce jour-là était froid, humide, manquant cruellement du gout discret du soleil à la peau, un jour que l’on avait envie d’étirer aux volutes d’une chaleur moelleuse et qui amenait le félin rue de l’Oseroie, royaume branlant, abandonné, au creux duquel vivotait pourtant, une flamme aussi irradiante que vacillante. La description laissée par le jeune homme avait suffi à trouver le point de chute , et toquant pour être introduit, Alphonse se présenta à un vieux domestique qu’il savait dernier survivant des décombres qui entouraient les fortifications dont le Criquet s’étaient prémunis pour survivre à sa solitude expiatoire


-Alphonse Tabouret, se présenta-t-il en s’inclinant tandis que l’œil du vieil homme le scrutait, dernier garant du lieu, ultime victime de la culpabilité dans laquelle Val avait choisi de s’enferrer. Je suis ici pour traiter d’une affaire urgente avec le maitre de maison, poursuivit-il en prenant son air le plus sérieux, quelque chose de professionnel dans la moue du visage sans pour autant en être désagréable. Pourriez-vous lui faire savoir que sa demande de rançon a été acceptée et que je suis venu lui délivrer en personne le dû qu’il a exigé en retour de son larcin ?, demanda-t-il en levant le nez comme si l’affaire n’avait rien d’extraordinaire, retenant le sourire qui venait à ses lèvres en imaginant les jades du Criquet s’arrondir aux mots que ne manqueraient pas de lui rapporter le gardien de cet étrange territoire dévasté par le temps.
_________________
--Valtriquet
" Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure."
( Apollinaire)



Rue de l'Oseroie, aux pieds de la Seine qui répand son flot ininterrompu de vaguelettes en ondes légères traversant Paris comme une artère, s'élève parmi d'autres bâtisses un Hôtel particulier faisant coin avec la Rue des Maraîchers. Semblable aux autres dans le prolongement et l'alignement des colombages recouvrant partiellement les murs, si ce n'est cette particularité, lubie de son propriétaire. Au dernier étage en comportant deux, la toiture manque sur plus de la moitié de la demeure, remplacée par une terrasse à la végétation luxuriante. La flore au milieu de la faune...
Au moment où le vieux serviteur ouvre la porte à celui qui se présente comme le visiteur de son jeune maître, fort surpris dés lors que le Criquet ne reçoit pour ainsi dire jamais, au premier étage résonnent dans la grande salle, essoufflements et jeux de jambes ponctués par les sons de l'air déchiré et fouetté .


- Nous pourrions arrêter ou faire une pause si vous le souhaitez.

Au travers des boucles blondes, dont quelques cheveux échappés restent collés au jeune front bombé, les paupières naturellement étirées laissent entrevoir des émeraudes pétillantes d'excitation et de défi. - On continue.
Légèrement essoufflé par le rythme imposé, l'élève salue le maître et reprend, tentant une approche différente pour feinter ce vieux renard ibérique qui esquive aussitôt l'attaque, la bouche dessinant un sourire teinté d'ironie.
- Bien tenté
L'aîné nargue le plus jeune, le provoque. Valtriquet ne s'en laisse pas compter, agacé autant qu'amusé par le jeu duelliste. Et quand Frambault après s'être raclé la gorge tente de quêter l'attention de son jeune maître, le Criquet poursuit danse et escarmouche avec son adversaire.

- Quoi? Parle!
-...affaire urgente ...
Les deux lames se percutent l'une contre l'autre dans un son grinçant de métal frotté.... une histoire de rançon...
L'Ephèbe repousse son assaillant, feinte et pointe pied en avant, un sourire jubilatoire sur ses lèvres, prêt à donner le coup de grâce.... Tabouret... Alphonse Tabouret. Désarçonné par le nom que le vieux serviteur vient de prononcer, il hésite une fraction de seconde, son attaque en suspend. Assez pour que l'espagnol , emporté dans sa contre-attaque, riposte et assure son geste qui évite de peu la hanche du blond, pourfendant sa chemise blanche .

- Par les cornes de bouc, j'ai failli vous embrocher!

Devant l'emportement tout justifié du maître d'armes, le Criquet se confond en excuses et demande au majordome de lui répéter ce que le visiteur lui a dit, se mordant violemment les lèvres pour ne pas éclater de rire et garder un air soucieux, voir intrigué.
Salut respectueux envers l'espagnol tandis qu'une franche poignée de mains clôt la séance du jour.

-Maître, ça sera tout pour aujourd'hui. Semaine prochaine, même jour même heure ?

l'Ibérique, dont la réputation n'est plus à faire dans un Paris où la noblesse se targue d'entretenir son panache le jour tandis que la nuit elle se fourvoie , débauchée, s'incline respectueusement devant l'énigmatique jeune Vendôme à qui il donne des cours d'escrime depuis quelques semaines.
- Frambault, raccompagne le seigneur Francisco Diez et fais monter messire Tabouret je te prie.

Dans la grande salle au plancher menuisé en bois de chêne, plus aucun bruit ne vient ricocher sur les murs vides, plongeant le Criquet dans les souvenirs passés. Lorsqu'en âge de prendre possession des biens familiaux laissés par sa famille décimée, il fuit le domaine à moitié calciné pour se réfugier dans cet Hôtel particulier dont il ne connaissait pas l'existence, enfant. Tout était à recommencer. Nouvelle vie. Espoir tout relatif de déposer enfin le poids de sa culpabilité comme une cape bien trop lourde dont on se défait. Ses démons n'en avaient pas finis avec lui. Si la folie et la fièvre animant Paris l'emportaient dans des soirées de beuveries ou des couches aux parfums plus musqués que fleuris, ses démons l'assaillaient la nuit, lorsqu'enfin son esprit au repos ne pouvait plus élaborer les cheminements complexes de l'oubli, parsemés des névroses qui faisaient de lui un éternel équilibriste de la vie.
Et pourtant, en société, le jeune Dandy, à présent âgé de dix sept ans, étonnait par son esprit brillant, son physique androgyne dont il jouait pour troubler les sens, et sa voix suave, basse et monocorde. Nul n'aurait pu deviner quand enjoué il se prêtait aux jeux, que derrière ce visage glabre et pâle chaque jour était une bataille qu'il livrait avec ses propres armes.
Il avait donc commencé par revoir la décoration de la demeure cossue, se débarrassant des meubles dans lesquels ses aïeux avaient imprégné leur vie et remisant au grenier à l'étage du dessus les quelques souvenirs pour la plupart à demi calcinés, qu'il avait récupéré du domaine familial, les recouvrant d'un drap comme lui même recouvrait sa culpabilité d'un voile opaque, tellement léger...

La grande pièce où il se trouvait, très claire quand donnait le jour, était dépouillée de toute décoration qu'il trouvait inutile. En façade, de grandes fenêtres donnant vue sur la Seine et à l'opposé un vaste mur recouvert de miroirs où il pouvait se voir en plein exercice d'escrime pour rectifier maintient et position et dans le prolongement du mur à l'équerre, une collection d'épées et de fleurets. Une table ronde, sans chaises, dans un coin avec quelques verres et liqueurs, et du côté fenêtres, un clavecin avec un banc sur lequel il pouvait passer des heures à jouer et composer. Rien dans ce lieu n'était apprêté pour le confort et la bienvenue d'un quelconque visiteur. Rien ici, mais pas ailleurs.

Val accrocha son épée au mur, songeur, les pulsations de son rythme cardiaque un peu affolées, et ce n'était pas dû qu'aux exercices poussés qu'il venait d'effectuer.
Face aux grands miroirs qui montaient du sol au plafond, il épongeait lentement son visage quand la porte s'ouvrit sur la silhouette élégante du comptable de l'Aphrodite, suivi du vieux serviteur.
Le jeune homme suspendit son geste, son regard ancré dans celui du brun.

- Alphonse... Il n'aurait su dire combien de temps était passé depuis leur dernière rencontre où le brun l'avait sauvé de lui même en lui évitant de s'acharner à mort sur Aaron, mais ce dont il fut sûr à cet instant où leurs regards se fondaient l'un dans l'autre, c'est que sa présence lui avait fortement manqué. Foutrement même.
Le Criquet se retourna en jetant négligemment la serviette sur la table et leva un sourcil ironique à la présence cachée derrière le comptable.


- Frambault, je te vois...
Messire Tabouret et moi même avons une importante affaire à résoudre.
Amusé, son regard pétillant accrocha les onyx. N'est-ce pas mon cher? Sans quitter Alphonse des yeux il ordonna: - Lothaire devrait revenir en soirée. Je le verrais demain. Veille à ce que personne ne vienne nous déranger, et ce sous aucun prétexte. Ca s'adresse à toi aussi évidemment. Aller file!!

Le Criquet attendit que le vieux serviteur ait fini d'inspecter le brun des pieds à la tête de façon soupçonneuse et sorte en bougonnant pour reluquer à son tour son amant, gardant pour lui la délicieuse et mordante sensation qui vrillait son ventre. Adossé négligemment contre le miroir il écarta les mains en inclinant la tête dans un salut espiègle.
- Bienvenu dans mon antre mon cher.
Tu t'es donc décidé à.... récupérer mon otage?



Alphonse_tabouret
Il avait suivi, sans mot dire, visiteur qui foulait la tranquillité des lieux, observant çà et là, ce qui composait l’ambiance de la bâtisse, ne s’attardant sur rien, s’attendant aux contrefaçons quand il s’agissait du Criquet, jeune homme dont les lézardes veinaient l’âme jusqu’à la moelle et qui s’en défendait avec toute la virulence de son jeune âge. N’était ce au fond pas là, l’ultime preuve de vie qui pulsait dans ce corps juvénile ? Chercher à maitriser les choses, c’était leur donner de l’importance, le comptable en savait quelque chose, et si ce n’était l’abandon au creux de la violence qui submergeait parfois l’éphèbe jusqu’à l’aveuglement, n’était il pas capable d’en revenir comme il l’avait démontré au creux d’un bain d’eau chaude, à la faveur de quelques mots qui n’avaient de destinataire que lui ?
La pièce dans laquelle on l’introduisit finalement lui révéla son hôte, le corps encore fervent de l’exercice que le chat identifia immédiatement à l’écorchure du tissu, le replongeant un instant aux mains espiègles des caméristes de la maison familiale, le menaçant dans des rires légers de la lui coudre sur le dos pour qu’il arrive à la garder quelques heures au moins. Il y avait quelque chose de changé chez le Criquet, une sorte d’affirmation, un parfum plus délié qu’à l’accoutumé saupoudrant la nonchalance dont il faisait généralement preuve tant que l’intimité ne le rattrapait pas.
La vue répétée par les fenêtres accrocha indéniablement son regard, aération spectaculaire qui agrandissait l’espace d’un jeu de reflets, laissant au milieu, la silhouette légère de l’éphèbe se détacher du reste, ilot blond de vie que balayait le ciel délavé de janvier. Il devina les syllabes de son prénom mourir dans un soupir sur les lèvres jumelles sans se départir de l’air vaguement attentif qu’il avait soumis à son gardien dont la présence pesait dans son dos à la façon du chien qui surveille le mouvement perçu autour de son maitre et que Val trahit avec une pointe d’impertinence.


- Frambault, je te vois...
Messire Tabouret et moi même avons une importante affaire à résoudre N'est-ce pas mon cher?- Lothaire devrait revenir en soirée. Je le verrais demain. Veille à ce que personne ne vienne nous déranger, et ce sous aucun prétexte. Ca s'adresse à toi aussi évidemment. Allez file!


Nul acquiescement autre qu’un simple hochement de tête de la part d'Alphonse à la question posée, le félin ayant frayé avec un assez grand nombre de canidés pour savoir qu’il était inutile de rentrer dans le jeu de leur propriétaire. Si le criquet avait les faveurs de Frambault pour se permettre de le taquiner, le félin lui n’était qu’un invité de gouttière dont le territoire se situait trop loin pour se permettre l’insolence avec qui que soit d’autre que celui qui dispensait les caresses à la ménagerie de cette maison. Le regard du domestique brula sa silhouette d’une longue inspection qui ne froissa nullement le comptable, si longtemps exposé tantôt à la manière d’un dû, tantôt à la manière d’un objet de conquête, sachant que quand ce n’était pas son visage qui attirait l’œil, c’était souvent sa façon de se tenir droit sans être raide, marque indélébile d’un apprentissage tissé des devoirs du major d’homme le plus parfait, la pudeur asservie au service du métier. Quand la porte se referma derrière lui, ses pas l’avaient rapproché de la vue qui déversait au regard les remous de la Seine, et il ne daigna croiser le regard du blond, chat avant toute chose, que lorsqu’il perçut le mouvement de ses mains.

- Bienvenu dans mon antre mon cher.
Tu t'es donc décidé à.... récupérer mon otage?


Un sourire en coin redessina le visage jusqu’alors lissé par la représentation, noyant une étincelle aux jades qui le harponnaient avec la lascivité des retrouvailles qui réjouissent jusqu’au fourmillement.

Il faut dire que mon angoisse a de quoi se nourrir… commença-t-il en se rapprochant du Criquet, flânant volontairement d’un pas trainant jusqu’à lui quand son regard divaguait d’une moulure du bois au clavecin dont une partition ornait encore le pupitre jusqu’à n’être plus qu’à quelques centimètres de son hôte, la délicatesse des crocs effleurant à peine le dessin de la bouche mâle en guise de satisfaction à retrouver la proximité du jeune homme… quand on voit le traitement que tu réserves aux tiennes, conclut-il en venant d’un doigt, tirer délicatement l’entaille du tissu lacéré à la faveur d’une passe d’arme précédemment dispensée et dont l’exercice colorait encore les joues blanches du Criquet d’un poinçon de rouge. La pulpe s’attacha à ne surtout pas frôler la peau ivoire de l’amant, sentant dans la pose du nobliau une insolence à laquelle il avait envie de répondre jusqu’à le forcer à avancer d’un pas, flambeur invétéré qui ne pouvait s’empêcher de mesurer l’attachement des autres à leur désir de céder à leurs envies. Est-ce que j’arrive trop tard ou est-il encore temps de lui sauver la mise ? demanda-t-il en laissant couler ses prunelles aux jumelles perdues dans leur verdure insensée, un sourcil doucement arrondi d’une interrogation falsifiée mais amusée.
_________________
--Valtriquet
Cette démarche....

Val était fasciné par l'entrée du brun entre ses murs. Les émeraudes suivaient la démarche féline avec curiosité, attentif aux pas qui sans être hésitants n'en étaient pas moins méfiants, même s'il n'en avait pas conscience. Alphonse avait à la fois le côté lascif, nonchalant et racé du chat de salon et l'oeil vif, les crocs et griffes acérés du matou de gouttière aux réflexes légendaires. Il en aurait presque oublié que le simple fait de l'avoir invité, de le voir pénétrer dans son monde était un accroc qu'il ne s'était jusqu'alors jamais permis. Quand il en prit conscience, ses oreilles bourdonnèrent d'un rythme sourd et entêtant, la gorge nouée par le malaise qu'il sentait poindre. Il serra avec forces ses phalanges, reprenant la maîtrise de ses sens, habitué à cet exercice depuis fort longtemps. Ce fut si subtile que ça ne pouvait qu'échapper au regard vigilant du félin. Lentement le flux sanguin reprenait un rythme de croisière, allégeant sa respiration d'un souffle régulier.
L'éphèbe put reprendre le cours appréciateur de son observation. Visage qui lentement vers lui se tourne, ivoire des crocs à peine découverte, élégance dans le mouvement fluide des jambes sous l'étoffe dont il devinait.. se rappelait, la musculature longue et effilée.


... fascinante.

Ses connaissances du brun s'arrêtaient à son corps parfait dont il lui restait à parfaire encore l'éducation de tous ses mystères à dévoiler. Il connaissait son esprit vif, intelligent, sa promptitude à évaluer une situation et à agir en conséquence mettant en avant le facteur humain. Le Criquet n'avait pas encore vu évoluer Alphonse au milieu de ses congénères, si ce n'est cette nuit en taverne où ils partagèrent vins, vers et chimères, se découvrant une attirance mutuelle. Mais il ne doutait pas un instant que sa beauté sauvage et son charisme exercent sur d'autres cette attraction irrésistible. Alphonse ne pouvait être qu'à chacun, comme à tous. Insaisissable....

Il faut dire que mon angoisse a de quoi se nourrir…quand on voit le traitement que tu réserves aux tiennes. Le Criquet esquissa un sourire. Dans sa description il avait omis l'humour incontestable du comptable et ses railleries qui même chez lui étaient délicates et toujours bien ciblées.

Approche encore....

La tentation de l'attirer à lui agissait d'une façon toute à fait contradictoire. Plutôt que d'y céder elle ne faisait que l'émoustiller pour en jouer plus, l'attiser.
Est-ce que j’arrive trop tard ou est-il encore temps de lui sauver la mise ? Sans perdre ni son sourire, ni le regard accrocheur plongé dans ses jades, Val décolla son dos du miroir froid qui n'avait pas pour autant fais redescendre la température de son corps, maintenue en ébullition par la proximité de son vis-à-vis, et d'un adroit mouvement du buste força le brun à exécuter un pas de danse pour l'accoler à son tour dos au miroir. Les mains aux doigts pâles et effilés se plaquèrent sur la surface glacée, de chaque côté du visage d'Alphonse. Alors que ses lèvres s'approchaient du lobe qu'il aurait bien léché et mordillé, il lui souffla à l'oreille. J'ai bien peur d'avoir fortement compromis sa vertu après avoir passé tant de nuits à effleurer son grain satiné... Veillant à ne pas goûter à sa peau, par trop tenté, sans l'effleurer si ce n'est par quelques boucles blondes qui noyaient son visage, il croisa les onyx de ses yeux amusés. Je me suis enivré de ton odeur dont elle était imprégnée, humant jusqu'à la lie l'ultime note boisée dont elle était fleurie, comme une saignée jusqu'à la dernière goutte versée. La pointe de sa langue rose passa sur ses lèvres en parcourant d'un regard celles délicatement ourlées de son amant. As-tu soif ou désires-tu constater de tes propres yeux la délicieuse, abandonnée et froissée entres les draps de ma couche? L'arrondi ironique de son sourcil accentua le ton quelque peu insolant du blond.
D'un mouvement de la tête il indiqua la pièce contiguë dont les portes étaient grandes ouvertes sur un bureau salon. Lequel menait à une autre pièce, la chambre du Criquet.
Mais on a tout notre temps pour faire le tour....quand tu souhaiteras visiter. Naturellement, son bassin se pressa doucement contre celui du brun, tressaillant imperceptiblement.
Nous pouvons visiter chaque pièce... si tu souhaites me connaître... un peu plus. L'invitation était à peine voilée laissant à Alphonse l'interprétation qui lui convenait.


Alphonse_tabouret

La fraicheur du miroir l’épargna, hôte encore chaudement vêtu de sa marche quand la présence du criquet envahissait son champ de vision, enrobait l’air du parfum suave de sa peau et crispait doucement son corps du jeu de l’excitation sourde menant les nerfs à s’enrober de brulures.
La voix déroula aux oreilles des teintes ourlées d’une provocation enjouée, délayant les souvenirs éthérés de la bouche de l’éphèbe jugulée par l’extase, ses lèvres mordues par ses dents blanches pour éteindre un soupir vaincu, réminiscence aiguisant doucement le sourire aux lippes félines à la lisière de sa mémoire tandis qu’une boucle blonde égarait la soie de sa caresse sur sa joue. A l’invitation, il ne cilla pas dans un premier temps, chat immobile ne s’offrant le luxe de bouger que pour suivre le regard de son hôte le menant à un ailleurs tentateur, avec l’insolence de ceux qui survolent le tout, narguant ce bassin qui venait suggérer une fièvre pourtant commune en posant la dextre au poignet à hauteur de son cou, fourmillement discret de la pulpe quelques longues secondes, temps durant lequel la sommes des possibles se dévoila le long d’un fil aux couleurs tour à tour chaudes et tièdes, finissant par s’embraser au seuil de sa réflexion.


La vue, dit-il, avare de mots quand ses prunelles perdues dans les jades semblaient parler un autre langage que celles des mots, destinés aux sens seuls du langage jumeau. Les doigts glissèrent dans l’intérieur du poignet jusqu’à le saisir, délicats, la senestre se pressant au flanc pour donner l’impulsion lui décollant le dos du miroir et de ce fait les mains blondes de leur support, les corps se rencontrant pour la première fois depuis bien longtemps, dans une proximité aussi légère qu’ahurissante, alchimie de la chair vibrant avec évidence.
La tentation d’affermir ses doigts à la hanche vibra le long de ses veines jusqu’à mobiliser un instant plus d’efforts que de coutume pour ne point troubler l’onde de son costume, mais il résista, élève appliqué à satisfaire ses envies et de ne céder à aucune tentation écornant le terme envisagé , félin prédateur dont les jeux avaient le gout de la chasse et cette chasse-là s’orchestrait sur une partition brodée de silences, de masques fendillés et de ressemblances. Céder au Criquet aurait été facile, bon, délicieux, mais il savait l’adonis danseur au délié de la silhouette étreint avec les ardeurs de l’abandon

Tu dois avoir une vue splendide, reprit il à mi-voix, les lèvres de Val si près des siennes qu’un simple frisson de l’espace aurait suffi à ce qu’elles se rencontrent, la chair piqué d’envies grondant de contentement de retrouver la compagnie légère et effilée du jeune homme, semant enfin l’idée dans la profusion du vocable, retranchant l’inaudible derrière la façade de la phrase. J’aimerais la voir…
Entrainant l’autre dans son mouvement il les amena d’un pas vers le centre de la pièce, départ de tous les chemins possibles, cadre à ciel ouvert qu’il ne regardait pourtant pas, toujours ancré aux prunelles étincelées du nobliau, souriant dans un trait à la fois narquois et apaisé.
Voir ce que tu vois tous les jours, ce serait un bon début… Froissé ce que tu as froissé serait une suite qui me plairait aussi sans aucun doute… conclut il en étirant le long de son sourire l’épice de la concupiscence, relâchant la hanche pour laisser libre cours à son hôte d’entamer la danse selon ses envies, ses pirouettes ou ses notes, se faisant proie narguant ses désirs aux horizons mêlés.

_________________
--Valtriquet
A la douleur permissive
D’une coque à la dérive
Sois le no man’s land
Sur lequel mes souvenirs se répandent..



Chaque jour un nouveau pas.
A chaque rencontre une nouvelle danse.
Que lui réservait cette fois ci la croisée de leur existence quand la première figure d'une Carole les avaient fait maillons d'un magique quatuor un soir d'été. Aviné de mots et légèreté de l'être où à la faveur d'une tablée de soûlards Valtriquet s'était dévêtu de tout apparat pour se lier à trois autres petits soldats de plomb qui chacun à sa façon s'était rendu léger, l'âme d'un chevalier. Noblesse dans la justesse des regards et mots échangés. Une petite brindille aux fleurs flétries. Une jolie mercenaire dont le sourire pouvait s'agrandir démesurément dans le prolongement d'un filigrane nacré. Et le captivant brun qui avait happé de ses crocs son attention, puis ses lèvres dans l'obscurité d’un couloir dérobé.
D'une Carole, folle échappée d'une farandole, la deuxième rencontre gagna l'apothéose des sens dans une fusion de leurs deux corps se découvrant sous le regard d'Aphrodite.
La troisième n'aurait pu voir le jour si Alphonse n'avait pas récupéré dans une ruelle un Criquet ensanglanté, fou d'une douleur qui tenait plus du mysticisme que des coups reçus. Ceux donnés dont le sang à ses mains l'avaient marqués au fer rouge, imprégnant à son coeur les lettres d'une trahison sans nom. Le brun avait pansé ses maux, s’était fait confident du secret qui hantait le blond à la limite de la folie, dans un ailleurs qui faisait de lui son propre destructeur.

- La vue? Répéta la voix juvénile en écho, la conscience franchissant soudain l'épais brouillard des souvenirs dans lesquels le parfum, l'odeur de la peau du brun le faisait tanguer.Tu dois avoir une vue splendide. Un sourire releva à peine le coin de ses lèvres.

Splendide, oui... tu ne sauras jamais à quel point elle l'est maintenant.


J’aimerais la voir… D'une simple esquisse le sourire du Criquet s'agrandit, ironique, joueur, tandis qu'il ressentait passer du corps de l'un à l'autre cette même envie et attirance, freinée.
Voir ce que tu vois tous les jours, ce serait un bon début… Froissé ce que tu as froissé serait une suite qui me plairait aussi sans aucun doute…

Le contact de la main d'Alphonse qui irradiait au travers du fin tissu garda sur sa hanche son empreinte, bien après que le fil fut rompu, le faisant reculer, reculer encore et reprendre avec bienséance et amusement le rôle d'hôte en ouvrant les bras de façon théâtrale. Reculant toujours, les émeraudes ancrées dans les onyx, silhouette découpée devant les grandes fenêtres ceintes de lourds rideaux de velours grenat.

- Mes yeux sur le monde...

Un léger froncement de sourcil rendit au Criquet cet air hésitant, perplexe qu'il avait parfois, quand il jeta un coup d'oeil à la pièce adjacente dans laquelle rares étaient ceux qui pénétraient. Il observa Alphonse, puis s'écarta pour l'inviter à y entrer. Ton regard sur le mien... viens. Il lui emboîta le pas et se dirigea vers une table sur laquelle était disposé une carafe de vin, en servit un verre à chacun , tendant le sien au brun tandis qu'il devenait silencieux, lui laissant le temps de s'imprégner des lieux. A la différence de la grande salle d'armes par laquelle entrait les visiteurs, claire avec ses grandes fenêtres, le salon bibliothèque était plus petit et intime. Rendu chaleureux par des couleurs automnales, due à la dominance du bois et de la lumière qui venait avec plus de douceur caresser le pan de mur occupé par des livres ouvragés dont certains étaient enluminés. Une banquette et un large fauteuil comme témoins des veillées près d'un chandelier sur lequel des bougies s'étaient écoulées, figeant leurs gouttes de cire le long du socle. La table ovale, entourée de quatre chaises, prônait près des deux seules fenêtres du salon. Assis sur le rebord de la table, le Criquet trempa les lèvres dans le vin qu’il savoura en prenant son temps.

- Ici ne sont venus que Lothaire, une sorte de cerbère qui partage l'étage du dessous avec Frambault que tu as croisé. Je suis allé le chercher là bas, au domaine.
Pour quelques temps les fantômes d'Antan peuvent bien garder les ruines du passé. D'ailleurs... j'ai un présent pour toi.
Délaissant son verre, le jeune homme s'approcha des étagères Acajous pour y laisser courir ses doigts jusqu'à rencontrer l'oeuvre qu'il cherchait.
- Les flammes ont épargné la bibliothèque où nous nous trouvions avec notre vieux serviteur, tu te souviens? Mon père était un grand voyageur. Il a ramené celui ci d'Orient. Même si la langue y est incompréhensible, la beauté des images devrait te parler. Sa voix se teinta d'une pointe narquoise en tendant le manuscrit au brun, sachant que les scènes grivoises décrites amuseraient son côté libertin.



Alphonse_tabouret
Verre en main, il accompagna les pas de l’éphèbe, quittant le vaste salon pour l’intimité plus équivoque de la bibliothèque, le regard curieux lisant dans les réflexes méthodiques acquis à l’aune de son esclavage, les traces évidentes d’un héritage conséquent, lettré, d’une noblesse qui, si elle virevoltait désormais aux cendres, avait eu un temps l’assise de la culture. Là aussi, on trouvait peu de fioritures, mais le gout évident de la solitude calfeutrée à l’ombre des ouvrages, dessinant autour de son hôte des esquisses nouvelles, écartant certains ressentis pour en affiner d’autres. Ici, la vie palpitait bon an mal an, et il percevait presque la silhouette élancée du Criquet dans le fauteuil aux larges accoudoirs dont les couleurs rougeoyaient au soleil timide du mois de janvier.

- Ici ne sont venus que Lothaire, une sorte de cerbère qui partage l'étage du dessous avec Frambault que tu as croisé. Je suis allé le chercher là bas, au domaine.
Ici surtout, commençaient les bases de la forteresse qu’avait choisi d’édifier le jeune homme, et le comptable demeurait conscient de la délicatesse que supposait cette visite dont tous les aspects tenaient de l’anodin et dont chacun avait pourtant le parfum de la confidence. Peu étaient venus, nul besoin de le dire, car si on la comprenait occupée, l’ordre apparent de la pièce avait le coté figé des âmes esseulées, lui rappelant étrangement sa propre chambre à l’Aphrodite dont la seule trace d’occupation résidait bien souvent dans le fil consumé d’une bougie. Pour quelques temps les fantômes d'Antan peuvent bien garder les ruines du passé. D'ailleurs... j'ai un présent pour toi
La surprise s’autorisa à déformer brièvement le sourire attentif à ses lèvres, peu habitué aux fréquentations qui s’attardaient au point de mêler l’envie du plaisir à autre chose que la chair, égoïste notoire dont le salut n’avait eu de chance de germer que dans le dédain des dates, cérémoniels et souvenirs possessifs qu’il avait choisi de considérer comme autant d’entraves et de nœuds à sa propre existence, mais trois fois, les pas des danseurs s’étaient mêlés et c’était aujourd’hui lui qui répondait à l’invitation lancée… La répulsion naturelle du présent fut jugulée, tenue en laisse par le pragmatisme le plus froid tandis que le blond posait son verre et partait à la recherche d’un ouvrage parmi les autres.
Les flammes ont épargné la bibliothèque où nous nous trouvions avec notre vieux serviteur, tu te souviens? Mon père était un grand voyageur. Il a ramené celui ci d'Orient. Même si la langue y est incompréhensible, la beauté des images devrait te parler.

Le livre tendu fut attrapé d’un geste lent, dans un silence qui se partageait la désapprobation et l’excitation neuve de la curiosité, mettant à mal une terre déjà brulée par une année écorchée aux autres, jetant le chat de rencontres en deuil, de douleurs en joie, d’apathie en tourments fauves, de murs en horizons… A sa façon, Valtriquet avait joué un rôle capital, nécessaire, jusque dans le tendre attachement que le chat nourrissait à son égard, ému par cette farouche fragilité, par cette solitude cristalline dont on lisait chaque heure dans les yeux clairs de l’adonis. Si Axelle lui avait redonné vie au naufrage printanier de l’année passée, c’était lui qui lui avait redonné faim au son de ses soupirs et au gout de sa chair, assez pour accepter de laisser à portée des crocs nobiliaires d’Etienne l’identité et le cœur, assez pour soumettre sa nuque à la passion de l’insolent Griffé, assez pour aujourd’hui avoir eu envie d’un rayon de soleil dans des mèches blondes. N’eut ce été ces batailles déjà perdues, le livre aurait été écarté d’un revers de la main pour être oublié plus tard et le corps du Criquet, soumis à la pression du sien, à ses mains impertinentes et à ses lubies carnassières, noyant dans le carnage d’un baiser virulent et l’offrande et l’intention, dévastant sous l’attente des deux hommes, l’idée même de la mémoire entretenue au fil d’un présent.

Mais le livre resta dans la dextre, la senestre se joignant à l’effort pour soutenir l’objet quand les yeux déviaient de leur contemplation pour s’attacher à l’ouvrage, l’ouvrant délicatement en son milieu pour en contempler l’essence, étirant un sourire entendu en découvrant une enluminure nouant homme et femme dans un savant mélange d’audaces. Il avança d’un pas vers le Criquet sans quitter les feuillets épais, dont il tournait les pages, l’amusement venant définitivement s’ajouter au museau éclairé avant de s’arrêter à ses côtés, lui montrant l’un des portraits réalisés, amalgame improbable de traits dont il avait du mal à concevoir l’ingéniosité, en le taquinant d’une remarque où louvoyait la plaisanterie en même temps que l’épice, abordant un air aussi égayé que sérieux :

Je connais une catin à Bergerac capable de faire ça sur un seul pied… Le sourire s’effila jusqu’à dévoiler la blancheur du sourire, et la dextre délaissant l’ouvrage précieux remonta, habile, jusqu’à s’enrouler à la nuque blonde, retrouvant le soyeux des boucles effleurées à sa peau, l’amenant, d’un mouvement, à portée des lèvres auxquelles il déposa la douceur d’un baiser frais lui picotant agréablement la pulpe de la lippe, provoquant d’un attardement bref, les souvenirs embrasés de leurs bouches unies. Merci.
Mot insignifiant et pourtant lourd de sens au crépuscule d’une vie qui ne serait sous peu plus jamais la même, il fut offert, bercé d’une once de réserve que le chat se découvrait, premier surpris du moelleux de cette sensation. Il attarda ses doigts d’une caresse légère, la sachant trop courte pour contenter sans pour autant y remédier, attisant l’envie sous-jacente qui parcheminait les nerfs de son hôte, félin tortionnaire dont les jeux s’alternaient de frustrations et d’extases pour se cueillir à gorge déployée, avant de se détacher de la silhouette blonde, le gout vaporeux de l’éphèbe aux lèvres, promesse du plaisir à saisir à bras le corps quand les esprits eux-mêmes seraient repus de ces retrouvailles.
La suite, exigea-t-il dans un sourire taquin sans rien rajouter, félin cabot laissant aux soins du Criquet de s’imaginer poursuivre la visite et de mener l’animal intrigué dans des mondes dont il était seul maitre, ou d’exécuter la sentence promise au fil de ce baiser

_________________
--Valtriquet


Attaché à la réaction d'Alphonse quand à la découverte des images suggestives, Val, amusé par sa réflexion puis électrisé par la main qui s'enroulait à sa nuque pour l'attirer vers les lèvres pleines et savoureuses, frémit au baiser donné. Frustré de ne pas s'y abandonner, adouci par le fragile merci, mené dans une danse qui changeait de main à chaque nouvelle figure, le blond résista à l'impulsivité du flambeur, à l'envie de plaquer le comptable contre le mur et de le consommer tout de go.
"
La suite."lui permit cette échappée douloureuse dont il savourait d'avance une autre issue délictueuse. Depuis leur première rencontre avinée, duelliste dans le sens des mots cachés, insinués avec élégance, la présence épisodique du brun dans sa vie l'intriguait, sans qu'il accepte même l'idée que de son empreinte maintenant il était marqué. Sans pour autant les oublier, les visages fantomatiques du passé qui le hantaient s'échappaient parfois de son ciel tortueux pour laisser place à un sourire, à des yeux pétillants, désireux.
Val s'attarda sur le sourire esquissé, un brin taquin, recula jusqu'à la porte de sa chambre dont il poussa les deux battants sans le quitter du regard un instant.


- Ma suite...

La découverte de la pièce risquait de surprendre Alphonse, seul amant qui y pénétrait pour la première fois. Elle était telle qu'il l'avait désirée. Conçue comme un refuge, mais ouverte sur le monde, ronde. Ronde et vide comme une coquille d'oeuf. Au centre de l'unique mur sans début ni fin, blanchit à la chaux, se trouvait le lit, surélevé, reposant sur une estrade constituée de deux marches. Aucun bois ne ceignait les contours de l’épais matelas recouvert d’une épaisse fourrure d’hermines blanches aux reflets irisés de gris. S’il avait fait nuit, les yeux du comptable se seraient levés, attirés par le ciel marine parsemés d’étoiles quand le temps du lendemain s’avérait ensoleillé.
En cette journée, malgré le temps gris, quelques rayons de soleil parvenaient à percer la couche nuageuse, illuminant ça et là la calotte de verre recouverte en partie sur les extrémités de son arrondi par la végétation qui poussait, sauvage, à l'étage du dessus aménagé en terrasse. Aucune autre fenêtre que cet unique et panoramique oeil ouvert sur l'univers qu'il pouvait à loisir, à l'aide d'une double corde accrochée au mur, fermer entièrement d'une tenture. La chambre dépourvue de meubles aurait pu paraître étouffante dans sa nudité, mais au contraire sa fraîcheur apportait sérénité et bien-être. L'ouverture vers le ciel aspirait littéralement le lit en promontoire, baignant la pièce de reflets verdoyants, ondoyants, quand le soleil pénétrait au travers de la verdure rampant sur le verre.

Val s'approcha d'Alphonse qui découvrait son ultime refuge, le regard glissant sur les épaules et la cambrure des reins, puis sur la chevelure brune dont il respira l'odeur en frôlant de son torse le dos immobile. D'une voix rendue basse par la retenue qu'il s'imposait encore, il lui chuchota à l'oreille.
- Bienvenu dans mon antre... Il l'abandonna, presque à contrecoeur, pour disparaître dans une discrète alcôve donnant sur une pièce où il se débarrassa de sa chemise abîmée, s'aspergea le buste et le visage d'eau fraîche et enfila une chemise blanche sortie de sa vaste garde-robe. Sur le seuil de l'alcôve l'éphèbe s'arrêta pour observer son amant, silencieusement, avant de se diriger vers le lit, de grimper sur les deux marches du promontoire et de s'affaler sur la fourrure d'hermine, le visage tourné vers le plafond de verre. Il se redressa sur les coudes, glissant ses doigts dans les poils soyeux du couvre-lit, les yeux de jade fixés sur Alphonse.

- Viens...



Alphonse_tabouret
Le regard du chat suivit la silhouette vaporeuse dans un sourire étiré, s’amusant de la patience de dupes instaurée au creux de cette après-midi, tortionnaire volontaire dont la répartie des autres consistait en un jeu auquel il aimait observer chaque nervure, tour à tour palpitante, assurée ou fébrile, et emboita le pas à l’éphèbe en laissant dévaler sur ses reins un regard faune, contenu à l’intimité de la marche orchestrée.
Sur le pas de la chambre, il perçut, palpable, une solitude goûtée, entretenue, qui ne comportait ni début ni fin, à la fois fatale et désirée, crevée en son sommet par la somptueuse verrière enchevêtrée çà et là par les ramages d’une végétation dense semblant naitre de nulle part, et, invité, choisit d’y entrer sans laisser filtrer la moindre remarque sur ce royaume-là, conscient que ce n’était pas les mots qui liaient avec le plus de force l’attention et l’intention. La présence de Valtriquet dans son dos écorna l’attention portée à une réalité vierge dont il comprenait le dépouillement, avare lui aussi, du mobilier ostentatoire dès lors qu’il s’agissait d’être chez Soi, au repos des autres et du tumulte dans lequel le monde aimait à prolonger les bourdonnements du quotidien, et le murmure porté à son oreille se mêlant au parfum salée de son hôte, raviva à sa peau, le frisson des ébats passés et des chuchotements les accompagnant. Libre d’aller et venir, il n’esquissa pourtant aucun geste quand l’adonis disparut quelques instants pour se changer, chat respectueux des territoires qui n’étaient pas les siens quand ils étaient auréolés de sens, laissant son regard courir sur la disposition du lit dans un sourire amusé, attentif à ces vues qui se fardaient d’une beauté naturelle quand on avait le gout de la mise en scène, et celle-là, décadente dans sa simplicité, avait le gout des promesses chaleureuses du cocon de l’oubli.

Le mouvement éventrant le paravent l’amena à porter le velours de son regard sur les courbes rafraichies de l’amant, appréciant la délicatesse du corps à venir échouer dans la douceur de l’hermine quand il le savait sauvage, affamé et empoigné d’une envie partagée contre laquelle tous les deux nageaient dans le contre-courant d’un duel imbécile et joyeux.

- Viens...

Il joua un instant des yeux verts plongeant sur lui, immobile insolent, comme s’il jaugeait l’envie alors qu’elle se lisait aux traits ourlant le sourire fugitif à ses lèvres et, retenant encore les mots dans ce silence saint, approcha, se séparant de la veste à ses épaules en l’abandonnant au sol, profitant quelques instants de la hauteur de sa stature pour cueillir dans son intégralité, la vision délicieuse du corps allongé, laissant le pli de ses lèvres s’étirer, carnassier, dans sa contemplation. Ignorant sciemment le promontoire, il planta un genou dans le moelleux de l’édredon à hauteur des pieds du jeune homme, soulevant, fluide, le poids de son corps jusqu’à le rejoindre, surplombant les courbes de l’éphèbe et les remontant d’un regard impertinent, mêlant l’appréciation à l’envie, distillant avec une science propre, le désir au silence trouble de la pièce, puis, se penchant, appuya une main à hauteur des hanches et longea le corps juvénile sans s’appesantir une seule fois dessus, traitre frôlant pour mieux suggérer, diable aiguillonnant les pensées de ce qui pourrait être sans en ouvrir la route, s’arrêtant à hauteur des lèvres , les effleurant de son souffle, rencontre des jades et des onyx au firmament d’une intimité qu’ils taquinaient, muselant sous la torpeur de la proximité, les désirs les plus lascifs qui sommeillaient à leurs chairs à l’instant même où ils s’étaient vus.

Quelle vue me promets tu pour m’arracher à celle-là ? demanda-t-il à mi-voix, les doigts de la senestre s’égarant dans une mèche blonde à portée jusqu’à joindre l’oreille, la pulpe de ses doigts fourmillant de s’enfouir plus avant jusqu’à la capture de la tête, mais poursuivant, funambule à ne rien prendre pour mieux pervertir l’autre.

_________________
--Valtriquet


Prendre le temps.
Prendre le temps et assimiler l'impact à retardement d'une conscience qui sommeillait et se réveille. Se dire qu'il est là, tout près. Qu'en dehors de la végétation vivace au manteau verdoyant Alphonse est le seul être vivant à pénétrer une antre sauvage , vierge de toute violation.
Chaque pas, chaque geste étaient observé par les jades aux paupières légèrement étirées. Un petit coup de langue balaya les lèvres entrouvertes sur le silence des mots qui s’étaient tus. Val ne quittait pas des yeux la silhouette qui se dévêtit d’une veste soudain encombrante, sans freiner en rien sa lente progression vers lui.
A cet instant, il le voulait. Dieu qu’il le voulait.
Même si son apparente passivité donnait à sa position une certaine nonchalance, son corps, lui, était en ébullition. Bien qu’encore jeune, le Criquet était devenu habile et subtile pour cacher et taire ses sentiments, se façonner l’image de dandy qui lui sied tant, faisant de lui le parfait invité que l’on aimait croiser dans les soirées mondaines pour son esprit percutant. Rares furent les occasions où il perdit son sang froid. Sans cesse il devait se battre contre son âme tourmentée qui une fois tout de même lui fit commettre l’irréparable.
Mais avec Alphonse.....
Le brun avait le don de le mettre sans dessus dessous, attisant par leurs jeux le feu incandescent de ses sens tout comme l’envie soudaine qui lui vrilla le ventre de le sentir si proche en le surplombant. Humer son parfum musqué de ses narines palpitantes tandis que , pervers, le comptable le frôlait sans s’attarder sur ce corps que le blond peinait à retenir plaqué contre la douce hermine. Sans en être encore à son paroxysme, son désir de lui irradia vers son entrejambe presque douloureusement lui faisant savourer la douce torture que le frôlement des doigts dans ses cheveux ou le souffle affleurant à ses lèvres ne fit qu’attiser encore plus.


Quelle vue me promets tu pour m’arracher à celle-là ?

Provocateur, les mots d'Alphonse eurent l'impact voulu sur le Criquet qui rétorqua aussitôt pour en jouer.La vue? Pourquoi s'arrêter en si bon chemin alors que d'autres sens ..... te tendent les mains. Les siennes propres s'animèrent, blanches et fraîches. Sa dextre se posa sur les onys, couvrant les paupières et leur cachant l'un à l'autre le regard de leur vis-à-vis, tandis que sa senestre se glissait vers le ventre du brun, défaisant avec agilité et fébrilité les lacets des braies pour glisser tout du long la pulpe de ses doigts et ensuite les enrouler avec plus de fermeté sur l'objet de son désir..... qui était loin d'être naissant. La dureté que ses doigts rencontrèrent étira ses lèvres dans un sourire satisfait. D'une voix suave il murmura à son amant rendu momentanément aveugle: Le toucher n'est-il pas un sens et un met de choix? L'empêchant de répondre, Val happa avec délice la bouche exquise à sa portée pour la mordiller et flatter de sa main glissée à l'entrejambe la réponse à sa question quand ses doigts parvenaient à peine à faire le tour d'une verge pulsante.
Sa dextre toujours plaquée sur le regard sombre, la bouche mutine de Val suivit l’arabesque de la mâchoire et le fil tendu du cou laiteux qu'il mordilla un peu plus fort, déposant aussitôt une pluie de baisers, comme pour se faire pardonner sur les brûlures occasionnées.
Loin de s'arrêter là, et profitant de la position d'Alphonse le surplombant, le blond s'échappa pour glisser lentement le long de la fourrure sous le corps de son amant dont il respira le parfum jusqu'à happer de sa bouche l'arrondi d’un vit qui pulsa sous sa langue. Les lèvres se firent douces, dociles et enrobantes, puis possessives quand goulûment il s’en empara plus profondément, goûtant avec délectation chaque parcelle de la peau fine et tendre au parfum arrogant et salé. Il l’avait en bouche comme un met délicat dont il profanait l’apparat pour le dévorer comme un affamé, attentif aux gémissements pour ne lui laisser aucune chance jusqu’au seuil de la délivrance.




See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)