Alphonse_tabouret
(* Brassens)
A dix sept ans, Paris lavait accueilli, fugueur insolent, se dévoyant à tous les bras qui avaient voulu de lui pour occuper un temps quil navait jusque là jamais possédé, soucieux de corrompre la pensée à la chair jusquà la libération de la satiété. Sept ans plus tard, la ville avait pris du relief, aiguisé ses serres tout en adoucissant son sourire, tour à tour belle et laide, alternant les coups et les caresses au travers des rencontres semées dans ses ruelles, colorant ça et là, des horizons dont il ne savait rien, limmolant dans le gouffre pour mieux le rejeter, plus loin, plus fort en se sentant plus faible, étonnante sensation réservée à ceux qui survivent malgré eux, accidentés.
Son amant était mort en loubliant ci bas et de longs mois, le chat avait perçu sa subsistance à ce monde comme un outrage jusquà ce quun matin il se rende compte que respirer ne lui brulait plus la gorge, et longtemps encore après cette révélation, il avait laissé sa chair à la dérive des parfums jumeaux, pulsant sourdement dans des reliquats de souvenirs qui nappartenaient plus quà lui, ne prêtant la beauté à la brulure que dans linstant précis où elle se consumait. Durant cet exil, Alphonse avait filé le long des toits et de leurs gouttières, avait jeté ce quil restait de ses songes dans les vapeurs éthérées des autres, se nourrissant sans faim pour finalement retrouver lappétit là où il ne cherchait pas, à des lèvres inconnues, dans lombre dun escalier à la recherche dune duelliste égarée.
Le Criquet avait été une surprise, sa chair une réelle révélation, losmose oubliée des corps males depuis la mort de langlais, une apothéose estivale à ses sens, aiguisant la cruauté de cette rencontre dans le sublime de lapaisement quelle avait fait naitre.
Leur dernière rencontre lavait laissé seul dans un lit duquel il ne sétait extirpé quen début daprès midi, un mot en guise dau revoir étirant un sourire à ses lèvres engourdies de sommeil, les tempes apaisées mais le corps frustré dune nuit que ni lun ni lautre navait partagé ailleurs que dans le parfum des draps auxquels ils avaient échoué sans parvenir à se croiser.
Leurs rencontres navaient cessé de jouer en intensité, dabord funambules sur les crêtes de quelques verres lesprit embrumé de vin, puis, à la faveur de retrouvailles salées qui avaient explosé en un bouquet de bile, et enfin, au détour dune ruelle où le visage ensanglanté de Val avait moucheté la nuit dune rage intense avant de se dissoudre dans londe dun bain chaud et de ses confidences. Aujourdhui serait la première fois depuis que les pas du comptable et de ladonis sétaient croisés que le hasard ne semmêlait pas et labandonnait à la tendre satisfaction qui étreint à lidée de bientôt sabreuver à la présence de lautre.
Lattendait il, le Criquet ?
Les jours sétaient enfuis sans quil ne trouve moyen de séchapper plus tôt, soucieux perpétuel que tout soit à sa place regardant le temps filer dans une moue doucement maussade , tendrement résigné, et finalement, ce fut le soupir innocent dune soubrette en regardant par la fenêtre qui lui fit attraper manteau et chapeau pour sortir, délaissant derrière lui les comptes et son bureau. Il se payait le luxe des jérémiades silencieuses quand il avait à portée de main, à quelques encablures, ce quil cherchait : un havre, un endroit où l'Aphrodite navait pas demprise, une escale à la chevelure blonde dans laquelle la lumière avait le gout du miel et des envies nues de leurs carcans.
Ce jour-là était froid, humide, manquant cruellement du gout discret du soleil à la peau, un jour que lon avait envie détirer aux volutes dune chaleur moelleuse et qui amenait le félin rue de lOseroie, royaume branlant, abandonné, au creux duquel vivotait pourtant, une flamme aussi irradiante que vacillante. La description laissée par le jeune homme avait suffi à trouver le point de chute , et toquant pour être introduit, Alphonse se présenta à un vieux domestique quil savait dernier survivant des décombres qui entouraient les fortifications dont le Criquet sétaient prémunis pour survivre à sa solitude expiatoire
-Alphonse Tabouret, se présenta-t-il en sinclinant tandis que lil du vieil homme le scrutait, dernier garant du lieu, ultime victime de la culpabilité dans laquelle Val avait choisi de senferrer. Je suis ici pour traiter dune affaire urgente avec le maitre de maison, poursuivit-il en prenant son air le plus sérieux, quelque chose de professionnel dans la moue du visage sans pour autant en être désagréable. Pourriez-vous lui faire savoir que sa demande de rançon a été acceptée et que je suis venu lui délivrer en personne le dû quil a exigé en retour de son larcin ?, demanda-t-il en levant le nez comme si laffaire navait rien dextraordinaire, retenant le sourire qui venait à ses lèvres en imaginant les jades du Criquet sarrondir aux mots que ne manqueraient pas de lui rapporter le gardien de cet étrange territoire dévasté par le temps.
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A dix sept ans, Paris lavait accueilli, fugueur insolent, se dévoyant à tous les bras qui avaient voulu de lui pour occuper un temps quil navait jusque là jamais possédé, soucieux de corrompre la pensée à la chair jusquà la libération de la satiété. Sept ans plus tard, la ville avait pris du relief, aiguisé ses serres tout en adoucissant son sourire, tour à tour belle et laide, alternant les coups et les caresses au travers des rencontres semées dans ses ruelles, colorant ça et là, des horizons dont il ne savait rien, limmolant dans le gouffre pour mieux le rejeter, plus loin, plus fort en se sentant plus faible, étonnante sensation réservée à ceux qui survivent malgré eux, accidentés.
Son amant était mort en loubliant ci bas et de longs mois, le chat avait perçu sa subsistance à ce monde comme un outrage jusquà ce quun matin il se rende compte que respirer ne lui brulait plus la gorge, et longtemps encore après cette révélation, il avait laissé sa chair à la dérive des parfums jumeaux, pulsant sourdement dans des reliquats de souvenirs qui nappartenaient plus quà lui, ne prêtant la beauté à la brulure que dans linstant précis où elle se consumait. Durant cet exil, Alphonse avait filé le long des toits et de leurs gouttières, avait jeté ce quil restait de ses songes dans les vapeurs éthérées des autres, se nourrissant sans faim pour finalement retrouver lappétit là où il ne cherchait pas, à des lèvres inconnues, dans lombre dun escalier à la recherche dune duelliste égarée.
Le Criquet avait été une surprise, sa chair une réelle révélation, losmose oubliée des corps males depuis la mort de langlais, une apothéose estivale à ses sens, aiguisant la cruauté de cette rencontre dans le sublime de lapaisement quelle avait fait naitre.
Leur dernière rencontre lavait laissé seul dans un lit duquel il ne sétait extirpé quen début daprès midi, un mot en guise dau revoir étirant un sourire à ses lèvres engourdies de sommeil, les tempes apaisées mais le corps frustré dune nuit que ni lun ni lautre navait partagé ailleurs que dans le parfum des draps auxquels ils avaient échoué sans parvenir à se croiser.
Leurs rencontres navaient cessé de jouer en intensité, dabord funambules sur les crêtes de quelques verres lesprit embrumé de vin, puis, à la faveur de retrouvailles salées qui avaient explosé en un bouquet de bile, et enfin, au détour dune ruelle où le visage ensanglanté de Val avait moucheté la nuit dune rage intense avant de se dissoudre dans londe dun bain chaud et de ses confidences. Aujourdhui serait la première fois depuis que les pas du comptable et de ladonis sétaient croisés que le hasard ne semmêlait pas et labandonnait à la tendre satisfaction qui étreint à lidée de bientôt sabreuver à la présence de lautre.
Lattendait il, le Criquet ?
Les jours sétaient enfuis sans quil ne trouve moyen de séchapper plus tôt, soucieux perpétuel que tout soit à sa place regardant le temps filer dans une moue doucement maussade , tendrement résigné, et finalement, ce fut le soupir innocent dune soubrette en regardant par la fenêtre qui lui fit attraper manteau et chapeau pour sortir, délaissant derrière lui les comptes et son bureau. Il se payait le luxe des jérémiades silencieuses quand il avait à portée de main, à quelques encablures, ce quil cherchait : un havre, un endroit où l'Aphrodite navait pas demprise, une escale à la chevelure blonde dans laquelle la lumière avait le gout du miel et des envies nues de leurs carcans.
Ce jour-là était froid, humide, manquant cruellement du gout discret du soleil à la peau, un jour que lon avait envie détirer aux volutes dune chaleur moelleuse et qui amenait le félin rue de lOseroie, royaume branlant, abandonné, au creux duquel vivotait pourtant, une flamme aussi irradiante que vacillante. La description laissée par le jeune homme avait suffi à trouver le point de chute , et toquant pour être introduit, Alphonse se présenta à un vieux domestique quil savait dernier survivant des décombres qui entouraient les fortifications dont le Criquet sétaient prémunis pour survivre à sa solitude expiatoire
-Alphonse Tabouret, se présenta-t-il en sinclinant tandis que lil du vieil homme le scrutait, dernier garant du lieu, ultime victime de la culpabilité dans laquelle Val avait choisi de senferrer. Je suis ici pour traiter dune affaire urgente avec le maitre de maison, poursuivit-il en prenant son air le plus sérieux, quelque chose de professionnel dans la moue du visage sans pour autant en être désagréable. Pourriez-vous lui faire savoir que sa demande de rançon a été acceptée et que je suis venu lui délivrer en personne le dû quil a exigé en retour de son larcin ?, demanda-t-il en levant le nez comme si laffaire navait rien dextraordinaire, retenant le sourire qui venait à ses lèvres en imaginant les jades du Criquet sarrondir aux mots que ne manqueraient pas de lui rapporter le gardien de cet étrange territoire dévasté par le temps.
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