Alphonse_tabouret
(Ce RP peut comporter des scènes choquantes pour un jeune public)
Depuis le premier jour, le rituel était immuable, quimportait lheure choisie car elle ninfluait nullement dans lorchestration de ce ballet, rassurant dans la mise en scène choisie, tocade à laquelle saccrochait lanimal sorti du gouffre depuis trop peu pour ne pas sentir dans son dos, le vide de labime.
Assis sur le rebord du lit, les mains enfouies dans le moelleux de la couette, il écouta les sons alentours, félin aux aguets des bruits quil connaissait parfaitement jusquà être certain que lactivité des uns et des autres ne se situait pas dans la proximité de lescalier menant à son territoire, choisissant la fin dune inspiration pour se lever. Le chemin ne subissait aucun détour, et les pieds dépouillés du chat lamenaient silencieusement, le museau baissé au sol, devant le miroir rectangulaire qui surplombait une commode patinée dune patience esthète par la main dun maitre artisan. Installé, prêt à soffrir en pâture à son propre regard, il prit le temps de rassembler ses pensées, concentration rigoureuse à ne laisser filtrer aucune émotion à ce quil verrait, limage de ses traits saisis de stupéfaction devant ce quil avait perçu lorsquil avait subi son propre examen au lendemain de sa libération, infligeant à ses tempes une nausée de détresse quil ne supportait plus, nourri par une rancune lancinante qui croissait jour à près jour.
Leozan avait laissé les traces de ses lubies de si nombreuses façons que chaque inspection sattardait, méthodique à recenser les évolutions des sutures, des contusions et des marques disséminées à sa peau pale. Au neuvième jour il restait çà et là quelques traces encore distinctes quand les autres seffaçaient, laissant en ultime témoignage conséquent de ce séjour aux limbes la senestre étroitement bandée pour tenir les attelles mises en place, et pourtant il pouvait encore localiser chacune delle avec une précision redoutable, ressentant parfois la morsure de la chair avec une telle netteté quil en perdait le fil de ses pensées les plus immédiates, confronté lespace dun instant aux souvenirs bileux qui sapparentaient à cette parenthèse.
Bientôt, ne resterait que le pire : la mémoire.
Des premières heures de son retour, il ne se souvenait de rien si ce nétait, immatériel, linstant où dans la fraicheur retrouvée de ses draps, le parfum dEtienne avait envahi ses tempes, le souffle chaste du courtisan soudainement perceptible à sa nuque, baume foudroyant écartant définitivement le gouffre pour ne laisser que le plomb, envoyant en une seconde lanimal à loubli définitif du sommeil doù il navait émergé que douze heures plus tard et sil avait délayé les premières heures de son éveil à retrouver cette famille à peine connue-à peine quittée, la fin de la journée sétait égrenée au rapport détaillé dHubert sur chaque heure qui sétait écoulée sans lui, attentif à cette vie qui sétait poursuivie hors de sa tutelle.
En sacquittant du fardeau de son héritage, il avait gardé en tête, lutopique vision dun Lion anglais et sétait appliqué jusquà lenchainement, à mettre en place ces bribes aux première heures dune aube où le monde achevait de se refaire dans les joies délictueuses du vin et de lamour. Il navait travaillé que pour voir cet enfant-là capable de se relever et de marcher seul, et sil navait pas prévu lexpérimentation au travers de labime, il percevait depuis son retour, les bienfaits nés de lhorreur. LAphrodite avait vacillé mais tenait droite par la seule volonté de ses courtisans et du patron quils avaient choisi eux-mêmes pour la première fois, achevant de prendre lindépendance à laquelle lanimal aspirait avec un dévouement morbide. Étienne avait tenu les rênes du bordel avec une maestria dont il ne sétait pas douté et si les soins quil apportait étaient encore nécessaires, le faune savait que le lupanar avait passé lépreuve à laquelle il lavait préparé.
Linspection finie, il quitta son reflet pour shabiller, passant chemise et braies, avant de descendre les escaliers menant à la maison basse, saluant dun sourire les regards où louvoyait le trouble dune inquiétude qui navait pas fini de consumer, rejoignant lune des portes de son bureau entrouverte, hésitant une seconde à frapper pour sannoncer avant finalement, den pousser le battant sans bruit, trouvant Etienne attablé devant une paperasse conséquente, vision qui ne manqua pas détirer à ses lèvres un trait se partageant la tendresse et linsolence devant lapplication évidente.
De Ligny lavait surpris, non pas par son sens des responsabilités, chat sétant fracassé sur les écueils des devoirs jumeaux avant dentrapercevoir la complexité de leurs attaches, mais par son application à ne pas laisser un seul jour de cette convalescence forcée sans passer à son chevet et par la désobéissance affichée face aux recommandations de lherboriste en venant chercher le sommeil à ses flancs dès les portes du bordel refermées, présence qui avait chassé de son seul parfum les angoisses brusques qui saisissaient encore lanimal délogé de sa cave. Hubert avait parlé de beaucoup dargent dépensé, des recherches, de la traque, du molosse ayant brièvement séjourné dans la cave pour conclure, une fois lhistoire déroulée, par linquiétude dÉtienne. « Il nétait pas tranquille » avait dit lhomme de main avec une telle foi dans sa perspicacité quAlphonse en avait ri jusquà ce que la douleur de sa cote fracturée ne lachève en le pliant aux draps. De tous les avantages que lui procurait son travail, cétait finalement peut être la présence dHubert quil regretterait le plus.
Comment vont les affaires ?, demanda-t-il enfin en passant le seuil de la porte, les onyx cueillant avec félicité la surprise de son arrivée sur le visage de son amant, un sourire habillant ses lèvres dun dessin amusé.
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