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[rp fermé] Des prémices au passage à l'acte

Leozan
[Au sortir du Bordel]

Le cœur meurtri, pulvérisé, lacéré par les lames tranchantes de la dure réalité qui brûle mes yeux de sa luminescence nimbe.
Voilà que mon esprit sombre au milieu du vide, isolé dans les méandres de la solitude qui transforme mon teint en quelque chose de livide.
Le brasier qui m'anime oscille dangereusement, le Maelström de sentiments le menace chaque jour, traçant une ligne sanguinolente pour me détendre, entaillant mes bras, mes veines ........

Je fuis. Je m'enfuis. Je divague parmi les rues.
Mes pleurs embrouillent mes jades, je bouscule, je tangue. Je ne parviens à m'excuser, ma voix est brisée. Je ne sais où mes pas me mènent, c'est à bout de souffle que je me laisse aller contre un mur froid. Mon cœur cogne dans mes tempes. Ma tête va imploser. Je ferme les yeux, dernier rempart entre moi et la réalité.


[Quelque part à la Cour des Miracles]

J'ai mal.
J'ai si mal.
Mon Ange est prisonnier de son amabilité, on se sert de lui, on abuse de sa compassion. Et moi, je suis celle dont il a besoin.

C'est de moi dont il a besoin pauvre folle !

Je secoue vivement la tête, mes cheveux venant me fouetter le visage

Je ne t'écoute pas, tu n'es pas là, tu n'existes pas.
Ho si j'existe, bientôt tu ne pourras plus rien contre moi.

Je rouvre les paupières, reprenant pied, mettant fin à la moquerie irréelle en mon esprit.
Le persifleur ne m'aura pas, loin de moi il finira. Sa malveillance me taraude, me rend faible et je réfute ça ! Plus forte que cela je serai et le désarmerai.


Leozan
Jade
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Leozan
Jade, petite Jade

La voix est mélodieuse à souhait.
Je grommelle, l'envie de dire « non maman pas maintenant » m'effleure l'espace d'un instant, comme dans le rêve d'une petite fille aimante et aimée.

Débout petite Jade

Je grimace, ma tête allant de gauche à droite en un « non » muet.
Je suis bien, si bien. J'ai chaud, je me sens portée par un nuage de coton et je n'ai aucune envie de le quitter.

Ho mam’selle ! Ça va ti pas ?

Je bondis, mes mirettes grandes ouvertes.
Je suis tout contre un mur froid, reprenant peu à peu conscience de ce qui m'entoure.
Des murs, un escalier de bois, un semblant de table, deux sièges et un matelas de paille. Ça c'est concret, ce qui l'est moins c'est la personne se trouvant devant moi, d'un geste de la main, je tape sur le bras, espérant peut-être que ce ne soit qu'une hallucination, mais non, cet homme est bel et bien réel. Je me permet même de le dévisager. Une trogne à faire peur, deux chicots dévoilés par ce qui ressemble à un sourire, je secoue la tête

Mais qu'est-ce que vous faites là ?
Est-ce vous qui m'avez menée en ce lieu ?

Un rire gras me répond, me donnant l'envie de vomir. Je détourne la tête, ferme les yeux, cherchant dans mes pensées une réponse

Vous m'avez engagé ! Vous s'ouv'nez pas ?
M'avez parlé d'ange !
Pi c'est moi qu'ai trouvé c't'endroit !

Au diable mes pensées, le mot Ange me fait redresser la tête aussitôt.
Je n'ai aucune idée du pourquoi et encore moins du comment mais en cette seconde je m'en moque, si j'ai demandé à cet homme de m'aider, c'est que je l'en jugeait capable !
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Leozan
Les jours passent, les heures s'égrènent.
Chaque moments est pour moi une seconde de plus que je met en l'espoir que j'ai de sauver mon Ange de cet endroit de perdition.
Les abords de l'Aphrodite sont devenus mon lieu de prédilection. Je guette, j'épie, je scrute. J'envisage toutes les possibilités tandis que l'homme que j'ai apparemment engagé aménage la cave de la masure qu'il a déniché. Je n'ai aucune idée du pourquoi mais chaque avancées est pour moi un pas de plus vers la Libération du Séraphin.

Ma vie n'est qu'incessante mise en scène
Tous ces masques qui me tiennent hors d'haleine...
Je croyais me protéger du monde extérieur
Non... Plutôt de mon monde intérieur.

J'ai besoin de lui. Il est, je le sais, mon sauveur. Celui qui chassera le Persifleur.
Il sera là, pour moi. Je ne peux le laisser à la merci de ces êtres perfides et noirs.
Ces pensées me rassurent, je souris, glissant les doigts dans l'ébène de mes cheveux. Je me sens bien, je me sens nécessaire. Je suis celle qui sauvera un Ange . Je suis celle qui sera délivrée par un Saint !
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Alphonse_tabouret

Mars s’était installé sur Paris et au travers de ses averses fraiches parsemées de rayons de soleil encore timides, offrait en pâture au chat une vie nouvelle, faite de découvertes dont il restait subjugué, aux premières loges d’un spectacle qu’il n’avait pas su soupçonner quand on lui en avait pourtant présenté tous les protagonistes depuis des mois.

A chacun de ses pas il emportait avec lui l’assurance étrange de la possession, lovée en son cœur difforme sous l’éclat des prunelles fractales d’Etienne, guerrier tour à tour ennemi, adversaire, avant de devenir malgré eux, germe de vie, amour pur né de la fange, de la douleur et de la colère, chat vaincu par les aléas que la Vie avait choisi de lui poser en guise d’offrandes, désormais amant rassasié à l’ombre unique des bras griffés et dont la faim l’aiguillonnait en permanence dès qu’il percevait le parfum de De Ligny. Etrange sensation que de se sentir à nouveau un dans le dédoublement jumeau que tout lui opposait si ce n’était la certitude que c’était Lui, et pas un autre, portant le chat au-delà d’horizons mortuaires auxquels il s’était volontairement enchainé.
A chaque ombre projetée, dansaient les pas de la gitane, maitresse confidente, âme sœur platonique dont il dévorait pourtant le corps avec une emphase née de la concupiscence que délayaient ses courbes suaves et de cette osmose de caractères qui les liait d’une amitié à ce point indéfectible qu’on aurait pu l’appeler « amour » si le mot en lui-même n’avait pas eu l’usage de porter à nus des sentiments que ni l’un ni l’autre n’éprouvait en son sens premier lorsqu’ils étaient concernés, ayant tendus en parallèle des passions vivantes et mortes, un pont résistant aux fracas des tempêtes. Eclopés, bancals, chacun s’était tour à tour reconstruit au travers de l’autre et faisait désormais partie du chemin emprunté, quel qu’il soit, à la manière de ses escales dont on sait qu’elles auront la chaleur de l’accueil avant de rejoindre le port.
Et désormais père.
État neuf qui sublimait chez le fauve un altruisme absolu dont il s’ignorait capable, lui qui n’avait vécu que pour lui et son héritage, mais qui se pliait sans aucune rebuffade à l’observation à la fois méticuleuse et ébahi de la vie à peine éclose délivrée dans le tumulte de ses vingt-quatre ans. Une fierté imbécile courait dans ses veines, enflait sa gorge, dessinait sur ses lèvres un sourire repu, et chaque rue de la capitale semblait être faite pour célébrer cet état nouveau dont il était le porteur, assoupissant le fauve au profit du chat dont la curiosité entière s’enhardissait des Autres et non plus des décors dans lesquels il évoluait, faute qui lui serait fatale et dont il ignorait tout, inconscient, amnésique des leçons pourtant dispensées avec la violence du dernier mot durant l’année passée.
Tout ce qu’on offrait pouvait se voir retirer.
Était-ce la faute d’Étienne d’avoir engourdi en lui la méfiance de son âme malformée par ses baisers, ses morsures et ses mots confiés à la faveur de l’intimité qui amenaient le chat aux portes d’un étourdissement heureux?
Était-ce plutôt de celle de la gitane de l’avoir consolé, nourri, soigné et ramené à la vie avec la patience inébranlable de la foi que l’on met parfois dans les autres sans s’expliquer pourquoi ?
Était-ce la faute de cet enfant dont les yeux s’ouvraient à peine et dont les babillements résonnaient doucement dans les bras de sa mère ?
Ou n’était-ce pas plutôt la sienne, égaré par ce bien être auquel il prenait gout quand il aurait dû être vigilant, conscient, appliqué et au fait de la loi du talion ?

Ce fut une silhouette au milieu de la rue qui le tira de la rêverie dans laquelle il s’était enfoncé lorsqu’il manqua de la percuter, et s’arrêtant un instant en posant une main sur l’épaule de la jeune femme ainsi bousculée pour s’assurer de son équilibre, s’excusa immédiatement de son inattention avant même de reconnaitre les traits gracieux entraperçus quelques jours plus tôt au comptoir de l’Aphrodite.

Veuillez me pardonner Demoiselle, je ne vous avais pas vu…
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Leozan
J'errais seule, par dessus les étoiles. Je vivais comme un être démuni d'espérance.
Je soufflais dans le vide jusqu'à ne plus souffrir. J'étais là et j'étais ailleurs. Petite chose perdue dans le firmament. Je pleurais, espérant ton arrivée, ne cherchant que ton aide.
J'étais morte avant toi, je veux vivre à travers ton regard.
Comment pourrais-je voler ? Tes ailes ne sont pas miennes . Garde précieusement les tiennes, pour parcourir ton ciel étoilé. Trouve-moi, emporte-moi, ouvre-moi les portes de ton rêve.

Mon cœur venait de rater un battement, ensuite, il s'emballa. C'était si fort, si intense que la sensation d'une mort imminente me fit presque peur. Ce n'était pas le moment, pas l'instant, alors que là, à quelques mètres de moi il venait d'apparaître. Mes pensées s'étaient égarées l'espace d'un instant. A présent, tout en moi se rassemblait. Plus de divagations. Plus d'aveuglement.
Il s'approchait, encore et encore, pourtant l'illusion qu'il ne voyait rien devant lui était palpable. Un ange pouvait-il lui aussi se perdre dans l'imaginaire ?

J'aurais tout fait pour en faire partie, pour qu'il me regarde, pour qu'il me sourit, pour ..... Je ne pouvais concevoir qu'il en fut autrement. Sa gentillesse, sa sagesse, son amour, j'étais persuadée que tout cela serait mien une fois que je l'aurais délivré de ses entraves. J'ignorais seulement comment m'y prendre. Ce fût avec satisfaction que je le laissais manquer de me percuter, j'aurais volontiers feint de choir entre ses bras s'il n'avait posé la main sur mon épaule, s'excusant.
Je souris, béatement, mes mirettes plongeant immédiatement dans les siennes, pas besoin de retenir mon souffle, j'y plonge, je m'y égare, je m'y abîme.
J'entrouvre la bouche, cherchant à lui répondre, mais le seul mot que je parviens à articuler est « Beau », cela aurait sans doute pu le faire sourire mais si j'ai bonne souvenance, c'est ce que je lui avais déjà dit à l'Aphrodite.
Pathétique.
Si je ne parviens à aligner quelques litanies, comment vais-je attirer son attention ? Le persuader de me laisser venir à son secours ?
Me voilà repartie dans mes peurs, mes songes atroces, mes idées démentes. Je veux refaire surface, lui expliquer que .....

Ma main se tend alors que le corps du Séraphin devient mou, mes prunelles s’écarquillent avant de comprendre qu'il ne chutera pas, il est soulevé, jeté sur l'épaule de cet homme que j'ai apparemment engagé. J'ai du mal à concevoir ce qui se passe et je n'en ai pas le temps. La main libre du kidnappeur me saisit, m'intimant l'ordre de courir.
Je ne discerne plus la réalité. Je cours. Dans la foulée, j'en perds une de mes chausses. La panique s'empare de moi. Jamais je n'ai voulu cela, pas de cette façon ! Enfin, je crois. Tout est confus.
J'ai du mal à suivre l'acolyte dans les ruelles désertes. Je retire ma seconde chausse, la serrant entre mes doigts comme on s'accroche à un espoir.
Je suis à bout de souffle quand enfin je m'écroule sur le matelas de paille dans la cave de cette bicoque devenue mon endroit depuis peu.

V'là, c'est fait ma p'tite. J'remont'. Si z'avez b'soin d'moi criez !

Crier ? C'est à peine si je sais parler et il voudrait que je crie ?
J'abdique, chercher de la compréhension dans ce qui vient de se passer est inutile, j'oublie la plupart des choses que je fais ! J'omets mes propres dires !
Je regarde la chausse que je tiens toujours à la main, même ça je ne sais comment je les ai obtenues ! Je la jette dans la pièce en pestant, me redressant lentement. Rejoindre l'Ange. Effleurer sa joue de mes doigts

Ne vous en faites pas, je suis là.
Tout ira bien, je vais vous aider.
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--Taranis
[ Quelques temps plus tôt ... Cours des miracles ]

Taranis se morfondait dans le rade pourri à boire une gnôle infâme, dans un verre d'une propreté douteuse... Ils étaient plusieurs, accoudés là, à rire, faire des bras de fer, se rengorger comme des coqs devant les rares donzelles qui s'affairaient autour d'eux. Le cour avait tout d'un cloaque, mais pour un homme de sa trempe, c'était le lieu où on lui confiait de menus travaux, des contrats. Le seul pire endroit à part celui là devait être la taverne des amarres de la cour Brissel, et ses tueurs à moitié dingues. Mais Taranis n'était pas dingue. Il n'était pas trop malin, mais bien costaud, et pas assez bête pour craindre la mort.
D'un geste brusque, il attira à lui la grosse Lilyanna pour tenter de l'asseoir sur ses genoux. Par dieu, il avait bien besoin de se détendre de temps en temps, même si les finances étaient au plus bas... mais la matrone se dégagea d'une solide bourrade dans l'estomac, en lui beuglant que la prochaine fois, elle frapperait plus bas, ce qui lui valu les moqueries de ses camarades. Il pesta, vida un verre de plus, de mauvaise humeur.
Ses bras puissants, recouverts de tatouages, étaient impressionnants. Enfin, habituellement. La femme qui venait vers lui détonnait dans ce monde. Une beauté rare en cet endroit, des yeux envoûtants... L'espace d'un instant, il crut qu'elle était tombée sous son charme animal, mais le jour où il attirerait des belles donzelles comme elle, la neige sera noire!

Ils s'isolèrent sur une petite table à l'abri des regards. Évidement, elle l'avait bien choisi en fonction du physique, non pas pour la bagatelle, mais pour un contrat. Pas trop mal payé. Bancal. Quelque chose clochait avec la donzelle, mais Taranis s'en foutait, on lui proposait un emploi. Enlever un ange, ça, c'était dans ses cordes. Ce que voulait en faire la donzelle lui importait peu, tant qu'il était payé. Un ange, ça existait pas, mais elle payait, alors il allait lui enlever un ange. Même une licorne, un dahu ou un cerbère si elle lui faisait une rallonge conséquente. Il termina sa gnôle, et suivi la donzelle dans le rue ....


[ A la poursuite de l'ange... ]

Décidément, la donzelle avait un sacré grain... Elle voulait un endroit bien à l'abri des regards, une planque, quoi! C'était aussi dans ses cordes. Des bâtisses abandonnées, il y en avait pas mal. Il suffisait de trouver une maison qui n'était pas déjà occupées par des squatteurs indigents, au besoin, les mettre dehors à coups de pieds au cul. C'est que Taranis, avec son gabarit, bien peu osaient l'emmerder ou le contester, ça non! Il l'emmena dans une ruelle particulièrement sordide, sombre et sale, le lieu idéal. La première baraque n'était pas la bonne. Visiblement, un meurtre avait eu lieu, et le corps gisait toujours là, pourrissant, grouillant d'asticot. Une horrible puanteur se dégageait, il referma la porte aussitôt... Mais au bout de la ruelle, dans un recoin peu éclairé, il ouvrit la porte d'une masure, une de ses propres cachettes pour ses activités illégales de contrebande ou de maquereau selon les saisons et les besoins. La planque idéale. Et meublée par dessus le marché! Il espérait que la donzelle soit satisfaite....

Mais... Elle sembla s'éveiller d'un sommeil. Elle le regardait comme un inconnu, qui l'avait emmené dans un lieu inconnu. Heureusement, elle lui avait donné une petite avance, sinon, elle risquait d'en payer les conséquences en nature, surtout qu'elle n'était pas vilaine du tout! Il se risqua à lui rafraîchir la mémoire... Même si l'idée d'un viol crapuleux lui avait effleuré l'esprit, il préférait la récompense en or sonnant et trébuchant. Il rit, amusé par la situation. Il allait lui rafraichir la mémoire.

Vous m'avez engagé ! Vous s'ouv'nez pas ?
M'avez parlé d'ange !
Pi c'est moi qu'ai trouvé c't'endroit !

La donzelle sembla réagir au mot d'ange. Bon, rien n'était perdu! Il suivit la donzelle dans les rues, elle semblait errer, un peu folle, il s'inquiéta un instant... N'avait-il pas suivi une folle? Il fit tinter les quelques pièces qu'elle lui avait donné, comme avance, pour se rassurer. Son visage s'éclaira d'un sourire. Taranis comprit qu'elle avait aperçut son ange! Un homme, genre bien habillé, propre, maniéré, l'antithèse parfaite de Taranis, au torse velu, au cou de taureau, aux bras de bûcheron, aux traits et aux manières grossiers. Elle le bouscula, presque par hasard, dieu que les femmes étaient perverses quand elles voulaient arriver à leurs fins! Il comprit qu'il devait agir vite, même si elle semblait sous le charme. Un coup de paluche, et l'"ange" chût dans ses énormes bras. Ni une, ni deux, il hissa le corps sur son épaule, d'un geste puissant. La donzelle semblait avoir oublié ce qu'il fallait faire, nom de dieu! Si on les suivaient, ils étaient bons pour la roue!

Courez, allez! Faut pas qu'on nous trouv' là! Faut qu'on s'arrache!

Elle courut, elle le suivit, jusqu'à la planque, où il déposa l'"ange". Voilà, c'était fait, du moins une partie du travail, une partie du contrat. Maintenant, elle faisait ce qu'elle en voulait, il s'en fichait. Il espérait juste que personne ne les avait vus. Un bonhomme bien habillé comme ça, c'était un riche. Et un riche, ça avait beaucoup d'amis ...
Alphonse_tabouret
[Dans la cave, jour 1]




Des dernières secondes conscientes, il ne restait pas grand-chose entre les tempes brunes, magma douloureux qui implosa en une série d’aiguilles brulantes quand il ouvrit enfin les yeux.
Il avait reconnu le visage de la jeune femme, apparition brusque mâtinée d’une gravité toute illuminée qui l’avait ramené à quelques poignées de jours plus tôt, au comptoir du bordel, mais s’était trouvé incapable d’y apposer un nom quand celle-ci égrenait un simple mot, une unique syllabe avant que le coup porté à sa tête ne l’emporte dans un ailleurs cotonneux et sombre.
Un grognement lui échappa, écho d’un éclatement d’afflictions venant pulser à sa tête, esclave que son physique avait toujours tenu éloigné des privations les plus élémentaires et des coups qui abiment, emplissant chaque recoin de la furie de l’éveil qui permettait de retrouver des sens écorchés, et instinctivement, il porta une main lourde et hésitante à son crâne, s’attendant à se poisser les doigts sans pourtant rien sentir. Frappé mais pas abimé. Pas encore, songea-t-il en portant un regard hagard aux alentours, tachant de démêler dans le capharnaüm des idées un lien capable de la ramener à la réalité, aussi surréaliste soit elle.
Sa course dans Paris. La jeune femme. L’inattention. Le coup… Enlevé.
Hubert allait rentrer dans une colère noire, lui qui avait tant insisté pour l’accompagner et qui s’était vu contraint de rester au bordel, remercié d’un sourire insolent de l’animal qui avait eu soif d’une bréve escapade où son sourire pouvait fleurir en toute sérénité sans personne pour le remarquer. Mais si le comptable avait rapidement compris ce qui s’était passé, recoupant malgré le coton des pensées, les lignes directrices les plus évidentes, il se fourvoyait sur un point, car il n’était nullement question de le marchander. A cet instant ci, il était le délit et la rançon, l’objet et le moyen, redevenant sans s’en apercevoir, ce qu’il avait été durant dix-sept années sous l’égide du joug paternel : une marchandise qui n’a que le prix de la possession.
Sa mâchoire se crispa tandis qu’il se redressait pour s’assoir sur un sommier piqué de crasse dont l’odeur de paille humide vint louvoyer à son museau, jeté à même le sol dans ce qu’il jaugea être une cave et s’enfonçant dans le voile qui passait à ses yeux en lui ôtant brièvement l’équilibre, chat sonné ne tenant plus sur ses pattes, se vit harponner par l’unique mot qu’il avait entendu.
Beau.
Un instant le doute gangrena la certitude la plus paisible de valoir quelque chose, et dans un sursaut de panique, Alphonse chercha à se relever, s’appuyant sur le mur à sa gauche, frissonnant au contact de la pierre humide qu’il trouva, le froid inhérent à la pièce le saisissant enfin. Trop brusque, emporté, déséquilibré par le vacillement de ses sens, il chancela, tapant dans un broc d’eau en terre cuite posé à son attention qui chavira au sol en se brisant net, déchirant le silence alentours d’un bruit de pas s’animant au-dessus de sa tête. Indécis, trop choyé pour être préparé aux réactions les plus guerrières, ce fut le félin qui prit le dessus, cherchant la fuite immédiate plutôt que le piège, et rejoignant la porte dans l’une de ces terribles lenteur hatée, rythmée par les pulsations irradiées de sa tête, l’ouvrit quand la cavalcade choriste atteignait elle aussi son point de chute à la fin d’un petit escalier dont le poinçon de luminosité pourtant pâlotte lui fit plisser les yeux, découvrant, encore floue devant lui, la silhouette juvénile d’une demoiselle.

Jade, balbutia-t-il, étonné lui-même par la réminiscence aussi brusque qu’inattendue du souvenir émergeant des limbes chaotiques de ses tempes endolories, replaçant la pucelle et ses grands yeux émerveillés à l’endroit exact où il les avait vus la première fois… Il faut… Les mots peinaient à venir aux lèvres tordues par la nausée qui s’acharnait à s’agripper à son corps au travers des ressacs échouant sourdement à sa tête, tentant sottement de juguler les pulsations qui dérivaient par une main massant la tempe affligée en titubant vers la sortie, se heurtant à la carcasse massive d’une seconde présence qu’il n’avait même pas décelée. Désorienté, il recula d’un pas ou deux, rebondissant aussi légèrement qu’un enfant contre un mur, et sonné, resta un instant à dévisager l’inconnu qui fermait la marche, s’abimant dans la contemplation du colosse lui faisait face et dont le visage ne tarissait pas d’informations quant au caractère qui séjournait au creux de la charpente, imposant aux réflexes fauves l’effort en guise de salut.
Combien ?, demanda-t-il, retrouvant la lucidité du commerçant qu’on avait bâti en lui et qu’il avait entretenu avec soin au service de son insatiable maitresse dont la lanterne rouge désormais charmait toute la capitale, inconscient pensant qu’il signait là la fin de tous les débats quand il ouvrait la guerre au creux même de sa geôle.
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Leozan
Je l'avais rêvé, imaginé, songé, cet instant devait être magique, l'Ange ouvrirait les yeux, me verrait, un sourire viendrait grimer ces lippes, je lui expliquerais tout et je serais celle qu'il regarderait comme son sauveur. Oui, en mon esprit, cela était très clair, précis, ça ne pouvais que fonctionner !
Mais il parait que la réalité n'est jamais telle que l'on veut.
J'aurais aimé démentir, nié cette vérité. Cependant, je ne le pouvais. J'avais tout prévus, tout, sauf ... que la réaction du Séraphin serait autre.
Je restais là, inerte à le regarder, mes pensées, mon imagination était au plus bas. Je contrôlais tout, j'anticipais tout, rien ne m'échappais car tout était envisagé, hormis l'inenvisageable et là, je me sentais totalement perdue. Une enfant.

Quand il prononça mon prénom, j'inclinais légèrement la tête d'un côté, ensuite de l'autre. Étonnée qu'il s'en rappelle ? Intriguée ? Je ne le sais moi même. J'avoue qu'en ce moment, j'ai un peu peur. Le voir comme cela, désemparé, tanguer, chanceler, cette impression d'ailes brisées. Qu'ais-je donc fait ?! Je ne peux avoir anéanti le Saint ! L'avoir sacrifié ! Non ! Je réfute cette allégation silencieuse !!! Je suis au bord des larmes, j'ai du mal à déglutir. Combien ? Je ne comprends pas. Pas plus que je ne comprends alors la réaction de Taranis. Une coupelle de terre cuite à la main, ce dernier saisit le Chat d'une seule de ces paumes, lui serrant les joues si fort que le Félin ne peut d'ouvrir la bouche. Un liquide s'écoule alors entre les lèvres du comptables. La coupelle tombe et se brise au sol, la main du colosse refermant les lippes gourmandes et pinçant le nez droit. Impossible de recracher le venin. Mon Ange est soulevé comme le serait une plume et moi, je reste toujours là, sans bouger, regardant cet homme le jeter une nouvelle fois sur le matelas de paille. Des chaînes, bien ancrées au mur et assez longue pour permettre de se déplacer dans la pièce, sont fixées aux poignets d'Alphonse. Pas un mot, rien, l'acolyte remonte les marches, la porte claque.
Un silence morbide envahit les lieux. Je tremble.

Ne le laisses pas comme cela 
Tu veux l'aider ? Alors fais-le
Dis lui pourquoi il est là !

Je suis enfant, je suis perdue, j'ai peur et j'ai froid.
Je regarde mon espoir. Je contemple ma sagesse. Je le veux debout, je le veux souriant, je le veux sauf.

Sauf ?
C'est comme cela que tu le veux petite Jade ?
Ne t'en fais pas, il ne va pas mourir, pas encore.

Je secoue violemment la tête, mes doigts allant se tétaniser dans mes cheveux. Je cours, me ruant sur lui, implorant l'Ange malgré son état. Je suis allongée à ces côtés. L'une de mes paumes vient effleurer sa joue, la caressant tendrement.

Aidez-moi !!
Je vous ai délivré du mal, faites-le pour moi !
Pitié .....

J'esquisse un sourire, sans vraiment savoir pourquoi d'ailleurs.
Ma paume glisse sur la joue, descends dans le cou du Chat sous mes jades interrogatives.

Qu'est-ce que ... Tais-toi !!

Main caresse se fait dure, doigts velours se font ongles de fer, ceux-ci s'enfonçant dans la chair douce et chaude de la gorge Féline, j'éclate de rire, ce dernier se répercutant sur les murs de la cave humide.

Connais-tu la Mandragore et ces vertus ? Un peu de léthargie, un rien aphrodisiaque et un soupçon hallucinogène, je sais que tu vas apprécié petit chaton.

Adages lent, net et sans appel.
Je me redresse, enfin, presque. Enjambant le prisonnier, le chevauchant sans retenue. Mes menottes impatientes déchire la chemise. Je ne me pensais pas autant de force, finalement, on se surprend toujours sois-même !

Oublies cette idiote, Jade n'est plus.

Je me penche sur ce corps semblant alanguit, la pointe de ma langue venant lécher langoureusement cette peau tentatrice, ce torse maudit, salit par bien d'autres. Je le goûte, je le savoure, jusqu'à ce que mes crocs se plantent en lui, si fort, si intensément. Perles de sang qui n'ont le temps de s'écouler, lèvres écarlates que je relève vers lui.


Jade
Leozan
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--Taranis
L'ange était dans la cave. A l'étage, dans l'unique pièce de la bâtisse, le feu ronflait dans la cheminée. La femme s'affairait sur un étrange brouet. Elle écrasait des plantes dans un mortier, à l'aide d'un pilon de bois, experte. Elle récupérait suc obtenu dans une jatte, qu'elle dilua dans un peu de vin. Il se posait de sacrées questions, le Taranis. Il toucha les pièces déjà obtenues, par superstition. Le colosse se demandait quand les choses sérieuses allaient commencer... Enlever le bonhomme, mais après? La donzelle était redevenue elle même. Elle n'était plus cette pucelle effarouchée, elle était redevenue cette femme fatale, perverse et dangereuse. Taranis se demandait s'il avait bien fait d'accepter le contrat, car les sautes d'humeurs étrange de la femme le rendaient perplexe. Dans son monde à lui, il y avait les bonnes femmes, celles qu'il pouvait terroriser et dominer, et les perverses à moitié sorcières, les dominatrices qui alimentait sa libido dans ses rêves les plus fous. Qui était la patronne? Mais ses doutes s'envolèrent lorsqu'elle lui donna à nouveau une bourse de pièces.

Tu as bien travaillé. Mais j'ai encore besoin de toi. Sers moi bien, et tu en auras encore.

C'est vous l'patronne, patronne.

Taranis empocha la récompense, facilement gagnée. Enlever un gusse, trouver une planque, c'était facile. Il n'osait pas la questionner sur ses sautes d'humeurs étrange, au cas où elle le renverrait. Dans ce métier, le silence était d'or, la discrétion une vertu, la fidélité une rareté. On était fidèle qu'à la récompense, c'était déjà beaucoup. Il allait bien écouter, pour l'aider le plus possible, même lorsqu'elle perdait la tête. Elle souriait, lorsqu'elle lui montra la potion magique. Pour rien au monde Taranis n'avalerait la moindre goutte de ce breuvage de sorcière! Il tenait à son or, pas d'entourloupes! Mais ...

C'est pour lui ... Cet homme s'est refusé à moi. Mais on ne me refuse pas. Va me chercher ... de quoi jouer. Et du sel. De quoi manger, et boire, ça risque d'être long...

Taranis avait bien compris, il savait où trouver les jouets demandés. Lors de certaines affaires, face à une puterelle récalcitrante, ou un associé malhonnête, il devait parfois leur extorquer aveux, souvent pour récupérer de l'argent, ou faire deviner où était quelqu'un. Il ne tarda pas à revenir, avec des fers, des cordes, des pinces, des tenailles, des lancettes affutées, des écrases doigts... sans compter ce qu'on pouvait faire avec un tison, il y avait de quoi faire. Et le sel, quelle idée merveilleuse, il n'y avait jamais pensé! Pourtant, bien frotté sur une petite plaie, c'était très amusant! Mais le sel était si cher... Il posa l'attirail sur la table, dans un petit fracas, et laissa la donzelle admirer ses jouets. Puis de son sac, il sortit un pot de sel, issu d'un ancien vol dans les beaux quartiers. Un morceau de jambon sec, du pain noir, une petite motte de beurre, et deux bouteilles de rouge. Un sourire de satisfaction éclaira le visage de la femme, elle était contente.

Un bruit se fit entendre. L'ange devait s'être réveillé, et ne pas apprécier le confort... Un lit de paille, même puant la pisse de rat, c'était parfois bien plus que ne pouvaient se le permettre la moitié des vilains du quartiers, qui dormaient souvent à même le sol. Cet ange devait être plus habitué à la soie, aux oreillers de plumes, au parfum...
Lorsqu'ils ouvrirent la porte de la cave, ils tombèrent nez à nez avec l'ange. Il devait éprouver les limites de sa cage, tenter la sortie... Mais Taranis connaissait bien cette maison. Si certaines avaient une cave d'où partaient des tunnels bien cachés, pour la contrebande ou la fuite, rendant impossible leur arrestation par les prévôts, celle ci n'avait aucune issue, à part la porte.

La donzelle semblait à nouveau avoir perdu l'esprit. Ils n'étaient pas rendus ... Il la poussa dans la cave, referma la lourde porte à clef, qu'il empocha. Il traversa la pièce, et d'une main, accula le bourgeois contre le mur de briques froid et humide. Avec un sourire amusé, de son autre énorme main sale, il força l'homme à ouvrir le gosier, et à avaler la potion. Puis il jeta la jatte au sol, maintenant le bourgeois juste assez de temps pour être sûr qu'il ait avalé la mixture. Puis, il le projeta sur le matelas de paille, et lui fixa aux poignets et aux chevilles de lourds bracelets de fer. Il donna quelques coups de maillet pour fixer les bracelets. La liberté de cet homme était révolue, et la donzelle allait pouvoir en tirer tout ce qu'elle voulait. Il sourit, amusé, à l'homme, sous les yeux de la donzelle, perdue encore, et lui montra un à un les jouets qu'il lui avait trouvé. Rien que pour voir la peur déformer ses traits...

Il les laissa là, et s'en alla, en claquant la porte... Pour passer le temps, il irait retrouver Alphonsine, la plus chère des catins de la rue des deux écus. Elle officiait à l'angle de la rue des Marmousets. Avec quelques pièces en poche, il se sentait le roi du monde, il allait bien passer du bon temps!
Alphonse_tabouret
(A la cave, Jour 1)


De l’épaisse main l’ayant saisi au visage, il gardait, intacte, la brulure de ses doigts s’incrustant à sa chair, sentant jusque dans la pression exercée, la perverse satisfaction du molosse sur sa proie, et quand bien même l’amertume du breuvage ingéré par la force annihilait pourtant tous ses autres sens, dévastant d’abord ses papilles avant de foudroyer ses tempes encore sonnantes, les doigts épais de la brute lui restait dessiné sous l’épiderme, de la même façon que la main paternelle s’étant abattue sur lui sept ans plus tôt lui revenait avec une précision écœurante dès lors qu’il y pensait. Rejeté d’un simple mouvement de bras, son dos accusa le mur, échouant sur le matelas dans une quinte de toux faisant remonter une nausée s’infiltrant jusqu’à ses os. La bile afflua et dans un concert de hoquetèrent rauques, le chat, incapable de reprendre son souffle dans le poison envahissant ses nerfs et sa gorge, fut condamné aux fers sans même arriver à se débattre convenablement. Lentement, étourdi par le choc dont la douleur finissait de se propager à son dos, les yeux brouillés par la toux qui mourrait enfin à sa gorge, haletant pour reprendre le souffle qui lui avait manqué, les prunelles luisant d’une humiliation colérique, il porta ses onyx d’abord sur le cerclage à ses poignets avant de les poser sur la pucelle restée devant lui quand le colosse claquait la porte pour les laisser seuls
Un instant qui lui parut infini, elle resta immobile, figée dans une expression d’horreur et il eut l’espoir imbécile que le repentir ne tenait qu’à une bribe de patience, un regard qui lui assurerait qu’elle ouvrirait cette porte pour aller chercher de l’aide, mais la ferveur perlant dans sa voix lorsqu’elle vint s’agripper à lui, lui hérissa l’âme, fleur de gel sur la brulure d’un espoir à peine né, l’anéantissant de quelques mots, d’une onde de folie caressant chaque syllabe qu’elle prononça dans la fièvre d’un incompréhensible délire :

Aidez-moi !!
Je vous ai délivré du mal, faites-le pour moi !
Pitié .....
Qu'est-ce que ... Tais-toi !!

Les doigts cajolant sa peau n’arrivèrent pas à faire disparaitre l’empreinte laissée par Taranis, quand ils s’y essayaient pourtant dans une folie adoratrice, caresse tremblotante se transformant en griffes, venant lui érafler la joue, réveillant d’un sursaut le corps félin qui chercha à pousser l’intruse pour s’en défaire… sans succès. Avachi contre le mur, la volonté encore distincte malgré l’épaisseur qui gagnait sa bouche, il tenta une nouvelle fois de tendre ses muscles sans pourtant arriver à la vivacité requise, pantin dont chaque mouvement était balbutiant, inefficace, pendant que la donzelle égrenait les mots d’un air torve sans qu’il arrive à les comprendre, aiguillonné par une peur aussi brusque qu’éphémère, étouffée par les racines du tubercule venant enserrer de ses tentacules chaque synapse encore vierge de ses effets, anéantissant inexorablement sa lucidité quand elle s’asseyait à califourchon sur lui

Oublies cette idiote, Jade n'est plus.

S’agitant encore dans un corps dont les mouvements le trahissaient par l’inertie maladive dans laquelle il s’était réfugié, le jeune homme dodelina de la tête jusqu’à réussir à la renverser en arrière, la calant sommairement contre la pierre froide pour contempler le bourreau qui se trémoussait sur lui et dont chaque trait fondait imperceptiblement, amenant la moue d’un dégout subjugué aux lèvres félines. De la langue dispensant de sa pointe une envie enracinée dans les tempes de la jeune femme, il ne sentit rien, engourdi et ce fut la morsure gourmande qu’elle imprima à son torse qui l’arracha à la léthargie dans laquelle il s’enfonçait, ravivant sa gorge d’un cri faible mais rauque, effleurant suffisamment sa conscience pour s’allier à la douleur salvatrice qui l’extirpait des vagues moelleuses de la mandragore.
Alliée inattendue, la douleur déchira brièvement le voile jeté sur ses sens, avant qu'il ne l’étouffe plus violemment encore, laissant un instant l’animal devant une équation qu’il se trouvait incapable de résoudre autrement que par l’instinct déviant qui sommeillait en lui. Effet visiblement inconnu par la donzelle, la vérité égrenée par la plante venait fleurir à la bouche de ses consommateurs, et contemplant les lèvres écarlates qui dansaient devant lui dans la grimace d’un ravissement malsain, se fendit d’un sourire lascif, narquois, divinement odieux, chuchotant sans appel les premiers mots lui passant par la tête:

Sale…petite…garce…





(Jade
Leozan)
_________________
Leozan
Heureuse, l'étais-je ?
Mmmm oui je l'étais en cet instant. Moment fugace mais tellement bon !
Un régal, une réjouissance, un contentement sans nom.
Le goût âcre du sang félin entre mes lèvres était céleste. Serait-ce pour cela que la Pucelle le nommais Ange ? Peut importe en fin de compte, cela n'avait nulle importance.

J'éclatais de rire aux quelques mots émis par le Chat, retroussant le bout de mon nez, je laissais ensuite échapper un petit soupir, mes doigts glissant dans mes longs cheveux ébènes, mes jades plongeant dans les prunelles du comptable

Tu ne peux encore imaginer à quel point.

Je dois dire que moi non plus je ne savais encore à quel point je pouvais être garce, ce mot qui devait sonner comme une injure résonna en moi tel un compliment. Étrange sensation.
Je souris, divinement d'ailleurs, tout en me penchant une fois encore sur le corps félin, cette fois, pas de morsure, non, seulement le bout de ma langue allant titiller le lobe de l'oreille du chat, le happer, le suçoter, mon souffle chaud irradiait cette peau comptable.
Ne me demandez pas ce que je suis en train de faire, je n'en sais fichtre rien ! Sans doute un petit jeu que je trouve délassant. D'ailleurs, mes hanches ont décidées d'être de la partie, ces petites se mettant à onduler langoureusement contre le bas ventre prisonnier. Que m'arrive-t-il ? On s'en fou !.... Le bout de ma langue semble si agile, il glisse vers le cou d'Alphonse, remonte sur sa joue, effleurement des lèvres carnassière dont je m'empare fougueusement au bout de quelques secondes.
Wow, si c'est cela être garce, j'aime ça !

Quand je met fin à cette .... à ce .... passe-temps, c'est une impression curieuse qui me fouillent les entrailles, je n'y prête attention que le temps de me redresser totalement, de faire quelques pas dans la pièce humide.

Alphonse, cher Alphonse.
Tu te demandes ce que tu fais en ce lieu, mais surtout combien de temps tu vas y rester
Je peux répondre à tes questions silencieuses.
La première, ce que tu fais ici. Ce n'est point de mon fait, c'est l'idée de la Pucelle, moi je fais avec. Cette idiote pense qu'elle doit te sauver du mal, à ces yeux tu es un Ange entouré par des vilains.
On en vient à la seconde. Tu resteras ici le temps qu'il faudra pour que cette imbécile se rende compte, grâce à moi bien entendu, qu'elle se trompe sur toi.
Tu n'as rien d'un Ange, je sais tout de toi, si elle t'observais, dis-toi que moi aussi et que j'en sais plus encore à ton sujet qu'elle ne le pourrait.

Je ris doucement, me dirigeant vers la porte que j'entrouvris

Taranis !!! Avant de t'en aller, descends-moi le sel et le matériel. Ha et il y a une petite fiole que j'ai préparée, apportes là également.

Je refermais la porte, gagnant l'une des chaises présentes dans cette cave nauséabonde. J'y pris place, mes jades se posant sur le chat ou tout du moins ce corps qui n'a plus vraiment l'air félin.
Cet avant goût de toute chose m'a mise en appétit. Les prochaines heures risquent de devenir éternelles au regard du chaton.

Edit pour retrait d'une phrase
_________________
--Taranis
[ A la cave, fin du jour 1 ]

Le molosse apporta le sel, la fiole . Les jouets étaient déjà en place, c'est avec un sourire de gamin qu'il lui montra l'endroit, la table bancale, dans la pénombre où il les avait alignés méticuleusement. Pour un peu, il regretterait de ne pas assister à la séance.

Bien, patronne, vos jouets sont là, t'nez! J'l'ai avais déjà descendus. J'les ai montrés à vot' invité, j'suis sûr qu'il va adorer, oui-da!
J'reviens d'main matin, patronne. Laissez-en un peu, j'aimerai le voir couiner!

Avec un rire gras, Taranis, ses pièces en poche, se dirigea sans plus tarder vers sa récompense bien méritée... Alphonsine!

[ Rue des deux écus, à l'angle de la rue des Marmousets, fin de soirée ]

L'homme se baladait en terrain connu. Nombre de gosses, à genoux, fouillant dans les ordures, se dépêchaient de filer avant de recevoir un coup de pied aux fesses, donnés par pur plaisir. Les vieilles femmes filaient droit, rabattant leur capuche sur le visage. Taranis exultait. Dans son monde, il était craint. Il se fichait d'être détesté. Quand on avait de l'argent, on pouvait bien se payer une femme! Quant-aux mouflets, c'était surtout des bouches supplémentaires à nourrir. Certaines femmes avaient essayé de lui soutirer promesse de mariage ou argent, car elles portaient soit disant un fruit issu de son vit. Ou encore pour un soit disant viol ... Quand l'une d'elle avait été retrouvée étranglée dans une ruelle, toutes les autres avaient tu leurs griefs et desiderata. Sa réputation de brute avait vite fait le tour du quartier...
Il repéra l'Alphonsine, qui paradait dans sa robe aux couleurs criardes. Elle avait récupéré cette robe de théâtre défraichie à la friperie, et jouait à la grande dame, en profitait pour se tailler une réputation de courtisane, se permettant de trier ses clients. Elle fut intriguée de voir Taranis foncer droit vers elle, mais elle lui sourit, amusée.

Voilà le grand Taranis! Tu t'es perdu, gros crasseux?
Hep, montre un peu de respect à un client, catin!

Il s'approcha, lui décrocha un sourire aux chicots noirâtres, et fit mine de faire apparaître trois pièces d'argent de derrière son oreille.

Alors, ça te coupe la chique, ça?
Mazette ... t'as... t'as... volé ça à un nobliaud?
T'es bien curieuse... allez, montre moi le chemin de ton gourbi, avec ça, j'ai droit à toute la nuit. Allez, avance, catin!

La courtisane soupira, dégoutée par l'homme, mais s'exécuta. Trois pièces d'argent, c'était deux mois de son salaire. Un sourire professionnel, elle ouvrit la marche, en ondulant du bassin, et avec une moue aguicheuse. On était professionnelle, ou on ne l'était pas!
--Adryan
[Pendant ce temps dans les ruelles de paris, jour 2]

Disparu.

Sans aucun doute, le seul fait d’avouer que peut-être, le Castillon se souciait ou s’inquiétait du sort du Comptable lui aurait arraché la bouche dans le pire des châtiments imaginables quand, sans ambigüité, son absence laissait l’air de l’Aphrodite bien plus léger et respirable à son gout. Et pourtant, étrangement, ou peut-être finalement pas tant que cela - un ennemi intime étant finalement une denrée assez rare pour veiller un tant soi peu sur elle - épée à la ceinture et cape battant le sordide des ruelles parisiennes, Adryan participait aux recherches décidées la veille à peine l’annonce faite d’un retard qui, rapidement au vu de la ponctualité habituelle du flamand, avait pris des allures alarmantes.

Aux cotés de ses compagnons improvisés par l’urgente nécessité, il traquait chaque indice, chaque murmure, chaque regard trop trouble pour ne pas paraitre suspect quand le petit groupe devait bien avouer avancer à l’aveuglette sans le moindre indice pour les diriger.

Pourtant, aucun d’eux ne doutait de trouver un fil à suivre, tant tous étaient mus par une volonté inébranlable quelques en soient les raisons. Dussent-ils retourner toute la capitale, le Comptable serait retrouvé.
Alphonse_tabouret
[A la cave, Jour 5]




Du discours de Leozan quelques jours plus tôt, il ne restait que des bribes, lambeaux de sens qui ne s’assemblaient plus, qui s’effilochaient dès qu’il tentait de se concentrer dessus, et si les premières quarante-huit heures, il avait réussi à ramener à lui les détails les plus élémentaires de cette séquestration, désormais, il ne savait plus ce qu’il faisait là. Tout au plus sentait-il qu’il n’était pas à sa place, qu’il voulait en sortir, les effets de la mandragore dispensée chaque jour à intervalles réguliers lovés jusqu’aux os, imbibant les forteresses les plus retranchées, touchant au subconscient et parant ses tempes d’hallucinations qu’il n’arrivait plus à distinguer de la réalité. Incapable de compter les jours à la nuit perpétuelle de cette cave éclairée d’une unique bougie, il n’égrenait plus le temps qu’au fil des visites pourtant irrégulières de sa geôlière et n’aurait pas été étonné qu’une vie se soit écoulée à l’extérieur quand il croupissait ci bas pour avoir déjà fait l’expérience de l’immobilisme dans la course sans fin qui se jouait autour de lui, et s’était résigné à ce qu’ailleurs, le temps passe quand le sien s’étirait à n’en plus finir dans l’humidité froide de sa cave.

La drogue l’abêtissait, le ramenant à des réflexes primaires et si les premiers jours avaient accueilli des crises de rage insensées laissant le fer cisailler ses poignets dans d’inutile séances où il avait tiré dessus jusqu’à lui crevasser la peau, caressant dans une langueur affective la doucereuse souffrance qui faisait fondre les limbes au profit de quelques secondes pragmatiques, il avait accusé alternativement la douceur inquiète de Jade et la colère de Leozan dont les châtiments s’accompagnaient immanquablement d’un peu plus de drogues et de sévices pour en bercer le tourment et ses volutes vraies. Les chaines avaient été raccourcies par l’épaisse carcasse de Taranis dont il ne distinguait plus qu’un magma de traits anguleux en guise de silhouette et son monde n’allait maintenant pas plus loin que les rebords du matelas de paille.
De ses deux compagnes de cellule, celle dont il se méfiait le plus restait Jade, sa douceur, ses pleurs, et ses angoisses embaumant l’air autour de lui de trompeurs instants de répit, et se sentait étrangement soulagé de retrouver Leozan dont les colères, si elles étaient abruptes, restaient parfaitement prévisibles : châtiment, douleur, perversion.
Si l’une le soignait, l’autre l’avilissait en changeant tour à tour les armes qu’elle avait à disposition. Dans certaines crises plus joyeuses que d’autres, elle grimpait sur son ventre sans jamais pourtant le déchausser de ses braies et suggérant à son corps les caresses emphatiques de sa folie, le figeait dans une épaisseur bourdonnante où ses réflexes les plus animaux le trahissaient, dardant sous le tissu une raideur que suggéraient autant le poison excitant ses veines, que les caresses outrancières de la donzelle, que les visages qui surgissaient parfois à ses yeux quand pointaient les frimas du plaisir. Un instant le visage d’Etienne apparaissait sans pouvoir être net et s’il avait été subjugué la première fois au point de sourire, ce n’était désormais plus qu’une détresse vide qui le rongeait quand celui-ci réapparaissait aux confins de sa conscience.

Mort.

Parfois, c’était le rire d’Axelle qui prenait le pas sur celui de sa compagne imposée, agitant dans son champ de vision une tache rouge qui n’existait pas et dont il avait vainement cherché à suivre la course avant de capituler, au bout de ce qui lui avait semblé des heures quand ce n’était qu’une poignée de minutes qui s’était écoulée.

En vie.

Et étrangement, le seul lien auquel il s’opposait, farouche, impitoyable, mobilisant toutes ses forces dans ce combat-là, était celui menant au visage poupin d’Antoine, à cette masse brune coiffant déjà son minuscule crane, à ses yeux sombres qu’il avait ouverts quelques heures après sa naissance en réclamant le sein à plein poumons. Rien ne viendrait salir cette mémoire-là, ni la faiblesse insupportable de son corps fatigué en proie à la Mandragore, ni même la trainée qui l’avait amené ici. Ramassé sur lui-même, assis contre le mur auxquels étaient fixés les fers, le chat se rassemblait, en proie à cette concentration coutumière succédant à l’abattement, cycle sans fin dans lequel il était plongé chaque jour, ramenant dans une grimace de douleur ses mains à hauteur de ses yeux et resta à contempler sa senestre, attentif dès qu’il percevait le manque lui ouvrir les portes de la lucidité.
Il lui avait fallu quatre essais avant de réussir à se fracturer la base du pouce. Quatre tentatives pénibles où la force lui avait manqué en deux fois avant d’être agité par la colère de l’échec et le craquement de ses os quelques minutes plus tôt restait ancré à chaque parcelle de sa chair, pulsant comme un cœur affolé et déliant les frondaisons à ses tempes obscurcies.
Net, ou presque depuis assez longtemps pour concevoir la suite de sa journée sans la subir.
Désormais la main passait dans son cerclage et pouvait s’en échapper, champ nouveau de mouvement et quand bien même les irradiations flamboyantes qui échouaient en vagues jusqu’à son bras consumaient ses forces, elles n’entachaient en rien, la froide détermination qui s’agitait, désespérée derrières ses prunelles harassées.
La porte s’ouvrit sans même qu’il ait perçu les pas annonçant la pucelle et statue fatiguée, les mains sagement dans leurs menottes, attendit sans relever la tête qu’elle se rapproche , la lave de la mutinerie soigneusement tenue en laisse le temps qu’Elle vienne à lui, si sûre d’Elle, si certaine qu’il ne présentait plus aucune menace, que sans les autres, il n’était rien.

Des autres, je ne tiens que l’assurance qu’ils continuent de vivre… Mais si je crève, tu crèves avec moi, chérie…

_________________
--Taranis
[ Cours des miracles, Jour 5 ]

Les jours se suivent et se ressemblent. Il ramenait pour la patronne quelques denrées pour la journée, quelque chose de simple, l'éternel pain noir, quelques légumes rabougris, un peu de jambon sec. Il évitait les marchands de tourtes, bien que croustillantes et alléchantes, pouvaient bien révéler une farce abominable de chat, de rat, ou de chien, ou de carcasse de poulet broyées avec des herbes. Pas sûr que la patronne ait l'estomac assez solide pour le ragoût de la mère Taffard, dont personne ne savait au juste quels ingrédients elle mettait dedans, à part des tripes, et autres bas morceaux, avec de la marjolaine et des panais. Délicieux... Mais pour la patronne, surtout quand elle était dans ses périodes de folie douce, où elle criait et fermait les yeux, apeurée par sa seule présence, se réfugiait près du prisonnier pour le soigner, en pleurant... Une fois, il avait pu assister à la séance de punition du bourgeois. Il avait les poignets en sang, d'avoir essayé à tout prix de s'en libérer. Ça rappelait à Taranis cet homme, gros Louis, qui, un jour dans cette même cave avait essayé de s'échapper, tirant comme un forcené sur les chaînes, en s'arc boutant contre le mur, dans l'espoir de faire céder le mortier dans lequel était fiché l'anneau.

Taranis avait donc vu une des longues séances durant laquelle la colère de Leozan éclatait, et avec quelle perversité et surtout quelle imagination elle savait prodiguer la douleur, la prolonger, la dédoubler, avec le sel, d'autres substances irritantes, brûlantes, sans forcément faire couler le sang. Des effets de torsions sur la peau du bras, pincements, brûlures indiennes, éraflures avec un objets rugueux... Son imagination semblait infinie, Taranis était en adoration devant cette furie vicieuse. Lui, il était plus basique. Il arrachait les ongles, les dents, les oreilles, cassait les bras, étouffait dans un baquet d'eau... Il se délectait des offices du bourreau en place de grève, mais en ces temps de relative quiétude, il n'y avait pas eu d'exécution d'envergure ces derniers temps, les traîtres à la couronne pris sur le fait étaient rares, autant que les régicides.
Puis, alors que la séance allait atteindre son paroxysme, Jade revint, comme toujours, se demandant pourquoi lui, Taranis, faisait tout cela à son ange, et elle le soignait, soulageait ses douleurs, image même de la sainteté en action. Il retirait alors, fermant la porte derrière lui, pour aller dépenser savamment sa récompense...

Il s'était lassé de l'Alphonsine. Finalement, elle faisait comme toutes les autres, elle écartait les cuisses et parfois ondulait du bassin lorsqu'il la besognait. Il n'était pas pleinement satisfait. Il repensait à la brune, un savant mélange d'innocence et de perversité, qui lui donnait des frissons dans le bas ventre. LA femme parfaite à ses yeux. Il hésitait à se payer les services d'une autre femme, lorsque son regard remarqua un bourgeois. Quelqu'un détonnait dans la foule bigarrée de la cour. Un homme bien habillé, un regard fureteur. Et si quelqu'un les avait vus, le bourgeois assommé sur son épaule? Ca, c'était sûr qu'on les avait vus. Mais tout le monde vaquait à ses occupations, l'air de rien. C'était le quotidien de la cour des miracles, ça. Mais beaucoup vendraient père et mère pour une poignée d'argent, et Taranis avait été prodigue ces derniers temps, à acheter sans marchander, avec de belles pièces de bonne valeur, même pas abimées sur les bords... Quelque part, le colosse savait que cet homme était un ami du bourgeois enchaîné à la cave. Il n'était pas à sa place dans ces rues, comme Taranis aurait détonné à l'aphrodite et son ambiance feutrée. Il ne savait pas si l'homme l'avait repéré, en train de l'observer avec étonnement, mais si c'était le cas, il se dépêcha de disparaitre dans la foule de ce jour de marché.
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