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[rp fermé] Des prémices au passage à l'acte

--Adryan
Les relents régnaient plus âcres encore qu’à l’étage, forçant le Castillon à plisser les yeux tant pour s’en protéger que pour laisser son regard apprivoiser l’ombre avant de se dégourdir, pragmatique. Un corps recroquevillé, Alphonse abandonné aux fers sur une infecte paillasse. Une silhouette fine, une femme, la fautive. Une table boiteuse où luisaient de morbides éclats ferreux. Des murs, nus de toute ombre plus soutenue, avouant l’absence d’autres issues. Cette nouvelle était bonne, aucun autre hypothétique acolyte ne pouvait surgir inopinément. Planté un instant sur le seuil Adryan tendit l’oreille vers l’escalier qui restait muet d’autres pas que l’écho des leurs. Rassuré sur ce point, il referma la porte et la bloqua de son épée. La possibilité d’être surpris était un risque qu’il se refusait à prendre.

Etienne rugit, et à l’ordre, la Castillon acquiesça, docile pour encore quelques minutes. Le pas long, il s’avança vers la table. Si l’allure pitoyable du comptable ne lui avait arraché aucune grimace, la vision des outils de torture le révulsa d’une nausée violente qu’il peina à réprimer sous le bouillonnement fertile de son imagination. Et du gout de la bile dans sa bouche, naquit une colère sourde submergeant ses veines. La torture vicieuse et gratuite, les souffrances mesquines et lancinantes étaient l’arme des lâches. Lâches qui pouvaient s’enorgueillir d’avoir toute sa répulsion et son mépris le plus éclatant quand l’honneur et le respect lui avaient été inculqués dès son plus jeune âge par d’interminables leçons. Mais le temps n’était pas à la morale quand déjà les coups pleuvaient dans son dos. L’ignominie de l’étalage sordide des instruments de torture avait au moins cet avantage qu’utilisé à contre emploi, il pouvait être outil de libération. Se saisissant d’un maillet et d’une pince, il vint s’agenouiller face au comptable, concédant un unique regard au prisonnier. C’est fini accorda t-il comme seul réconfort quand déjà, le regard concentré, il martelait la pointe du rivet, modulant sa force pour ne pas blesser davantage le poignet comptable dont les chairs étaient à vif. Attention toute égoïste pour s’épargner l’agacement de gémissements souffreteux d’Alphonse. Indifférent au marasme régnant dans son dos, le rivet fut enfin tiré de son infâme écrin de rouille et la mâchoire de fer s’ouvrir d’un grincement libératoire.

Alors, seulement, le Castillon se permit un regard vers la scène qui se jouait derrière lui et se redressa d’un bond. Etienne allait finir par tuer l’inconnue. De cela était hors de question. Refus catégorique non pas mu par une soif sourde de vengeance plus sournoise que la mort même, encore moins inspiré par un élan de pitié pour la poupée flasque entre les mains du Griffé, mais juste commandé par l’égoïsme le plus pur. Si elle mourrait, il faudrait encore prendre la précaution de faire disparaitre le cadavre. S’employer à le lester de pierres pour que les eaux noires et froides de la Seine l’engloutissent. Besogne qui demanderait du temps, encore. Et du temps, le Castillon n’en avait déjà que trop offert à arpenter une semaine durant les ruelles sordides de Paris. Basta. Adryan avait froid, il avait faim, il était sale, il était fatigué. Le comptable était retrouvé, libéré. Fini. Le Castillon, animé par le respect inculqué à abattre son ennemi avec dignité, réfractaire farouche à la facilité de le laisser lâchement croupir dans une cave puante, avait fait ce qu’il devait. Assez. Il ne ferrait rien de plus et n’aspirait plus qu’à rentrer enfin chez lui. Tout juste se fendrait-il d’escorter une dernière fois le funèbre convoi jusqu’à l’Aphrodite pour mieux s’empresser de regagner son appartement où enfin, plongé dans un bain brulant, il pourrait dévorer pain aux noix, fromages, fruits en s’égarant dans les saveurs enivrantes de l’arak avant de céder à un sommeil lourd et profond d’où rien ni personne ne pourrait le tirer avant de longues heures.

Arrête Etienne,
ordonna-il à son tour, glissant dans le dos du Griffé pour entraver ses bras des siens avec difficulté quand la force d’Etienne était exacerbée d’une haine furieuse. Arrête poursuivit-il d’une voix plus basse à l’oreille griffée. Pas ici. Pas maintenant. Pas comme ça. L’ombre d’acolytes éventuels était toujours à craindre, l’état du comptable méritait des soins et le châtiment promis devait être encore plus interminable que n’avait été le calvaire du comptable. Tout cela, Etienne le savait. Aussi confiant relâcha t-il son emprise. Rentrons. La voiture doit déjà nous attendre. Occupe-toi d’Alphonse, je me charge d’elle. conclut-il d’une voix qui si elle se parait d’un timbre plus doux n’en restait pas moins intraitable.
Alphonse_tabouret
La silhouette d’Etienne éventra le monde dans lequel le chat s’était réfugié tour à tour somnolent ou enragé, et l’aveugla jusqu’à la négation, enlisant le temps en une cacophonie sourde dont la cohérence lui échappa, incapable de surmonter le ravage de ses idées devant cette apparition, au fil du soulagement encore pur à ses veines et de ses nerfs épuisés. La moitié d’une seconde lui sembla s’être écoulée quand l’odeur d’Etienne enflamma ses sens d’une brulure mordante et que ses doigts irradièrent sa peau, effleurant avec une précaution inquiète les traits de son visage, contaminant de vie à chaque parcelle qu’il touchait, laissant le chat aux portes d’une nouvelle renaissance, encore frileux du possible amalgame de la mandragore dont le venin avait déjà joué de ses sens jusqu’à les tordre sans la moindre compassion, fendillant ses pensées sous le rire nerveux qui avait saisit sa gorge, lame crantée qui s’imposait par la violence des faits et déchirait le voile des derniers étendards que sa lucidité arborait.

Si ce n’est pas toi…

Le chuchotement de sa voix engloutit avec fracas l’appréhension nauséeuse de l’hallucination, écartèlement sans fond de l’âme qui l’avait saisi lorsque les traits d’Etienne apparus au détour d’un tentacule floral s’étaient dissouts au profit de ceux de Leozan, liquéfiant ses prunelles en un cercle épais au velours de ses yeux, subjugué, fauché, le consumant à la ferveur du baiser qui s’abattit à ses lèvres blêmes. Le feu, l’eau, l’air, éléments se mêlant au battement tonitruant de son cœur, éclatèrent à l’apathie de sa chair, livrant la rage, la tourmente, et la colère d’Etienne à son propre corps, décharge assourdissante qui réveilla l’animal à l’agonie de sa torpeur résignée, s’attachant à ses lèvres jusqu’à la dernière effluve, découvrant le monde au travers de cette réalité qui n’avait plus rien d’absurde, dévorée par le tangible, le concret qui s’imposait enfin dans la silhouette furieuse du Griffé dont la rage se retournait vers Leozan, chose abasourdie dont les cils palpitaient littéralement d’une angoisse sourde.
Le spectacle lui fut retiré, englouti par la silhouette d’Adryan dont la voix lui parvint dans la ouate des coups pleuvant sur la donzelle, arrachant Alphonse à l’hébétement heureux de cette nouvelle aube, les mains du Castillon accaparant son attention dans l’habilité à faire sauter la dernière menotte qui le retenait, appliqué, craignant la plainte quand c’était l’impatience brusque qui submergeait le calme félin, le délestant dans un cliquetis aigu, du poids incommensurable de la chaine.
Livré à lui-même quand Adryan se précipitait sur De Ligny, le chat se laissa engloutir par cette étrange sensation de légèreté, se sentant ballon cahotant doucement à la brise, plume portée par un courant d’air paresseux, avant que le fauve libéré de la toile arachnéenne de ses pensées comme de son asservissement, ne rugisse jusqu’à ébranler la chair tout entière, poussant le chat à se relever, mû par une adrénaline instinctive, la dextre crispée au mur froid de la cave en guise d’appui, embrassant la scène d’un regard épais. Les prunelles trouvèrent le visage suffoquant de la pucelle et y restèrent silencieux, tandis qu’Adryan retenait inutilement les foudres premières d’Etienne de s’abattre sur le corps gracile qu’il tenait à ses lubies…
Oh non, Leozan ne mourrait pas ici, pas si vite, pas si proprement, et si Alphonse ignorait les limbes traversées par son amant, de ses tourments à ses actes ensanglantés, il ne doutait pas pour en avoir traversé le feu, du sens de la composition qu’Etienne possédait pour assouvir la rage qui abreuvait ses veines, sous-jacentes au quotidien, décadentes à cet instant ci.


A moi, articula-t-il bassement quand les résolutions d’Adryan eurent sonnées, l’animal enchainant des pas lents mais autonomes, la main valide courant sur le mur en guise d’appui pour se diriger vers cette porte jusqu’alors inaccessible, effort magistral et salvateur qu'il s'imposa par orgueil. Elle est… à moi, répéta-t-il plus clairement, la voix ourlée d’un ordre blanchi d’un calme froid, impossible à refuser et si Etienne aurait tout le loisir d’assouvir ses rancunes, le couperet ne tiendrait qu’à lui désormais, maitre au bout des chaines. Son regard passa sur le Castillon quand il s’adossait pleinement au mur, les doux vertiges de la verticalité parfumant sa perception de l’espace d’une saveur réconfortante avant de glisser sur Etienne, les prunelles s’étoffant d’une félicité embourbée par l’invraisemblance de la situation, la douleur palpitante, l’envie de le toucher, la précipitation bouillonnante à quitter cet endroit, la vie en dehors de cette cave où l’attendaient les babillements d’Antoine, les danses de la gitane et cet instant béni où le temps accorderait aux corps jumeaux le loisir de s’étreindre jusqu’à l’âme dans la satisfaction de retrouver le monde tel qu’il se devait d’être, damnés mais assouvis. Il tira à ses lèvres sèches un sourire faiblard, chargeant la voix d’une indolence somnolente pour s’adresser à son amant, achevant de le rassurer sur son état premier d’un semblant de badinage dans le ton de la voix, égrenant comme s'il en était besoin, une excuse au fil de sa demande:
Ramène-moi, j’ai sommeil…
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