Xmanfe1999
Depuis qu'elle était arrivée à Genève, plus d'un an auparavant, Xm trimballait partout avec elle un grand sac de cuir, usé et craquelé par le temps et les éléments, qui, semblait-il, pesait lourd à son épaule.
D'aucuns s'étaient demandé ce qu'elle pouvait bien y cacher, conjecturaient sur son contenu.
Y cachait-elle un trésor, ramené de ses voyages en Orient? Y avait-elle enfoui les trophées de son dangereux et mystérieux passé? S'agissait-il du bric à brac d'une sorcière?
En tout cas, le son mat et sourd que rendait le sac quand elle le déposait à terre en taverne indiquait qu'il ne s'agissait sans doute pas d'or, ou alors aurait-il fallu qu'il soit bien enfermé dans un coffret...
Quand elle était sortie de chez elle ce matin là, après avoir soigné Precye et un tantinet torturé Powerjeff, Xm portait, en plus de sa sempiternelle besace, un grand sac de toile dans lequel s'entrechoquaient du bois et du métal.
Ce n'est qu'en parvenant au plus profond de la forêt qu'un observateur discret, aurait pu, s'il l'avait suivie avec suffisamment de précaution, découvrir le contenu de ces deux sacs.
Après une courte hésitation à l'entrée du bois, Xm avait retrouvé assez aisément le chemin qui menait à la clairière qui avait vu tant d'événements importants de sa vie genevoise.
Personne n'y était venu depuis plusieurs mois et la fonte des neiges avait gorgé d'eau le sentier qui s'était vite recouvert de verdure nouvelle avec le printemps.
C'est d'ailleurs cette légère différence de teinte entre l'herbe tendre et jeune qui avait repoussé sur le sentier et les sous bois plus sombres qui l'avait mise sur la voie.
Les repères familiers avaient fini de la guider: tel tronc d'arbre couché recouvert de mousse et de champignons, telle fourmilière géante adossée à un rocher, tel ruisselet qui s'échappait de la source près de la clairière et descendait en serpentant entre les pierres et les écorces, jusqu'au lac, plusieurs centaines de toise en contrebas.
Une demi heure de marche plus tard environ, Xm parvint à la clairière.
Elle aussi paraissait un peu à l'abandon. Les fougères avaient poussé à l'endroit où Xm et Powerjeff s'étaient battus l'été précédent.
En regardant bien elle pouvait cependant retrouver l'endroit exact où elle avait planté les flambeaux pour les éclairer et le petit tas de pierres plates sur lequel elle avait avait posé son réchaud quand elle avait en vain essayé d'initier le rustaud que le pas-encore-lieutenant était, à l'époque, aux raffinements de la cérémonie du thé.
Xm sourit à ce souvenir et se dit qu'aujourd'hui sa réaction ne serait sans doute pas différente, mais pour bien d'autres raisons.
Elle déposa ses deux sacs à terre et se pencha pour ouvrir le plus gros.
Elle en tira divers outils dont une lourde cognée, un pic, une pelle et une masse. Elle aurait besoin plus tard d'une scie et d'un maillet et de divers outils de menuiserie.
Mais pour le moment la tâche la plus lourde et la plus ardue l'attendait: la clairière était certes belle et bien orientée (quoiqu'elle eut préféré bénéficier des conseils avisé d'un maître Feng Shui pour s'en assurer) mais elle était un peu trop petite, et surtout, encombrée de quelques arbrisseaux mal placés et de racines qui rendraient difficile voire impossible l'accomplissement de la tâche qu'elle s'était assignée.
Elle avait saisi sa hache et s'apprêtait à jeter à bas un petit chêne qui bouchait la vue vers le lac, quand elle prit conscience d'un oubli.
Allons, qu'allais-je faire? se reprocha-t-elle. Attaquer des travaux sans invoquer la protection des dieux?
Xm se rendait bien compte qu'invoquer les dieux procédait d'une légère hypocrisie de sa part, puisque, de tous les enseignements de ses maîtres, le "dào jiào"* était ce qui avait le moins retenu son attention, mais on se savait jamais. Mieux valait éviter de d'attirer les foudres de Yanluowang** en ne l'invitant pas à étendre sa "bienveillance" sur ce lieu qu'elle considérait dès maintenant comme des plus sacrés.
Elle reposa la hache et s'approcha du plus petit des deux sacs dont elle ouvrit le rabat.
S'agenouillant, elle en tira respectueusement, en s'inclinant et en présentant devant elle, comme devant un seigneur invisible, trois pierres de la taille d'un gros livre, qu'elle posa devant elle pour former comme une petit table et ensuite un paquet enveloppé d'un morceau de soir rouge.
Elle déplia le morceau de soie sur ce qui avait été son autel improvisé depuis son départ des Japons et y déposa avec révérence la boîte qui y était enveloppée et qu'elle n'ouvrit pas.
Ce qu'elle contenait était bien trop précieux pour être exposé en pleine lumière. Il lui suffisait de savoir qu'il était là, bien à l'abri de son simple étui de bois de camphrier pour se sentir rassurée et en paix avec elle même.
Xm se recueillit quelques instants et se releva.
Elle ramassa la cognée abandonnée quelques instant plus tôt, puis avec une grande respiration et un sourire plein de confiance elle cracha dans ses mains et s'attaqua à son chantier.
_________________
Vive comme l'éclair
Insaisissable comme la lumière
Dure comme le fer
Et en amour comme à la guerre...
D'aucuns s'étaient demandé ce qu'elle pouvait bien y cacher, conjecturaient sur son contenu.
Y cachait-elle un trésor, ramené de ses voyages en Orient? Y avait-elle enfoui les trophées de son dangereux et mystérieux passé? S'agissait-il du bric à brac d'une sorcière?
En tout cas, le son mat et sourd que rendait le sac quand elle le déposait à terre en taverne indiquait qu'il ne s'agissait sans doute pas d'or, ou alors aurait-il fallu qu'il soit bien enfermé dans un coffret...
Quand elle était sortie de chez elle ce matin là, après avoir soigné Precye et un tantinet torturé Powerjeff, Xm portait, en plus de sa sempiternelle besace, un grand sac de toile dans lequel s'entrechoquaient du bois et du métal.
Ce n'est qu'en parvenant au plus profond de la forêt qu'un observateur discret, aurait pu, s'il l'avait suivie avec suffisamment de précaution, découvrir le contenu de ces deux sacs.
Après une courte hésitation à l'entrée du bois, Xm avait retrouvé assez aisément le chemin qui menait à la clairière qui avait vu tant d'événements importants de sa vie genevoise.
Personne n'y était venu depuis plusieurs mois et la fonte des neiges avait gorgé d'eau le sentier qui s'était vite recouvert de verdure nouvelle avec le printemps.
C'est d'ailleurs cette légère différence de teinte entre l'herbe tendre et jeune qui avait repoussé sur le sentier et les sous bois plus sombres qui l'avait mise sur la voie.
Les repères familiers avaient fini de la guider: tel tronc d'arbre couché recouvert de mousse et de champignons, telle fourmilière géante adossée à un rocher, tel ruisselet qui s'échappait de la source près de la clairière et descendait en serpentant entre les pierres et les écorces, jusqu'au lac, plusieurs centaines de toise en contrebas.
Une demi heure de marche plus tard environ, Xm parvint à la clairière.
Elle aussi paraissait un peu à l'abandon. Les fougères avaient poussé à l'endroit où Xm et Powerjeff s'étaient battus l'été précédent.
En regardant bien elle pouvait cependant retrouver l'endroit exact où elle avait planté les flambeaux pour les éclairer et le petit tas de pierres plates sur lequel elle avait avait posé son réchaud quand elle avait en vain essayé d'initier le rustaud que le pas-encore-lieutenant était, à l'époque, aux raffinements de la cérémonie du thé.
Xm sourit à ce souvenir et se dit qu'aujourd'hui sa réaction ne serait sans doute pas différente, mais pour bien d'autres raisons.
Elle déposa ses deux sacs à terre et se pencha pour ouvrir le plus gros.
Elle en tira divers outils dont une lourde cognée, un pic, une pelle et une masse. Elle aurait besoin plus tard d'une scie et d'un maillet et de divers outils de menuiserie.
Mais pour le moment la tâche la plus lourde et la plus ardue l'attendait: la clairière était certes belle et bien orientée (quoiqu'elle eut préféré bénéficier des conseils avisé d'un maître Feng Shui pour s'en assurer) mais elle était un peu trop petite, et surtout, encombrée de quelques arbrisseaux mal placés et de racines qui rendraient difficile voire impossible l'accomplissement de la tâche qu'elle s'était assignée.
Elle avait saisi sa hache et s'apprêtait à jeter à bas un petit chêne qui bouchait la vue vers le lac, quand elle prit conscience d'un oubli.
Allons, qu'allais-je faire? se reprocha-t-elle. Attaquer des travaux sans invoquer la protection des dieux?
Xm se rendait bien compte qu'invoquer les dieux procédait d'une légère hypocrisie de sa part, puisque, de tous les enseignements de ses maîtres, le "dào jiào"* était ce qui avait le moins retenu son attention, mais on se savait jamais. Mieux valait éviter de d'attirer les foudres de Yanluowang** en ne l'invitant pas à étendre sa "bienveillance" sur ce lieu qu'elle considérait dès maintenant comme des plus sacrés.
Elle reposa la hache et s'approcha du plus petit des deux sacs dont elle ouvrit le rabat.
S'agenouillant, elle en tira respectueusement, en s'inclinant et en présentant devant elle, comme devant un seigneur invisible, trois pierres de la taille d'un gros livre, qu'elle posa devant elle pour former comme une petit table et ensuite un paquet enveloppé d'un morceau de soir rouge.
Elle déplia le morceau de soie sur ce qui avait été son autel improvisé depuis son départ des Japons et y déposa avec révérence la boîte qui y était enveloppée et qu'elle n'ouvrit pas.
Ce qu'elle contenait était bien trop précieux pour être exposé en pleine lumière. Il lui suffisait de savoir qu'il était là, bien à l'abri de son simple étui de bois de camphrier pour se sentir rassurée et en paix avec elle même.
Xm se recueillit quelques instants et se releva.
Elle ramassa la cognée abandonnée quelques instant plus tôt, puis avec une grande respiration et un sourire plein de confiance elle cracha dans ses mains et s'attaqua à son chantier.
* dào jiào : enseignement de la Voie (autrement dit taoisme)
** dans le taoisme , gardien et juge de l'enfer
** dans le taoisme , gardien et juge de l'enfer
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Vive comme l'éclair
Insaisissable comme la lumière
Dure comme le fer
Et en amour comme à la guerre...