--Sybil
Jupes à la main, deux femmes se glissent dans la ruelle boueuse et jonchée d'immondices. Ah, Paris !
- C'est là.
Avançant à petits pas prudents, la première s'arrête devant une porte cochère, dont elle actionne le heurtoir. Le bruit résonne dans l'étroitesse de la rue. Puis elle se retourne vers la seconde, et baisse le capuchon qui jusque là lui protégeait la tête, pour venir lui déposer un baiser sur le front.
- Tu ne restes pas ?
- Non.
- Comme tu veux.
La seconde, celle au visage découvert, sourit. Elle est un peu triste, mais ne le montre pas. C'est une nouvelle vie qui commence pour elle, loin des quatre murs rassurant du bordel de seconde zone dans lequel elle évoluait jusqu'à présent. L'autre écrase carrément une larme sur sa joue grêlée par la vérole.
- C'est une bonne place, ici. Pas de dette, pas de vieux dégoûtants...
- Je sais, il faut que je sois à la hauteur !
La voix est un peu agacée, comme si c'était quelque chose qu'elle avait déjà répété cent fois. Le portier ouvre l'huis. La première femme se place en retrait, la seconde se présente. Il lui fait signe de la suivre, il va l'introduire auprès du comptable. Alors, elle se retourne vers la syphilitique.
- A bientôt, Maman !
L'autre répond par un petit signe de la main. Elle savait qu'elle n'avait pas fait sa fille si belle pour rien. Elle serait heureuse, ici.
Fille que l'on mène jusqu'au bureau dudit comptable. Le portier s'éloigne, elle toque, trois coups secs. Remet en place une mèche platine derrière son oreille, se pince les joues pour les faire rougir, se redresse. C'est bon, elle est prête.
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