Maryha
La nuit est noire. La lune haute dans le ciel. Et l'Epicée qui s'avance emm**de les loups et autres bêtes, monstres .... Pour le rejoindre lui ...
Elle n'y croit pas. Elle s'était jurée ; plus jamais ! Elle lui avait écrit, elle était là, comme au temps où elle était à lui, comme au temps où il lui avait appris tout ça.
Elle serre les dents. La cape noire et ample cache ce qu'elle hésite à montrer, un excès de féminité mal assumé. Elle le revoit quelques années plus tôt, pipe en bouche, verre en main, derrière les volutes de fumées, comme autant de voiles et tissus précieux dont il aimait recouvrir sa peau sucrée d'étrangère ... il lui semble même sentir son odeur boisée, non musquée, qui la guide vers l'endroit de sa dernière fugue. Souvenirs ...
Première leçon : éveiller la curiosité,
Du coin de lil l'aguicher,
Du bout des doigts l'effleurer,
De tout ton corps le tenter.
Le plaisir s'enrobe de mille subtilités,
La jouissance d'un milliard d'audaces ...
Son cur s'emballe, elle s'arrête à quelques pas de la lanterne rouge. Le corset l'étouffe, elle passe un doigt dans le sillon des deux vallées compressées. Peut on mourir de pareil accessoire ? Quel inconfort ! Elle est mal à l'aise. Et s'il la piégeait ... encore ? Et s'il la retenait ... encore ? Et s'il l'envoûtait encore ? Et si elle le désirait encore ? Et si elle retombait ...
Elle réajuste ses gants de cuir. Faire le vide, se rattacher aux derniers mots de Sarah ... "fais pas d'conneries" qu'elle écrivait, avant de disparaitre. A cause de qui elle les fait les conneries là ? Car oui faut le dire, retourner à l'Aphrodite, se rappeler son passé de torturée, se rappeler son initiation charnelle avec le Duc, la séduction avec Fanchon, les clients, les folies, la fantaisie et le luxe ... retourner dans Le lieu de débauches et de vices par excellence ... est une Connerie !
Elle entendait encore le Phénix lui asséner un coup de plus en ponctuant ses phrases de : "la catin que tu es" ... avait il su ? avait il conscience ? ou la colère ? ou le feu ...
Là où tout commence, là où tout finit. L'Aphrodite. L'affreux deal ...
Était-elle assez forte pour se jouer du Duc ? Il fallait qu'elle le soit pour retrouver Sarah, et pour que Sarah la retrouve elle. Qui mieux qu'une sanguinaire pour repêcher une sanguinaire. Et la Sanguine erre. Le sang afflue et colore son visage d'une légère teinte rosée, sous son teint hâlé. P'tain allez ... avance ...
Maryah se redresse. Elle chaloupe, les talons battent le sol ; démarche rythmée, déterminée. Elle aurait bien pris une grande bouffée d'air, mais elle a l'impression que le corset va exploser. Ses yeux surlignés d'un long trait noir se posent sur le portier. Elle resserre un peu plus la cape, lève légèrement son minois, et prononce suavement :
Lady Marmalade pour sa Grâce, le Duc du Mussidanais ... Je suppose qu'il est déjà arrivé ...