Eve_desvilles
Passées ses dernières ablutions, Eve abandonna sa robe bleue pour une beige, plus simple, plus sobre, plus anodine. Elle remit un peu d'ordre dans sa chevelure sans aller toutefois jusqu'à recomposer une coiffure. Cascade onduleuse libre d'un ensauvagement paresseux,quelques mèches jouant à couvrir à demi un il, l'ensemble convenait avec une grâce discrète à masquer la langueur qui l'étreignait toujours en fin de service.
Elle rejoignit le couloir qui menait au salon. Ses premières nuits à l'Aphrodite avaient plutôt été couronnées de succès, à l'exception d'un jeune homme que son père envoyait déniaiser pour ses quinze ans, jeune homme qui avait pris peur de la façon dont elle l'avait étreint, mais qui aussi avait pris honte de sa peur. Il avait fait jurer à Mauve de garder le secret sur son échec, ainsi rien de l'évènement ne s'était mué en plainte. Toutefois Eve en avait retenu de garder sa vigilance, ses succès auprès de la clientèle devait beaucoup à la nouveauté, à l'enfer rouge de ses cheveux peut-être aussi, or les hommes qui fréquentaient cette maison, avait-elle ressenti, en raison de la qualité de leur naissance, supposait-elle, étaient avant tout des êtres blasés par nature ou par affectation. Nourrir, renouveler un engouement lui paraissait le vrai défi.
Elle approcha du bar rapportant comme à l'accoutumée les bouteilles que les clients n'avaient pas entièrement vidées et qui revenaient au loisir du personnel. Cependant cette fois, après avoir soigneusement compté les sommes gagnées et séparé le surplus qu'elle pouvait se permettre de dilapider sans trop se mettre aux abois, elle vint avec l'intention d'accomplir le rituel qu'une nouvelle devait aux anciens.
Déposant les bouteilles sur le comptoir, un regard passant comme avec timidité sous le rideau de ses cheveux en direction d'Adryan, puis revenant aux bouteilles qu'elle poussa légèrement vers lui, elle lui dit que ce soir elle voulait payer, des bons crûs, à tous les courtisans, enfin s'ils étaient d'accord, et à lui aussi bien sûr, s'il voulait, qu'elle avait beaucoup d'argent, ou peut-être juste assez, reprit-elle avec une hésitation, elle ouvrit sa bourse sur le comptoir, elle lui dit qu'elle avait tout ça et qu'elle espérait que ça pouvait suffire, mais qu'elle était prête à chercher un peu plus, ou à prendre un crédit.
Elle leva alors son regard sur lui. Lui qu'elle avait déjà croisé quelques fois sans chercher à le voir. Passante fantomatique uniquement incarnée dans l'emprise de la séduction dévolue au client. Lui dont elle vit d'abord les sourcils avant de trouver les yeux.
Je... Je suis Eve... une nouvelle, prononça-t-elle avec gaucherie avant de lui adresser un sourire fragile de tendresse.
Elle marqua un silence avant d'ajouter soudainement d'une voix plus étrange
Est-ce qu'il est vrai que... le patron n'est pas le patron ?
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Elle rejoignit le couloir qui menait au salon. Ses premières nuits à l'Aphrodite avaient plutôt été couronnées de succès, à l'exception d'un jeune homme que son père envoyait déniaiser pour ses quinze ans, jeune homme qui avait pris peur de la façon dont elle l'avait étreint, mais qui aussi avait pris honte de sa peur. Il avait fait jurer à Mauve de garder le secret sur son échec, ainsi rien de l'évènement ne s'était mué en plainte. Toutefois Eve en avait retenu de garder sa vigilance, ses succès auprès de la clientèle devait beaucoup à la nouveauté, à l'enfer rouge de ses cheveux peut-être aussi, or les hommes qui fréquentaient cette maison, avait-elle ressenti, en raison de la qualité de leur naissance, supposait-elle, étaient avant tout des êtres blasés par nature ou par affectation. Nourrir, renouveler un engouement lui paraissait le vrai défi.
Elle approcha du bar rapportant comme à l'accoutumée les bouteilles que les clients n'avaient pas entièrement vidées et qui revenaient au loisir du personnel. Cependant cette fois, après avoir soigneusement compté les sommes gagnées et séparé le surplus qu'elle pouvait se permettre de dilapider sans trop se mettre aux abois, elle vint avec l'intention d'accomplir le rituel qu'une nouvelle devait aux anciens.
Déposant les bouteilles sur le comptoir, un regard passant comme avec timidité sous le rideau de ses cheveux en direction d'Adryan, puis revenant aux bouteilles qu'elle poussa légèrement vers lui, elle lui dit que ce soir elle voulait payer, des bons crûs, à tous les courtisans, enfin s'ils étaient d'accord, et à lui aussi bien sûr, s'il voulait, qu'elle avait beaucoup d'argent, ou peut-être juste assez, reprit-elle avec une hésitation, elle ouvrit sa bourse sur le comptoir, elle lui dit qu'elle avait tout ça et qu'elle espérait que ça pouvait suffire, mais qu'elle était prête à chercher un peu plus, ou à prendre un crédit.
Elle leva alors son regard sur lui. Lui qu'elle avait déjà croisé quelques fois sans chercher à le voir. Passante fantomatique uniquement incarnée dans l'emprise de la séduction dévolue au client. Lui dont elle vit d'abord les sourcils avant de trouver les yeux.
Je... Je suis Eve... une nouvelle, prononça-t-elle avec gaucherie avant de lui adresser un sourire fragile de tendresse.
Elle marqua un silence avant d'ajouter soudainement d'une voix plus étrange
Est-ce qu'il est vrai que... le patron n'est pas le patron ?
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