Isaure.beaumont
RP à 4 mains avec JD l_aconit
Après une interminable et vaine attente au Con Fesseur, la Beaumont avait décidé de prendre les choses en main. Elle s'était donc dirigée le pas décidé vers l'Eglise Saint Front, la démarche vive et la tête bien droite. Poussant les lourdes portes, elle cligna deux trois fois des yeux pour s'habituer à la pénombre et avisa la longue file qui s'étendait depuis l'entrée jusqu'au confessional. Pas de doute: Nicolas confessait, et toutes les commères des alentours se pressaient pour recevoir de lui une charmante pénitence. Elle soupira d'avance et si elle esquissa quelques pas vers l'extrémité de la file, elle dévia rapidement sa trajectoire, longea le chapelet de pénitentes volontaires avant de s'engoufrer dans le confessional qui se libérait tout juste, coupant la route à une pauvre hère qui patientait depuis plusieurs heures au moins. Faisant la sourde oreille à ses protestations, elle tira le rideau sur elle et s'agenouilla. Elle se signa et déclama, par habitude, à demi-voix comme se ferait tout le reste de cet interminable tête-à-tête forcé qui débutait,et tandis qu'elle joignait pieusement les mains:
- Bénissez-moi mon Père parce que j'ai péché, en actes et en pensées. Vous me fuyez Nicolas, vous me fuyez injustement !
Elle vint coller son nez au grillage pour l'apercevoir et espérant capter son regard.
Il grogna un peu. Isaure. Enfermé dans cette boite, nulle échapatoire, hormis vers la cave du Con Fesseur. Il ne pouvait pas l'ignorer. Il tenta bien une seconde ou deux, mais vaine manoeuvre, en ouvrant les yeux elle était toujours là. D'un ton las et morne, il inclina un peu la nuque, sans regarder la grille.
- Je vous bénis ma fille. Je vous écoute...
- Je n'aime pas quand vous me fuyez, je n'aime pas vous savoir fâché contre moi, aussi injustement.
- Je...
- VOus ne m'aimez donc plus ?
- M'enfin je..!
-Mais moi je vous aime toujours, et vos accusations me peinent. Vous avez tort, Nicolas !
- Allons bon!
- Vous ne connaissez rien aux choses de l'amour, de la chair et du mariage, alors je vous pardonne.
- Humpf! C'est moi qui pardonne par la volonté de Dieu, ici.
Dit-il un peu fermé, en reprenant cette jolie couleur cramoisie qu'Isaure et Dana avaient fait éclore ces derniers jours sur ses joues d'albâtre. Isaure avait ce don , associé au sujet très délicat de la folie latente de Don, de le faire immédiatement monter en pression. L'heure de confesse commençait à ressembler au calvaire de christos.
- Je vous pardonne Nicolas, mais j'attends désormais vos excuses.
- Non mais vous plaisantez?
- Et croyez bien que je resterai là, jusqu'à ce que votre affection pour moi soit restaurée.
- On ne quémande pas l'affection, on la gagne et on la perd. Et...
- Je confesserai tous mes péchés, j'en inventerai s'il le faut, mais je resterai là, jusqu'à ce que vous m'ayez entendue et que vous me reveniez !
Puteborgne, Isaure! Avait-il vraiment le choix... De l'entendre? Il serra les poings sur son pénitenciel.
- Jusqu'à ce que vous affirmiez quelle bonne amie je suis pour votre soeur.
- Vous êtes une amie de latrines, isaure. Là, c'était dit. Non, la colère du jeune prélat n'avait pas diminué. Persister et signer. Isaure aurait pissé sur ses passeroses qu'il n'en serait pas moins apaisé.
- Je mourrais pour elle, vous entendez ? Je mourrais ou je tuerais ! Mais je sais aussi que vous la tueriez, en la privant de Theodrik ! Cela reviendrait à lui arracher le coeur, à lui ébouillanter les poumons, à lui aspirer la cervelle, et tout cela, vivante ! Vous comprenez, Nicolas ? Vous comprenez, n'est-ce pas ?
- J'ai parlé à Levrat. Finalement, cet homme n'est pas aussi imbuvable qu'il n'y parait. Ou peut-être avait-il assez bu pour supporter une conversation digne de ce nom. Toujours est-il que j'ai parlé à Lev...
Elle fit une courte pause, sans pour autant lui laisser la place de s'exprimer. Et s'il tenta de le faire, elle haussa le ton pour couvrir ses contestations et lui signifier qu'elle n'avait pas encore fini.
- Il est sa raison de vivre, son air, son coeur, sa vie. Elle a l'amour aqueux. Elle l'a et il est rare. On ne brise pas un mariage avec un vulgaire bout de papier scellé. Ce que le Très-Haut a fait, rien ne le défait, si ce n'est la mort ! La mort, Nicolas. Il n'y a que la mort qui peut séparer des époux, la mort ou les ordres. Et jamais Theodrik n'acceptera que son épouse prenne le voile. Alors jamais Dana ne pourra rejoindre les ordres. Ils vieilliront ensemble ou séparément, mais mariés, Nicolas. Irrémédiablement mariés. Comme ils l'ont voulu. Comme le Très-Haut l'a voulu. Comme je le veux. Vous entendez ? Ils sont mariés. Même par delà la mort. Ad vitam aeternam ! Ce sont des amants éternels, Nicolas ! Ne le voyez-vous pas ? Ne le comprenez-vous pas ! Vous n'y pourrez rien, jamais !
Il se renfrogna dans un silence épais, bras croisés sur la poitrine. Si levrat lui avait ouvert les yeux quant au malheur qu'il supposait à sa soeur, Nicolas avait tout de même encore du mal à lâcher prise. " Laissez-la se démerder" , avait-il conclu. Un précieux conseil finalement. Ce Levrat avait du génie. Oui, si Dana ne voulait pas être sauvée, si Isaure ne voulaitpas sauver Dana, si Theodrik semblait être la condition sine qua non à ce qu'aucun sauvetage n'ait lieu... Elle débitait les mots avec une étrange passion. Elle était inspirée et convaincue par son monologue. C'était une vérité, et il fallait que Nicolas l'entende. Il le ferait. Même si elle devait pour cela le retenir mille ans. Il ne dit plus rien.
- Vous êtes jeune Nicolas, jeune et naïf, mais c'est tout à votre honneur. Mais comprenez que vous avez tort. Votre jugement est faussé par votre innocence, votre candeur religieuse. Par votre intérêt fraternel. N'ayez crainte, Dana vous aimera. Toujours. Son époux n'est pas un obstacle entre vous et elle. Theodrik n'est aucunement une entrave. Mais oubliez cette stupide idée de les séparer. Après tout, réfléchissez... Nicolas... vous m'aviez tout de même conseillée de renoncer à prononcer mes voeux pour épouser Archibald ! Ar-chi-bald ! N'est-ce pas la preuve ultime de votre incapacité à juger de ces choses-là ?
Il leva le nez. Le sujet Archibald était tout autre. Là, elle déviait.
- Allons bon ! Si vous entriez dans les ordres, nous nous retrouverions encore ici, à pérorer sur l'idée que votre renoncement à Archibald soit votre malheur, mais que vous ne pourriez pas faire autrement. Tout comme Theodrik est le malheur de Dana, sans qu'elle ne puisse y renoncer! Ce sont des problèmes insolubles que vous vous creez toutes deux, stupides, alors qu'il vous suffirait d'écouter vos besoins et d'y remédier sans élucubrer de pareilles comédies!
Les doigts vinrent agripper le grillage, de parts et d'autres du nez, bientôt rejoint par le front.
- Comment avez-vous pu imaginer qu'épouser Archibald soit une solution. C'est un gueux, un simple fils de paysan, qui tient à peine en selle, qui écrit péniblement et qui ne sait même pas manier l'épée. Il ne s'épouse pas. Et je refuse de croire que vous vouliez alors me voir plonger dans le déshonneur d'une telle mésalliance ! On épouse des Eddards, des Octaves, des Cassians à la rigueur...
- Impossible puisqu'il va être excomunié. Mauvais.
- ...mais pas des Archibalds ! Oh, ça non ! Voyez, voyez la bêtise de votre jugement. Tout comme pour le sort que vous voulez réserver à l'union de votre soeur.
-Vous aimez Archibald Isaure! Et Archibald vous aime! Cessez de vous la jouer grande dame, soyez dejà heureuse que quelqu'un veuille de vous !
Bon. Peut-être qu'il était trop tard pour ravaler les mots malheureux.
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