Cixi_apollonia
𝕮𝖔𝖚𝖗 𝖉𝖊𝖘 𝕸𝖎𝖗𝖆𝖈𝖑𝖊𝖘 , 𝖑𝖊 𝕸𝖆𝖗𝖈𝖍𝖊́
Le centre de vie de la Cour des Miracles à Paris est un agglutinement de rues étroites, de bâtisses en torchis, charpentes apparentes et pignons serrés. De derrière montent les cris de la Capitale, vacarme assourdissant ou criarde mélopée se mêlant à l'ambiance chaotique du marché Miraculeux...
Le bas peuple est loqueteux, misérable, dépenaillé, vêtu chez le fripier d'habits et de chapeaux étranges. Il vit dans des bouges infects ou se rassemble dans les carrefours et au seuil des échoppes. Les hommes de peine prédominent. On les reconnaît avec leurs grands chapeaux sur les oreilles et leur bâton à la main. Ils portent des sacs, des tonneaux, des paquets énormes pendus à des perches croisées sur leurs épaules. Mais il y a aussi les joueurs de tambourins et de flûte, les vendeurs de chansons, les rémouleurs sur pierre, les marchands de vinaigre...
Non loin , la batellerie couvre la Seine de mâts et de cordages, des chevaux de halage tirent sur les barques plates chargées de blé, vin, foin ou fumier. A la tête de ce trafic « les officiers de la marchandise de l'eau » sont entourés de déchargeurs, mesureurs, porteurs de charbon, manoeuvriers. Tous ont leur corporation, leur saint patron et leur bannière. Ils s'agitent au milieu du bruit, dans le désordre et la plus grande malpropreté. Et parmi eux, les rois de la contrebandes... Les Maîtres du marché parallèle, les Miraculeux. Habiles à négocier, fripouilles à l'esprit vif et aux bourses acérées, tout ce qui tombe entre leurs pattes est une manne bénie pour le pavé sale de l'envers du décor... Quelques murmures, quelques bousculades, la couleur de l'or et les affaires sont assurée. Ici, tout va très vite, et après tout, tout doit se vendre. C'est ainsi que transitent d'étonnants produits jusqu'au fin fond des arcanes de Paris, sous la félicité des maniganceurs, qui font se développer une criminalité exceptionnelle. Le pouvoir est faible et divisé, le peuple ignorant et superstitieux, la moralité médiocre. Les escrocs, les faux mendiants, les spadassins, « les coupe-bourses et les tire-laine » ont beau jeu pour échapper à la police dans les rues étroites et mal éclairées. Cette police est d'ailleurs insuffisante en nombre ou en moyens et ses tâches sont très mal définies...
Alors a qui a faim, le pain se trouve. Faut-il encore aller le chercher où il attend...
Que trouve-t-on au marché noir de la Cour? Là , l'alun est âprement monnayé pour les teintureries, et bien que souvent remplacé par des produits moins onéreux, il n'en perd pas sa clientèle. Ici, le sel qui est remplacé un peu partout par les épices et le sucre substitué par le miel sont les produits les plus répandus du marché de contrebande. Produits rares, ils restent donc coûteux et font l'objet d'un farouche combat de coq à qui les vendra en meilleur place... Le pain n'est pas en reste. Sa farine, ici parfois remplacée par des fèves moulues ou des châtaignes, est l'aliment du tout venant, il est présent d'une mystérieuse façon à la Cour lorsque disette frappe et récoltes sont maigres, à celui qui saura se l'offrir.
Les sorceresses y trouvent leurs simples, leurs produits loufoques et crasses, leurs épices de charmogne, sang de vierge et de poulet... Les barbiers y négocient leurs onguents odorants, et les bordels trouvent leurs étoffes, de ces couleurs dont ils ne devraient jamais pouvoir se vanter, tel le pourpre et le noir. Les camelots font leur numéro. Le marché sent si fort qu'il oblige parfois mouchoirs à se rabattre sur les nez, entre les produits d'orient et le nauséabond des rues. On y trouve parfois des futures catins, orphelines dont la virginité est vendue aux plus offrants, bien que souvent c'est l'apanage des bordeliers que de négocier dans la quiétude des huis clos loin des clameurs de la populasse.
Au marché de la Cour des Miracles les produits réglementés par l'église tels que la viande sont obtenus souvent de façon irrégulière auprès des marchands païens ou des hérétiques. Les réformés tiennent place de choix pour alimenter les marchés noirs de Paris... C'est au Carême, lorsque tous les marchés sont fermés dans le tout Paris, que les aliments abondent à la Cour... Car la guerre de la faim elle, ne verra jamais sa fin.
Sources: Histoire en Questions
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