Alphonse_tabouret
19 Mai
Le jardin de Saint Front est humide ; il a plu les derniers jours, et au soleil naissant dun samedi midi, simples étirent leurs feuilles gorgées deau vers un astre effarouché.
Au milieu dune nuée denfants de chur impatients que sonne lheure dun repas mérité, Faust dispense quelques leçons de botanique; parfois sa voix sélève et ses yeux se plissent en tendant un doigt face à lune des bouilles, puis, cueille la tête dune caresse qui absout le sermon , avant de lever bras et yeux au ciel en remarquant lun de ses chérubins porter sa récolte à sa bouche.
Leffervescence du jardin à ses cotés à toujours quelque chose de joyeux, et au soleil de mai fauchant les blés de reflets blancs, Alphonse en visiteur soffre à la contemplation. Récréations fréquentes dAvril ont fini par lui réserver une place sur lun des bancs qui profite des largeurs du printemps et si quelques pies curieuses gravitent encore dun air intrigué autour de lui, les petits oblats de Périgueux se sont habitués à sa silhouette.
Sourire de chat croise les bleus de Faust aux cuivres qui crèvent lair dun premier chant éparpillant les enfants ; à ses doigts, une fleur de bourrache quon vient de lui tendre en guise de mot de passe.
Sur le lit de lEvêque, discrètement apportée par un complice juvénile, une lettre lattend.
Citation:
Faust,
Jai toujours dormi seul.
Il y a dans le sommeil des arêtes dont je ne sais rien, des endroits sur lesquels je ne possède aucune gravité et qui me terrifient; il y a dans le sommeil ce que jai tu à mes années, ce qui persiste à exister malgré ma volonté.
A mes rencontres fauves, je méclipse, satellite discret aux collisions fuyardes, séide de mes noirceurs ; je prends et jamais ne donne.
A mes Amours faunes, je soumets le mensonge en guise de pacte ; joffre parfois ma couche mais jamais le trouble de mes songes.
Je possède peu de choses, et à la nuit qui sétire sur mon front, je ny garde plus rien que ce qui ny dort pas : mes rêves et mes cauchemars, des paysages que je reconnais pour être sans fin, auxquels jerre et me perds chaque nuit, ou presque.
Dénervé de conscience, qui suis-je ? Aux portes dun monde où je ne maintiens plus la façade et les murs porteurs, que me reste-t-il ? Et si ce que lon y voyait, dépourvu defforts, était aussi laid que ce que jy vis ?
Aux heures étirées dun jeudi de chien, à ta nuque, je me suis endormi ; je me suis réveillé lorsque tu as juré en te levant si précipitamment. Le lit vide de toi ma semblé immense et je tai regardé chercher au travers de la pièce ce quil restait de ton costume ; je tai trouvé trop maigre, mais avec le plus beau cul que la Terre nait jamais porté.
Il était onze heures, nous étions vendredi, et ta grasse matinée hebdomadaire avait fondu à nos draps sans que nous les froissions ; nous dormions.
Qui es-tu, Faust, pour chasser les chimères ?
Comment as tu franchi les frontières de mon Tartare et semé la paix à ta simple peau ?
Quand tes-tu permis dapprendre les langages de mes monstres et de les figer à leurs tanières aux notes de ta présence?
Je possède peu de choses et aujourdhui, à lempreinte encore fraiche dune nouvelle nuit à ta peau, dun vendredi de sel, je veux. Je veux ton corps abandonné à portée de mes mains, tes yeux ensommeillés à lappétit de mes réveils et ton souffle en guise de berceuse ; je te veux dans mon lit, à mes envies, au-dessus des cohortes de mes mauvaises heures, et si lune perce un jour tes frontières, si lune passe au filet de tes attrapes-bleus, il faudra que tu la chasses à tes bras, la dissolves à tes mots engourdis dun sommeil éraflé.
Il ny a pas que toi qui crève de nos solitudes. Il y a moi aussi, et mes certitudes.
Viens , approche, aujourdhui, encore fébrile de nos carences, je te répète ce que je tai confié hier. Je veux des nuits fauves, communes, blanches ; nous y ferons pousser des fleurs, des arbres, et même des oiseaux. Nous couronnerons de rêves des nuées détourneaux, nous ferons grandir des volières d"Ainsi soit-il" et nous incendierons à lombre des futaies de ces Nous, timides, malhabiles, qui nexistent quaux silences de nos regards.
Orléans ma donné le gout de la guerre, ton absence celui de ta conquête, mais à peine mes doigts se sont-ils posés au bâton de Saint Front, que tu my as agenouillé dune leçon : avant même de chercher à te conquérir, cest moi que je dois vaincre. Tu mas déjà rendu les armes une fois devant les portes dun hôtel parisien, accorde-moi daiguiser celles que je présente à Vésone.
Dors avec moi, Faust. Demain, et les jours qui suivront. Dors avec moi, Mijn Gek * , et je te promets nos plus belles batailles ; nous y saignerions, nous y jouirons, tu méventreras lorgueil et jécorcherai tes craintes. Parfois, de mauvaise volonté, je découcherai, dautres fois, fâché, tu my laisseras au silence, ainsi, jamais nous ne nous lasserons, mais le reste du temps, repus, exsangues, le ventre encore blanc de nos extases, nous nous y réfugierons, moi, le nez dans tes cheveux, toi tes doigts noués aux miens.
Nous avons à nous dire des choses et cest au langage galvaudé des Hommes quil faudra sy employer. Je veux tout savoir de Rome, de ton bourreau, de tes cernes ; je te raconterai la route, ses retrouvailles et cette fois où ta sur a bien failli me casser le nez.
Lun des oreillers porte ton odeur, je pourrais y rester toute la journée ; ne me reste quà attendre ce soir.
Alphonse.
Faust,
Jai toujours dormi seul.
Il y a dans le sommeil des arêtes dont je ne sais rien, des endroits sur lesquels je ne possède aucune gravité et qui me terrifient; il y a dans le sommeil ce que jai tu à mes années, ce qui persiste à exister malgré ma volonté.
A mes rencontres fauves, je méclipse, satellite discret aux collisions fuyardes, séide de mes noirceurs ; je prends et jamais ne donne.
A mes Amours faunes, je soumets le mensonge en guise de pacte ; joffre parfois ma couche mais jamais le trouble de mes songes.
Je possède peu de choses, et à la nuit qui sétire sur mon front, je ny garde plus rien que ce qui ny dort pas : mes rêves et mes cauchemars, des paysages que je reconnais pour être sans fin, auxquels jerre et me perds chaque nuit, ou presque.
Dénervé de conscience, qui suis-je ? Aux portes dun monde où je ne maintiens plus la façade et les murs porteurs, que me reste-t-il ? Et si ce que lon y voyait, dépourvu defforts, était aussi laid que ce que jy vis ?
Aux heures étirées dun jeudi de chien, à ta nuque, je me suis endormi ; je me suis réveillé lorsque tu as juré en te levant si précipitamment. Le lit vide de toi ma semblé immense et je tai regardé chercher au travers de la pièce ce quil restait de ton costume ; je tai trouvé trop maigre, mais avec le plus beau cul que la Terre nait jamais porté.
Il était onze heures, nous étions vendredi, et ta grasse matinée hebdomadaire avait fondu à nos draps sans que nous les froissions ; nous dormions.
Qui es-tu, Faust, pour chasser les chimères ?
Comment as tu franchi les frontières de mon Tartare et semé la paix à ta simple peau ?
Quand tes-tu permis dapprendre les langages de mes monstres et de les figer à leurs tanières aux notes de ta présence?
Je possède peu de choses et aujourdhui, à lempreinte encore fraiche dune nouvelle nuit à ta peau, dun vendredi de sel, je veux. Je veux ton corps abandonné à portée de mes mains, tes yeux ensommeillés à lappétit de mes réveils et ton souffle en guise de berceuse ; je te veux dans mon lit, à mes envies, au-dessus des cohortes de mes mauvaises heures, et si lune perce un jour tes frontières, si lune passe au filet de tes attrapes-bleus, il faudra que tu la chasses à tes bras, la dissolves à tes mots engourdis dun sommeil éraflé.
Il ny a pas que toi qui crève de nos solitudes. Il y a moi aussi, et mes certitudes.
Viens , approche, aujourdhui, encore fébrile de nos carences, je te répète ce que je tai confié hier. Je veux des nuits fauves, communes, blanches ; nous y ferons pousser des fleurs, des arbres, et même des oiseaux. Nous couronnerons de rêves des nuées détourneaux, nous ferons grandir des volières d"Ainsi soit-il" et nous incendierons à lombre des futaies de ces Nous, timides, malhabiles, qui nexistent quaux silences de nos regards.
Orléans ma donné le gout de la guerre, ton absence celui de ta conquête, mais à peine mes doigts se sont-ils posés au bâton de Saint Front, que tu my as agenouillé dune leçon : avant même de chercher à te conquérir, cest moi que je dois vaincre. Tu mas déjà rendu les armes une fois devant les portes dun hôtel parisien, accorde-moi daiguiser celles que je présente à Vésone.
Dors avec moi, Faust. Demain, et les jours qui suivront. Dors avec moi, Mijn Gek * , et je te promets nos plus belles batailles ; nous y saignerions, nous y jouirons, tu méventreras lorgueil et jécorcherai tes craintes. Parfois, de mauvaise volonté, je découcherai, dautres fois, fâché, tu my laisseras au silence, ainsi, jamais nous ne nous lasserons, mais le reste du temps, repus, exsangues, le ventre encore blanc de nos extases, nous nous y réfugierons, moi, le nez dans tes cheveux, toi tes doigts noués aux miens.
Nous avons à nous dire des choses et cest au langage galvaudé des Hommes quil faudra sy employer. Je veux tout savoir de Rome, de ton bourreau, de tes cernes ; je te raconterai la route, ses retrouvailles et cette fois où ta sur a bien failli me casser le nez.
Lun des oreillers porte ton odeur, je pourrais y rester toute la journée ; ne me reste quà attendre ce soir.
Alphonse.
* Mon Fou
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