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[RP] Royalistes VS Angevins ACTE II

Shawie
- L'Occitrogne -



Ils étaient retranchés à couvert dans un fossé et ils avaient en face les remparts. Brusquement elle vu une section complète sortir des tranchées, toutes armes levées. Aussitôt, la voila qui remonte en haut du fossé avec une confiance toute relative. Les Angevins se sont approchés à quelques dizaines de mètres du petit groupe planqué et brusquement se sont mis à attaquer : elle a aussitôt pris un coup de poing et se retrouve à dévaler le talus jusqu'au bas du fossé. Au sol, son regard se perd dans le champs de bataille qui tourne en drame. Elle a l'impression de voir tous les amis du feu de camps tomber un à un à côté d'elle. L'Espagnole reste au sol un instant, reprenant son souffle dans la puanteur ambiante.


Princesse ?


Fermant les yeux puis les re-ouvrant, dure réalité que de voir quelqu'un de connus tomber juste à côté d'elle. Pas n'importe qui en plus. Elle grogna intérieurement et se releva, esquivant quelques coups, elle rangea son épée d'un coup sec, prenant garde qu'on ne l'attaque pas à ce moment précis.


Prim, nom dé dieu.


"Elle est morte, c'est sur elle est morte. Putain, elle est morte." Dans le fracas ambiant, impuissante et dépassée par les événements, la seule chose qu'elle trouva à faire, c'est de retirer un de ses propres bas pour faire pression sur la blessure Princière.

Comment une personne si frêle et si maigre avait la force de soulever une épée, vraiment comment ? N'y aurait il personne avec du cran pour lui interdire de venir combattre ? Et Prim ici, c'était le comble aussi. Si elle ne se cassait pas un ongle sur un godet, c'était merveilleux. Quelqu'un qui a peur des chats, n'a rien à foutre dans une guerre !



C'pas aujourd'hui qué vous allez claquer.
_________________
Don.
[Et bim, un troisième.]

Il veille sur elle ? Foutaises.
Voilà déjà trois fois qu'elle tue, et lui, que devient-il ? Sans qu'elle ne puisse le voir, il lui est possible de s'imaginer capable d'affronter seule ses démons. Il a les siens après tout, il lui a bien fait comprendre, alors qu'il ne piétine pas ceux qui lui accordent attention.
Il n'est pas là, c'est conseillé de s'en persuader et c'est ainsi qu'elle parvient à tuer.

Ce soir, encore. Elle tuera donc.
Elle tuera pour exprimer la haine qu'elle éprouve depuis son départ pour sa mère principalement, pour tout ceux qui lui ont fait du mal, de son sang ou non.
La Bretagne entière restera le principal moteur du déchaînement de ce désespoir.
Qu'ils crèvent tous, surtout s'ils se battent pour les Angevins !
Car après tout, peu importent les actes, ils sont tous bons à être pardonnés, et si le contraire s'avère fatidique et bien elle en assumera les conséquences. Qu'ils se nomment Montfort, Kerdraon ou même Kerdren. Oui, même Kerdren. Depuis la veille, il a suffit d'une seule discussion, d'un seul rappel pour que tout revienne et lui donne le besoin d'oublier à nouveau.

Il le faudra, encore et encore.

_________________
Samsa
    "Il Elle y mettait du temps, du talent et du cœur,
    Ainsi passait sa vie au milieu de nos heures
    Et loin des beaux discours, des grandes théories
    A sa tâche chaque jour, on pouvait dire de lui d'elle :
    Il Elle changeait la vie"
    (Jean-Jacques Goldman - Il changeait la vie)



[Armée royaliste "Les Crocs du Basilic II"]



Nouvelle nuit, nouveau discours, nouvelle bataille.

Les troupes royalistes sont toujours là, furieuses mais patientes, elles sont rouille sur métal et le ronge petit à petit, lentement mais sûrement, avec férocité. La capitaine des Crocs du Basilic II enfourche Guerroyant avec l'aide de son écuyère Melwinn et les soldats se taisent. Tous ne l'écoutent sans doute pas mais ils respectent ce temps qui s'avère nécessaire pour certains, qui sauve des vies et en prend d'autres. La barbute sous le bras gauche et les rênes dans la main droite, Cerbère ne s'enflamme pas tout de suite. Ce soir, elle leur fera partager discrètement un peu de son vécu, elle leur insuflera un peu de son passé, elle ravivera le leur et ce sera leur force, leur rage meurtrière.
Le destrier bai caparaçonné de sables et d'azur se met au pas sur l'ordre des talons de sa cavalière et la voix aux intonations un peu graves de Samsa se fait entendre, porte et survole les têtes nues ou casqués.


-Royalistes pardi ! Fermez les yeux pardi. Fermez les yeux et pensez à votre femme, à votre époux, à votre soeur, frère, fils, fille pardi. Pensez à vos amis qui sont partis, ces êtres que vous avez aimé, que vous aimez té, tous ces sourires balayés par la stupide cupidité des angevins pardi. Rappelez-vous ces maisons en feu, ces terres fertiles vomissant le sang, votre sang té, ces hurlements d'horreur et de douleur qui hantent encore vos nuits pardi.
Volontaires venus du Sud, du Nord, de l'Est et de l'Ouest pardi ! Fermez les yeux aussi pardi. Vous avez peut-être connu la guerre aussi té, Renards, Fatum, indépendantistes arrivistes, intolérants belliqueux té, ces épées venues ravager vos contrées parce que vous ne pensiez pas pareil, parce que vous n'étiez pas d'accord, parce que vous gardiez stocké le fruit de votre travail pardi.


Il y a un passif entre Samsa et les angevins, l'histoire de quarante-deux stères de bois volées, celle d'une pénurie qui n'avait pû être comblée, d'une famine engendrée, des forges éteintes, des murailles prises d'assaut et de l'incapacité à défendre. Il y a le passif de Zyg, aussi, sa si chère cambraisienne que Samsa se promet de venger dans cette guerre; elle ne lâchera pas les angevins pour ces histoires mais pourtant, elle n'a rien contre les indépendantistes du type artésiens. La lettre écrite à une jeune rousse qu'elle a peut-être tué lui revient : éradiquer pour protéger. Dans un sens, c'est ce que tous ces soldats font et la Cerbère le leur rappelle.

-Soldats pardi ! Ouvrez les yeux té. Contemplez ces terres angevines, ces terres bandits, brûlées et ravagées pardi. Constatez ces corps étendus, ces vengeances faites té, ces bras qui ne tueront plus pardi. Pensez aux proches qu'il vous reste pardi, au fait qu'ils vivront toujours un peu plus en paix chaque fois que vous abattez votre lame pardi.
Aujourd'hui pardi, les angevins apprennent ce qu'ils vous ont fait subir pendant si longtemps pardi ! Ils apprennent l'impuissance, la perte, le chagrin té ! Demain pardi, après cette bataille té, ils sauront pardi !


La cavalière prend le trot et l'étendard sinople, comme à son habitude, se déploie un peu sous la vitesse. Il y a de la colère dans la voix de Samsa, mais aussi beaucoup de chagrin. La justice ne rend pas heureux, elle ne fait que procurer un sentiment de soulagement, quelque chose d'un peu à part. Samsa n'est pas vengeresse mais il lui plait de l'idée de savoir que la justice existe et que ce ne sont pas toujours les mêmes qui prennent; il était temps que ces brigands redescendent sur terre. Temps que leur gloire prenne fin et c'est ce que le petit galop de Guerroyant semble écraser.

-Nous prendrons Angers comme ils ont pris nos villes pardi, nous rierons d'eux avec la même ardeur qu'ils le faisaient quand nous pleurions nos morts pardi ! Ils se cacheront derrière leur orgueil té, derrière leurs insultes pardi, mais c'est parce qu'ils n'auront rien de plus à vous dire pardi, plus de panache à vous agiter sous le nez té.

Nous briserons les murs qu'ils pensaient indestructibles pardi, nous tuerons ceux qu'ils pensaient immortels té, nous écraserons ce qu'ils pensaient invincibles té, nous prendrons la ville qu'ils pensaient imprenable pardi !

CHARGEEEEEEEEEEEEEEEEEZ !



Nouvelle nuit, nouveau discours, nouvelle bataille.

Des corps tombent, des cris montent, des lames crissent et des boucliers se brisent. Les pertes des Basilic cette nuit ne seront que très négligeables, deux hommes.
Au matin, on apporte à la capitaine la nouvelle que l'armée bretonne est démantelée et vient au surlendemain celle que les étendards des autres armées ont été abaissés. Alors, ils ont choisi la capitulation.


-Ils n'ont jamais eu d'honneur, même pas dans leur mort pardi marmonne la Cerbère.

Un haussement d'épaule s'en suit car cela les regarde, c'est leur conscience qui s'en trouvera tourmentée, certainement pas celle de Samsa dont l'égo s'en satisfait largement. Un courrier lui parvient et la Prime Secrétaire Royale en reconnait très facilement le sceau marqué d'un écureuil et d'une devise bretonne dont elle ignore encore la signification. Elle a beau y réfléchir, elle ne voit pas ce que cela pourrait être; peut-être s'en fiche-t-elle, du moins aimerait-elle. Les doigts gantelés brisent la cire et le parchemin est déroulé.



Samsa,

On a blessé mes collants. L'homme en question se trouve dans vos rangs avec des cheveux noirs, une moustache fournie et un bouc du diable qui ne lui va pas du tout.
Contrairement aux précédentes blessures qui ont cicatrisé très vite, là je suis cloué au lit sans l'espoir d'en sortir avant deux grosses semaines d'après ce qu'on me dit. Je sais bien qu'en vous disant cela vous allez intensifier les assauts, profitant de l'absence de la bénédiction collantesque pour vaincre cet adversaire qui vous a tenu en haleine pendant deux mois. M'en veux-tu vraiment de les avoir rejoint ?

Hier, j'ai acheté une cane pour voir du haut des remparts les combats se rapprochant d'Angers. Je pense t'y avoir vu déchainant ta fougue sur tes fidèles ennemis. Cela semblait superbe même si je ne pouvais m'ôter de l'esprit que tu étais en proie au danger sans que je ne puisse rien y faire. C'est la guerre. Quand bien même, dans ta solide armure, armée jusqu'au dent et virevoltant au milieu de la foule que peut-il t'arriver ? Sinon un coup qui passe trop près et caresse sur le fil du rasoir une mèche de cheveux impertinente avant de supporter ta rage de vaincre.

J'espère que les assauts prendront bientôt fin et que nous nous reverrons. Au moins as-tu tenu ta promesse d'entrer à Angers qu'une fois qu'elle aura été conquise. Mais tout de même, je m'inquiète des répercussions qu'aura une telle résistance sur la population restante. Car la guerre se prolonge au delà des batailles où l'horreur peut encore apparaître. Espérons que cela ne soit pas le cas. Me le promets-tu ?

Avec de belles pensées,
Ton Demi.

P.-S. : Ma devise bretonne veut dire "Jusqu'où ne montera-t-il pas ?". Et oui j'ai pris du temps à te répondre. J'en suis désolé.


La capitaine soupire légèrement, détournant le regard au loin et triturant la lettre. Elle s'était bien entendue avec Tiernvaël, elle lui avait même proposé d'être son roi consort quand elle serait reine. Mais ça, c'était avant qu'elle ne sache qu'il était bretangevin, qu'il allait la tromper en s'inventant des prétextes pour aller à Angers. Et dire qu'elle l'y avait aidé ! Elle l'avait lu se vanter dans leurs précédents échanges mais dans cette lettre, elle lit l'acceptation de la défaite et puis son égo se trouve soigneusement brossé. Alors, elle pardonnera.
Plume est prise et réponse est faite, parfaitement assurée.




Tiern,

Je suis désolée que tu fus blessé, quand bien même je sais que toi aussi, tu as fait parlé de toi en nos rangs. Je suis contente que tu n'ai pas eu la brillante idée de venir me montrer ta légende car c'est moi que tu aurais traité de sorcière plutôt que bouc du diable.

Je ne t'en veux pas de les avoir rejoint car tu n'es pas le seul en ces remparts que j'affectionne mais je t'en veux de m'avoir menti et de m'avoir demandé mon aide pour cette entreprise de rejoindre Angers. Cependant, te voilà revenu à la raison alors je te pardonne.

Je sais que les étendards angevins et bretons ont été abaissé; quelle tristesse de capituler ainsi. Nous qui avons toujours combattu jusqu'au bout ! C'est là donner bâton pour se faire battre. Nous passons présentement Noël à Saumur, entre nous. Des crieurs publics tentent de nous ridiculiser avec des "mdr -sais-tu ce que cela veut dire ?-, 7 armées et 23 assauts ratés, allez on vous laisse visiter lol -encore un mot bizarre-" mais nous au moins ne sommes pas repartis la queue entre les jambes comme eux au dernier échec à prendre la Touraine. La notion de perspicacité et de détermination semble être différente d'une frontière à l'autre. Tout comme celle de victoire d'ailleurs, car à à vaincre sans périls, on triomphe sans gloire; que penses-tu de cette devise pour l'Anjou ? A force de le répéter, peut-être comprendrait-elle le principe. Je rêve d'un adversaire comme l'Anjou avec l'honneur en plus ! Mais cela semble équivalent au rêve de marcher sur la Lune. Bah... ! Qu'importe, nous attendons sagement le prochain assaut et Angers sera notre cadeau à tous.
Avec Axelle, l'ancienne prévôt de Paris, nous avons prévu d'ouvrir une taverne dont je garde encore le nom secret; il ne sera pas dit que je ne marquerai pas mon retour en Anjou d'une pierre blanche !

Soigne-toi, mon Tiers. Nous nous reverrons bientôt mais fais attention à toi car si des angevins combattent dans nos rangs sans que cela ne nous fasse grogner, je sais que cela sera différent pour toi si on constate ton amitié avec une royaliste, plus encore la Prime Secrétaire Royale et Capitaine des Crocs du Basilic II. Ça m'ennuierait beaucoup qu'on transforme l'Écureuil en écharpe à fourrure, qu'on donne comme réponse à ta devise "le cou de l'Archiduchesse".

Amicalement,

Samsa
Dicte Cerbère

_________________
Tiernvael.de.kerdren

      En aucun cas, la guerre n'est un but par elle-même.
      On ne se bat jamais, paradoxalement, que pour engendrer la paix, une certaine forme de paix.

        De la Guerre, Clausewitz.


    Angers. A l'intérieur de l'appartement tiernvaëlien se trouvait plus d'excitation pour l'avenir entre autre que de la peine éprouvée par l'échec militaire. De nombreuses lettres lui indiquaient qu'il serait forcément joyeux vu le monde qui allait se retrouver à Angers, cela se troquait bien avec une Satyne fuyante au beau milieu de la nuit. Et de se retrouver avec une chausse sur les bras. Enfin pas à proprement parlé hein, elles sont sales d'avoir battu la boue plus que les soldats du Lys. Samsa avait pourtant prévenu. Peu importe, ce n'était plus le temps d'avoir de l'amertume. La page devait être tournée : les armées avaient été démantelées. Le monde et son avenir leur appartenaient donc. Un peu plus en état d'écrire, il rédigea cette fois sur un vélin nettement plus classe - celle à l'Angevine, tu connais ? - que la feuille de chou qui l'avait rendue amicale.


    Citation:

      Tiernvaël de Kerdren
      10, rue des Chevaliers
      Angers - ANJOU



    A l'attention de la Prime Secrétaire Royale,
    Camp royaliste
    Sur la route d'Angers - ANJOU



        Samchat,


      J'ai fait parler de moi dans vos rangs ? Qui ? Quoi ? Pourquoi ? Mais enfin ! C'est donc pour ça que vous fonciez tous sur moi. Toi ? Une sorcière ? Dans ce cas tu aurais deviné mes plans depuis le départ. Tu n'aurais été que plus impitoyable sur le champs de bataille et cela ne m'aurait pas étonné à vrai dire. Tu n'es pas cheffe d'armée pour rien.

      Tu me pardonnes. J'apprécie ! C'est que, vois-tu, je n'avais pas le choix. En revanche, je n'apprécie pas que tu rabaisses l'Anjou d'arrêter la guerre ainsi. A quoi bon continuer le massacre ? Combien de victimes aurais-tu du faire pour que l'honneur soit sauf sans paires d'épaules pour le porter ? Il y a déjà trop de blessés dans les rues. La maladie gagne la ville et une nuit de plus vous aurait fait entrer dans une ville déserte. Un silence de mort étreignant ton cœur anti-angevin. Ne me fait pas passer d'adversaire à ennemi dans ton esprit. Tu discutes l'honneur angevin et pourtant tu devrais te réjouir de la résistance vigoureuse qui l'a poussée à tenir autant d'assauts vigoureux. Y avait-il si peu de périls quand on est deux fois moins nombreux ? Je trouverais malheureux qu'on se moque de la mémoire de cette longue bataille. Je m'y sentirais atteint pour y avoir participé vigoureusement ...

      La haine que tu éprouves ne doit te servir qu'à frapper plus fort et donner des coups plus justes. Là, tout est fini. J'espère donc qu'elle s'amenuisera. Je ne veux pas qu'elle aveugle ton esprit. Il y a des gens biens ici. Des personnes qui ne méritent pas de mourir et encore moins ton dédains. Rappelle toi comme tu m'appréciais avant d'apprendre dans quel camp j'étais.

      Par ailleurs, je ne veux pas que ce combat entache notre relation. Je l'ai trouvée très joyeuse. Nous valons mieux que cela. Je me soigne. On me soigne, aussi d'ailleurs. Et tu sais, je peux très bien argumenter du côté angevin pour expliquer mes courriers car tu n'es pas la seule à laquelle j'écris. J'ai le droit de penser ce que je souhaite. J'ai combattu du côté angevin et l'Archiduchesse me connaît depuis tout petit, je l'imagine mal vouloir me garder en un tel souvenir. Sois sans crainte. On pourrait imaginer que la victoire royaliste vient du fait que je t'ai donné des informations ? Si on arrive à le prouver alors je serais jugé, ce ne sera pas la première erreur judiciaire. Je m'en remettrais de cette injustice. Mais ça ne sera pas sans avoir affirmé mes pensées sachant très bien que la guerre c'est bien plus que de la haine qui s'oppose, la plus pure négation de l'essence de l'autre. Nous avons aussi le droit d'être intelligent et de penser à des buts : ici, la paix.

      Ne soyez pas trop vilaines dans votre nom de taverne. Tu me manques.


        Ton Demi,
        Tiernvaël de Kerdren
        Betek pelec'h ne bigno ket ?*






    Zou.


* Jusqu'où ne montera-t-il pas ?
_________________
Ladyphoenix
[Au bout du téléphone, il y a votre voix
Et il y a des mots que je ne dirai pas.
Tous ces mots qui font peur quand ils ne font pas rire
Qui sont dans trop de films, de chansons et de livres.
Je voudrais vous les dire et je voudrais les vivre
Je ne le ferai pas, je veux, je ne peux pas.
Je suis seule à crever et je sais où vous êtes.
J'arrive, attendez-moi, nous allons nous connaître.
Préparez votre temps, pour vous j'ai tout le mien.
Je voudrais arriver, je reste, je me déteste.
Je n'arriverai pas, je veux, je ne peux pas.
Je devrais vous parler, je devrais arriver ou je devrais dormir.
J'ai peur que tu sois sourd, j'ai peur que tu sois lâche.
J'ai peur d'être indiscrète, je ne peux pas vous dire que je t'aime...
Peut-être.]*


[Camp angevin, évidemment.]


Angers, au soir du 30ème de décembre 1464, à l'aube d'une nouvelle année, la Miel est résolue à tourner sa vie vers une autre forme d'existence. Aussi, c'est dans le calme de son bureau qu'elle s'attable pour écrire à son ex-mari, sous la lueur d'une bougie.







Julien,


J’ai mis le temps, tu vois, mais je t’écris enfin. Sans doute toi n’attendais plus ma réponse, comme tu n’attendais plus rien de moi mais moi, à l’heure où la vie couve de nouveau sous ma peau d’un gamin sans père, encore un autre, j’ai besoin de t’écrire.

C’est bête, sans doute, et c’est malsain ; mais je pense souvent à toi quand bien même tu me hais. Cela fait des mois que j’ai perdu ma haine, moi, que je ne la nourris plus et que je laisse les bons souvenirs bercer ma mémoire de toi, de nous, de tout ce que nous avons su être, jadis. Naguère nous étions heureux, toi, moi et les enfants ; et je me suis enfuie au vent de la solitude. C’était un réflexe idiot et j’aurais dû rester, je le sais.

Je dois pourtant te dire que si tu crois que j’ai sali ton nom, il n’en est rien. J’ai toujours tu mon patronyme pour que mes activités professionnelles ne soient associées qu’à mon prénom et à lui seul, pour ne pas jeter l’opprobre peut-être sur ce en quoi toi, tu croyais encore. Oui, j’ai donné mon corps à d’autres, mais rarement mon cœur, et bien moins fort, bien moins pleinement qu’à toi. Et je sais que toi aussi, tu en as aimé d’autres, que toi aussi, tu as étreint d’autres corps que le mien, le temps d’un instant, d’une nuit, peut-être de quelques unes, juste un moment sans doute, et pourtant.

Pourtant jamais je ne me suis remariée, jamais n’y ai-je vraiment songé. Jamais jusqu’à il y a peu mon corps n’a-t-il voulu à nouveau porter la vie comme il avait porté il y a de cela des années, celle de tes enfants. Le sort a décidé que ma grossesse coïncide avec ton retour non loin de moi, ta silhouette à mon esprit, ton visage sous mes yeux. J’étais déjà grosse lorsque nous nous sommes presque entretués, et que ton regard m’a transpercée. Je n’aurais pas pu, même si je l’avais voulu, lever le bras pour abattre l’épée sur toi. Même sur elle… te voir m’a désarmée, et ce n’est pas si facile de m’ôter mes armes, à moi, pour les remplacer par des larmes.

Tu as raison lorsque tu dis que j’ai fait preuve de mauvaise foi, lorsque tu m’accuses d’avoir la mémoire perméable. Mais il y a des choses qui restent et qui ne m’ont jamais quittée, il est des choses gravées à ma mémoire que le temps et l’âge n’ont pas consenti à effacer de mon esprit. Le bruit que faisait ta bouche lorsque tu souriais au coucher, le velours de tes mains à ma peau, la douceur de ta voix. Tes mains, tes mots, tu vois… le regard énamouré que tu me lançais et que j’ai vu remplacé par celui du mépris à notre dernière rencontre. Je crois que c’est cela qui m’a fait perdre l’esprit et frapper ta compagne ; je t’ai vu la mirer comme tu me regardais, moi. A notre prime rencontre déjà, tu savais lire en moi, je pouvais lire en toi, et je sais bien que cette complicité que nous avons perdu, nous l’avons en partie retrouvée quand nous nous sommes vus : j’y ai lu ta haine et ton courroux, je n’ai plus vu que la barrière qu’il y avait entre nous, celle que je fais le geste d’ouvrir un peu ce soir.

Sans toute tirer la chevillette ne fera pas de ton côté cherrer la bobinette mais qu’importe. Quand je suis seule et que je peux inventer que tu es là tout près de moi, je peux m’imaginer tout bas une déclaration, ma déclaration**. Juste deux ou trois mots d’amour pour te parler de nous, pour te parler de paix. Je ne pourrais jamais te dire tout ça, j’aimerais tant mais je ne pourrai pas, je le crois, parce que tu ne me laisseras pas faire. Néanmoins, moi, j’aimerais te revoir. J’ai imaginé des tas de fois ce qui avait pu arriver aux enfants, jusqu’à fantasmer peut-être un enfanticide, tout en rejetant cette idée. Maintenant que je sais ce qu’il est advenu d’eux, mon esprit est en paix et l’enfant que je porte et dont j’assumerai et assurerai l’existence a décidé de croître et de se faire visible à mon corps, quand il était si discret avant cela, comme pour taire qu’il était bel et bien là. J’ai un fils adoptif aussi. C’est un gaillard un peu malicieux qui m’aide à ne pas être la seule personne odieuse que tu as cru voir en moi à la lumière de combats nocturnes.

Il te faudra bien tôt ou tard reconsidérer le fait que je ne suis peut-être pas cette femme monstre que ton imagination a forgée. J’aimerais que nous nous rencontrions pour parler, tous les deux. Même une minute, rien qu’une petite minute. Le temps pour nos âmes de se libérer d’une colère qui n’a plus lieu d’être et qui ternit nos souvenirs.

Je fleuris la tombe de nos petits chaque fois que je passe en Bourgogne. Je ne les ai pas oubliés, et je ne t’ai pas oublié non plus. Toi et moi avons été mariés, nous avons connu le meilleur puis le pire. Est-ce que nous ne pourrions pas, maintenant, connaître le temps du pardon ? Juste un léger droit à l’oubli, à autre chose, peut-être.

Nous pouvons conserver le vous si tu le souhaites, mais sache, Monsieur, que je sais que je ne peux pas vous dire que je t’aime, peut-être*, mais qu’il en sera toujours ainsi.

Si tu crois un jour que tu m’aimes encore un peu pour ça, cours jusqu’à perdre haleine et viens me retrouver. Il faut que nous parlions.


Pense à moi,

Lady.




*Message personnel, M. Berger.
*Ma déclaration, M. Berger

_________________
Julien1


Votre grâce,

Ce n’est pas que je tienne particulièrement à ces formules ou titres, mais vous avez semblé, vous-même y tenir, signant votre précédant courrier, non pas de votre prénom, mais bien de votre nom, de votre titre.
Vous avez ainsi clos un courrier dont la teneur était bien différente de ce que je viens de lire. Y aurait-il en vous deux femmes ? Continuez-vous à vous jouer de moi ? La quelle des deux puis-je croire ? Comment voulez vous que je puisse avoir la moindre confiance en ces mots ? Comment voulez vous que je vois autre chose en vous que le monstre qui a déversé des monceaux d’horreurs cette fameuse nuit, juste pour me faire mal ? Vous souvenez vous seulement de la teneur de vos propos, de la portée de vos gestes ? Ah certes c’est la guerre, nous ne sommes plus dans le même camp. Etait-il nécessaire pour autant de chercher à me frapper, encore, et encore avec vos mots, de m’insulter, de m’humilier, de porter atteinte à ma loyauté ?
Vous avez cru apercevoir un regard qui ne vous était pas destiné ? Un geste tendre ?
Quand bien même, dois-je vous rappeler que je suis veuf ? Que notre union a été dissolue ?
Sachez Madame que je ne vous en aurais pas tenu rigueur si vous aviez tenté de me frapper de votre lame, en guerrière que vous dites être. Mais là, là…
Sachez Madame que ce jour là vous avez scellé quelque chose en moi. Non, pas de la haine. Vous avez simplement gravé en ma mémoire le visage que je garderai de vous. Celui que j’ai autrefois tenté d’oublier afin de ne garder que l’autre. Car je suis dorénavant convaincu que vous êtes double.
Alors je vous en conjure Madame, cessez de me chercher, ne m’envoyez plus votre gamin, charmant au demeurant, je ne souhaite plus faire le moindre pas vers vous.
Ne croyez pas que je vous fuis, nous nous croiserons sans doute un jour, mais fortuitement, sans mascarade, sans masque et là, peut être accepterai-je de vous écouter, vous regarder. Je ne me déroberai pas Madame, mais par pitié, s’il vous en reste, ne cherchez plus à provoquer cette entrevue, mon cœur est sec et pour de bon !

JdM.

_________________
Ninon_
Hôpital de campagne : Angers, à l'heure où les troupes royalistes pénètrent en nos murs.



La nation angevine ne peut-être libre sous la Royauté. Voilà ce que je pense lorsque je vois déferler une meute hurlante prenant possession de tavernes, en bâtissant d'autres, invectivant, cherchant à nous humilier en nous sommant de plier genou devant la reine...

Je suis sur ma paillasse, me remettant tant bien que mal du coup d'épée qui faillit m'être fatal. Eluh s'est beaucoup mieux remise que moi. Plus forte, plus aguerrie, moins docile que moi. Je somnole. M'arrive parfois de m'engourdir inopinément, réveillée seulement par les caresses des mots de mon épouse, sa façon crue de me dire de ne pas perdre courage...

Voilà où j'en suis lorsqu'un messager, me regardant outrageusement me tend une missive. Me jette une missive devrais-je dire...
Elle ne porte aucun sceau. Je me redresse sur ma couche, m'appuyant contre le mur et déplie le vélin.

Voilà qui n'est point banal. Mon ennemie m'adressant une lettre. J'avais donc bien vu, c'était la capitaine des Crocs du Basilic II qui m'avait pourfendue. Aurait-elle du remords ? Je ne sais quoi penser exactement. Que faire ? Répondre. Par politesse. Je réponds toujours aux courriers quels qu'ils soient.

Je me fais apporter de quoi écrire et réponds...




A Samsa,
Dicte Cerbère
Dame de Lansaq
Prime Secrétaire Royale
Capitaine des Crocs du Basilic II


Ma Dame,

Je vous avoue avoir été surprise de vous lire. Dois-je prendre votre missive comme une justification de m'avoir tranchée ? Un remords ? Quoi d'autre ?
Je comprends votre affect, et à vous lire vous avez agi comme j'ai agi moi-même, pour défendre celle que j'aime, parce que j'ai peur de me retrouver seule surtout et que sans elle je ne serai probablement peu de chose...

Je m'efforce de ne pas me plaindre, je serre les dents et tente de sauver la face. Mais puisque nous en sommes à nous expliquer, souffrez Ma Dame que je vous livre ici mes convictions profondes.

Je n'en veux pas à la Royaliste qui a failli ôter la vie de celle qui illumine la mienne, je ne vous en veux pas Ma Dame pour le coup d'épée qui aurait pu être sans espoir de survie. La guerre est la guerre, et chacun d'entre nous tue pour ne pas être tué, pour survivre, pour assurer ce qu'il croit être juste.
J'en veux au Royaume de France et à tous les moutons qui suivent sans réfléchir leurs leaders ou autres intellectuels frottés de belles lettres, brillants théoriciens de leurs crimes, car si les monarques existent c'est parce que les suiveurs leur ont rendu possible cette vie-là... Sans vous Ma Dame, point de Reyne.

Acceptez que je vous livre le fond de ma pensée. Les Royalistes n'ont qu'une seule devise : Étouffer les ennemis intérieurs de la Royauté ou périr avec elle. Beau principe il est vrai ! Or, dans la situation actuelle, la maxime de votre politique doit être qu'on conduit le peuple par la raison et les ennemis du peuple par la terreur.
Je vous vois d'ici sourire Ma Dame en pensant que nous avons, nous, angevins, la mémoire courte. Je vous vois vous empresser de noircir votre parchemin en notant que l'Anjou est l'hospice qui se fout de la charité, que nous avons commis bon nombre d'exactions dans le Maine, fouler les terres de la Touraine... allez donc mettre un pied dans le Maine, cette terre exsangue, vide de tout. Demandez à certains tourangeaux s'ils n'avaient pas certaines velléités d'indépendance.

La Royauté s'évertue à se présenter comme "l'Amie du Peuple", un défenseur de la Liberté alors qu'elle se contente de célébrer le concept de "peuple" pour mieux le mépriser, auquel elle ne se mêle jamais par dégoût de la vérité concrète. Qui prête allégeance à la Reyne ? Les Comtes et Ducs de régions royalistes au nom du peuple !!! Avez-vous demandé l'avis du peuple ?

Vous venez d'entrer dans nos murs au prix d'efforts surhumains. N'en tirez aucune gloire, vous êtes trois fois plus nombreux que nous Ma Dame, et sans la trahison que nous avons subie et qui vous a bien servi, vous ne seriez. sans doute jamais rentrés en Anjou.

De plus, que dire de ceci :


Citation:
Les angevins veulent leur gouvernement ?
Alors :
Qu'ils plient genou devant la reine.
Que votre élue fasse allégeance.
Qu'ils reconnaissent publiquement leur défaite.
Qu'ils annoncent abandonner tout idée d'indépendance.
Qu'ils s'engagent à payer tous les frais de guerre.


Y croyez-vous sincèrement ? Aucun angevin digne de ce nom n'acceptera de baisser la tête devant la Reyne, aussi belle soit-elle. l'Anjou est une sublime germination. Sont réunies chez nous toutes les passions humaines, et si nous devons nous agenouiller, ce sera devant le sublime moral.
On parle beaucoup en ce moment dans les rues d'Angers. On parle partout. On invective, on injurie, le ton monte, on écrit, on se salit, on s'agite comme d'épouvantables pourceaux. Où tout cela nous mènera-t-il ? A une révolution Ma Dame, qui aura des conséquences fort fâcheuses dans les deux camps. Mais n'escomptez pas que l'Anjou plie et tourne casaque. La révolution n'est pas toujours là où on l'imagine. Ni le révolutionnaire là où on l'attend.

Que sommes-nous pour vous, qui n'avez de cesse depuis des années de nous faire plier ? Des intrigants, de misérables mauvais esprits, des êtres immoraux, de cruels persécuteurs du Maine et de la Touraine, des désolations de la Mère Patrie au mieux ! La Vôtre ! Qui n'est pas la Nôtre.
Or, qui sommes-nous exactement . Le contraire de ce que l'on vous avance. Nous empêchons les abus, nous opposons aux spoliations, défendons nos terres en instaurant des douanes, dénonçons l'avidité et l’impéritie du Royaume de France, conseillons les paysans, laissons libre cours à notre marché, luttons de toutes nos forces pour que l'Eglise Romaine reste à sa place et nous foute la paix, en bref, aspirons que tous soient égaux en bonheur et affirmons comme objectif politique : La félicité du plus grand nombre...

Je cesse ici Ma Dame, je n'oublie pas de vous remercier de vous être inquiétée - sans le dire ouvertement - de ma santé. Je terminerai par ces mots banals qui sont de circonstance en ces jours : Mes meilleurs voeux pour l'an à venir, et... s'il vous plaît, rentrez chez vous.


Ninon, Dame de Bellebranche

PS : Et oui, je suis très fière de porter ce titre que Sa Grâce Katina_choovansky. de Montmorency m'a honorée.


Il ne fut pas très compliqué de trouver un messager depuis que les troupes royalistes avaient pris possession de nos terres.

- Merci de porter ceci à la personne maîtresse de l'Armée Les crocs du Basilic II
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Ladyphoenix
[Camp angevin, toujours.]






Julien,

A lire ta lettre, je constate que tu t’enfermes dans l’idée que tu as de moi. J’ai signé ma première missive de mon titre, par habitude, par fierté mal placée, aussi, parce que j’étais blessée. Ne sais-tu pas que les vœux que l’on formule à l’autre, tous ces souhaits de bonheur après le départ ou la mort, ces « je veux que tu sois heureux et que tu refasses ta vie », c’est de l’hypocrisie pure et simple ? Je sais bien ne pas avoir le droit de dire que j’aurais voulu que ton cœur batte un peu plus vite de me voir, évidemment, je le sais. Je maudis le mien de chercher à te voir, moi-même, de tenter de prendre de tes nouvelles et d’essayer de savoir si quelqu’un t’a atteint, ou si tu es en bonne santé.

J’ai réagi à la constatation que tu aies pu m’oublier, et je sais pourtant que c’est malvenu, que je ne devrais pas penser ça, oui, mais j’en ai souffert, tout de même. Alors j’ai réagi comme je le fais à chaque fois que je suis heurtée : je me suis drapée de fierté, et j’ai ajouté du fiel à mes mots. Tu as raison, au final, lorsque tu dis que je suis double.

Quelque chose est mort en moi lorsque je suis partie, lorsque j’ai refermé la porte de notre vie commune et que j’ai dit adieu à ce que nous étions. Est-ce ma faute si dès lors, j’aurais voulu que ce ne soit qu’un « au revoir » ?! C'est toi qui fermes et verrouilles la lourde aujourd'hui, et je l'accepte. Je n'y viendrai plus toquer, si c'est ce que tu veux, mais... Mais quoique tu en dises, Julien, quoique l’église ait pu dire, je ne suis pas morte. Tu n’es pas veuf, tu es divorcé si tu veux, mais tu n’es pas veuf, quand bien même je serais morte à tes yeux. Ce serait d’ailleurs plus noble pour moi d’avoir péri ; peut-être alors ton esprit consentirait-il à déposer une fleur, même des champs, à la tombe de ce que tu as pu éprouver pour moi naguère.

Je note que tu ne veux plus faire de pas vers moi, et que tu ne veux plus que j’en fasse vers toi. Je trouve que c’est pitié, mais je crois que je le comprends. J’avais le souvenir d’un homme tenace et ferme dans ses opinions ; tu ne le déments pas, quand bien même j’avais aussi en mémoire que tu étais un homme bon.

Tu me refuses le pardon que je rechignais à quémander. Je vais tenter de m’y faire, et te souhaite, finalement, une merveilleuse seconde vie. Tu vois, au final, ce n’est pas si hypocrite : on peut rêver du bonheur de celui que l’on quitte. Ne t’insurges pas de ces derniers mots là. Je ne parle pas de rupture, je parle de te laisser en paix. Prends bien soin de toi et de ce cœur que tu dis sec ; je l’ai vu battre à nouveau de moi, il y a de cela des années, je sais que parfois, une petite pluie de bonheur sait y refaire germer les graines d’un renouveau, même temporaire.

Pardonne-moi encore de ne signer que de mon prénom. J’ai su déposer les armes pour te livrer mes pensées ; permets-moi de déposer aussi la couronne.

Ladyphoenix.

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Samsa
    "Lorsque tu te bats toute ta vie,
    Que tu t'efforces de bien faire les choses,
    C'est comme quand un super-héros apprend à voler."*


[Armée "Crocs du Basilic II" - Angers]


Le silence régnait sur les marais et les plaines où royalistes et angevins s'affrontaient il y a encore quelques jours. Par terre, il restait des morceaux d'équipements, de corps, les corbeaux volaient autour de leurs repas en croassant sinistrement. Ils déchiraient les chairs mortes voire putrides de leur bec comme s'il s'agissait de lames émoussées contre du papier. Les angevins avaient déserté leur position défensive, quelques couleurs de bataillon restaient encore accrochées ou peintes de ci de là et Samsa regardait l'étalage morbide d'une stratégie insuffisante. Les armées royalistes se frayaient un chemin à travers ce décor pour gagner les murailles d'Angers. Certains soldats chantaient, d'autres riaient, d'autres encore restaient silencieux ou parlaient un peu à voix basse, comme craignant de troubler le repos des morts. La capitaine des Crocs du Basilic II, juchée sur son Cleveland Bay au doux nom de Guerroyant, ne pipait mot, consciente que quelque part dans son esprit, une forme de vengeance venait de s'accomplir, ou commençait simplement. Les royalistes installèrent leurs campements autour de la capitale angevine, annonçant le début d'un siège auquel Samsa ne croyait pas.

Elle savait, elle, qu'il n'y aurait plus de combats.

La nuit qui suivie fut paisible, les royalistes ignorant le piège angevin qui les attendait et ces derniers étant dans la même situation pour celui des royalistes, une poignée de royalistes hauts-placés. Alors que Samsa était déjà Prime Secrétaire Royale sous le règne de feue Sa Majesté Zelha Ière, sa diplomatie avait permis de relancer les négociations entre la France et l'Empire, allant même jusqu'à faire retarder la prise de Reims d'une nuit. On ne commandait pas, indirectement, six armées impériales sans un minimum de talent diplomatique. Aujourd'hui encore, la Prime Secrétaire Royale réitérait son exploit et jamais personne ne le saurait, probablement. Étonnant comme la brillante Cerbère aimant la gloire et la lumière savait se contenter des exploits cachés de l'ombre.

Comme elle l'avait prédit, il n'y eu plus de combats.

L'armée à l'étendard vert des Crocs du Basilic II s'avança la première dans Angers, Samsa à sa tête. Digne et droite, elle dégageait un air fier qui lui était caractéristique mais aucun orgueil ne transpirait. Son panache renvoyait l'image vraie d'une femme à l'âme noble et juste, quand bien même elle avait ses parts d'ombres et de vices. Pas préparés à voir une armée entrer chez eux si vite, le piège angevin visant à détruire subtilement et par surprise l'armée de tête échoua. La Cerbère réquisitionna un bâtiment abandonné à l'entrée de la ville et en fit une taverne commémorative au nom expressément explicite : "La Victoire Royaliste". Marque d'un passage comme eux avaient l'habitude de le faire en terrain tourangeau ou mainois. Elle avait ensuite investi la mairie sur ordre, chassant ainsi le maire nouvellement élu -le pauvre-. Longtemps, elle contempla le siège sans s'y assoir. Depuis combien de temps caressait-elle l'espoir vengeur de laminer les angevins ? Elle n'avait plus mis les pieds à Angers depuis des années, jurant que la prochaine fois qu'elle y viendrait, ce serait en victorieuse à l'issue d'une guerre. Aujourd'hui, ce rêve un peu fou était devenu réalité et Samsa se sentait perdue. Elle avait vengé Zyg des nonnes en en torturant une, et à présent, elle l'avait vengé des angevins en conquérant leur capitale. Qui l’eût cru ? Qui eût cru que cette roturière de naissance se hisserait seule à ce niveau ? Son ambition de devenir reine était-elle vraiment si folle, dès lors ?
Sur une pierre murale qu'on ne regardait jamais, Samsa y grava discrètement le signe de sa victoire, de la même façon que sa main gauche était marquée d'une scarification. Ainsi, la pointe de son couteau glissa pour écrire "ZDC, 1459-1464" en petit, pas profond dans la pierre mais assez pour que le temps ne l'efface pas trop vite. "Zyg de Cambrai, je suis perdue. Depuis ta mort ce 16 mars 1459, j'avais poursuivi le but de la vengeance et de la haine. Et à présent que j'ai vaincu, que vais-je faire ? Contre quoi diriger ma colère et mon chagrin de t'avoir perdu ?".

Les angevins se révélèrent à la hauteur de leur réputation et cela ne surprit nullement Samsa. Elle les étudiait depuis tant d'années qu'elle s'attendait à l'expression moqueuse de leur égo blessé, de leur accès de colère et d'insultes et, préparée au moins en sachant qu'elle allait en essuyer, elle y faisait face avec constance et dignité, ce qu'elle pensait être la meilleure façon de faire. Pas vindicative, elle essayait de faire de son mieux avec la résistance angevine en fond; elle ne voulait pas laisser d'elle l'image d'une tyran bien conforme aux préjugés que les angevins avaient des royalistes, elle voulait changer les mentalités pour ne plus que ses proches souffrent de ce qui pousse sans cesse les angevins à la haine et à l'agressivité. Pas impressionnée par les piques angevines, la Bordelaise s'y prêtait, souriante, même avec parfois quelques éloquences. Elle parierait même se faire apprécier par quelques-uns. Pourtant, elle préférerait bien mieux ne pas perdre ceux qu'elle connaissait déjà. Maryah. Comment lui dire que c'est elle qui avait mené la machination royaliste, qu'elle avait usé de ce dont elle détestait être la victime dans une guerre, la ruse ? A demi-mots, elle lui avait signifié, craignant de perdre l'estime de son amie avec qui elle débattait bien souvent de liberté, de Couronne et d'indépendance. C'est Maryah qui lui avait appris le plus de choses, c'est avec elle que Samsa avait compris le raisonnement angevin, l'identité angevine, même si la partie hostile et pillarde lui échappait encore totalement. Il se présenta à Samsa une seconde opportunité de comprendre et d'expliquer son point de vue, en la personne de Ninon. Surprise, la Cerbère lu le pli anonyme quand fermé et inclina légèrement de la tête sur le côté tout en la penchant sensiblement en avant, réflexe lent et automatique quand elle éprouvait du respect pour quelqu'un la première fois. Paradoxalement, l'impitoyable Cerbère bornée à tuer à la guerre, à éradiquer toute espèce qu'elle qualifiait de nuisible, savait se soumettre complètement à n'importe qui si on gagnait son estime et son respect.

La Prime Secrétaire Royale prit de quoi écrire et rédigea longue missive.






A Ninon, Dame de Bellebranche,

Je m'attendais à ne pas recevoir de réponse, j'imaginais mon courrier traîné dans la boue publiquement, sali de crachats et de rires, brûlé comme une malheureuse feuille avec laquelle on se serait lassé de jouer.
Je m'attendais, en cas de miraculeuse réponse, à me faire traiter de tous les noms, de tous les surnoms les plus improbablement ridicules et insultants, me sommant de rentrer chez moi et d'apprendre la vie libre parce que moi, je suis aveugle et manipulée.

Au lieu de quoi, je reçois une réponse tout à fait polie et réfléchie, censée même. Je ne suis pas impressionnée car je sais que tous les angevins ne sont pas comme le portrait que j'ai dressé plus haut, mais je suis surprise. Agréablement. Peut-être cela vous est-il égal mais je l'écris tout de même.

Je suis consciente de ma condition, du fait que sans moi et d'autres, la royauté n'existerait pas. Comme votre idéal n'existerait pas sans d'autres pour le partager. J'ai fait le choix de rallier le camp qui prône l'unicité car c'est ainsi, Dame, que je crois que nous sommes les plus forts. N'ai-je pas raison puisque nous avons réussi à réunir jusqu'à 7 armées sous vos murs ? A nourrir tous nos soldats sans faillir, à les rééquiper toujours, ceci grâce aux dons de provinces vassales. "Dons", oui, j'écris bien cela et n'imaginez pas que la Couronne a fait quelconque pression ou menace pour en obtenir car cela se saurait; ici aussi, nous n'aimons pas avoir la main forcée. Je ne saurais cependant reconnaître que nous n'avons aucun mérite parce que nous étions plus nombreux car vos guérillas contre la Touraine et le Maine, vous les gagniez également de cette façon. Je salue en revanche, de bonne grâce, votre résistance.
Je connais le Maine, province plutôt déserte; je n'attribue ni mérite ni honneur à vos victoires sur elle. Je connais la Touraine également et je suis déjà plus encline à reconnaître la supériorité angevine durant ces batailles victorieuses pour vous, quand bien même nous en avons eu quelques-unes aussi.

Vous me citez, Dame, les manières répressives de la Couronne contre ceux qui ne la suivent pas. Je vous cite, en retour, l'Artois. L'Artois qui a le même combat que vous, celui de l'indépendance mais qui, contrairement aux angevins, ne s'amuse pas à piller matin et soir la Normandie, les Flandres ou la Champagne. Ils vivent leur vie en leurs frontières comme vous vivez la votre au quotidien et ils sont plus proche d'obtenir de la Couronne le respect et la reconnaissance d'indépendance que vous. A titre personnel, peut-être vous en fichez-vous d'être reconnue par nous comme province indépendante, pourtant c'est la bannière que vous portez. Bannière optimiste, car c'est sans compter celle de ceux qui ne veulent que s'enrichir chez nous et qui profitent de votre combat un peu plus profond pour assouvir des pulsions malsaines et destructrices.

Vous avez raison, Dame : qui sommes-nous pour lever nos armées contre vous parce que vous pensez différemment ? Qui sommes-nous pour juger de votre liberté de penser et d'agir chez vous ? Personne. Nous ne sommes qu'une alliance, une grande alliance qui a ses avantages et ses inconvénients, ses réussites et ses échecs, ses bons et ses truands.
Et vous, Dame : qui êtes-vous pour lever vos armées contre nous parce nous pensons différemment de vous ? Qui êtes-vous pour juger de notre liberté de penser et d'agir chez nous ? Personne non plus.
Il y a chez les royalistes des moutons, des idiots, des mécréants, des ambitieux sans vergognes, je les vois, ils m'exaspèrent. Il y en a qui ont levé épée contre vous. Mais, pitié, Dame, ne salissez pas le bel esprit que je devine sous vos mots; n'ayez pas la naïve et innocente pensée que vous n'en avez pas non plus. Il est juste cependant de dire que nous en avons plus. Normal, nous sommes plus nombreux !

Concernant la récente prise d'Angers, nous l'aurions prise tout de même, et au prix de combien d'autres morts encore ? Mais je m'excuse de ces mots car il est facile de raisonner ainsi quand on est pas concerné par la trahison. Dans une guerre, il n'y a pas que la force physique et le nombre qui compte : l'humain en est la clé et, pour cette fois comme pour d'autres, vous l'avez mal géré. Nous avons eu nos lots de trahison aussi, rassurez-vous, les royalistes n'en sont pas épargnés. Preuve qu'il n'existe pas que des moutons, pas vrai ?
Quant à la lettre du Connétable qui circule, ces mots que vous m'avez envoyé, je ne devrais pas l'écrire, Dame, mais j'ai hésité entre rire ou pleurer de désespoir. Je connais les angevins depuis des années, j'ai assez débattu avec eux pour connaître leur façon de penser et leurs idéaux, je continue aujourd'hui d'apprendre et de comprendre, et ces mots n'avaient aucune chance de faire ployer le peuple que vous êtes. Ni personne sans doute ! Je n'ignore pas, Dame, que jamais sans doute l'Anjou retournera dans le giron de la Couronne -et via nos dirigeants, ça ne compte pas, bien sûr-. Quand bien même un Duc angevin royaliste prêterait soudainement allégeance à la Reine, je sais que cela n'aurait aucune valeur pour le peuple qui s'empresserait sans doute de le démettre.
Parlant de peuple, si les Ducs et les Comtes sont seuls à faire hommage à la Reine, sachez qu'ils sont élus par le peuple et que j'ai bras de cas où un Duc/Comte dit royaliste se faisait huer par son peuple s'il prêtait allégeance à autre cause que celle de la Couronne. Cela vous surprend-t-il de savoir que cette logique marche dans les deux sens ?
Du reste, Dame, saluez la position géographique de votre duché qui fut épargné par les tracas de la guerre contre l'Empire que nous avons connu. Quant à moi je ne saluerai pas vos excursions d'opportunité qui vous ont mené vers le château alençonnais. Un duché seul comme le Maine ou la Touraine ne vous résiste que difficilement, voire pas; l'Alençon, ç'aurait été autre chose si nous n'étions pas occupés à défendre à l'Est pour les ambitions d'une précédente reine. Oui, Dame, parfois, je guerroie pour des causes qui ne sont pas les miennes, pour des terres qui ne sont pas les miennes, et si je le fais, c'est parce que je sais que si la Champagne tombe, alors l'Orléans peut tomber à son tour et ainsi de suite. Je ne m'amuse pas à demander et à combattre pour l'annexion française de la Lorraine; je m'en fichais absolument, j'étais même sans doute contre, mais quand le vin est tiré, il faut le boire.
Nous subissons parfois les décisions de nos Souverains, comme vous subissez parfois celles de vos Ducs et Duchesses; c'est ce qui se passe quand quelqu'un que nous avons élu parle pour nous. C'est ce qui se passe dès qu'il y a une hiérarchie et au fond, la différence entre le système angevin et royal, n'est-ce pas la seule absence de roi ? Vous êtes comme un petit royaume, en soi; à toute échelle, c'est ainsi que cela fonctionne : un chef -ou une poignée- élu ou pas et des suiveurs.

La Couronne n'a pas tant d'honneur qu'elle le croit, mais vous non plus. Je sais qu'actuellement, ils voient plus gros que le ventre, ils pensent qu'une fois eux au pouvoir, l'Anjou sera soumise et obéissante. Moi je sais que cela ne marchera pas. Je ne suis pas venue combattre vos mœurs, vos idéaux, tant qu'ils restent pacifiques. Je ne suis pas venue me bercer d'illusions et de victoires temporaires. Je suis venue pour protéger les miens de vous, durablement, pas seulement maintenant parce que vous n'avez plus d'armées. Cet espoir ne vaut peut-être pas mieux que ceux de mes dirigeants, mais je le crois plus censé. Plus juste ?
Je ne crois pas en la loyauté angevine; je crois en sa paix. Ai-je tort ? Je pose la question avec honnêteté.

J'ai pris la tête de la mairie, comme vous l'avez sans doute constaté. Ce furent là mes ordres et je n'ai pas volonté à mal faire avec. Je ne vous cache pas que les angevins s'amusent de moi et de mon incapacité actuelle à répondre par exemple aux contrats de pêche, alors que je ne demande pas mieux, mais cela m'est égal. Ils se gaussent en pointant du doigt ce sur quoi je n'ai pas d'emprise, ils le savent mais je l'accepte en souriant. Je me prête à leur jeu, à celui que vous me ferez jouer peut-être aussi si nous venons à nous croiser en taverne. Peut-être repartirais-je d'Angers avec de nouvelles amicales connaissances !

La victoire royaliste ne serait pas là. Mais la mienne, si.

Je n'ai pas vocation à rester en vos murs éternellement, ni moi ni les miens. Comme vous n'êtes pas chez vous chez nous, nous ne sommes pas chez nous chez vous. Je rentrerai, Dame, c'est une promesse que je vous fais. J'espère laisser derrière moi l'image de quelqu'un qui a voulu bien faire et qui, conformément à ses valeurs de Cerbère, a cherché à protéger plutôt qu'à écraser.

Bonne année à vous, Ninon, Dame de Bellebranche. Puisse-t-elle être synonyme de liberté, de vie et de paix pour vous.

Samsa
Dicte Cerbère
Dame de Lansaq
Prime Secrétaire Royale
Capitaine des Crocs du Basilic II
Mairesse non-élue d'Angers


La lettre fut relue et tendue à un messager royaliste, ceux angevins refusant bien sûr de livrer les missives des intrus. Cerbère le regarda s'éloigner, songeuse, et retourna au bureau qui n'était pas le sien pour répondre, encore et toujours, qu'il n'y avait pas de barques à prêter. "Retire-le" lui avait-on dit, mais la royaliste refusait de changer cela, jugeant n'en avoir pas le droit légitime. Un comble pour celle qui prend la mairie de force ? Et pourtant, elle avait plus de valeurs et de principes que cet acte ordonné le laissait penser. On lui avait donné un pouvoir et elle n'en abuserait pas; consciencieuse, elle tâcherait de mener à bien la mission confiée.


* = paroles traduites de The Script - Superheroes

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Estainoise
ailleurs comme toujours....

La pacifiste Estainoise mais angevine néanmoins ruminait...
En ce début d'année, elle n'avait aucune bonne nouvelle, si ce n'est que ses quelques amis étaient à ses cotés.

Ses amis? Quelques uns étaient angevins et bien d'autres venaient de contrées royalistes.
Et alors?
Tous n'en avaient rien à foutre de ces pouvoirs....ils voulaient juste vivre leur vie, simplement...

Mais voilà, être angevin était un crime et être ami d'un angevin était aussi un crime.

Elle regarde encore ce courrier de menace envoyé par ce simeon charles qu'elle ne connait pas mais qu'elle sait avoir aider à sa manière pendant la guerre des deux siciles.....Lui semble avoir tout oublié.....Tant pis, ce sera pas la première fois qu'un royaliste oublie ses services.
Et de savoir qu'elle avait eu l'autorisation de venir jusqu'à saumur, chez elle, elle en était surprise car elle n'avait jamais été au courant de cette autorisation.
C'est drôle par contre, de se rendre à Angers et surement la sentir capable de nourrir tout l'Anjou qui n'en avait pas besoin...lui était interdit.
Haha....Esta rit jaune

D'où cette lettre de menace....

Citation:
De Simeon.charles de Saint Just Date d'envoi Le 28 Décembre 1464 à 14h19
Objet Non autorisée Expire le 15 Janvier 2017 Estainoise,

Nous vous avons autorisée à aller à Saumur pour prendre vos affaires, mais ce jour vous êtes à Angers.

C'est donc à vis risques et périls, par voie de terre ou voie de mer.



Siméon




et comme cette annonce de l'amirauté royale écrite par cette Tanissa, cette Tanissa qui va surement donner l'ordre de couler les navires de ses amis qui sont venus l'aider,puisqu'il y a cette annonce qu'elle a pu lire.....

Tanissa a écrit:




De Nous, Tanissa Maria Agata Aleramica Imperiali des Francavilla, Amiral de France, Comtesse de Saint-clair-sur-Epte, Dame de Trégastel, de Caudeval et de Cagnac

À tous ceux qui liront ou se feront lire,

Salutations !

C'est avec joie que ce jour Nous prenons la plume pour féliciter, au nom de la Royale, les forces armées de France pour la victoire emportée sur l'Anjou.

Chapeau bas au Connétable, aux Généraux des armées et à tous les soldats qui avec brio ont fait baisser la tête à ce poulet qui se croyait un coq.

Nous profitons de l'occasion pour rappeler aux navigants, que tous navires qui ont accosté, accosteront ou partent des ports angevins sans Notre autorisation, seront susceptibles d'être coulés à vue.

Nous prions donc, pour ne pas qu'ils versent de larmes ensuite, tous les capitaines qui sont en faute de Nous contacter dans les plus bref délai, au fin de clarifier leur position.

Fait dans les Bureaux de l’Amirauté de France, ce 29 décembre 1464.


Maria Agata Aleramica Imperiali

Amiral de France




Esta a peur pour son ami qui est venue la chercher....

Alors, un soir, en taverne, ailleurs...et d'ailleurs en Poitou...en ce début d'année....elle regarde ses amis....
Les royalistes aiment semer le chaos..héhé y'a pas que les angevins à ce que je vois...et me suivre et m'aider est dangereux....
Je pense qu'ils veulent juste que je n'existe plus....et en ce début d'année, je vais commencer à préparer ma mort et me faire à l'idée de renoncer à ce monde pourri
.

voilà, c'est dit, c'est lâché...Esta a le moral en berne en ce début d'année.....

Je vous souhaite cependant une bonne année à vous et j'aimerais avoir fiston, mon Rey, avant que je rejoigne deos et surement mon époux ...un petit fils...ou petite fille d'ailleurs....
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Ninon_
Il devrait y avoir à la fin de chaque vie, une fois que les interdits qui ont étouffé votre jeunesse sont dépassés, quelques années de printemps gagné.

Marguerite Duras



[Peu de temps après notre sortie de l'hôpital de campagne...]



Angers a une vilaine couleur grise tubarde lorsque je parviens sur le petit port de la ville après avoir regardé partir Eluh. Comme un fait exprès, juste après Noël, une couillerie s’est invitée sur sa plaie lors des derniers combats. Obligation de se faire soigner chez les moines.

Et voilà.
Quinze jours sans elle.
J’ai serré ma petite femme sur mon cœur pour sentir battre le sien.
Je n’ai rien dit.
Il n’y avait rien à dire.
Elle est partie.
Je l’ai regardée partir.

Un souvenir me traverse l’esprit en regardant au loin la charrette qui emmène loin de moi la femme que j’aime… je me souviens d’un taureau qui ne voulait pas mourir, à l’époque où, enfant, je travaillais pour un métayer. Fallait tuer la bête, alors le maître des lieux avait rassemblé les fermiers pour le larder de flèches et en finir.

Je revois ce taureau noir, écumant, percé de toutes parts, hérissé de flèches. Le métayer lui avait enfoncé son épée dans son épais comme une cuirasse.
J’ai haï cet homme, ai labouré son torse de mes petits poings en chialant alors qu’il tentait de lui planter sa lame dans le cerveau, acclamé par une foule hurlante. L’animal, transcendé par son agonie méprisante, s’obstinait à rester campé sur ses pattes. Il refusait moins sa mort que la « victoire » honteuse du triste sire affolé et tremblant par ses honteuses maladresses…

En cet instant je m’identifie à ce taureau blessé. C’est moi qui suis à l’agonie dodelinante. Moi qui titube, soûlée de chagrin. Mais personne ne m’acclame. Au contraire, un silence me condamne.

Comment fait-on pour continuer sa vie sans la personne qui la partage ? Jamais nous n’avons été séparées. Comment fait-on pour continuer sa vie après une telle estocade ?

Un léger réconfort. Charlotte la Danoise, la Surdouée de la race canine. Elle n’est pas sortie des vapes encore et renifle partout. Elle a l’âme en peine elle aussi, la truffe survoltée. Les deux chiots, danois également – oui parce qu’il faut que je vous dise, sans nous concerter, Eluh et moi nous nous sommes offerts mutuellement un chiot danois. Stupeur et rigolade en ce jour de Noël. Trois danois et deux jeunes femmes ! La vie ne sera pas un long fleuve tranquille – ne mouftent pas. Du reste, dès qu’un des deux loustics s’avise de s’écarter du droit chemin, suffit d’un grondement de la mère Charlotte pour que les deux lascars se mettent en file indienne comme les canards.

Plus je m’approche de l’eau plus je la trouve vénéneuse d’aspect. Cette fin de journée est plus triste qu’une foule de pauvres hères faisant la queue devant le château pour réclamer du pain à prix raisonnable. Il y a du gris partout. Le soleil couchant lui-même semble vide et éteint. Il doit en avoir marre d’éclairer ce monde à la gomme. Et je le comprends.
Le soleil préfère les petits oiseaux aux coups d’épée et il aime mieux fabriquer des fleurs que des asticots.

Je préfère rentrer. Me coucher avec cette vague odeur de « plus jamais ça » si navrante, si désenchantée, prendre un parchemin et lui écrire déjà. Lui roucouler, lui griffonner des mots tellement glands qu’un veau de trois mois en pleurerait…



***


Nous avons quitté l'hospice la veille de Noël pour reprendre quelques habitudes. Assise sur la chaise, je lisse sous mes doigts les éraflures laissées sur le bois par les griffes des chiots. Pendant quinze jours Eluh ne me réchauffera pas les genoux devant le feu de cheminée. Moi qui ai si froid.
Je passe en revue la liste des tâches que j'ai négligées involontairement ces derniers jours. Tiens, je n'ai pas répondu à la missive de mon bourreau compatissant. Une royaliste. Elle n'est pas agressive. C'est déjà ça. Ça change ! Marrant mais je trouve qu'elle a des remords de m'avoir frappée. Me compare-t-elle à cet enfant dont elle fait allusion et qu'elle use dans ses mots ?




A Ma Dame Samsa
Dicte Cerbère
Dame de Lansaq
Prime Secrétaire Royale
Capitaine des Crocs du Basilic II



Ma Dame,

Nous nous sommes lancées dans une relation épistolaire qui ne nous apportera pas grand chose sur les origines de nos alliances dans tel ou tel camp, puisque chacune d'entre nous reste et restera fidèle à nos propres convictions. Vous, près des monarques du Royaume de France qui se succèdent et dont je n'en doute pas resterez un fer de lance pour asseoir et assurer l'honneur de votre parti, et moi, pure angevine, mettant à disposition du Duché angevin mes compétences et mon dévouement.
Nous ne pourrons jamais nous convaincre sur ce point-là. Je l'ai bien compris, mais il ne me déplaît pas de me lancer dans une relation épistolaire entremêlée de joutes impitoyables sur quelque sujet qui vous semblera bon d'échanger en dehors des convictions politiques qui nous animent, puisque, comme expliqué ci-dessus, chacune de nous deux ne cédera une once de terrain.

Rien n'est plus étriqué qu'une cervelle humaine ne trouvez-vous pas ? Notre horizon imaginaire dépasse à peine celui de notre vue. L'Homme croit jouir de la liberté par la pensée, mais en réalité il n'existe aucune liberté de l'esprit. Le nôtre, que nous croyons générateur d'infini, ne possède pas plus d'autonomie que le rongeur enfermé dans une cage. Nos vagabondages mentaux sont dérisoirement mesquins puisque hermétiques à tout autre système de pensée à partir de l'instant où nous sommes certains d'avoir raison.

Que cette humble prise de position ne vous indispose pas. Ces misérables lignes ne sont qu'un jet de vapeur où je me suis égarée.

Votre première lettre a été un mystère pour moi. Je ne parviens toujours pas à comprendre votre initiative à m'écrire, et j'avoue ne pas être à la hauteur de la portée de vos mots ni ce que je peux vous apporter, moi qui ne suis ni belliqueuse ni une guerrière si ce n'est dans la force de ma fidélité pour ce qui m'est très cher.
Vous êtes exigeante Ma Dame dans vos phrases. Soyez clémente si nous devons poursuivre ces échanges. Ne me bousculez pas. Et j'ai bien peur qu'il vous faudra vous contenter d'une relation faite de bric et de broc suivant les aléas de la vie.

Je ne sais ce que je peux faire pour vous Ma Dame. Voyez vous-même. Acceptez le peu que je vous donne.

Recevez toutes mes salutations très angevines.

Ninon Dame de Bellebranche.


Une fois le courrier livré au coursier, je m'assois sur notre lit, installée comme si souvent : ramassée sur moi-même, mes genoux entre mes bras, serrant et triturant entre mes doigts la pelisse de Makk, mon seul héritage de cet homme remarquable. En cette fin de journée je suis épuisée, me laisse glisser sans résistance. Je vois dans un halo le visage d'Eluhanne qui semble m'insuffler sa force de vaincre : « Applique tes valeurs sans faiblir Ninon. Je suis là... toujours près de toi. Ne laisse pas laminer ta raison... je suis au bord de toi, dans ton souffle, dans tes moments de doute. Quoique tu en dises, tu es une guerrière à ta façon...»
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Samsa
    "Même si je peux parler la langue des anciens,
    Ou même cracher quelques mots saints,
    Je n'ai pas la force avec laquelle je parle
    Quand tu me fais m'assoir et tu vois,
    Je suis faible."*



Les choses s'étaient transformées pour Samsa. La mairie prenait vie sous les traits d'un cheval sauvage à dompter, la vie devenait grise et le reste était vide. Shawie était repartie avec les Dames Blanches, elles manquaient l'une à l'autre, désireuses toutes les deux de reconstruire ce qui avait été abîmé; elles n'attendaient que cela et la mairie était la chaîne de la Prime Secrétaire Royale qui s'efforçait chaque jour d'esquiver les piques, d'endurer celles qui l'atteignaient et de mordre quand les limites étaient franchies. N'en déplaise à son frère Maximilien qui l'accusait, lui aussi, d'hypocrisie et d'orgueil, la Cerbère n'avait de nouveau plus personne pour exister autrement que professionnellement parlant.
Calée dans le siège municipal, Samsa venait de terminer la distribution des mandats, des écus, les courriers et les rapports diplomatiques. Elle ne s'accordait plus le temps de fermer les yeux quelques secondes, conséquence de son choix de garder en la mairie des angevins qui n'avait pas d'hésitation à lui faire payer ses moments de relâchement. La Cerbère tira du tas de courrier celui de Ninon auquel elle n'avait toujours pas répondu, comme si faire couler l'encre pour elle serait un nouveau risque de prendre un coup. Non que Samsa en ait peur, mais personne n'aimait particulièrement se faire frapper et elle apprenait à ne pas tendre le bâton. La Prime Secrétaire Royale relut la lettre, étonnamment mature et éduquée en comparaison des annonces angevines qui se succédaient sans but. Elle se sentit mieux et se décida à répondre.




A Ninon, Dame de Bellebranche,
Salutations.

Il serait vicieux et inutile de ma part d'essayer de vous faire changer vos convictions morales et politiques. Même si j'en avais la possibilité, je n'en ai nullement le souhait, je respecte vos avis autant que je les comprends.
Je ne vous demanderai rien, Dame. Ni aide à la mairie que je tiens de mon mieux, ni propagande pour la dorure de mon image, ni informations sur des sujets qui seraient utiles aux royalistes. J'ai de l'honneur, et vous aussi.

Je ne veux que comprendre.

Je veux comprendre pourquoi une personne aussi intelligente et éduquée que vous, oserais-je même dire, pacifique, suit des Buses grossières, méprisantes et belliqueuses.
Je veux comprendre pourquoi elles sont si suivies alors que, vous comme moi, Dame, nous savons qu'elles sapent tout travail possible de diplomatie pour l'indépendance que vous demandez tant -et que j'accorderai volontiers si j'étais reine, mais pas sous ces menaces perpétuelles-.
Je veux comprendre pourquoi vous comme moi sommes capables de respect et d'intelligence et pas d'autres.
Je veux comprendre pourquoi ma diplomatie et ma bonne foi ne paieront jamais avec les angevins, pourquoi ils croiront toujours que nous sommes bêtes et barbares.

Vous direz que je suis naïve, idéaliste, pourquoi pas "pas très futée", mais c'est bien pour cela que je vous ai écrit ce lendemain de bataille où mon épée a mit fin à vos envies meurtrières. Je voulais vous faire comprendre pourquoi, comment, une capitaine d'honneur en est venue à frapper une demoiselle comme vous. Je voulais vous faire comprendre que ceux qui guerroient ne sont pas toujours des êtres meurtris de haine et qu'ils sont capables d'autres choses; qu'ils sont souvent autre chose. Je ne voulais pas que la haine vous transforme en âme criant vengeance et destruction. Je voulais que vous compreniez comme je cherche moi-même, aujourd'hui, à comprendre.

Pourquoi sommes-nous obligés d'en venir là pour avoir la paix avec les pillages angevins ?
Pourquoi sommes-nous si peu dans mon camp à faire un pas vers les angevins ?
Pourquoi mes efforts, qui n'ont rien de différents avec ceux des maires précédents, n'ont aucune autre destinée qu'à être moqués tant par les angevins que par les royalistes ?

Ne vous méprenez pas, Dame; ne voyez en cette lettre aucune plainte, aucune lamentation. Ce n'est pas mon genre. Je pourrais tenir cette situation encore des années si on me le demandait, mais je me sens présentement libre et en droit de demander à comprendre. Et je ne trouve que vous dans cette quête pour éclairer mon humble et honnête lanterne.

Je vous souhaite une agréable journée.

Samsa
Dicte Cerbère


La Prime Secrétaire Royale plie la lettre proprement et s'en tapote le bout du nez un instant, pensive. Elle songe à toutes ces discussions autour de l'attitude à avoir, des arguments qui s'affrontent et de l'avis majeur qui ressort, celui de ne pas vouloir croire. Inéluctablement, les mots de Maximilien l'ayant blessés plusieurs jours plus tôt lui reviennent : "tu es fidèle à tout le monde et à personne". La Cerbère émet un grognement désagréable, détestant qu'on s'attaque à ses valeurs, et appelle un messager afin de transmettre la lettre. Elle souffle brusquement après que la missive soit partie et se lève; le travail de maire ne s'arrête jamais.


* = paroles traduites de Mumford & Sons - Learn me right

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Ninon_
Cogito, ergo sum

Seule sa propre existence, en tant que « chose qui pense », est certaine au départ.


René Descartes



Le temps est gris, le ciel cotonneux. Ça va tomber dru encore. Marre du froid. Des cris de polissons m'apprennent que nous sommes le matin. Comme il faut bien que ce soit le matin une fois par jour je n'ai pas d'objections à formuler sur ce point.
J'ouvre la porte pour laisser la gent canine se soulager. Au passage j'en profite pour demander à Charlotte d'aller faire un tour au tribunal et de me rendre compte du procès d'Eluhanne.
Je soupire et me recouche. Je rêve toute éveillée. Un des grands moments dont je songe c'est un petit déjeuner avec Eluh en costume d’Ève... l'océan à nos pieds, ou la mer c'est selon. Je ne suis pas regardante du moment qu'il fait chaud et que le soleil inonde la chambrée avec des loufiats pour nous servir. C'est paradisiaque comme sensation. D'ailleurs, ce qui fait vaciller les religions à l'heure d'aujourd'hui c'est la notion périmée du paradis qu'elles donnent à leurs clients. Le banquet des élus avec les anges qui se grattent le trou du luth c'est discutable non ? Si j'avais le temps je fonderais une religion nouvelle et je permettrais à mes adeptes un Eden plus chouette. Un paradis tout confort avec les éphèbes pour celles qui aiment, alcool de prune ou de poire à gogo, mer verte ou bleue, soleil... alors là oui, faites-moi confiance j'en aurai des fidèles dans mes rangs.

Je relis la missive de Madame la nouvelle maire. Je souris. Elle veut comprendre. Je relis...
Citation:
Je ne veux que comprendre.

Je veux comprendre pourquoi une personne aussi intelligente et éduquée que vous, oserais-je même dire, pacifique, suit des Buses grossières, méprisantes et belliqueuses...


Pourquoi m'acoquine-je avec les Buses ? Voilà une bonne question. Oui pourquoi en fait ? Sont grossiers, rugueux, du vrai gibier de potence oui, et pourtant...



A Ma Dame Samsa
Dicte Cerbère
Dame de Lansaq
Prime Secrétaire Royale
Capitaine des Crocs du Basilic II



Les sujets de conversation apparemment ne manqueront pas. Vous voulez comprendre ? Je vais tenter de vous expliquer certaines choses afin de répondre à quelques-unes de vos interrogations.
Vous m'intriguez, et j'avoue avoir eu quelques migraines pour argumenter mes convictions sans pour autant les remettre en question. J'omettrai volontairement de vous parler de ma misérable vie d'enfant lorsque je fus lancée dans le grand bain de la vie angevine. Sachez seulement que j'ai compensé mon manque d'esthétique physique par une volonté et une abnégation qui m'a menée à ce que je suis devenue.

Je n'ai pas de longs cheveux blonds ou bruns, ondulés et descendant en cascades jusqu'au bas des reins, ni d'yeux couleur émeraude, ou turquoise, ou saphir, ou encore lapis-lazuli. J'ai le physique d'une fouine et je m'en contente.

Les Buses voyez-vous, c'est assez difficile à expliquer. Elles sont rustres, soiffardes, butors mais elles ont des qualités auxquelles je suis attachée. Elles sont courageuses, opiniâtres, et une espèce de jugeote matoise qui équivaut à du génie. Mieux que tout encore : je les aime bien, dont une particulièrement. Je me fais chahuter car parfois il est vrai que les grossièretés m'indisposent mais ça me repose.
Ce qu'il y a de bien avec ce clan c'est qu'il donne sa véritable façon de penser aux supérieurs. Dans leurs braies il n'y a pas juste la marque du fabricant, et si quelque chose déplaît, croyez-moi aucun du clan ne continuera à marner sous les ordres de dégoulinants menteurs.
Leur connerie pleine de bon sens, leurs mufleries sur fond de tendresse m'aident à exister voyez-vous, parce que la vie elle manque de premiers secours, on s'agonise à qui mieux-mieux, impitoyablement. La vie est minable. Nous sommes tous chiens et chats, charognes en tout genre, champions du coup malsain en douce, bilieux, aigris, pourris. On se rend l'existence inabordable jusqu'à la mort et même après puisque l'oubli vient très vite. Moi, j'en ai fini de prendre mon parti sans laisser d'adresse. Qu'à quoi bon une adresse puisque personne ne songe à communiquer avec vous ? Pour dire quoi ? Du moment qu'ils ne savent pas se parler, qu'ils ont le don de parole du Livre des Vertus mais pas de parole d'honneur ?

Oui je sais... ce sont d'ignobles scatologues qui se complaisent dans un univers merdique. Et pourtant, même si parfois leurs mots me font rougir j'ai été frappée par cette douteuse inclinaison à la chose. Sachez que j'ai discuté avec un docteur de l'âme, un qui est habile à couper les poils du rêve en quatre. Grâce à ce maître de l'inconscient, j'ai appris que la scatologie était une forme de rébellion contre les brimades endurées pendant notre jeune âge. Mon père adoptif, malgré qu'il soit un merveilleux père, porte donc une lourde responsabilité, même si comme je vous le rappelle, vous n'entendrez jamais de mots obscènes sortir de ma bouche. Je préfère les entendre et en rire.

Dans ce milieu des Buses j'ai rencontré celle qui partage ma vie. Par son exemple et ses exhortations elle m'a empêchée de me comporter en femme normale. A cause de cette excellente femme je n'ai jamais mis le feu à l'université, lapidé mes professeurs, énuclée ou émasculé certains manants trop prévenants, jamais volé de charrettes, me suis jamais peinte en rouge angevin. Elle ne s'est souciée que de m'exhorter à ce que je reste telle que je suis. D'être moi ! Elle soigne mes fièvres éruptives, me réchauffe lorsque j'ai froid, me console et rectifie le tir lorsque je m'égare. Bref, tout en croyant bien faire, elle a fait de moi une tarée, une Buse originale dont la philosophie prend sa source dans la fosse d'aisance de nos quartiers généraux. Et je l'en remercierai toute ma vie.

Ils sont comme ça que voulez-vous, car un jour ils deviendront vieux, maigres et polis, morts et silencieux. Pour ma part je vis avec eux ; de toutes mes forces, parmi leurs insanités et leurs fleurs de tendresse à la fois, les abeilles et leurs gifles, leur misère mais aussi les aurores dans les vallées. Je les aime, je les accepte tels qu'ils sont. Ils m'acceptent également. Et les gros mots pour eux c'est une façon de se protéger, d'entretenir le fossé qui se creuse entre eux et les autres.

Ai-je quelque peu répondu à une de vos interrogations ? Je ne vous en veux pas personnellement. Je respecte vos choix de vie et votre identité, respectez les miens Ma Dame.

Je vous respecte. Merci de me lire, en retour je vous remercie de m'écrire.

Mes hommages respectueux

Ninon de Bellebranche



J'hésite un moment avant d'y joindre mon sceau. Après tout, je l'avais mérité. Il fallait s'en servir.
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Samsa
    "De la haine à revendre j'en ai tellement
    Et j'comprends pas pourquoi on m'comprend pas.
    T'es seul dans le noir, j'espère que ton ombre ne t'a pas lâché.
    Et ils croient savoir pourquoi on emballe;
    Je serai pas le premier, ni le dernier."
    (PNL - J'comprends pas)


Il ne lui reste plus que quelques jours à la tête de la mairie, après quoi, elle devra repartir, mater d'autres pillards, protéger d'autres contrées. Occupée à vider lentement mais sûrement la mairie pour tout donner au duché -loin s'en faut qu'elle s'enrichisse sur son dos-, Cerbère revient pourtant d'une toute autre activité. Elle s'assoit à son bureau en soupirant longuement, appuyant sa tête contre le dossier de son fauteuil, s'octroyant le droit, pour une fois, de fermer un peu les yeux. Les angevins hantant encore les murs ne sont pas là, ils sont sans doute sur la place publique avec Samsara. Elle ne se souvient pas les avoir vu mais elle n'a pas regardé la foule avec attention. La mairesse non-élue se redresse et prend la lettre de Ninon qu'elle parcourt encore du regard.
Il lui semble qu'elle comprend les mots de la jeune fille, mais pourtant, il y a ce mystère qui, toujours, reste entier pour elle : ne pas être pillarde et l'approuver pourtant. Ninon n'était pas la seule dans ce cas étrange, Lanterne également, Maryah pourquoi pas, et après les motivations des Buses qu'elle avait fini par saisir, Samsa se demandait non plus pourquoi elles étaient suivies mais pourquoi par ce genre de personnes. Ninon, patiente et respectueuse, tentait de lui expliquer mais le fond restait insaisissable à la Cerbère. Un sourire amusé ponctua la lecture bordelaise; Ninon avait physique d'une fouine ? Quand Samsa avait celui d'un chêne. Amusant. Celui-ci vira doux au dernier paragraphe de l'angevine; les angevins avaient au moins gagné le droit de s'afficher avec qui ils voulaient. Un cas qui, il était vrai, était loin d'être le cas chez les royalistes. Quand bien même, Samsa l'acceptait car toute forme de discipline la grisait. Peut-être était-ce ça la vérité, elle savait de quoi elle était capable quand elle n'avait pas de règles et elle s'aimait mieux dans un cadre.

La mairesse non-élue prit un parchemin et sa plume pour entamer réponse. Sa tempe la gratta légèrement et lorsqu'elle y porta la main pour soulager la légère démangeaison, un peu de terre et de suies tombèrent sur le parchemin. Cerbère râla, s'écarta pour éliminer les résidus ayant échappé à sa toilette pourtant minutieuse, chassa ceux tombés sur son support de réponse neuf et entama son écriture.





A Ninon, Dame de Bellebranche,
Salutations.

Je ne saurai, en toute honnêteté, vous remercier assez de votre courrier. Il m'apprend, il tente de me faire comprendre, il répond à ces questions que je me pose et que je vous ai partagé. C'est un étrange sentiment qui m'habite désormais, celui de comprendre vos mots mais pas leur sens.

Je comprends ce que les Buses sont pour vous, je comprends -enfin- pourquoi elles sont suivies. Mais je ne parviens toujours pas à comprendre comment elles peuvent l'être par des gens pacifiques. Comment des êtres belliqueux peuvent être suivis par des pacifiques ? Des loups par des agneaux ? Comment des êtres pacifiques et, somme toute, intelligents, peuvent approuver ces actes qu'ils ne tolèreraient probablement pas s'ils en étaient victimes ?
En vérité, Dame, je vous l'écrit : jamais n'irai combattre terre qui n'est pas mienne si celle-ci n'a guère fait défaut à mon camp. Et je cherche à quel moment la Couronne a fait tort à l'Anjou, concrètement je veux dire. Je sais que vous vous sentez brimée par Elle mais je n'ai pas souvenir qu'elle ait cherché noise en allant gratuitement envahir. Mais peut-être est-ce moi qui ne sait pas; je ne suis royaliste que depuis cinq ans, peut-être moins; c'est si peu au regard de l'Histoire.

Je n'ai pas toujours aimé la Couronne, vous savez. Enfin, je ne crois pas. Je suis née bordelaise et après quelques temps à Chinon -là où j'ai attrapé la colère envers les angevins-, je suis retournée à Bordeaux pour y vivre de nouveau plusieurs années. Là-bas, la Couronne n'existe que pour le Conseil, la politique. Ma première compagne était brigande occasionnelle mais nous avons combattu l'Hydre ensemble. Ma compagne actuelle est une ancienne brigande, une convertie à la chevalerie, en cours de sevrage brigand tout du moins. Elle le fait par choix et je l'admire parce que ce qu'elle fait là, jamais je n'aurais pu le faire. Jamais je n'aurais pu abandonner mes convictions pour les siennes. Pourtant, je le fais parfois quand je ferme les yeux sur ses quelques rapines, quand je mens pour la protéger des miens car je sais que leur pardon est difficile. Je reproche des choses à la Couronne, j'en reproche aux angevins, comme j'admire aussi les deux camps. Peut-être ne suis-je finalement qu'une sorte d'être sans classe, peut-être devrais-je regarder les royalistes comme je regarde les angevins, avec cette même envie d'apprendre et de comprendre.

Peut-être que les réponses que je cherche ne sont pas là où je pense qu'elles sont.

Dans quatre jours, Dame, je rendrai la mairie et je m'en irai, comme je l'ai promis. Je crois que je le regrette un peu; votre terre contient tant de défis pour la femme que je suis, j'en ai relevé mais il en reste tant. Alors, Dame, autant que je vous ai promis que je m'en irai, je vous promets que je reviendrai. Je reviendrai non pas à la tête d'une armée comme vous m'avez vu la première fois, mais avec un livre en main. Et, au bord du lac angevin, je lirai en lui ces réflexions que j'aurais écrite, je les comparerai au monde que vous m'avez décri et expliqué, et j'apprendrai à en tirer les réponses.

Dans le but de construire un monde meilleur pour tous, j'apprendrai à concilier nos deux modes de vie puisqu'au fond, je crois, nous voulons tous la même chose : de l'amour, de la bière, de la chaleur.

Que le Très-Haut vous garde.

Samsa Treiscan,
Dicte Cerbère


P.S : aimez-vous les carottes ? Rien à voir avec votre rousseur.


Samsa, bien qu'ayant fait enregistrer sa famille récemment à la hérauderie, n'a pas encore de sceau. Elle ne l'aurait de toute façon pas exposé. A quoi bon renchérir par un "moi aussi j'en ai un !" ? Cerbère a de l'orgueil, mais elle a surtout de l'honneur et ce n'est pas un mal que de se soumettre humblement à plus grand esprit ou à personne estimable, fut-elle théoriquement ennemie. La lettre est donc simplement fermée et confiée à un messager maigrelet, du genre de ceux qu'on n'envoie pas garder le gibet qui, Samsa le sait, se transforme en lieu de guérillas. Si tout va bien pour la petite rousse que la Cerbère a rapidement aperçu, elle trouvera la lettre à son retour ou le lendemain de ces événements.
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