Alfred555 Ne jamais fournir d'échantillons. JA-MAIS ! Il savait pourtant bien qu'il était une brelle dès lors qu'il s'agissait de commerce. Depuis que Alfred avait vendu « en tout bien tout honneur » à Lantana une banquette, avec coussins rembourrés et tout et tout, la jolie dame en noir avait paru s'intéresser au reste de son catalogue. « Oh oui, une armoire, j'en ai pas ! Vous la roulez rustique, ou fashionista ? Quelle est la différence ? Ben la première, elle est faite de planches de bois clouées, l'autre a vachement plus la classe. Par contre, c'est plus cher. Oh oui, la deuxième a l'air bien, et pour le prix, hein... » Il lui avait alors suffit de papillonner des cils pour qu'Alfred ne sache plus négocier. Mais alors plus du tout. Paumé, l'Alfred. Le pire, c'est qu'il n'avait pas compris que la livraison était inclue dans le prix... Dans la foulée, elle avait commandé une table, une autre de jardin, des bancs pour aller avec tout ça, et certainement encore bien d'autres choses qu'elle aurait à un moment la lubie de lui demander.
Il roulait sa charrette en direction de la maison de Lantana, avec l'armoire bennée. Forcément, il n'avait pas été précisé avant que la masure de cette vile ensorceleuse était la seule se trouvant en dehors des remparts. Plus loin, tu meurs. Son âne faisait des siennes, rechignant à tirer la charrette alors que c'est la première fois qu'il bossait depuis les fêtes de Noël. Quel glandouilleur, cet âne ! On croirait voir son maître. Toujours est-il que Alfred parvint à un moment avec son chargement devant l'entrée du jardin d'une chaumière, au milieu des champs.
Il s'annonça au péquenot venant à sa rencontre, en chiffonnant un peu son chapeau des deux mains, pas très à l'aise.
« Bonjour, je suis Alfred et j'ai un chargement pour la dame de Brissac. Une armoire. Je vais vous la laisser là, hein, devant la porte, vous vous débrouillerez bien pour la faire entrer. Faites gaffe, c'est fragile. Et connaissant un peu votre maîtresse, je préfère vous conseiller de ne pas la rayer. »
Il retourna à la charrette pour débarquer le gros colis, afin de repartir au plus vite.
Alfred555 Et vas-y, débrouille-toi avec ma maitresse, mon coco. Le larbin s'esquiva en douce, annonçant de quelques mots l'arrivée de la dame en noir. Planqué derrière la charrette à défaire une sangle d'attache de l'armoire, il ne vit Lantana qu'une fois proche. Très proche. Elle le salua. Il déglutit, sa pomme d'Adam suivit le mouvement. Il tenta de faire bonne figure face à cette femme qui le mettait, pour son plus grand plaisir, depuis quelque semaines en grand émois et lui répondit en tâchant de parler d'une voix assurée.
Bonjour Lantana. Je vais bien, je vous remercie. Le trajet s'est bien passé, bien que votre maison soit difficile à trouver, si isolée du reste du bourg. Et vous ? Comment allez...
Elle l'avait regardé droit dans les yeux. Une vive émotion le parcouru à cet instant, et il s'en trouva d'autant plus décontenancé. Ces yeux... Ce qui ne s'arrangea pas lorsqu'elle fit le tour de la charrette, glissant ses doigts délicats sur le meuble qui, pour le coup, en avait sacrement de la chance. Ce toucher... Ces doigts...
Elle mis fin à la rêvasserie de façon autoritaire en ordonnant à ses gens de décharger l'armoire. C'est alors qu'elle le pris par le bras. Bras dessus, bras dessous, il adorait ces petites attentions qu'elle lui portait de plus en plus. Il semblait aujourd'hui ne plus risquer de vive réaction disproportionnée de la part de la jeune femme comme elle avait pu en avoir il y a encore peu. Il serra doucement son bras autour du sien, en discret signe de contentement.
J'accepterai avec plaisir un verre, à la condition que vous en preniez un avec moi. Il faudrait par ailleurs s'occuper un peu de mon âne, il risque sinon d'être jaloux et va me faire la tête tout le trajet du retour. Vous savez comment sont ces bestioles...
Il suivit sa jolie guide dans le jardin, toujours accroché à son bras. Ce bras...
Alfred555 Lantana donnait d'autres ordres à ses gens, pour qu'ils entrent l'armoire dans sa demeure et s'occupent de l'âne. Elle savait y faire, et les menait non à la baguette, mais avec une certaine autorité.
Chose étrange qui troubla Alfred plus qu'il ne l'était déjà, elle ne lui lâcha pas le bras alors qu'elle procédait. Elle semblait vouloir absolument rester au contact, elle qui avait jusqu'alors été le parfait contraire d'une personne pouvant être qualifiée de tactile. Autant dire qu'il se laissa faire. Complètement.
Alfred souhaita apporter une précision, et dit sur un ton taquin à la jeune femme :
L'armoire, précisez-leur bien de ne pas l'installer avec les portes face au mur...
C'est alors qu'elle le fit entrer, et il découvrit pour la première fois la demeure de Lantana. Une simple pièce, très austère avec le minimum de confort excepté la banquette qu'elle lui avait achetée quelques jours avant. Si elle se mettait à vouloir en faire un endroit douillet, il allait lui falloir encore beaucoup de travail. À se demander pourquoi elle avait cette soudaine envie.
Elle l'avait maintenant lâché et s'était munie de quoi servir un rafraichissement. Elle le regardait en souriant. Ce sourire... Il était rare qu'elle s'y laisse aller, ce qui rendait ce sourire d'autant plus beau et charmant. Alfred mourrait d'envie d'aller s'y perdre, mais au souvenir des quelques déboires qu'il avait pu avoir récemment, il préféra rester raisonnable et s'abstint. Pour l'instant.
Elle le regarda d'un air décidé de son regard si troublant, et s'en fut vers le jardin. Il la suivit alors, tout en ralentissant légèrement le pas afin de lui laisser prendre quelques pieds d'avance. Moins par courtoisie que pour admirer les formes féminines le précédant, qui l'attiraient décidément de plus en plus chez cette femme encore énigmatique pour lui. Autant en profiter.
Alfred555 À sa remarque sur ses gens, il répliqua d'un sourire, l'air innocent :
Impossible. C'est vous la maîtresse d'ouvrage. C'est votre personnel, vous êtes la seule à pouvoir leur donner des ordres. Je ne suis qu'un modeste intervenant.
Ils étaient maintenant ressortis. À l'ombre de l'arbre, au pied duquel elle procédait à l'installation de ses affaires de pique-nique, un petit vent rafraichissait l'air. Pourtant, Alfred avait plutôt chaud. Il n'était pas nécessaire de se demander longtemps pourquoi dès lors que Lantana était proche de lui.
Clairement, Alfred se trouvait à un tournant. Il avait connu la Lantana froide comme le pôle nord, distante comme jamais, et petit à petit, elle avait permis quelques gestes, quelques attentions. Ses mots avaient changés, moins cassants, plus chaleureux. Voilà qu'elle devenait maintenant attentive. Presque câline. À son invitation, il s'assit à ses côtés. Près d'elle. Mais vraiment près. Au delà de la distance limite du raisonnable. Il prit le verre tendu, huma le parfum du vin et, l'appréciant, sourit. À ses paroles qui remontaient un certain souvenir en mémoire, il lui répondit :
Ne me dites pas que... c'est le fameux vin que vous m'avez arraché si prestement des mains sur votre stand ? Celui que j'avais emprunté pour vous proposer une promenade ?
Il la regarda en plissant les yeux.
Alfred555 Le nez encore dans le verre qu'elle lui avait servi, attentif aux arômes du vin, il ne remarqua pas son subit affolement. Il secoua doucement la tête lorsqu'elle répondit à sa question, le sourire en coin, puis la regarda dans les yeux lorsqu'elle présenta son verre pour trinquer, et en fit de même. Il en but alors une gorgée, faisant durer celle-ci pour l'apprécier. Il aimait en boire, mais n'était pas spécialement connaisseur en vin, ne sachant pas ce qui pouvait être rond, carré ou triangulaire dans cette boisson prisée, ni ce à quoi pouvait correspondre corsé, suave, généreux ou rocailleux. Alors pour ce qui touchait au caractère... il était bien embêté. Bah... au culot, ça passerait bien.
Vous avez raison. On sent bien dans ce vin tout le caractère vigoureux de sa propriétaire. Bien malin qui saurait déterminer qui de vous deux en est le plus doté.
Et puis, on n'était pas à ça près. Il poursuivit, la regardant à nouveau, d'un oeil malicieux cette fois-ci.
On sent par ailleurs... qu'il est très fruité...
Idéalement, comme pour le caractère, il me faudrait pouvoir comparer... avec vous.
Il avança très lentement sa main vers le visage de Lantana, attentif à une réaction brusque non prévue et vint, toujours sourire malicieux en coin, déposer délicatement son index dressé sur les lèvres de la jeune femme.
Alfred555 Il s'attendait à ce qu'elle le stoppe, proteste, l'envoie balader, le tance vertement ou même de façon plus mûre, lui dise ses quatre vérités avec véhémence, hurle à ses gens du secours, lui fracasse la bouteille sur la tête, le zigouille ou l'égorge avec l'un des tessons de verre ainsi formé, le dissèque et l'éparpille façon puzzle. Mais rien de tout ceci n'arriva. Même pas le moindre petit regard noir.
Elle s'était figée, ses yeux ouverts en grand le regardant, sans réaction négative, entre les dernières paroles qu'il avait prononcées et le moment où il avait posé son doigt sur le devant de ses lèvres. Elle était manifestement en proie à une émotion vive ou intense. Ou les deux.
Ne réfléchis pas trop, mon vieux, ce n'est pas le moment de tout gâcher ! Peut-être que...
Il la gratifia de son plus beau sourire, et déplaça sa main dans une caresse le long de sa joue, douce de sa jeunesse, plaçant maintenant l'index juste sous l'oreille, et taquinant sa joue avec son pouce. Avec cette prise délicate, il lui fit lentement approcher son visage du sien, qu'il porta aussi à sa rencontre, toujours souriant et la regardant droit dans les yeux.
Ce qui devait arriver arriva. Très ému, il déposa tendrement ses lèvres au coin des siennes.
Fruité ? Pas fruité ? Mmh... Ce n'était pas encore suffisant pour conclure...