Magdelon
~~*~~ Avant que tout ne bascule ~~*~~
Bloquée dans le triangle des bermudes, la bande de bras cassés n'avait de cesse de retourner invariablement sur ses pas, comme si une force étrange les poussait à y revenir. Depuis son départ du Berry presque un an auparavant, force était de constater qu'il lui était impossible de mener une vie sans aléas. Bourgogne n'avait été que le prémisse des événements vécus les mois suivants, allant crescendo. Pourtant, pucelle pensait qu'un calme tout relatif allait s'installer de par leur prochain voyage en direction de l'Artois, mais cette destination paraissait aujourd'hui totalement nébuleuse et impossible à atteindre.
Il y avait eu Limoges et son prêtre fou, la laissant sur le carreau, à deux doigts de glisser dans les limbes pour l'éternité.
Il y avait eu Angoulême et son église cramée, redonnant un semblant de lumière aux prunelles sombres s'égarant dans l'obscurité.
Il y avait eu Rochechouart et sa ville pillée, ainsi que sa tentative avortée de perdre sa virginité lors d'une nuit de mai.
Il y avait eu ce retour à Angoulême, où leur escapade auprès de la mairie s'était transformée en mascarade.
Et puis il y avait eu ce plan, qu'ils avaient décidé de suivre. Cette route prise en direction de la campagne et cette promesse de lancer des pierres et de vider des poches. L'écho de la nuit les avait accompagnés les premiers jours car aucune âme qui vive n'avait décidé de fouler les chemins. L'attente s'était soldée par du rien, mis à part des journées à vagabonder dans la forêt pour en respirer l'air frais. La noiraude n'était pas mécontente de s'éloigner des villes et de leur tracas, de son côté, même si le vieux gascon pestait de ne pas avoir accès aux putains urbaines. Quant à Samaël et elle, ils tentaient de laisser derrière eux la cuisante défaite qui s'était jouée sur le bureau des animations quelques jours auparavant. Oui, décidément, pucelle était faite pour le rester.
~~*~~ Après l'orage, dans l'obscurité d'une cellule ~~*~~
Les premières heures après leur arrestation avaient été brouillées, vécues dans un état vaporeux. Sa première crise lui avait valu d'être enfermée loin d'eux, et surtout loin de lui. Une cellule sombre, vide et sans fenêtre avait été son cachot plusieurs jours durant. La peur sans doute de l'inconnu avait poussé les gardes à la coller dans un endroit où personne n'irait mettre les pieds. Là, brunette s'était laissée emporter par son mal, grandissant au fil des jours à cause de l'enfermement et de la solitude. Encore une fois, son esprit avait recommencé à se briser, et il lui avait fallu une bonne dose de courage pour ne pas sombrer totalement et se laisser crever.
~~*~~ De retour parmi les vivants ~~*~~
L'oiselle ne sait pas ce qui a poussé les gardes à la faire sortir de là pour aller rejoindre les autres, mais c'est avec une trogne fatiguée et le corps à nouveau amaigri qu'elle passe les barreaux de sa nouvelle cellule. La nuit les enveloppe tous, et il lui est pour l'heure impossible de discerner qui se trouve là. Râles, ronflements et gémissements percent la nuit, recouverts l'espace d'un instant par la grille qui se referme et le verrou qui claque. Du coin de lil, son compagnon de galère de cellule, d'abord pris pour une femme, est observé et détaillé. Plus tard, il se prendrait de nombreux coups de genou dans les couilles, histoire de calmer son envie de la tripoter.
Laissant passer la nuit et ses crises, brunette découvre enfin au matin le visage de ses compagnons de route. Et surtout, surtout, elle le voit, lui. Sa chevelure emmêlée repose sur ses épaules, et même si ses mains sont liées par une chaîne, un soupir de soulagement passe ses lèvres de le voir vivant. Vivant mais avec une putain d'infection au cul qui risque de dégénérer et mal se terminer s'ils ne sortent pas de là.
Les mains crades et fines s'accrochent aux barreaux, dextre tente ensuite de se frayer un chemin vers celle tendue du rouquin, et quand enfin leurs doigts se rejoignent, Magdelon réalise à quel point la vie sans lui ne peut exister et perdurer. Ses prunelles s'ancrent aux siennes, plongeant dans les émeraudes brillantes qui lui font face, malgré tout voilées par la fièvre qui s'est emparée de lui.
- - J'veux pas mourir là.
- Tu ne mourras pas, on s'en sort toujours.
- Tu crois ? Parce que si j'meurs, je mourrai pucelle au moins, comme prévu.
- Non mais... non tu peux pas mourir pucelle.
Magdelon et Samaël, ou le sens des priorités...
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~~*~~ ReVolte ~~*~~