L_aconit
- De Faust Aphone...
Fin mai.
Citation:
- Faust,
Voilà deux fois que nous ratons nos adieux, deux fois quà la place de ton étreinte, lheure ne moffre quun sourire lointain, des mots tellement engoncés de non-dit quils saffairent à la vacuité des lignes droites sans même un seul instant, chercher à senvoler. Jaurais dû te suivre, te rattraper à une ombre, conjuguer le temps dune ultime seconde, et tembrasser, tembrasser si cruellement que tu en aurais bandé.
Périgueux quitté ma trouvé exsangue quelques jours, comme si bouffée dair à peine respirée à tes crins, lon minterdisait autre chose que lapnée ; je nentends plus laubade enivrante et terrible de tes pas froissant le volume des marches, car si elle fredonne ton départ, elle chante aussi le parfum de ta présence, et rien ne sépelle ici quun silence incolore. Mes ongles portent encore quelques traces de teinture, ténus témoignages de nous, pléiades à la route qui nous détourne, mais bientôt, malgré moi, malgré le peu dapplication que je mets à les dissoudre, elles auront disparu.
Alors, je brave les tempêtes, marin, vagabond bien loin de sa maison et je sais le périple long, inflexible, comme une année sans pluie ; çà et là pousseront des sirènes de sécheresse, perles noires en guise dents, écailles plastronnant leurs seins, ridicules coquettes juchées sur leurs rochers pensant sérieusement valoir ta chute de tes reins ; si elles savaient...
Je croiserai des sphinx, de ces esprits féconds qui savent dun seul mot charmer une assemblée, asservir la courbe des rimes à celles des sublimes, mais ny ferai pas halte puisquaucun, Faust, naura loctave de ta voix. Soif et faim tiraillées, harassé par la longueur des nuits, je me ferai Lotophage, dénombrerai les mets fins de loubli, gouterai aux sources même des liqueurs chronophages et reprendrai la route toujours à ma douleur, car rien na le gout de ta peau.
Viendront bien assez tôt les cohortes Stymphales, bouquets de pennes acerbes et de serres grises sabattant à mes tempes, accusant ton absence, mais je traverserai sans férir les nuées, habile voyageur, Ulysse volatile ; mes plumes à tes mots lus seront gorgées de bleu et me fondront au ciel que jescaladerai. A lautre bout du monde, je clouerai aux étoiles les ailes de ton rire, les ravages de tes larmes, le pli que prend ta bouche lorsque tu es fauché, linstant si parfait où tes prunelles crissent de jouir, et ta langue qui claque lorsque tu as décidé quun sujet se devait de trouver conclusion ; constellation nouvelle au-dessus de ma tête, alors je rentrerai.
Tu nas rien dun garçon ordinaire, Faust.
Lon ne rentre pas auprès de lordinaire, lon ne le célèbre pas aux rues, aux pierres, aux murs, aux portes, aux sols, aux lits, et encore moins à la fenêtre.
Lorsque je rentrerai, je poserai à tes genoux ployés les têtes encore sanglantes de chacune des Grées en guise de présent, et si elles te siéent, alors seulement, tu laveras mes pieds, embrasseras mes doigts et apposeras ma main à ta nuque blanche. Là, à tes lèvres me couronnant, je conjurerai le manque, et jen deviendrai fou ; je chuterai à la famine qui massaille. Déraisonnable, je prendrai tout, de ton foutre à ton âme, je ne laisserai pas une miette, pas un silence pour que tu penses, pas un blanc pour que tu parles. Tu ne seras plus que cris, brulures, foudres, extases, tu ne seras plus toi, tu seras à moi, et je régnerai en tyran de vertiges, à laune de mes envies, à laube de tes chants.
Alors souhaite moi bonne route jusquà Paris, maintiens mon cap aux chemins dont je défie ta patience, ton désir et ta solitude car je rentrerai digne de chacun deux.
Nous arriverons demain à Toulouse ; la compagnie est joyeuse quoique par trop féminine, même pour moi. Cela pleure, rit, se fâche, se réconcilie, et je jurerai que nous les entendrons encore à des lieux à la ronde lorsquils nous laisseront sur place pour prendre route vers le Béarn.
Erwelyn ne semble ne plus penser à te mettre quelques gifles, ni même à en souffler lidée à ton suzerain ; je la trouve lointaine, tournée vers lOrléans, au silence du cur. Ne te réjouis pas, car si tu naccuses pas de main à ta joue, ce seront des lèvres à ta bouche, et ce que tu auras défait au nez de Corléone, il faudra en répondre devant moi. Je gronderai tes foutues lippes si elles prennent trop de plaisir à en cueillir de nouvelles, sans tempérance aucune ; embrasse qui tu le souhaites tant que cela manque de sel et que lon en garde quun seul souvenir : "Baveux."
Sois prudent sur les routes, et méfie-toi des garçons qui toffrent des robes ; ce nest bien souvent que pour regarder dessous.
Je suis heureux dapprendre que Salomon va mieux, heureux tout autant que Dôn se soit lassée de ses envies déducation à son sujet. Entre tes mains, il est bien ; ton dévouement sans faille à son attention en est la preuve.
Les alentours de Toulouse regorgent de violettes et lon loue sur les étals toutes les vertus médicinales de la plante, quelle soigne ou fortifie les effets des convalescences ; sachet joint à ce pli sera à placer sous loreiller de ton neveu, si le cur ten dit.
Nen napproche pas ton nez, il parait que si elle soigne les enfants, elle exalte les jeunes garçons.
Jen coudrai à ma peau lors de nos retrouvailles.
Liefde.
Alphonse.
Citation:
Juin 1466
Muse.
Muse.
- J'ai repoussé château rouge. J'ai repoussé Paris. Ici il se passe des choses terribles. Je n'ai plus de vélins. Peu d'encre, bien moins de bougie. J'ai pris la route. Une horde de brigands assiègent le Périgord. Alors je suis allé lutter. Je suis avec un normand, une secrétaire royale et un fou en chaise roulante. Mais dieu est avec nous et Désiré aussi. Dieu ne peut pas trancher en la faveur des scélérats, n'est ce pas? Je le sens. Mes pensées * le bout de vélin est sale et arraché net*
Citation:
Juin 1466
Faust,
Alphonse
Juin 1466
Faust,
Ne quitte pas lombre de quelque homme darme aguerri lorsque vous battrez campagne et suis chacune des consignes quil te donnera. Il ne peut rien tarriver, ou jen deviendrai fou ; si tu tiens un peu à moi, garde cela en mémoire.
Ton pli mest parvenu incomplet et ne ma livré que lessentiel. Je gage que ton temps à venir sera bien occupé mais trouve à loccasion secondes et vélin pour menvoyer de tes nouvelles, même brèves. A défaut de pouvoir mimmerger à tes mots, te savoir sain et sauf, sera laube dune consolation.
Dieu te garde, et moi aussi.
Alphonse
Citation:
Juin 1466
Alphonse,
Faust.
Alphonse,
- voilà deux nuits que nous dormons en rase campagne, cernés par les bêtes sauvage et croisant des brigands isolés qui reçoivent leur juste rouste. Bien sûr, je n'ai pas le droit de prendre les armes, alors je participe à ma façon à ce nettoyage en règle des routes du Perigord... J'ai ramené avec moi les poudres aveuglantes, le chien féroce et ma sainte crosse, et cette nuit nous avons tendu un piège à un roux. Quel gâchi. Il n'a même pas eu le temps de dire de quel camp il était.
Ces nuits sont longues mais excitantes à la fois, j'ai pu faire mieux connaissance avec le Normand qui finalement ne l'est pas. Il m'a appris des choses très innatendue sur pas mal de gens que je connais. Et heureuse coincidence , il aime les mêmes choses que moi. C'est un brave gars, comme Pierre, qui n'a pas fermé l'oeil pour protéger mon épisco-pâle carcasse, qui je dois te l'avouer, se désépaissit un peu sans toi.
Tu me manques Alphonse. Je sais que ce voyage était important pour toi... Mais cela n'apaise rien de ce qui me vrille le ventre quand je t'ai dans la tête... Pour ainsi dire, tout le temps. L'écrire ne te ramènera pas, je sais... J'espère que toutes tes ex compagnes savent au moins profiter de cette compagnie qui fait cruellement défaut ici.
Je ne sais pas si je vais encore rester autour d'un feu de camps à guetter l'intru cette nuit, mais au fond c'est toujours plus plaisant que le vide de Saint Front. Et puis j'ai du Lambig.
A te lire,
Faust.
Citation:
Juin 1466
Faust,
Liefde,
Alphonse
Juin 1466
Faust,
Il nest pas sérieux de me tirer sourire quand je minquiète pour toi.
"Le chien féroce"
Par Dieu, Désirée est aussi féroce que toi, alors quimporte lexcitation de ces nuits de veille qui te courent aux veines: retranchez-vous tous deux derrière ton compagnon si le besoin sen fait sentir.
Malgré cette agitation que je déplore, jaime te savoir le nez ailleurs quaux pierres, loin de Saint Front, même si au fil de semaines jai appris à travers toi à en aimer quelques parcelles, et sil était un regret à avoir, cest que cela ne soit pas en ma compagnie que tu en quittes le ventre ; forêt nous va bien, et jaimerais y être à tes côtés , plus encore dans de telles circonstances.
Remercie ton camarade de si bien veiller sur toi, et apprends de tes noctambules errances pour me les raconter.
Juin me découvre de nouveaux hématomes. Voilà plusieurs minutes que je reste au-dessus de ma feuille, idées au chaos de leurs émotions, et jy rebondis, de "non", en "oui", de "jamais" en "toujours", sans parvenir à trouver les trames de ces choix dont jai toujours eu larrogance des certitudes ; lon ne m'avait pas encore tiraillé lâme comme tu le fais et jignore comment je peux en souffrir autant que men nourrir.
Te dire que tu me manques rend tout plus douloureux, rehausse à mon ventre le vide que jai emporté en te laissant derrière moi. Je cherche lappétit des audaces, le bon mot pour exciter ton sang dun de ces sourires qui nappartient quà moi, et tous me renvoient à ces vérités que lon replie soigneusement, encore et encore, pour les lisser jusquà les rendre tolérables ; ce nest pas que tu me manques, Faust, cest que je tai dans la peau.
Paris repoussé ralentit mon retour aux pavés. Tu avais raison ; sainte Opportune amputée de moitié manque de charme.
Donne-moi nouvelles quand tu en auras le temps, fussent-elles sommaires, aussi longtemps que dureront les échauffourées qui te mettent en danger. Sois prudent. Sil te plait.
Liefde,
Alphonse
Citation:
Juin 1466
Liefde.
Faust
Juin 1466
Liefde.
Je ne sais plus ce que cela veut dire, mais j'aime entendre dans mon esprit le feutre de ta langue le prononcer à mon oreille. Pardon. Tu m'offres de bons mots, qui sont comme une fraiche bruine à mon front moite, et moi je te sers les banalités d'une maraude.
Tu m'as dans la peau "Liefde"? Comment ça fait dis moi? Est-ce que ça fait comme un aveu? Ou comme un ver? Comme un dernier verre avant que mon bras t'enlace l'épaule et tentraîne ailleurs? Garde toi des hématomes, sauf s'ils sont de ma main, je te jure qu'il n'y a qu'ainsi qu'ils sont bons.
Les pavés, ah, les pavés. Je me souviens quand je les foulais cassette en main. Quand j'ai croisé ton regard qui m'a perforé de part en part. Imagine-toi, tu es là, ça te tombe dessus sans crier gare. Quelque chose de bandant, quelque chose de dément qui donne la foi.
Amprevan, je veux connaitre les nuits fauves. Que tu sois beste en embuscade quand je reviendrais me glisser sous tes draps. Que tu fasses scintiller tes canines lorsque j'enlèverai le bas.
Tu m'offriras des feulements dans ta voix dis, lorsquelle reprendra son souffle? De ceux qui séchapperont dans la cour pour aller faire gauler la Lune. Des coups de bélier invoqués comme un miracle, et qui veulent dire «Si tu tarrêtes, je meurs». Toutes ces choses qui te la feront raidir rien quà te souvenir, pour le million dannées à venir.
Ici toujours les bois. J'ai pris un instant pour t'écrire, la brune à l'accent fou m'a donné son nécessaire. J'ai quelque chose au corps qui me crie qu'il faut "Toi". Que je veux dès ce soir ta peau brune et tes lèvres mauves. Tes reins, tes cheveux noirs, et quon se noie dans tes nuits fauves. Tu crois que je doive attendre que ça passe? Il n'y a que comme ça quon peut rêver de caresses au réveil, je crois. Et de regards qui veulent dire " ne tinquiètes plus, tinquiètes plus». De coups de poings dans le cur. De ma gaule qui rugit dans ton poumon à faire sauter les côtes. Dune épaule pour pleurer sans honte, puis d'une oreille pour tout dire. Tout dire, toujours, quoi quil arrive.
Faust
... mais pas manchot.
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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil