Les Rouquines, incarné par Samsa
- "On se part, on se marre, on ségare en chemin on redémarre,
On se met mal pour un soir juste pour voir,
On s'éteint, on sépaule, on repousse les trains, on tient des rôles,
Et ma main dans la tienne me fait du bien." (Joyce Jonathan - On)
-Nolwenn, j'ai mal aux pieds.
-Tu veux te reposer ?
-Oui.
-D'accord.
Elles bifurquèrent pour s'éloigner de l'artère principale de la ville et se dirigèrent vers les remparts, là où il y avait des granges dans lesquelles dormir. Elles avaient quitté le château de leur mère il y a plusieurs jours, une semaine ou deux peut-être, dormant où elles pouvaient, mangeant ce qu'elles trouvaient ou ce qu'on leur donnait. Ce n'était pas la vie qu'elles avaient connu jusque-là mais ça restait supportable. Nolwenn et Gwenn étaient les filles légitimes de Samsa Treiscan, dicte Cerbère, et de Sidney -R.I.P- et, âgées de même pas encore six ans, elles avaient décidé de partir dans les traces de leur mère. Pas pour la retrouver spécialement mais pour mettre en uvre ses enseignements : combattre. Elles étaient parties avec chacune un petit couteau à leur ceinture et marchaient sans signe distinctif de leur noblesse, ni écusson, ni riches étoffes -qu'elles n'avaient jamais eu de toute façon-, ni bijoux -elles n'en avaient pas à la maison non plus. Vêtues simplement de couleurs ternes, elles déambulaient dans la ville à la recherche de quoi manger. Manger, c'était sans doute la tâche la plus difficile pour ces jeunes enfants car, dès qu'elles avaient dit leur premier mot, Samsa avait considéré qu'elles étaient capable de comprendre ce qu'on leur disait et leur procurait quotidiennement des leçons de moralité, de principes et de valeurs. Quand ce n'était pas elle qui les dispensait, c'était leur préceptrice. La plus sévère des deux restait la mère qui avait parfaitement implanté dans les jeunes têtes rousses les règles de la vie, et notamment celles de la famille Treiscan : honneur, courage et loyauté. Ainsi, le vol, la fourberie et la trahison leur étaient formellement interdites. Pour se faire quelques écus à peine suffisants à leur survie, les Rouquines entraient quelques heures au service de quelques couturiers ou tapissiers, refusant déjà de s'abaisser à nettoyer des bottes ou le sol.
De taille on ne peut plus normale pour leur âge, elles se ressemblaient presque parfaitement : les cheveux roux, un peu ondulés et mi-longs, leur visage était parsemé de tâches de rousseur, notamment sur le nez et les joues. Si elles avaient les mêmes yeux sombres que Samsa, elles avaient en revanche un visage plus rond sans tomber dans l'excès et des traits moins rudes, plus expressifs. Leurs lèvres étaient moins fines que celles de leur mère, leur octroyant un sourire plus généreux et leur front était moins haut. Plus tard, elles seraient également moins charpentées et plus agiles. Si elles étaient semblables de physiques, elles étaient cependant très différentes de par leur tempérament respectif : Nolwenn était taciturne, renfermée, sérieuse, presque austère et peu souriante tandis ce que sa soeur, Gwenn, était expressive, plutôt dispersée et très sociable. Les deux soeurs partageaient en revanche un entêtement et un courage typiquement maternels. Elles avaient beau être différentes, elles s'entendaient à merveille et se veillaient mutuellement.
Près de ce qui ressemblait à une étable, Nolwenn frappa à la porte de la maison de ses petits poings. Des deux, c'était elle la cheffe. Samsa lui avait bien assez dit qu'elle était l'Héritière. Elle était aussi plus réfléchie. C'est un homme proche de la cinquantaine qui leur ouvre, mal soigné et visiblement alcoolisé. Nolwenn se méfie immédiatement mais Gwenn ne s'en préoccupe pas.
-Quoi ?
-Non r...
-Bonsoir Messire, nous cherchons à dormir à l'abri cette nuit, pouvons-nous dormir dans votre grange s'il vous plait ?
-Gwenn !
-Quoi ! Je suis polie !
-Non viens, on y v...
-Nan y'a pas. Dégagez.
-Voilà. Viens. Au revoir, Messire.
Nolwenn fait demi-tour et s'éloigne de quelques pas, s'attendant à ce que sa soeur la suive mais il n'en est rien. Son entêtement et sa joie de vivre pleine de sociabilité l'empêchent de renoncer maintenant. Elle se retourne pour la regarder et l'attendre.
-S'il vous plait, on ne fera pas de bruit, on ne vole pas !
-J'ai dit nan ! Dégage, morveuse !
-Mais où on peut aller alors ?
-Pas mon problème, VA-T-EN !
-Gwenn ! Viens.
-On est fatiguées, s'il vous plait Messire !
-MAIS TU VAS LA FERMER OUI !
L'homme la saisit au bras et la secoue violemment avant de la jeter au sol comme un fétu de paille. Nolwenn revient en courant pour tirer Gwenn de ce mauvais pas mais il la repousse sans mal d'un coup de genou dans la tête et retire désormais son ceinturon pour les battre.
-J'vais vous apprendre à déranger les honnêtes gens moi !
C'est vers Gwenn qu'il se dirige d'abord alors qu'elle tente vainement de se relever en reculant, apeurée et à la recherche d'une solution. En désespoir de cause, elle lève le bras pour se protéger mais aucun coup ne l'atteint. L'homme hurle de douleur et se penche vers sa cuisse qui vient d'être poignardée par Nolwenn, qui y redonne un coup de couteau.
-Touche pas à ma soeur !
S'interposant entre l'homme et Gwenn, L'Héritière lui laisse ainsi le temps de se relever. Partagées entre leur âme d'enfant et les enseignements de leur mère, elles ne savent pas si elles doivent fuir ou l'affronter, et si oui comment. Ici, elles sont sans mentor et sans mère, livrées à elles-mêmes et incapable de se déterminer.