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[RP] Apis Aconitum*

Perceval_aelis
" S'il y a une Apis Mellifera, je veux être une Apis Aconitum.
Et goûter à la douceur de la fleur, m'enivrer du suave poison. "


Du bleu sur son âme.
C'est le plus pieux de ses voeux qui est curieusement installé quelque part bien au chaud, dans le creux de son ventre.
Du bleu dans ce Paris qui déroule sa silhouette poudrée de rose par le petit matin d'un juin orgueilleux.
Du bleu pour son coeur écorché.
Du bleu pour ses yeux fatigués.
Il lui faut voir l'Aconit pour nourrir le sentiment qui l'écharde, et dont elle ne peut poser un diagnostique.

Il est encore tôt mais Perceval est de ces gens qui dorment peu, et ne se laissent alanguir dans le moelleux de la couche, ni duper par les rêves.
Trop active, trop nerveuse aussi.
Aux premières lueurs, elle est jà devant l'Hostel Dieu.

Le plan paraît simple.
Venir. Sonner. Mander.
Simple, oui.
En théorie...
Ce qui pourrait paraître d'une facilité déconcertante, ne l'est point en cet instant pour notre demoiselle Montjoye.
Statique, voilà jà que les minutes se sont muées en quart d'heure, puis en demi-heure et enfin en heure et en heures plurielles.

Les fallacieuses excuses ne manquent pas, elles abondent et caressent de leurs mensonges la conscience rigide de l'Abeille afin de retarder l'instant où elle se tiendrait face à lui.
Elle le sait, elle le sent, la longiligne, elle se voit jà, les mots qu'elle a tant de mal à apprivoiser se carapater et se claquemurer dans sa gargoine étranglée, la tripe remuée lui filant la nausée à la lippe et en pinacle, la sensation amère de frauder l'affection qu'elle porte à Gabriel.
Non. Perceval n'aime pas cela et pourtant... elle ne peut s'y soustraire.
Plus qu'une envie, une nécessité, un besoin chevillé à son corps qui la soumet.

Sans même s'en rendre compte la main posée sur la corde tire la cloche. Sonne.
On lui ouvre, c'est l'anonymat monastique tout en voile, à l'austère atours la bénignité d'un sourire pour en adoucir l'accueil.


" 'jour. J'viens voir Faust Nicolas. D'la part d'Perceval...

Abrupte entrée en matière ? Si peu.
Voilà notre bestiole dans sa plus authentique parure de civilité, vêtues des convenances les plus sommaires, tout juste de quoi la couvrir avec décence de la vertu de sa politesse


... S'vous plaît. "

Probablement que le doux sourire s'estompe légèrement, peut-être même que les yeux s'arrondissent un peu devant le spécimen présent, une sorte de grande gigue rousse, mâle habillée, de ce noir intense qui n'est point celui des indigents sans toutefois toucher à l'ostentation, le pourpoint quelque peu escamoté sous une cape plus grossière.
Est-ce que la nonne s'offusque par le vocable concis et sans rondeur, ou la manière cavalière avec laquelle la créature s'arroge le droit d'appeler les gens sans leur titre, sans leur nom en usant seul de leur prénom ?
Perceval ne s'en préoccupe point, ne s’aperçoit de rien, elle suit machinalement l'ondulation de la bure, le bleu invasif assujettissant sa pensée, foulant sa chair en un frisson brûlant.



*Apis aconitum : du latin -à-peu-près Abeille à Aconit peut-être ?
_________________
Huguenote.
L_aconit
    Une mèche rousse soigneusement enroulée dans son petit paquet de lettres
    dort dans le secret d'une cellule.


Un pauvre soldat du guet pisse le sang et rend son dernier souffle dans un sanglot macabre.

Senestre éclaboussée d'ichor reste là, à compresser un plexus qui ne vibre plus depuis plusieurs minutes.

Il avait dix neuf ans.

Les sourcils froncés sur cette poitrine qui ne se soulève plus, et dont une flêche a perforé le poumon de part en part, Faust Nicolas est figé. Colère fraie avec désarroi, la langue s'est calquée au palais et le religieux reste penché sur ce corps que la vie a quitté. Blessure, sournoise, a permis de vicieuses minutes pour le traîner jusqu'à lui. A permis l'espoir, infîme, aux gestes sûrs de Nicolas. Puis a fauché dans un rire sarcastique. Dix neuf ans. Il avait dix neuf ans.


- monseigneur...


    Fermez-la, Heuse.


- monseigneur...


Une main se ferme sur son épaule et le fait sursauter, le souffle court. Retour à la surface. Réalité reprend le cours de Faust. Hébétée, la colère fend son masque pour darder deux yeux bleus sur la soeur. Et derrière... Perceval. montfort déglutit. Une main de sang , incroyablement sûre d'elle la minute d'avant esquisse un tremblement spasmodique. Nicolas revient sur la dépouille qui a encore l'oeil brillant. Une larme peut-être, l'a gardé dans sa dernière expression. D'un geste morne, la croix aristotélicienne qui orne le cou du garçon est repoussée sous la chemise souillée. Ce garde du guet, c'est lui. C'est lui, dans sa jeunesse, c'est son frère. C'est son amant. C'est la vie qui capitule injustement. Les doigts écartés restent une seconde pantelants, ne sachant plus à quel Nicolas ils appartiennent. Cuvette d'eau froide les accueille et les lave de leurs incertitudes. Perceval est là.

- monseigneur, on vous mande.

Tête coiffée d'épis clairs acquiesce vivement. Tandis que le jeune homme essuie ses mains rincées dans un linge, dos aux deux silhouettes il énumère silencieusement le nombre d'hommes qui sont venus s'échouer ce jour aux portes de l'Ostel Dieu pour y mourir. On raconte qu'une rixe a éclaté sur le parvis de Notre Dame. Des mésententes religieuses.

Reprenant contenance, Faust se tourne enfin, et les yeux s'arriment dans leur silence cobalt à l'ichtus d'argent. Perceval est là. Dans sa rigueur longiligne, dans son habit noir d'Huguenote. Il ne sait pas bien les mystères qui entourent cette correspondante inattendue, pourtant une chose éclot en bouquets d'évidences quand il regarde ce roux irradiant, cette bouche mince, ces lignes trompeuses et cette stature de jeune écuyer. Elle est ici pour qu'il les perce à jour.


- Perceval...


    Perceval. Te voilà au bien mauvais moment. Es-tu es venue me tirer d'un mauvais rêve?


Heuse, priez pour lui. murmura-il en recouvrant le jeune mort de son linceul. Le chariot de l'Ankou, fera grincer son essieu dans la nuit pour venir l'arracher à ce dernier lit, et l'emporter vers le charnier si personne ne vient le réclamer. Trop d'âmes en Paris pour offrir à la roture digne sépulture. Tous les enfants de Dieu gagnent le même coin de ciel. Il s'approcha de la rousse jeune femme et lui prit le bras.

- Venez. dit-il en l'invitant à quitter la salle des Adieux où d'autres, certainement, arriveraient.

Le soigneur aux gestes assurés avait subitement disparu. Laissé près de l'inconnu gisant. Faust redevenait Faust dans ce geste. Il vivait à l'Ostel Dieu une dissociation évidente, que l'abeille aura aperçu au moins une fois. Faust. Nicolas. Il vivait comme s’il avait au moins deux vies à vivre, l’une étant le brouillon, l’autre, la version définitive, sans compter toutes ces autres versions entre les deux. Mais il n’y en avait qu’une au bout du compte, qui pouvait prendre ce bras comme il le prenait là.

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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Perceval_aelis
Faust. Nicolas. Aconit.
Perceval. Aélis. Abeille.
Sacré. Foutu. Merdier.



- Perceval...


" ... "

" Faust. "

La voix lui manque, elle qui ne se nourrit que de silence en est devenue un.
La faute à ces iris là, d'un bleu trop intense qui semblent se plonger dans son âme, essaimer la noirceur des chagrins et des doutes, des attentes trop grandes et des lassitudes afin de baiser son front d'une immaculée sérénité.
Un souffle manqué, un battement de coeur raté.
La paupière s'abaisse lentement sur une pupille dilatée, puis se relève, prunelles contractées enfin, reprenant une taille plus appropriée à la luminosité.
Perceval revient, réanime son visage exsangue d'un peu de couleur.
Les doigts se portent vivement sur sa poitrine, là où l'argenté de sa religion y est inscrit ne sachant plus si l'ichtus se trouve au dessus ou au dessous de l'étoffe.

Les aciers glissent, abandonnent l'Aconit pour se resserrer froidement sur la dépouille du garde. Point de réaction.
Ni mépris ni commisération, juste le constat un peu cynique d'une charnure devenue viande périssable, l'âme n'y habitant plus.
Vie gaspillée qui ne la touche pas plus qu'un chien écrasé, notre bestiole étant hermétique à ce genre de sentiment, dès lors que cela n'entrait pas dans son existence.

L'Aconit invite et Perceval s'est laissée surprendre par cette main qui délicatement lui prend le bras.
Assurément dénué de rigueur le geste est perçu par la Montjoye avec violence, le membre se crispe, et tout son corps se rigidifie de manière visible, la carcasse s'immobilise.
Il ignore qu'il vient là de briser une frontière invisible, un glacis soigneusement érigé pour permettre à l'Abeille de se préserver, la promiscuité avec les autres lui est souvent insupportable, comme une invasion de son espace, créant un désordre d'idées, d'émotions, une confusion trouble de ce qu'elle est , elle se sent dispersée, éparpillée en mille fragments.

C'est l'affaire d'une seconde, peut-être deux où l'absence marque la jeune femme, une sorte de trou noir béant qui soutire toutes ses émotions, faisant disparaître sa personnalité, la laissant hébétée, l'oeil creux.
Le souffle s'extirpe souffreteux de sa poitrine, le bras à nouveau détendu se détache avec douceur de son délicieux carcan, qu'elle n'a pas envie de quitter pourtant.

    Trop tôt, Faust.
    Perceval doit apprendre d'abord à t'appréhender, connaître la gestuelle qui t'es propre, la manière dont ton corps s'accapare l'espace, le bruit qu'il fait lorsqu'il se déplace, l'odeur que tu dégages, elle doit savoir cela avant de te permettre de passer ses frontières sans que ses monstres intérieurs ne s'éveillent méfiants à ton approche.


" 'solée... j'n'aime pas... 'fin y'm'faut du temps pour... m'apprivoiser... "

Balbutiements, tête et paupières baissées, elle craint de l'avoir froissé.
Perdu peut-être...

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Huguenote.
L_aconit
Bras est retiré, et excuse bafouillée comme une justification utile, nécessaire; vitale.

Il plut à ces yeux là, pervenches grandes ouvertes à la rousseur d'un soleil étranger de ne pas voir ce dernier s'empourprer un peu. Et le religieux de ne pas relever la gêne embourbante dans laquelle Perceval avait glissé le pied jusqu'à marquer l'arrêt paralysant, autrement que dans un sourire aussi gêné qu'elle, auxquels quelques mots se joignirent comme une brume fraîche sur une fièvre brûlante. Trois mots sertis d'un de ces sourires préservatif, bon à chasser toute l'obscurité dans laquelle Apis Aelis avait chancelé et manqué de chuter.

Ce n'est rien.

Ce n'est ... Rien. Un Rien comme un baume tendu. Comme la fleur recouvre d'un sépale tendre l'abeille qui vient l'honorer d'une visite. Un rien qu'on aurait tort de prendre pour ce qu'il n'est pas. Un rien loin d'être une béance informe et profonde comme les enfers mais plutôt comme l'azur éclatant d'une calanque ouverte. Un rien comme un aveu:

    Ce n'est rien, si tu es aussi rétive que je suis charnel. La paix dort toujours à mon bras. Il te suffira de vouloir la retrouver.


Cherchait-il à l'apprivoiser? Point. Faust acceptait Perceval taillée dans son bloc, garçon manqué exquis aux douceurs revêches, brutes, soigneusement ourlées de mystères qui, s'il comptait bien les répertorier, rechignait à les dénaturer. Perceval était donc LE Perceval qu'il lui plaisait à garder à ses côtés pour marcher en silence dans les couloirs de la faculté, LE Perceval au verbe aussi réservé que le sien et à l'écrit plus volubile encore, LE Perceval qui en partant ce soir là de Périgueux, avait laissé dans un geste inédit une mèche de cheveux à un inconnu priant un autre Dieu.

J'ai fait des recherches. A propos de votre ... Particularité.

Parlait-il du fait d'être aussi racée qu'un écuyer, de sa haute stature? D'être parmi toutes, la seule fille qu'il se refusait à imaginer avec un con entre les jambes? Extatique pensée. Tout en l'abeille , son miel et son aiguillon fascinait l'Aconit qu'il était. Ils entrèrent dans la grande bibliothèque de la faculté, réservée aux seuls étudiants. L'entorse valait assez son détour pour ne pas être faite. Il se tourna alors face à elle, et évalua visiblement les quelques centimètres qui les différenciaient l'un de l'autre, ceux dont heureusement elle manquait encore pour dépasser à treize ans la grande tige de dix neuf ans qu'il était. Bleus , dans cette malice inévitable, cette proximité encore respectueuse cherchèrent peut-être un peu à la faire rougir...


Etes vous prête à les entendre?


    Bien sûr que tu es prête. Tu n'es pas venue ici pour rien n'est-ce pas?

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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Perceval_aelis
[...] et là, soudain, nous sommes,
nous sommes pureté, oubli,
et authenticité
entre les quatre murs de notre peau unique,
entre les deux épées du vivre et du mourir.

- Pablo Neruda [Mémorial de l'Ile Noire] -




D'un simple " rien " tout balayer, purger les sentiments étouffants de ne jamais être à la bonne place, de ne jamais dire la chose adéquate, de ne jamais faire ce qu'il faut au moment opportun.
Un " rien " qui écume l’amertume, la vide de ses ombres pour la gorger de lumière, Nicolas ne savait pas seulement guérir les corps, il curait les âmes, la sienne tout du moins. Avec un rien... un tout petit rien qui fait la différence entre l'Aconit et le commun.

Maigrement, les lèvres s'étirent dans un sourire qui masque à la fois la gêne et le soulagement, le poids d'un coeur qui s'allège.
Faust comme l'eau, qui se faufile dans les moindre fêlures, s'insinue, creuse dans le calcaire Perceval, d'un mot, d'un regard fait taire les brûlures douloureuses, éteint les incendies intérieurs...
Pour à contrario en allumer d'autres, ailleurs, dans les géographies méconnues de son corps qu'elle ne peut identifier et qui parfois l'effraye quand son regard s'attarde sur la courbure délicieuse de la lèvre Aconit.

    Trouble.


L'oreille dressée, le métal de son bleu, lui, s'attache à détailler en silence tout ce qui l'entoure, avide de curiosité, notre bestiole observe les lieux de cet intérêt boulimique qui l'appète lorsqu'il s'agit de savoir.
Ciel la bibliothèque ! C'est comme amener un marin qui n'a pas touché terre depuis des mois au bordel.
Elle s'englobe, se fond dans cet univers de connaissances et se fait l'étrange aveu :


" Par Dieu, qu'j'aimerai vivre ici... "

Vivre ici, dormir ici, manger ici, ne plus en bouger, lire, apprendre, relire et mourir là.
Dehors lui paraît soudain si abstrait, superficiel.
Et lorsqu'elle a assez nourri ses rêves anachorètes, revenir aux bleus, si dangereusement proches, que l'Abeille dans un vertige a l'impression de s'être dissoute dans l'iris, Aconit.

    Troubles, pluriels.


A-t-elle rougi ? Peut-être. Elle même n'en est pas certaine.
Il y a juste cette chaleur insistante, qui persiste dans sa poitrine, qui lui noue la tripe et se faufile électrisante au plus bas de son ventre.
Elle acquiesce simplement, alors qu'en douce, elle rajoute une distance nécessaire, trop proche encore pour elle, son museau s'étant fait picoté par son odeur.
Un pas à peine mais les détails si fins de son visage se font presque plus distincts, la cambrure du sourcil, la forme de son menton, son cou gracile...


    Trouble... encore...


Inspiration, laconique, expiration.
Les doigts se rassemblent, ils se tordent légèrement sous la nervosité qu'elle n'arrive à endiguer.
Le palpitant en tambourin, l'esgourde se tient prête à accueillir les révélations.


" Oui. "

Bref. Sommaire.
D'un songe chuter dans la réalité.

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Huguenote.
L_aconit
    Apis, Apis, petite chose mellifère...
    Ouvre la bouche. Accueille le nectar du savoir
    l'épaisse incertitude de ton avenir.


Elle rougit. Difficile de décrire la satisfaction adolescente qu'il ressentit à cette couleur corruptrice dont il était lui-même si souvent la victime. Elle rougit. Il rougissait. Ils rougissaient ensemble. Peut-être les métaphores les plus concrètes sont une façon maladroite de comprendre ce qui se passe quand deux êtres, à un instant T, ont besoin non seulement d'être près l'un de l'autre, mais de devenir si totalement malléable que chacun devient l'autre. Comme avec Alphonse. Etre dans sa bouche tandis qu'il était dans la sienne, et ne plus savoir, lequel de leur deux sexe, le sien ou celui de l'autre, était dans sa bouche. Ainsi côte à côte, Nicolas et Perceval étaient peut-être leur passage secret vers eux-même, un autre catalyseur qui leur permettait de devenir qui ils étaient sans qu'ils n'en aient réellement conscience. Deux garçons comme les autres...

    Etre qui je suis sous la bure grâce à toi. Toi, qui tu es sous l'armure grâce à moi.


La chute serait peut-être abrupte, quand le déni affiché de Faust à considérer que Perceval avait entre les jambes, l'indélicate fente dont la nature l'avait dotée, tomberait comme un couperet que l'on ne peut feindre d'ignorer.

Il n'était pas taillé pour la solitude. La solitude, lorsqu'il l'avait reçue dans les bras à son entrée dans les ordres l'avait abattu. Lui avait volé toute joie, tout amour, jusqu'à ses élans et ses besoins d'autrui qu'il avait fini par abandonner de guerre lasse, à ces griffes sanglantes. L'autel de la solitude lui avait fait sacrifier Lestat. Au fond, Nicolas ne s'en remettrait jamais vraiment.


Bien. Venez, asseyons nous.

Dit-il en désignant le sol dans le coin le plus reculé de la pièce contre le mur d'ouvrages. Recevoir de la visite était une joie véritable, qu'il exprimait en offrant plus que son temps, sa réelle hospitalité. Voir Ansoald parcourir les allées. Alphonse s'étirer à son lit secret. Perceval le regarder de la façon dont elle le regardait. Car Faust n'était pas dupe. Et non plus niais depuis longtemps, malgré parfois les stigmates encore persistants d'une certaine forme de naïveté. Alors avec la nonchalance des deux jeunes gens qu'ils étaient, sans prendre la précaution de chercher un siège, ils étendirent leurs jambes au sol en y prenant place. Personne n'entrait dans la bibliothèque à cette heure-ci, le religieux ne se souciait pas d'être ainsi aperçu. Ce qu'il faisait dans l'autre versant de sa vie, derrière la polarité du parfait miroir, était bien plus nonchalant que cela.

Avec toute l'élocution qu'on lui avait enseigné à Retz pour savoir accompagner en tous lieux un Prince, Nicolas prit enfin la parole. Fugacement, ce n'était plus le chapelain, mais cette énième fragment de lui qui énumérait des observations manichéennes. Le medecin. Le professeur. Le Zèbre précoce qu'il était, quelque part sur la géométrie de sa personnalité.


Vous êtes plus grande que les personnes de votre âge, c'est certain... Cependant, permettez moi de vous exposer un fait. Vous n'avez pas terminé votre croissance. Cela ne veut pas dire, que vous allez encore pousser... Cela remet en cause la hâte d'un jugement. Tant que vous n'aurez pas atteint vos seize ans, rien ne sera moins sûr quant à une éventuelle ... Difformité.


mot avait été lâché, bien à regret. Il se liait encore à Perceval par quelque chose de palpable. Leur différences notoires. Elle était trop grande. Il était trop avancé sur son âge. Paraîtrait-elle alors difforme qu'il paraîtrait vieux avant l'âge. Pourtant, assis, ils semblaient être comme tous les jeunes gens étaient semblables à leurs âges. Deux parfaits imparfaits se tenant en joue derrières leurs carapaces.


- D'ici là, vous pouvez tout à fait en rester là, et les gens de votre âge vous auront rejoint dans une courbe plus lente. Vous me suivez?


Il tourna tout à fait les yeux vers elle, ramenant ses genoux à sa poitrine en les plantant de ses coudes. De tout coeur, il voulait s'assurer qu'elle comprenne bien que le facteur temps serait décisif et qu'elle ne sortirait pas des murs de l'Ostel Dieu avec une prognose , une étiquette, une case dans laquelle se ranger ou un remède miracle. Juste quelques éclaircies et quelques habiles détours pour se revoir une autre fois, de nouveau.

Faust saisit un petit carnet qu'il avait rangé entre deux livres, où il avait consigné des notes au fil de ses lectures.





Aconitum napellus; Aconit napel.
Noms communs : Capuche de moine, Aconit tue-loup , Sabot du pape.

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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Perceval_aelis
Perceval met du temps à comprendre les petites trames de l'existence, elle a besoin d'une introspection plus lente et plus profonde que les autres pour voir les évidences des sentiments, les identifier, les étiqueter dans un coin de son cerveau, il lui faut décrypter tous ses troubles intérieurs, émois, fébrilités et frissons, et les attribuer à ces étiquettes.
En ce labeur, l'Aconit se montre salutaire par son aptitude à rendre toutes les intrications percevaliques d'une fluidité et d'une limpidité enfantine.

Mais là, à cet instant, dans ce mutuel rougissement, elle vient d'identifier ce qui la perturbe depuis qu'elle a quitté cette taverne du Périgord, la tête vide et le ventre brûlant.
La rencontre avec Faust est un leurre, on l'a dupée.
La jeune rousse ne s'en était pas aperçue, ne s'était fiée qu'à son inaltérable mémoire, à son implacable logique sans tenir compte de ces éléments qu'elle ne maitrise pas, qui ne découlent d'aucune cohérence.
Perceval n'a pas rencontré ce soir là Faust, elle l'a retrouvé, comme on retrouve une partie de soi oubliée, comme un souvenir que l'on ressort après des années d'une boîte et cette confrontation brutale fait ressurgir les émotions vives et cinglantes, telles qu'on les avait laissé là.
Curieusement, sans le connaître, elle a senti tout le poids de son absence, l'odeur de son manque, la joie des retrouvailles.
Ils étaient un, cela ne pouvait être autrement.
Le revers et l'avers d'une même pièce.



" Pourquoi te démener, maudit ?
Que regardes-tu, le souffle coupé ?
Tu l'as compris : on a forgé
Pour nous deux une seule âme. "

- Anna Akhmatova -



Docile, elle obéit, tolère cette proximité à la fois enivrante et déroutante, abat même un pan de son rempart en ôtant sa cape qu'elle plie avec ce soin protocolaire qu'elle applique avec conscience à ses affaires laissant probablement un peu plus apparaître cette silhouette que l'escrime et les longues chevauchées ont façonné, mince, sèche, anguleuse.
Les jambes sont rapatriées en tailleur, le dos droit, Perceval écoute, sans ciller, ni même se mouvoir, le museau figé dans une mine fermée, déterminée à tout entendre.
Un silence s'installe lorsqu'il eut terminé, notre Montjoye réfléchit un petit avant de prendre la parole.


" Trois ans et nous s'rons fixés ?
Faudra-t-il qu'vous surveillez régulièrement ma taille, en pr'nant des m'sures ? "


Nous nous reverrons donc, bel'Aconit ?
Cette pensée suffit à quelques palpitations plus rapides et prononcées, et les joues se roser très légèrement.
Les mains se tortillent, se torturent lentement.


" S'il s'avère qu'ça soit une... déglutit mal à l'aise, difformité... c.. comment s'ra l'évolution ? Vais-je n'plus m'arrêter d'grandir... vais-je être tout'fragile et m'casser quand j'serai tout'grande ? "

Un temps d'arrêt, ou la lippe se pince hésitante, les yeux s'abaissent, la question apparaîtra sûrement curieuse pour une enfant de son âge.

" Croyez-vous qu'ça puisse entraver... m'chances à procréer ? "

De cela découle son avenir, un con avenant, un ventre fécond.
Perceval en cela est bien une -presque- femme.

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Huguenote.
L_aconit


Hé bien justement, j'allais vous le suggérer. Il faudrait pouvoir prendre des mesures, disons, une fois par mois, ou une fois tous les deux mois même. Que je les consigne dans un carnet, pour les surveiller...


    Je serai en somme, ton ange gardien. Le gardien de tes mensurations. Le veilleur de ta croissance. Le guetteur de ta pousse. Et peut-être même, qu'à force, tu me laisserais t'arroser, avec patience, avec cette lente précision qui fait croître les plantes. J'ai les yeux bleus et les mains vertes, sais-tu?


Aurait-elle eu idée de ce qu'elle lui inspirait? Cette franche camaraderie, que partagent comme une intimité tous les jeunes garçons qui ont grandi ensemble. Cette turbulente amitié, jalonnée de bagarres et d'empoignades, de défis et de fâcheries réconciliées que les duos indéfectibles font battre comme l'impétueux cœur de la jeunesse.

Faust avait grandi trop vite. Trop sentencieusement. Trop docilement. Et maintenant qu'il était devenu un homme, il ne pouvait se pencher à la fenêtre de Perceval sans en être un peu nostalgique. Ses grands yeux limpides la dévisageaient, cherchant à démêler l'imbroglio de ses impressions. Perceval était le fils du forgeron . Perceval était Lestat. Perceval était toutes les nuits où il s'était demandé pourquoi il était en fosterage et non réclamé. Chien de race sans collier. Perceval était un point d'interrogation, juste là, entre ses cuisses.

    Perceval...


    Quand il regardait Perceval, rouquin, il ressentait tout le vertige d'une enfance sans ami. Il aurait pu le désirer même à douze ans, il n'en aurait alors pas eu conscience, mais l'aile cassée de ses nuits à Retz aurait fébrilement cherché à battre un peu pour le rejoindre la nuit. Dehors. Dans ses songes. Partout.


La suite de ses recherches, soigneusement consignées dans son carnet qu'il tenait entre ses mains, peut-être rechignait-il à la lui révéler. Il fallait avouer que le destin des géantins, puisque c'est ainsi qu'elle avait supposé son genre sur papier, n'était pas aussi tendre que le ton feutré de leur conteur... Un instant de silence se roula en boule à leurs pieds. Il fallait lui dire. Elle était venue pour cela. Faust alors, prit lecture du fruit de ses recherches, se persuadant que lorsque Perceval avait répondu qu'il, qu'elle était prête, il, elle ne mentait pas.



Je me suis donc occupé de recueillir la plupart des mentions qui sont faites des géants dans les écritures et par les auteurs profanes. Tantôt ces sortes de colosses forment des peuples, des tribus et des groupes ethniques ; tantôt, et c’est le cas le plus fréquent, ils apparaissent dans ces histoires comme des exceptions individuelles.
Dans l'histoire, des individus d’une taille démesurée apparaissent de temps à autre, individus que nous qualifions de géant... Et ces individus colossaux ne peuvent créer et perpétuer des êtres semblables à eux-mêmes.


Il la regarde. Comment parler du con d'une fille qui n'est pas une fille? Il fallait desexualiser , desgenriser. "Perpétuer" voilà un mont qui pouvait désigner de façon asexuée les craintes de Perceval, non? Il s'obstinait à ne pas vouloir qu'elle soit une fille. Une fille n'aurait pas compris son langage, celui de sa bouche, de ses mains, celui de ses yeux. Une fille ne pouvait pas l'apprécier tel qu'il voulait être apprécié. Tel un camarade. Un acolyte. Une moitié d'un même élément. La pièce manquante.


Il en ressort deux interprétations possibles. Les géantins seraient des hommes dont le développement, au lieu de suivre une voie régulière, aurait subi une déviation morbide : des dystrophiques. Leur haute stature ne serait qu’un stigmate de déchéance, un symptôme de leur infériorité dans la lutte pour la vie. Ils ne sortiraient pas seulement des conditions ordinaires du développement, — c’est-à-dire qu’ils seraient des « monstres infantiles » — mais ils sortiraient des conditions physiologiques et normales de la santé, — c’est-à-dire qu’ils seraient des malades, qui relèveraient de la pathologie.


Voici donc les géants dépouillés de leur antique et fabuleux prestige. Et dans la bouche gênée de Faust, la mythologie cèdait la place à la pathologie...
Il était très remarquable que, si les poètes en avaient donné des descriptions effrayantes, s’ils leur avaient attribué, pour symboliser leur force, des membres multiples et des têtes horribles dont la bouche énorme vomissait des torrents de flammes, les artistes grecs au contraire toujours épris des formes réelles, les avaient représentés comme des figures purement humaines. Et malgré cela, pas une seule fois, sous une seule ligne, le religieux n'avait su y voir le beau visage androgyne de Perceval.

La raison était bien simple... Il retrouvait, dans toutes les mythologies, des légendes de géantins. La mythologie grecque représentait ces colosses, fils de la Terre, soutenant des luttes formidables contre les dieux habitanst du Ciel. Le détail de ces combats était présenté de mille manières : c’était tantôt une armée de géants qui se rangeait en bataille sous la conduite d’Alcyonée et de Porphyrion, et qui attendait le choc des habitants de l’Olympe aidés par le héros Hercule. D’autres fois c'était Otus et Ephialtes qui entassaient les montagnes pour escalader le ciel, et qui lancaient contre lui des roches enflammées... mais la lutte qui renaîssait sans cesse finissait toujours par le triomphe du maître des dieux ; et les géants, voués à une défaite inévitable, étaient foudroyés par Jupiter, écrasés sous les roues de son char et finalement précipités dans le Tartare.

    Perceval ne méritait pas le Tartare.



Alors d'un air grave , il lui donna sa propre interprétation de ces fatalités. Baume sur la laideur de l'histoire.


Ce que je retiens, le voici. Toutes ces légendes mythologiques qui ont une signification symbolique et naturelle à la fois, sont à l’aise pour expliquer la place de ces êtres extraordinaires... En leur lignes, ils y retrouvent une image et une personnification des forces souterraines en révolte contre les lois naturelles, — les Grecs disaient divines, — qui exigent et maintiennent la solidité et la fixité du sol. Ces forces irrégulières et tumultueuses, éruptions volcaniques, tremblements de terre, cataclysmes violents ; ces agents de destruction sortis des entrailles de la Terre et déchaînés contre l’ordre du monde, c’est-à-dire contre les dieux; ce sont les géants.


Les bleus revinrent à leur vis à vis, pour en sonder les sentiments. Perceval avait treize ans. Treize ans justifiait bien les révoltes qui faisaient trembler l'univers... Faust espérait que les révoltes, justifieraient moins abruptement toutes ces peurs d'élévations qu'elle cultivait. Comme il avait cultivé les siennes, dans des limons différents, à un âge identique. Refermant son carnet sur ses genoux, et le déposant sur le plancher, il mit un point final à l'immense sujet qui désormais, les lierait, au moins une fois par mois.



Restons en à cette première certitude: trois ans pour surveiller.

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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Perceval_aelis
" Faust, l'ami, le désir, le frère, le père que je n'ai pas vraiment eu.
L'appui, l'abri, la racine qui me manquaient.
Aconit, ma fleur à miel, poison sublime à ma vertu.
Je te confie ce que je suis.
Mon coeur, mon corps, mon âme... "



En avait-elle idée ?
Aucunement.
N'ayant guère partagée de camaraderie, ni franche, ni sournoise d'ailleurs, la créature étant de celles qui sont sérieusement arrimées à leur solitude.
Petite, elle a toujours été ainsi, en marge des autres, goutant peu à la compagnie de ses pairs, préférant de loin -et encore- celle des adultes à n'importe quels jeux d'enfants qu'elle trouvait dénués d'intérêts.
Infantile cruauté, ses contemporains se moquaient de son récurrent accent d'Oc, de ses manies silencieuses, pensaient que son attitude éthérée n'était que l'apanage d'un caractère déficient, d'une faiblesse de l'esprit.

Perceval, enfant trop sage, entité secrète dès son plus jeune âge.
Notre demoiselle préférait observer, lire et travailler ses études; à la multitude, les lieux retirés; au bruit des gens, le mutisme des montagnes venteuses ou les soliloques du Léman.
Des autres, peu lui importait, ne lui restait qu'Izaac et Madeline dont elle tirait les enseignements, un père bien trop loin qui ne pouvait la regarder sans songer tristement à sa mère, des frères égarés, une soeur adoptée qu'elle ne reverra pendant six années.
C'est ainsi qu'elle a poussé, presque clandestinement, sans heurt, sans un bruit, toute à l'inverse de Faust, Perceval, elle, était taillée pour l'anonymat et le mutisme d'une existence d'ascète.

Sagement, si proche de l'Aconit que son odeur étreint son palpitant à chaque respiration, elle écoute, les mains posées sur ses genoux en tailleur dans une posture qui étire vers le haut cette silhouette déjà trop grande.
Les paupières à demi baissées, chaque mot s'imprime dans sa mémoire, les conservant intacts et inaltérés à jamais, odieuse particularité, qui, si elle se montre parfois utile, lui est souvent néfaste à se remémorer avec détails ses chagrins imputrescibles

Prête ? Elle ne l'est assurément pas. Comme tous les événements de son existence, elle compose avec, ajuste simplement sa trajectoire hiératique, reformule ses calculs pour de nouvelles perspectives.
Apis incarne parfaitement cet abandon aux desseins, aux traverses de Dieu préconisé par la foi réformée. On ne pleure sur son sort, l'on rend mille grâces pour les épreuves dont Il forge son peuple élu.
C'est de là que lui vient cet instinct de sacrifice.
Pour son sang, son nom, sa maison et La Religion.


" Bien. "

Articule-t-elle un peu difficilement. Les joues ont pâli inexorablement.
Étrangement, ce n'est pas le sombre futur qui pourrait l'atteindre que Nicolas dépeint qui l'inquiète, mais le présent portant pour seul nom, Gabriel.
Serait-il atteint de cette affliction, court-il vers une fin inévitablement précoce dans un lent étiolement dégradant ?
Cela expliquerait son manque parfois de vitalité, qu'il se pensait impropre à se reproduire, sa taille...
Cette seule idée lui est insupportable.


" Bien. "

L'Abeille réitère, le bleu se gorge d'un peu de salin, la lippe mince se tord nerveusement, elle détourne son museau, une inspiration avant de reprendre sa mine impavide.
Le temps d'un battement de cil, avant que le corps ne se mette en branle, elle décroise ses jambes, les glisse derrière pour se positionner à genoux, prête jà à se hisser en position verticale.


" En avons-nous fini ? Commençons l'mesures maint'nant ? "

    Peut-être qu'en l'instant j'ai besoin de ta main.
    De ta main sur la mienne.
    De ta main sur mon coeur.
    De ta main sur ma joue qui se fera calice à ma peine.
    Un baume, encore...

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Huguenote.
L_aconit
Il perçut la déception. L'angoisse peut-être, qui émanait du regard voilé de Perceval. Et malgré lui, son cœur se serra un peu. Se redressant à son tour en prenant appui à une étagère, il emporta son carnet et ses piqûres mélancoliques comme des tâches de rousseurs sur ce visage au grand teint.

Oui... Oui. Commençons. Allons dans un lieu plus clos.

    Allons loin du regard d'un passant. D'un égaré. Allons ailleurs, là où me pousse mon imagination, entre tes cuisses, géantin.

Les pensées férocement ardentes n'étaient dues qu'à l'âge ou les mains sont ferventes, les fracas des corps magistraux, les découvertes et les quêtes exaltées. Perceval recelait d'innombrables réponses dont les questions dormaient là, entre ces mains qui cette fois ne se risquèrent pas à franchir l'orée d'un bras.

Sur le chemin d'une cellule calme, Nicolas lui fit une conversation des plus évasives. Des plus éloignées de ce qu'il rêvait en vérité de lui dire. Et lorsqu'il referma la porte derrière eux, dans cette pièce presque vide où du seul meuble fut extrait un ruban à mesure, il ne put s'empêcher de se battre plus férocement contre ces pensées trop envahissantes. Dans un silence pesant, il déroula l'outil de mesure pour en vérifier la longueur, et rompit la timidité pleine qui les séparait alors d'une parole; se forçant à ne pas regarder son hôte.


Déchaussez-vous.


    Déshabille-toi.


Voilà ce que l'ont pouvait incriminer à la double dialectique du corps. Plus que ses pieds, c'était chaque centimètre carré de sa peau qu'il désirait découvrir, conquérant de son ruban tendu les plaines légères de cet Adonis qui semblait bientôt vouloir le rattraper en taille. Il espérait qu'en se retournant sur Perceval, toutes ses réponses soient apportées, toutes ses certitudes soient confirmées, qu'une épaule à la clavicule saillante, des pectoraux à la ligne légère et un chemin des dames à peine pubère, comme une invitation à l'emprunter s'étalent fièrement. Là, il empoignerait sa queue, une toute jeune queue qui se surprendrait de se dresser face à lui, et arborerait un sourire des plus triomphal en mettant à jour la vraie nature de Perceval: un fringuant écuyer comme il l'était encore lui même, il avait quelques années.

Dextre se saisit d'un fusain. Gorge déglutit quand il se décida à se retourner.

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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
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Perceval_aelis
Faust court au devant d'une désillusion, point d'Adonis dénudé lorsqu'il se retournera, juste Perceval, engoncée dans son misérable embarras, débottée - les bottes bien rangées dans un coin, alignées avec soin dans une rigueur toute huguenote -se tenant jà roide contre un pan du mur, pour prendre la mesure, les pieds vêtus de ses coutumiers bas noirs dont le dextre, muni d'un petit trou où la peau claire contraste avec le sombre tissu.
Une lèvre mordillée, notre bestiole lutte âprement contre le serpent qui se noue dans ses viscères et qui lui donne la nausée.
Les endroits exigus la comble d'angoisse, nerveuse, la jeune Apis se raccroche au bleu de l'Aconit, dans l'ultime tentative de s'échapper par l'esprit d'un lieu clos.
C'est trop étroit, étriqué, confiné, restreint...
C'est trop intime, familier, privé...
C'est trop dangereux... tes yeux...

Sur la bouche, sur les joues
Sur le front et dans le cou
Des baisers des bisous
Des pelles, des béqués et des pious


Après le bleu, la courbe de ses lèvres, le palpitant s'accélère.
Irrémédiablement.
La voix étranglée parvient quand même à sortir un son grêle.
A bout de souffle.


" J'suis prête... "

Le laisser s'approcher jusqu'à sentir plus qu'une présence, percevoir la chaleur de son corps, l'odeur de son cou, s'abandonner aux désordres intérieurs, à l'agitation de ses boums et de ses bangs lorsqu'il est si proche qu'il lui semble sentir son souffle sur elle.
Machinalement, elle détourne son museau, oppressée, partagée par l'envie d'épouser toute entière son corps et la répulsion de cette proximité.
Dans son mouvement, elle lui offre la vision de son col, long, blanc, délicat où s'échappe le parfum légèrement âcre de sa sudation mâtiné à l'odeur de baies de lauriers de son savon.
Elle ferme les yeux, qu'on en finisse !

Rouge piment timides brulants
Malhabiles adolescents
Rageusement posés
Sans rancune et sans succès *


Perceval aimerait faire preuve de hardiesse et s'offrir le luxe de lèvres épiscopales à accrocher à sa lippe réformée mais en ces jeux dangereux, n'a que la trouille d'essuyer un sec refus, et briser le fragile équilibre qui s'est instauré entre deux entités si semblables et disparates à la fois.


    " Nicolas, baise-moi !
    Baise-moi le front malheureux !
    - ou bien d'autres choses encore... -
    Tais-toi, démon de mon imagination. "


* Embrassez-vous / Brigitte
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Huguenote.
L_aconit
Recharge mes batteries, j'ai besoin de ton regard
Recharge mes batteries, recharge mes batteries
Enchanté, Faust
Je brise les rêves et les cœurs mais j'ai un bon fond, promis.**


Les yeux balayent le tableau, peu surpris.

A quoi t'attendais-tu Faust? Imaginais-tu avoir autant de facilités pour étudier de très près ton Perceval? Assurément non. Perceval n'est pas une personne facile. Un gourgandin, un sans pudeur... Bien sûr que non. Perceval se tient droit et raide, le menton aigu relevé, le regard droit. D'ailleurs. Perceval est sans peur, c'est évident. Perceval n'aime pas le contact, comme tout poulain revêche préparant un étalon glorieux, qui pourfendra d'un geste trois hommes à la guerre. Titan, géantin, il ne fallait pas s'attendre à ce qu'il s'offre sur un plateau d'argent.

Faust s'approche, vient s'agenouiller près des bottes. Doucement, le ruban de mesure est passé sous le pied de Perceval pour le maintenir. Lentement, il se déploie, découvrant les mollets bien ancrés dans leur assiette, les cuisses musculeuses. L'ascension est patiente et étudiée, ne ratant rien de leur sommet, ne souffrant d'aucune bosse audacieuse, gardant bien au chaud leur secrets. La taille droite, piquée de deux légères dunes qui pourraient être un simple bâillement de la chemise, le cou aux clavicules saillantes, balayées à fleur de peau par une coupe de crins roux chatoyants. La gorge où palpite rapidement la jugulaire, où la pomme d'Adam se cache, émanant la baie de Laurier comme sur la mèche coupée qu'elle lui a laissé en partant de Périgueux. La bouche, droite. Le nez anguleux. La mâchoire crispée. L’œil bleu, voisin, qui s'est dissimulé sous la paupière.

    Pas de vengeance, pas de sourires forcés
    Yeux disent le contraire, yeux disent le contraire**


D'un geste rapide, fusain effleure le haut du crâne, marquant le mur d'un trait net. Une inscription y est ajoutée; la date de ce premier rendez vous. Premier d'une longue suite à venir. Dix huit. Il y en aurait au minimum dix huit autres.

Il suffirait d'un geste...

Un geste pour en avoir le cœur net. Longtemps, on l'avait pris pour une fille. Longtemps. Les Cerbères du Prince de Retz n'avaient-il pas cent fois tenté une main à sa croupe, quelques doigts sur ses cheveux longs? Ne l'avaient-ils pas raillés lorsque le doute , puberté oblige, avait pointé le bout de son nez? A treize ans, il était aussi beau qu'une pucelle... Alors Pourquoi Perceval ne pouvait pas être un garçon du même acabit? Aujourd'hui, il était devenu un homme, personne ne pouvait plus en douter... Paré d'angles admirables, de jambes qui s’étoffaient, d'une poitrine qui s'élargissait en corolle et d'une voix qui ne laissait plus de place à l'hésitation. Perceval avait encore quelques années pour s'affirmer. Et Faust avait l'âge où sa queue lui dictait de savoir.

    Yeux disent le contraire, yeux disent le contraire
    Oups, je l'ai touché dans l'cœur, aïe aïe**


Pourtant, il recula. Perceval avait tremblé. Il recula par respect. Il recula pour sa tenue de religieux. Il recula par couardise. Un seul geste et Perceval pouvait lui échapper et ne plus jamais revenir. Ce n'était pas ainsi qu'il espérait arriver à ses fins. Il marmonna que les prises étaient terminées et annota le tout en lui tournant le dos dans son carnet relié.

Il aurait dix huit autres occasions de savoir.



Je caresse ton absence
La montagne et l'errance
Et puis l'ennui
La rivière te ressemble
Du moins en apparence
Pourtant tu fuis*



*Julien Doré. Dédicace à JD Archi. Parce que bon, hein, voilà.
** Yeux disent, Lomepal.

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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Perceval_aelis
" Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Ce qui me bouleverse et qui m’envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j’ai trahi quand j’ai tressailli

Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d’aimer qui n’a pas de mots "

~ Louis Aragon ~



Tous ces mots qu'elle a jeté en pâture au silence alors qu'il lui tourne le dos, alors que Perceval scrute chacun de ses mouvements, remettant une à une ses bottes.
Une nuée, une multitude, enterrées à jamais dans le tombeau nacré de sa bouche.
Un dos, d'ailleurs, qu'elle détaille avec minutie, de sa nuque jusqu'aux épaules dont elle apprécie la largueur à tout ce qu'occulte sa mise religieuse, elle s'imagine aisément, une taille masculine bien dessinée où ses bras pourraient se nouer, sa scapula oscillant entre force et fragilité pour y nicher son museau et se gorger de son odeur.
Faust si proche et si loin alors, elle n'ose briser le sceau de la distance, elle s'est juste redressée et se tient roide derrière lui, dans cette attitude de politesse embarrassée.

Soulagée et déçue à la fois que l'Aconit n'ait point esquissé le moindre mouvement vers elle, cependant notre bestiole préfère nettement ne pas avoir eu à choisir entre l'acceptation ou le refus d'un tel geste.


" J'peux y aller ? "

Futile question qui ne sert qu'à couvrir un plan d'évasion éhonté, une fuite nécessaire.
Quelques politesses d'usages pour clore l'entrevue, peut-être à sa manière, abrupte, maladroite.

A peine quitté, c'est un creux curieux qui s'installe dans sa poitrine, un vide béant qui lui est étranger, un manque inhabituel, viscéral, cousu à sa chair, à sa peau.
Un sentiment dont elle ne pourra se défaire.
Doux et amer.

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Huguenote.
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