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Des courtes & des brèves

Perceval_aelis
Un tout petit mot est porté par la boule de plumes, les mots sont un peu trop ramassés, le flux un rien haché.

Citation:
Vous avez signé Perceval.

Si c'est ce que vous désirez avec sincérité, nous serons deux à faire comme si vos deux missives n'avaient pas existé. Entendez que je ne suis pas certain que ce soit le plus juste, ni de grand chose d'autre.


G.

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Perceval_aelis
L'écriture est appliquée, la courbe un peu plus rondie et moins sévère que d'habitude, l'agitation des derniers courriers s'est assagie, le délié se fait fluide. Le billet est sobres mais probablement suffisant pour le destinataire, en tout cas elle l'espère.

Citation:
Perceval c'est je !
C'est votre Abeille et c'est tout le reste.
Souvenez-vous en, n'y voyez rien d'autre que ce que je suis, dans son entièreté.
Je ne sais ni écrire ni lire entre les lignes, je ne suis point douée pour ces choses là, adoncques n'y voyez aucun message caché.

En sincérité ? Je ne le souhaite pas.
Ce que je veux, c'est ne jamais avoir à vous blesser, ne jamais avoir à vous décevoir.
Pourtant, je suis intimement persuadée que c'est chose faite.
Alors je n'ai écouté qu'un de vos conseils meshui. Celui de ne me fier à rien ni personne.
Je me suis écoutée et maintenant je sais. Je ne sais pas ce qu'il en sera plus tard, mais de ce qu'il en est maintenant, je sais !

Prenez maintenant votre carnet, je vous l'intime fermement, ouvrez-le, prenez votre mine de présent.
Écrivez qu'en ce jour d'hui, le vingt-huitième d'octobre de l'an 1465, Perceval, votre aimante Abeille vous a confié la chose suivante, qu'elle vous aime sincèrement, de son âme et du bon de son coeur, elle vous aime d'amour, vous, Gabriel, son Jehan. Tenez-vous-le pour dit !

Que Déos vous enseigne qu'il ne faut point me jeter dans les doutes, cela me cause chagrin et larmes.
Parce qu'il en est ainsi et point autrement.
Débrouillez-vous avec mon affection, ce n'est ni repris ni échangé.

Votre Abeille qui vous aime malgré vous.

P.S. : Vinçu n'a pas un peu grossi ? (oui c'est hors sujet, mais je n'ai jamais prétendu avoir le monopole de la logique.)

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Perceval_aelis
Citation:
J'ai bien copié le paragraphe intimé avec fermeté. Il est là, juste après un portrait de vous commandé d'après votre médaillon. Lequel, d'ailleurs, mériterait des remerciements que je ne saurais jamais écrire ; il faudrait qu'ils soient assez éloquents pour vous faire entendre combien cela me soulage et me ravi d'avoir votre visage à portée de regard. Il me faut avouer que mesme après grandes réflexions (tant que j'en ai usé deux pouces de chandelle tout entiers), ces remerciements dignes du cadeau ne me semblent pas exister. Vous devrez vous contenter de lire un "Merci" et de l'imaginer serré à la gorge, embué d'une émotion inédite.


Voilà. Maintenant, entendez bien et fort que vous ne m'avez ni blessé, ni déçu, ni rien d'autre qui vogue dans ses sphères-ci. Entendez aussi quelques excuses, je crois qu'il était inconsidéré, condescendant peut-estre, de vous remettre en doute si entièrement. C'étaient plus mes doutes que ceux qui auraient pu estre les vostres, que j'exposais en rangs serrés.

Sans vous mentir, il m'aurait été plus simple de croire que vous aviez tracé cette missive dans un élan de fièvre sans mal, dans un éclat de l'esprit sans fondations vraies. Puisque vous l'affirmez de nouveau, vous obtenez ma foi et mon acception sans bornes de l'affection que, si j'ai compris, je n'avais de toutes les façons pas le droit de refuser ! Tout est bien, donc.


Tout est bien quoique je me trouve grignoté des inquiètudes les plus alambiquées. Il faut que vous me promettiez que quoiqu'il advienne de ce que vous me révélez là, vous ne ferez rien d'inconsidéré, rien qui pourrait vous nuire, peu importe la manière. Pesez bien, Perceval. Rien d'inconsidéré, rien qui vous ferait renier vos devoirs, rien qui remettrait en cause la destinée qui vous a été attribuée, rien qui vous mettrait en danger... La liste est aussi longue que les hypothèses parfois lourdes de colifichets d'histoires impossibles qui tissent leurs toiles acides dans mon esprit.

Votre Jehan, qui accepte votre sentiment en dépit de sa raison.

P. S : Si, c'est qu'il réclame pitance à tous, picore dans le pigeonnier parfois avant de me revenir... Impossible. J'ai pensé à une préparation pour l'hiver, peut-estre sent-il qu'il va estre rude ? Je ne sais.
Et soyez illogique tant et plus. Pour ces choses-là, vous avez le droit.

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Perceval_aelis
Citation:
Me voilà apazimée par votre dernier courrier.
Point de dol, point de déception à déplorer, vous m'en voyez grandement soulagée.
Votre acceptation fait-elle donc office d'une sorte de réciprocité affective ?
Je ne suis pas certaine d'avoir saisie toutes les subtilités de vos écrits, mais c'est ce que j'y devine, si je m'égare veuillez me reprendre et me corriger.

Si cela peut vous rassurer tout à plein, je vous promets toutes ces choses, je vous veux en paix avec votre conscience. Je m'y tiendrai du mieux que je peux tant que cela ne nous nuise pas.
N'y pensez plus, je vous prie, il en est jà assez de mes propres tourments, et il n'est point encore temps d'y songer, juste de profiter de l'instant présent.

D'ailleurs, ce me semble, nous avons perdu le fil de nos courriers, reprenons le voulez-vous ?
Vous deviez me répondre je crois ?

Où êtes-vous maintenant ? Avez-vous repris la route ? Pour où ?
Pour ma part, nous sommes toujours en Styrie (je crois que c'est le nom de ce duché en françois) et quittons ce soir Bruck an der Mur, joli petit bourg, où les maisons ont le charme particulier des ces contrées de l'Empire.
Je m'entraîne dès que je peux avec Gabriel (je parle bien de ma bâtarde, et non d'un gars qui aurait le même nom que vous), elle est moins aisée à manier que celle de ma mère, plus longue et donc plus pesante, c'est prévisionnel, je suis vouée à grandir encore, ma mère, elle, était de taille assez petite, d'après sa vesture, j'en suis très proche, un ou deux pouces de plus. L'épée de ma mère bientôt me sera trop courte.

Je souhaite de vos nouvelles, à ce propos je pense investir en un pigeon pour alléger un peu les cadences de ce pauvre Vinçu, je ne souhaite pas le tuer à la tâche. Avez-vous des conseils ? Croyez-vous qu'il en sera fâché ? Pour ce qui est de son rembourrage, je vous pense dans le vrai, cela doit annoncer un rude hiver.

Que Déos vous ait à l'oeil.
Votre dévouée et aimante Abeille.

P.S. : Rien en ce jour n'a pu me faire quitter mon sourire, c'est d'avoir lu vos mots qui ont su assouager les miens (de maux, pas de mots, hein !)

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Perceval_aelis
Citation:
Avez-vous la pensée sincère que je puisse n’avoir aucune affection pour vous en moi ? Allons. Vous devez par contre entendre que la raison me rend incapable de vous écrire une réciprocité vraie-jumelle ; pour toutes ces choses que je vous ai fait demande de promettre, pour tout un chapelet d’autres. Et entendez aussi que je ne vous les fait point promettre pour apaiser ma conscience, non. Toute dotée d’escience et de mesure que vous estes, aucun esprit n’est exempt de coups de passion qui plongent dans les méchefs. J’envisage ces promesses comme autant de garde-fous. Et peu importe qu’ils me nuisent, Perceval, ils sont là pour que vous ne nuisiez pas à vous, par mégarde ou par égarement. Nos intérests sont voués à se faire inégaux, de toutes les façons : rien n’y pouvons, sinon prévenir. Alors, je préviens.


Passons.


Je suis dans le Languedoc, à Nîmes. Ce n’est qu’à un jour de route d’Arles, aussi n’ai-je que peu voyagé. Les rues sont plus calmes, ici. Le froid ne semble pas vouloir prendre les terres, il est remplacé par une bise forte, qui vole le souffle dans les bouches parfois. Mes jours s’égrènent calmement, sans remous, de l’épuisement des travaux repris au repos. Je loue mes bras au tout-venant, le plus souvent dans les champs, pour préparer l’hiver.

Je n’ai pas souvenir de vous l’avoir écrit, d’ailleurs : je me suis pourvu de plusieurs essences qui devraient avoir lavé toute trace de mal infectieux en moi, toute chance d’estre encore touché des trois maladies dont j’étais affligé selon la médicastre. Vous n’aurez moins de chances d’avoir à vous inquiéter de mon état derechef.


Pour reprendre le fil de nos missives précédentes :


Pourquoi un Gabriel et pas une Gabrielle ? Les armes, fléau mis à part, ne sont-elles pas toutes femmes ? Ou Tempérance ? Et arrivez-vous à la manier avec plus de finesse déjà ? Allez-vous réellement vous en servir ? Cette chose-là m’est dans l’esprit toute duelle, savez-vous ? J’ai à la foi tout le mal et toute l’évidence à vous faire mouvoir comme une guerrière de vrai, dans mon esprit. Je ne crois pas que votre sexe soit en cause. Votre jeunesse ? Ou peut-estre suis-je si sot que je voudrais vous fantasmer dans un écrin de verre délicat et de velours, toujours ? Je ne sais.


Vous allez vous moquer : je ne sais plus ce que je vous écrivais, sur ces histoires d’extrémités. Admettons que je soutenais qu’hommes et femmes s’attirent parce qu’ils sont différents ? Je crois avoir entendu (ou pensé, qui saurait) quelque chose dans le goust de ce que vous avancez. Enfin, non, vous écrivez que c’est vostre teste ou votre ame qui m’ont trouvé, ont-elles des yeux pour reconnaistre les figures qui méritent votre affection ? Où n’en ont-elles pas besoin, dotées d’un autre sens plus éthéré, elles sauraient sentir celles qui leur sont un peu sœurs ? Avais-je réellement votre affection avant nos courriers ? Je serais tenté de croire à une réponse positive, vous m’avez confié un de vos biens, après tout.


Ces processus sont mystérieux, n’est-ce pas ? Quand je pense à ce qui m’attache, de giron et d’esprit, à vous, ou aux rares personnes que j’ai pu tenir dans mon cœur, je vois toute une rangée de justifications bien ancrées dans la raison. Pourtant, il me semble toujours manquer quelque chose. Pensez-vous qu’il est là, le fait de l’ame ? Ou de la destinée ? Et si l’on aimait parce qu’il devait en estre ainsi ? Je m’égare. À me relire, il n’y a que questions !


Tant pis, je les laisse ainsi, vous aurez le choix de ne pas répondre.


Comme je suis tenté de le faire, d’ailleurs, quant aux baisers. La convenance peut-elle encore souffrir que nous échangions sur ces sujets ? Non pas que j’ai grandes révélations à vous faire, tout du contraire. Je constate, non sans trouver cela particulier de poupe en proue, que cela me serait mesme plus dur à vous peindre que les sentiments d’amour-amoureux.

Avez-vous jà tenu une main amie étroitement ? Ou senti qu’un contact envoyait une chaleur tiède, douce, sans violence, en vos tripes, rassurant une inquiétude que vous ignoriez avoir ? Partez de là, pour comprendre un baiser lèvres-aux-lèvres. Puis, ajoutez-y un ressac étrange, court, partout sous votre peau, comme si le sang réchauffé imitait des frissons, mais infiniment plus doux que ceux qui vous agitent lorsque le froid mord. Couronnez le tout d’une sorte de joie, une qui ressemble à celle qui accompagne un cadeau dont on vous fait la surprise. Et, ligne colorée de plus dans tout cela, brouillée de mouvement, une pointe de douleur dans le ventre. Fine, ténue. Je suppute que cela doit estre un manque de complétion. Une sorte de frustration.

À y réfléchir, je me demande si quelque chose en nous n’appelle pas à une fusion avec les estres aimés. Ce qui est, évidemment, impossible, mais vers lequel on tend, dans les contacts ? Ils ne seraient pas recherchés juste pour le plaisir de chair, si éphémère, qu’ils provoquent ? Encore une fois : je ne sais.


Je sais, par contre, que votre mari aura selon toute vraisemblance une bouche ! Vostre père ne souffrirait pas de vous offrir à un homme qui ne pourrait mesme pas faire serment à haute voix de l’alliance, allons. Alors ce sera avec lui que vous ferez l’expérience, et vous me direz si la sensation est égale à ce que je tente de vous décrire. Je crains que ce ne soit qu’un fragment de ce qu’un baiser peut instiller. Je serais tenté de vous dire que, comme les autres touchers, cela doit plus dépendre du lien que vous avez avec la personne possédant les lèvres baisées que de tout le reste, mais je ne puis en jurer.


Ah, et Kaghan, j’allais oublier… Il a bien rejoint un amant, un dru, qui deviendra son époux, le second. Un très jeune homme, à peine un été de plus que vous. Ils sont aussi blonds l’un que l’autre. Le garçon est plein de troubles. On croirait des frères.


Il faut encore que vous me comptiez Minah et sa ‘machine infernale’, puis votre famille, puis vos pensées. Et écrivez-moi donc des pages de questions, si vous en avez le goust !


Garde à vous, toujours,

Votre Jehan.


S : Le regard de Vinçu m’a fait me souvenir : le médaillon. Vous avez l’air un rien soucieuse. Je ne me souvenais pas de votre nez ainsi, mais il s’assortit à votre menton, alors tout est bien. Et puis, vos yeux, ils semblent tout piqués de rouge, comme si vous aviez chevauché à brides abattues les paupières grandes levées pendant des heures. Peut-estre est-ce ça qui vous donne l’air triste ?


P.S II : Ah, et trouvez donc un compagnon de besogne à ce pigeon ! Prenez-le bien fait, le corps rond et fort, la poitrine pleine, l’œil vif, les plumes denses, longues, propres et soignées, le bras court, le bec brillant, le comportement docile. Le sexe importe peu, à mon sens. Les femelles sont plus menues et les morilles de leurs becs plus discrètes, vous les reconnaîtrez sans trop d’encombrement.


P.S III : Ce courrier est beaucoup trop long !

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Perceval_aelis
Citation:
Garde à moi, toujours !

Je n'y songeais nullement, je me doute bien que vous ayez quelques affections pour ma personne, mais cela peut être une affection toute amicale ou fraternelle. En cela je ne voulais pas me méprendre.
Je n'ai point besoin de garde-fou, je connais mon devoir envers mon nom et rien ne ferai pour y nuire, et rien ne ferai non plus qui vous nuirait, en tous les cas je m'y ingénierai.

Passons aussi, je ne goûte guère à laisser mes pensées vagabonder en ce futur incertain, cela me plonge dans une sorte de malenconie. Je vis l'instant, demain me paraît si nébuleux que l'envisager de concret me paraît impossible.

Nous quittons ce soir, M., j'y ai trouvé mon pigeon, pour l'heure j'userai encore des services de Vinçu, le temps que nous nous apprivoisions. Il faut que je lui trouve un nom, si vous avez quelques suggestions à me souffler, je veux bien, je crains que "Pigeon" ou "Hep toi la bestiole" ne soient guère appropriés, néanmoins ne vous cassez point la tête, je trouverai sûrement avec le temps.

J'aimerai vous décrire la cité avec le même soin dont vous faites preuve dans vos lettres, j'ai aimé y séjourner et ce, même si je n'entends rien à leur verbiage, il y a certes de l'allemand, mais j'ai noté que le populaire use d'un autre dialecte, qui sonne presque plus doux à mes oreilles, les gens font bon accueil en toute simplicité. Le climat y est frais mais guère plus que par chez moi, et il y a des vignes à profusion, on y prépare semble-t-il une grande fête pour les vendanges (si j'ai bien tout compris) la semaine prochaine. M. est entourée de nombreuses collines qui au plus tôt du jour se libèrent avec peine de l'étreinte éthérée de la brume. Telles de vieilles amies qui ne peuvent se quitter.

Nous passerons ... dans plus d'une semaine, une dizaine de jours peut-être même et nous avancerons en morne désert sans croiser ni bourgs ni cité, nous nous devons astreindre à la plus grande des prudences, l'endroit y mal fréquenté, une horde de barbares y fait sa loi, un genre de Fatum "local".
Je vous écrirai de courts billets pour vous rassurer, le plus souvent possible.

Il est bien, curez-vous, pour ma part je n'ai pas trouvé un seul office de médecin ouvert dans les villes traversées, à croire qu'ils ne sont jamais malades dans ces coins-là !

Je vais vous imiter sinon vous allez encore me picanier sur le désordonné de mon épistolaire. Je vous répondrai point après point pour ne rien -ou tout du moins essayer- oublier.

Je vous pensais plus fin d'esprit, ou n'avez vous point saisi le trait ? Pourquoi "un" Gabriel ? Parce que "une" Perceval. Cela était d'une évidence.
Et puis vous m'êtes précieux, cela me donne un peu l'impression que vous êtes mon prolongement, que vous êtes un peu là, à me veiller.
De finesse, j'en suis loin, j'ai encore beaucoup à acquérir, de la force, de la précision et surtout une grande endurance, j'ai néanmoins une grande ténacité.
Oui je m'en servirai.
Vous n'êtes point sot, loin de là, vous ne me voyez guère en guerrière simplement car je n'en ai point l'allure, ni même l'attitude probablement, trop douce peut-être pour l'incisif des combats ? Il est vrai qu'un pied dans l'enfance et un autre dans l'âge adulte n'aide guère à me doter d'une aura d'implacable férocité.

La suite m'est un peu complexe, tant à vous entendre qu'à vous répondre, trop de questions peut-être ? Je vais tâcher d'être au plus juste.
Physiquement je ne vous trouve point de grands attraits, ni d'une émerveillable beauté, vous devez sûrement séduire à tas les demoiselles, vous êtes loin d'être laid mais personnellement je ne goûte point à vos charmes, tout du moins point à votre aspect charnel.
Pourtant il y a en vous quelque chose qui me touche, me cause tumultes et émois, sans grande raison et sans que j'en puisse en discerner de vérité sa nature ni sa provenance.
Il y a une foultitude de petits riens qui vous rendent à mes yeux unique, plaisant même, vos lèvres qui s'ourlent en un sourire, l'éclat et la belle couleur de vos yeux, la manière dont vous regardez les gens, votre intelligence et votre curiosité mais en toute finalité rien de bien précis qui vous distingue du commun.
Juste mon regard sur vous qui n'est point le même que celui que je porterais sur un autre.
A bien y penser, au delà de vous avoir trouvé par l'âme, c'est la sensation, étrange et improbable que je ne sais expliquer ni exprimer avec exactitude, d'une sorte de retrouvaille.
Peut-on se reconnaître sans s'être rencontrés ?

Je vais y songer plus en profondeur, vos questions amènent quelques réflexions et sont semblables à celles qui parfois me font tourner chèvre. Il est tard, j'ai usé bien trop de pouces à ma chandelle et il est l'heure de sonner le boute-selle et de prendre brides.
Demain, je reprendrai le fil de cette écriture.

La nuit, ne m'a guère apportée de réponses, je le crains.
La destinée, ou le dessein du Très-Hauct sont des possibilités, des éventualités, mais je ne pense pas avoir de réelles explications, il faut en accepter la part de secrets.
Oui-da, vous aviez déjà mon affection, j'avais déjà l'envie, le besoin de rester en lien étroit avec vous, de vous revoir, sans saisir pleinement le fond de ce désir.

Je n'ai jamais ressenti les choses que vous décrivez, parfois juste un léger trouble en votre compagnie, surtout lorsque je vous ai baillé en prêt mon bien.
Plus qu'un trouble, un vertige, le palpitant en cavalcade qui cogne jusqu'aux tempes.
Point agréable vraiment, juste un peu grisant, comme lorsque qu'on chevauche brides abattues, une peur mêlée à je-ne-sais-quoi qui vous rend douloureusement vivant.
A me relire, je me trouve si brouillon... l'impression que rien n'a de sens en ce que j'ai écrit.

Je souhaite que le premier de mes baisers me soit baillé par la personne pour laquelle je nourris un sentiment et non par un époux que l'on m'aura imposée pour le bien de ma maison, ou pour quelques alliances nébuleuses que mon père aura contractées.
En toute sincérité, je souhaite que cela soit vous dans la mesure de votre possible, sans que cela vous mette à mal, si cela est une requête trop difficile pour vous, j'y renoncerai, soyez sans crainte, je ne ferai jamais rien qui ne vous cause du tort.

Pour le blond, vous vous gaussez de moi, deux hommes ne peuvent s'épouser, cela est contraire aux lois de l'Unique et cela serait s'exposer au péril de la colère divine. Vous devez sûrement vous méprendre.

Pour les nouvelles, mon père est d'un mutisme effrayant, il ne m'adresse mie la parole, que je ne serai pas sa fille qu'il en agirait tout autant pareil.
Minah quant à elle se porte bien, elle s'est moquée de ma confession (oui je lui ai dit mon sentiment à votre égard, et elle en rit. Parfois, je la déteste !).
Elle trimbale - attendez que je trouve le moyen correct de dépeindre cet engin de malheur - un temple (autel) mobile pour son culte des bestioles crevées. Un machin peu discret, avec des roues, tout en bois, un Philémon sculpté et toutes ses comparses de bestioles pour lui tenir compagnie et ce... pour faire.. j'en sais fichtre rien, je n'ai rien compris à ce qu'elle souhaite en faire de vérité.
Non, en fait je ne sais pas comment vous décrire la chose, faut que je m'y arrête plus longuement mais cet engin c'est diablerie, c'est hérésie, c'est attirer sur nous l'oeil de Déos et nous faire craindre son ire.

Qu'allez-vous faire ? Flâner en Languedoc, faire les vendanges peux-être ? Comme toujours, je veux tout savoir, de vos aspirations, de vos gestes, de vos rencontres.
Cela me donne l'impression d'être un peu avec vous. Votre absence, de plus en plus, se fait pesante, et je n'aspire qu'à vous revoir promptement.

Déos vous veille, je ne le peux.
Votre dévouée et aimante Abeille.

PS I, II & III : Vos courriers ne sont jamais trop longs, JAMAIS !

PS IV : JAMAIS !

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Perceval_aelis
Citation:
Dans le nébuleux nous nous rejoignons, je l’écris sans joie. S’il faut m’en accommoder mesme sans gré, cette toute-puissance de l’instant semble devoir me faire plier l’échine, un jour. J’ai l’esprit gourd du manque de certitudes.

Parfois tellement que je projette de ne plus vous écrire, ni de vous voir, jamais. Cela ne dure très longtemps, vous vous en doutez : la pensée de ne plus vous lire finit invariablement par me voler l’air à la bouche, par me vider tout entier le poitrail. Elle revient, pourtant, avec quelque chose du déchirement aux bornes du supportable qui porte, caché, un coin de délivrance. Tous les détails vont jusqu’à s’accorder, quelque fois. Et puis je bute au mesme endroit, sans variation. Sur le prest qui pend à mon cou. Mon imagination ne le voit que perdu si je devais vous le rendre autrement que de main à main. Je la soupçonne d’estre sans honnesteté, mais cela ne change rien.


J’ouvre ma missive sur un sentiment collant de taches sombres, n’est-ce pas ? Veuillez m’en excuser. C’est que les échos de votre aveu continuent de résonner de façons bien étranges en moi.


Las.


Un nom de pigeon, donc. Puisque je présume que ‘Vinçu de Perceval’, ça ne conviendrait pas :

Célé, qu’il soit toujours rapide ? Euthyme ? Urçu ? Gédéon ? Gédéon le pigeon, vous admettrez, ça ne sonne pas si mal. Mieux que Gégé. Quoique.


Entendre votre langue d’autres bouches que celles qui vous sont connues ne vient jamais à vous manquer, d’ailleurs ? Le parler d’oc me fatigue un peu parfois, trop de compréhension, d’attention dévolue à entendre le moindre échange, le confort me manque. Je suis votre avancée sur une carte qui, faute à son grand age, je ne sais exacte. Dix jours jusqu’à la capitale, et ensuite ? Combien de jours jusqu’à votre arrivée encore ?


Un Gabriel parce qu’une Perceval… Soit, je pensais une Gabrielle parce qu’une bâtarde, l’esprit grossier.

Je soupçonne que je ne vous vois pas ainsi parce que je ne veux vous voir ainsi, simplement. Vous avez déjà quelques attributs du guerrier, dans votre discipline, votre austérité peut-estre, l’absence de babillages futiles dans votre bouche, votre sélectivité dans les affections. Mais soit.


Je pense que l’on peut se reconnaistre sans s’estre rencontrés, oui. Est-ce par similarité d’esprits ou par un autre concours que je ne saurais expliquer, ça…


Vos mots ont sens et fond, si, c’est la sensation qui est dure à décrire, il m’est mesme malaisé de la savoir de nouveau, tant c’est fugace et confondu avec d’autres choses. Ils cessent par contre d’estre avisés pour quelques lignes, ici. J’entends que vous souhaitiez estre liée à celui auquel vous confierez ce premier droit, bien que j’ai en moi le doute que les baisers ne soient pas toujours premiers, donné à une bouche inconnue… Admettons, donc. Mais le vouloir de moi ? Et vous n’évoquez pas les raisons les plus révélatrices de la problématique.

Pensez-vous réellement pouvoir vivre dans le moment jusqu’à cette extrémité ?



Et non, je ne me gausse ni ne me méprend.



Le savez-vous si taiseux avec tous ou vous réserve-t-il ce traitement ?

Si parfois vous la détestez, c’est que vous l’aimez de vrai. Les liens de fraterie étroites sont ainsi faits, je crois. Et, allons, le rire n’est pas la pire des réactions qu’elle aurait pu avoir. Ne vous prend-t-elle pas au sérieux ou le rire émanait-il d’un autre sentiment ?

Ma fiance en votre austérité me sauve de croire à une plaisanterie étrange. Un temple. Un temple ? Ma souvenance n’est pas bonne, entendons-nous, mais j’ai cru lire, ou entendre, de vous, que Minah sauvait ce qu’elle entrevoit comme des oubliés ? Il s’agit aussi de les vénérer ?

Notez que si Deos est dans toute chose, dans tout corps, alors il est aussi dans ces bestes parties. Et que donc, elle a tout de mesme un autel aux créations divines. Voilà.


Que vous écrire ? Je ne sais ce qui m’animera demain. Route croisée avec un mercenaire au parler trop certain parfois quoique sa conversation soit instructive. Je n’ai retenu son nom, s’il l’a jamais articulé. Un Zurichois aristotélicien. Quelques contes d’expériences passées, échanges de stratégies (entendez par là que je posais des questions de néophyte et qu’il y répondait, seulement). Avez-vous penser à tenter d’affamer le Khan ? Ce semble que la tactique soit plus qu’effective. Et je ne sais quoi à propos de lanciers et d’unités lourdes…

Les vendanges ont déjà débuté ici, j’y passe quelques journées, mange plus de raisin que je ne bois de vin.

J’ai aussi rencontré deux frères amis du fiancé de Kaghan. Etranges créatures, l’un peut-estre plus innocent que l’autre. Il anime une sorte de poupée difforme, beste qu’il est difficile de nommer, et qui s’exprime avec sa voix, sauf qu’il ne remue jamais les lèvres.



N’aspirez pas trop fort, le mesme désir chez moi n’est plus que douloureux.


Garde à vous,


Votre Jehan.

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Perceval_aelis
C'est un pigeon inconnu au bataillon qui débarque, la tête blanche tachetée de gris, le corps taillé pour le long cours recouvert d'un plumage d'un gris anthracite, l'oeil est vif, la bête semble un peu effarouchée, nerveuse. Elle jauge le destinataire, hésite un peu à se laisser prendre le message mais se fera amadoué par quelques poignées de graines.
Le billet est court, l'écriture hâtive et le papier quelque peu humide.


Citation:
Ceci est pigeon test.
Enfin je ne sais pas comment on peut appeler un pigeon que l'on envoie pour la première fois afin d'éprouver sa fiabilité, savoir s'il trouve son destinataire et surtout s'il me reviendra.
Donc, c'est un pigeon test.
Il a un nom, enfin je crois, je ne sais pas s'il s'en accommodera.
Bref.
C'est son nom. Hmm... Son nom c'est Bref.
Je ne sais pas si c'est clair.
Bref, passons.

Je vous écrirai plus amplement et de manière plus approfondie ce soir peut-être et je vous renverrai Vinçu qui se repose pour l'heure.
En premier lieu, ne vous avisez pas de vous mettre en tête de ne plus m'écrire, ni même de ne plus vouloir me voir. Vous voulez me fichtre en bombarde ? (un truc qui fait BOUM, très explosif, en plus ça a tendance à tout fracasse au passage et ça démembre les gens) ne me faites jamais cela. JAMAIS.
Vous voulez me faire mourir de chagrin ? Vous voulez tester mes sentiments à votre égard ?
Mais pourquoi vous me dites pareille chose ?

Je dois vous laisser, le campement à monter, les chevaux à étriller, et surtout me sécher. Voilà trois jours que la pluie nous darde le cuir sans discontinuer. Une pluie insidieuse, froide, qui nous mouille jusqu'à l'os et nous glace tout entier. Même au coin du feu, on la ressent au plus profond de nous, humidité odieuse qui n'a de cesse de nous gâter l'humeur.

Je tâcherai de me montrer plus aimable dans la prochaine missive, la présence de Vinçu m'y aidera probablement.

Déos veille à vous.
Votre exécrable Abeille.

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Perceval_aelis
Au pigeon de revenir après remplissage de bec et apprivoisage en règle, le même petit rouleau à la patte que son compagnon de vol, boule de plumes bien connue de la destinataire.

Citation:
Votre pigeon m'a bien trouvé quoique j'ai eu quelques difficultés à lui faire perdre son appréhension. L'appel du ventre a eu raison de lui sans mal, je l'ai achevé d'une grattouille rituelle. Son nom n'a pas eu grand effet sur lui pour lui confier ma réponse, par contre, quelques sifflements auront fait l'affaire.

Au cas où, j'ai confié un doublon à Vinçu -que vous lisez peut-estre d'ailleurs, je ne sais-, lequel j'espère, sera inutile.

Et non, je n'avais aucune intention du genre que vous décrivez. Moins encore le dessein de vous éprouver, ce serait si petit. Je vous l'ai écrit comme je l'ai pensé, n'entendez-vous pas pourquoi ? Ce n'était pas cruauté, peut-estre honnesteté trop crue.

Séchez-vous donc et prenez garde à ne pas vous laisser infiltrer d'un mal ou d'un autre.


Garde à vous,

Votre égal Jehan.

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Perceval_aelis
Retour triomphal (ou pas) du Vinçu dodu.

Citation:
Je me garde mais sachez que j'ai ri.

Qu'avez-vous fait de votre doublon ? Je pense que vous avez dû chercher Vinçu un petit moment avant de vous rendre compte qu'en fait, comme le stipulait mon dernier petit mot, je l'avais gardé ici un peu pour qu'il prenne repos.
Je suis bien aise que mon pigeon ait rempli son office, Vinçu pourra se reposer en alternance, la distance s'étire au fil des jours et le temps ne va point être si clément pour nos plumeux.

Mon humeur est... comment dire. Trop fluctuante.
Un peu améliorée depuis la matinée, il faudra pourtant apparemment que je m'y habitue, c'est chose naturelle qui font partis des "tracas" féminins que l'on m'a dit.
L'on n'en parle jamais en les livres de ce genre de détail, ou peut-être faut-il des livres plus spécialisés en tracasseries féminines ?
Pour je, c'est trop vite, trop tôt, cela engendre trop d'adjectifs en -ant !
Effrayant, dégoûtant, agaçant, malséant, affligeant... bref (non pas le pigeon, bref tout court).
Je ne sais même pas si c'est genre de sujet à évoquer ainsi, à la personne que l'on affectionne ?
Je vous l'ai jà dit, je ne puis rien vous celer, d'ailleurs je ne le pourrais..

Je tenais à vous présenter mes plus sincères excuses pour le précédent courrier, vous m'avez effrayée et dans la crainte de vous perdre à jamais, je me suis conduite de manière inappropriée. Je me suis montrée d'un égoïsme sans borne, je n'ai pensé qu'à je.
Tous droits vous sont accordés, et je me dois d'écouter ce que votre coeur me livre sans affiquet ni déguisure et à y relire de plus près vos mots, j'en devine (vous savez pourtant que je ne suis guère fortiche à tout ce qui touche à l'entre-lignes) la crainte qui s'y dessine.
Laissez-moi exposer mon hypothèse, il se peut qu'en décidant de rompre avec moi tous liens vous imaginez que la souffrance sera moindre maintenant qu'à trop attendre que l'on tisse plus en avant nos affections ?
Est-ce cela ? Je peux l'entendre, parfois j'y songe mais sa simple évocation m'en est insupportable.

Ma langue vous dites ?
Mon verbiage d'Oc s'est perdu avec mon deuil, je le pratiquais qu'avec ma mère, n'étant pas nature à babiller, je n'avais guère le loisir de le pratiquer avec d'autre. Mon père ne l'a jamais compris ni usé (et pour ce que nous nous causons) quand à ma soeur, elle ne pratique qu'un françois un peu rustique et caustique (et je ne vous parle même pas de la manière dont elle l'écrit. EFF-RA-YANT !).
Je l'ai enfoui à quelque part, tel un secret qui parfois ressurgit lorsque je baisse ma garde. Je crois qu'il n'y a qu'avec vous que j'en use parfois.

Passons jà la capitale, voulez-vous ? Sinon, j'ai compté à peu près une quinzaine après cette fichue cité.
Nous longeons la Sava (alors qu'en toute franchise, Savapa... ah ah ah, pardon, jeu de mot bien mauvais, je dois bien l'avouer).

L'armée est dense en gens et pourtant au coin du feu ce sont toujours les mêmes que je croise, tant et si bien que je finis par m'en isoler. Il y a cette (vi ?) comtesse qui n'en est pas une, cette étrange rousse un peu... délurée et une noiraude des plus dérangées et une autre rousse qui est l'épouse de l'ancien homme de main de ma mère (étrange coïncidence). Les conversations ne sont pas trop de mon goût, cela tourne toujours au futile, actuellement c'est le manque de mâles (dixit la rousse Sofio, celle qui voulait faire des tapis de poils de gens, qui est apparue un soir toute crottée et couverte du sang d'un lapin qu'elle aurait égorgé avec les dents pour plaire à un "mâle" de l'armée), il y aussi le manque de distraction, le manque de confort, les toilettes à froufrou, les hommes (quand c'est pas l'une, c'est une autre)...
C'est autant affligeant que vos rencontres je le crains.

Vous me savez bien trop raisonnable et bien peu portée sur les frivolités pour comprendre que d'attendre un baiser de vous ne me requiert pas de grands efforts, il est surtout (in)utile de préciser qu'étant fortement attachée à votre personne, je n'en vois point d'autre à mes yeux qui valent ne serait-ce que le dixième de votre orteil. Les autres hommes me semblent si grossier et sans grand intérêt (je vous dirais qu'il n'y a pas d'entité masculine très fréquentable par ici).
Il se peut aussi qu'à nous revoir, nous ne ressentions pas le besoin de nous embrasser, peut-être même auriez-vous un sentiment pour une autre personne. Nous verrons mais dans la mesure du possible, je souhaiterai que cela soit vous, cette potentielle intimité me semble moins effrayante avec vous.

Pour mon père, il est taiseux avec tous, mais Sanguienne, je suis sa fille ! Et pour l'heure, la seule progéniture de son sang à être encore là.
Pour Minah, je me suis réconciliée, c'est à peu près mon seul contact social, avec vos lettres, n'est-ce pas d'une tristesse pour une fille de mon âge ? Enfin, je m'en accommode très bien ceci-dit.
Pour son temple/autel/mobile à roulettes, je ne sais qu'en conter ni penser sans y mettre le mot blasphème.
C'est plutôt une sorte d'autel pour prêcher sa supposée sainte protection des bestioles crevées.
Déos se suffit à lui-même il n'a nul besoin de ces artifices, les créatures quelles qu'elles soient s'en retournent à leur Créateur, c'est dans l'ordre des choses je suppose.

Savez-vous ce que je souhaiterais en l'instant, d'être bien au chaud à Arlon, les pieds se chauffant en l'âtre, recouverte d'une montagne de couverture, allongée sur un tas d'oreillers plumeux, du vin chaud bien épicé avec des tartines au miel, et pour seule compagnie, vous, et nous nous conterions nos expériences touristiques et sûrement que nous en ririons et je m'endormirais ainsi, un sourire accroché au museau.

Gardez-vous des idées noires, elles sont pires que le poison.
Déos vous veille.
Votre dévouée et un peu plus aimable Abeille.

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Perceval_aelis
Puisque Vinçu n'est pas encore de retour, c'est Bref qui s'en vient, moins effarouché mais tout de même méfiant de cet humain qui tend la main pour lui piquer son message. "Oh hé ! Aboule les graines d'abord ! "
Faut pas déconner, y a des priorités à respecter.
Le papelard est comme le pigeon, bref.


Citation:
Mon Jehan,
Je vais bien, à s'teure encore en vie.
Je suis juste fort lasse, et sale, et humide.
Il pleut, il pleut, il pleut.
Minah est malade et la provende s'amenuise.

Que le Grand Architecte de l'Univers vous veille.
Vôtre à jamais.

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Perceval_aelis
Citation:
Je répondrais à chaque chose au fil de votre missive. Cela pourra estre décousu mais je n’arrive à bien formuler mes pensées ces derniers jours.


Sans vous mentir, au pigeonnier j’ai baillé un second pli à un pigeon, pour sur, maintenant qui était-ce… La force de l’habitude m’aura fait imaginé mon messager dans les traits d’une autre beste. Il me paraist un peu vexé d'ailleurs. Ou serait-il faché d'estre arraché à votre garde ?


Vous me voyez étonné de ce que vous m’écrivez. Depuis Genève et les révélations (odieuses, je dois le noter) que la sotte m’a fait sur le sujet, j’étais jusqu’à la moelle persuadé que ces questions d’humeurs volatiles n’étaient qu’invention pour se dédouaner de vilainies. L’effet de vous lire le confirmer soulève plus de questionnements qu’il n’en règle.

Si j’entends que l’humeur s’accorde au corps, qu’elle le fasse si brutalement, je trouve ça navrant (voilà qui fera un adjectif de ceux-là en plus).


Sachez mon incertitude concernant l’attitude à adopter. Devrais-je, moi, vous féliciter d’estre entrée dans la gent des femmes et d’avoir délaissé l’enfance ? Si je le dois, considérer que je l’ai, par là, fait. Mesme si aucun mérite n’existe réellement, il doit estre rassurant de savoir que vous estes apte à faire vivre votre lignée. Soit, pas autant que si vous aviez déjà donné au monde un petit homme, mais tout de mesme ? Je ne sais.


Ne vous excusez de rien, la forme manquait à mon message et je vous ai lancé un mal sur le feuillet sans en délimiter les causes. C’était indélicat. Vous voyez juste : le nœud est là. Mais n’en parlons plus, je ne vois aucun bien à évoquer tant et plus une vérité que nous savons tous deux.


Je n’évoquais point l’Oc qui teinte encore un peu vos discours, juste que vous n’entendez personne hormis ceux qui vous accompagnent, j’imagine, autant que l’inverse est vrai. Puisque le sujet est là, sans vous promettre grande compréhension, vous pouvez bien user de la langue qu’il vous plaira pour m’écrire. Je me débrouillerais bien pour trouver quelque ame sachant me démesler ce que je n’entendrais pas, ici.


La Sava et ensuite, le Danube, si la carte sur laquelle je suis vos mouvements ne me fait pas défaut ? Ne vous reste-t-il pas moins de trois semaines pour arriver, alors ?


J’entends votre chagrin. Le mien s’apaise un peu, je ne côtoie les établissements de boisson que rarement et me cantonne aux travaux quand je ne pérégrine pas dans les environs. Ou un peu plus loin, avant tard, ce sera Limoges où je dormirais quelques temps.

N’y a-t-il pas quelque chose d’odieux à ces babillages incessants des hommes sur les femmes et des femmes sur les hommes ? Comme si toute leur vie tendait vers des échanges plus ou moins entachés de séduction, quand ce n’est pas l’unique réunion des ventres qui motive mouvement et pensées. Faut-il estre facilement repu et rassuré pour n’avoir que cette faim pour animation ? Ou l’avoir avant les autres, ce qui est tout aussi effrayant. Parfois, je me demande si à toucher leurs corps, ils sonneraient creux, tant ces existences me semblent meublées de vide.


La tentation de ne mesme pas répondre à ces choses est forte. Ce serait plus aisé, enfin.

Que ne vous dis-je que vous rencontrez des hommes au grain qui vous sierra, à une heure ou une autre ? Je devine que toutes tentatives de rationalisation (et peut-estre précisément parce que vous l’estes déjà, raisonnable) échouera. Comprenez que je ne peux, mesme en admettant cette vérité, en faire une raison pour promettre que votre souhait sera un jour réalité. Faut-il invoquer, menteries à l’appui, la possibilité d’avoir une affection similaire à celle que vous m’inspirez pour quelqu’un d’autre, en raison ? Ou pis que possibilité, la certitude que c’est jà le cas ? Je crains ne pas pouvoir m’y résoudre, mesme dans le cas de figure (mince, j’ose espérer) où vous penseriez l’aveu crédible. Pour vous avoir promis honnesteté, déjà, et puis je crains que le mensonge ne soit dans ma nature. Je ne me résous qu’à l’omission ou la dissimulation (vous admettrez, c’est trop déjà) quand la nécessité absolue fait loi. L’invention et les stratagèmes ne me sont bons que très étrangers.

Tout cela pour ne rien vous dire, au fond. Las.


Il est de ces caractères de silence. Pensez –vous possible de lui faire comprendre, à mots-demi, que vous aimeriez qu’il vous parle ? Il me semble à la lisière de l’impensable de formuler réelle reproche contre un père, mais vous aurez peut-estre l’ingéniosité de le dire sans le dire.

Voyez m’en soulagé. Je ne sais si c’est tristesse. Si vous n’en souffrez guère, alors cela doit n’importer que peu.

Vous me confondez : y a-t-il réellement corps pour entendre les professions de votre soeur ? Et elle a l’entendement bien fait, bien entier, je ne sais quoi vous dire. Pensez-vous de vrai que les fourvoiements d’un peuvent en punir des centaines ?


Mauvais buveur ces derniers temps, je n’aurais choisi le vin pour accompagner miche et miel, pourtant ce que peint votre souhait est partagé. Tant que je m’en sens cotonneux de fatigue douce et vaporeuse à me le figurer. Ma chandelle fume, de toutes façons. Je vous quitte là.


Garde à vous, idées noires balayées céant,

Votre Jehan.

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Perceval_aelis
Bref, le pigeon le plus rapide de l'Est, à ce qu'il paraît.
Hâtive, ça c'est l'écriture.


Citation:
Mien,
Je vais bien, ne soyez point inquiet, nous entrons en pays bulgare.
Le soleil est revenu mais le froid s'attarde et la nuit tombe vite.
Je vous écrirai plus amplement demain je l'espère, la fatigue s'abat sur ma carcasse et j'ai les doigts engourdis.
Vous me manquez, ces jours encore plus que les autres.
Tendres pensées.

Vôtre.

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Perceval_aelis
Citation:
Ne pas estre inquiet, vous m'en demandez trop. Voyez-moi soulagé de savoir que Deos entend mes prières (peut-estre point trop adroites et fermes encore).
Vous avez trop à faire et à voir pour laisser le manque venir à vous, soyez raisonnable.

À vous,
Jehan.

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Perceval_aelis
Citation:
Garde à moi, toujours.

Je vous en veux ! Savez-vous que j'en étais arrivée à la conclusion que vous ayez mis à exécution votre projet de ne plus m'écrire.
J'en ai nourri une tristesse morose toute une semaine, l'éloignement et l'isolement en sont aussi responsable je suppose, il faudra que je m'y fasse, cela n'est pas prévu de s'améliorer avec cette distance qui s’agrandit entre nous.
Je garde néanmoins l'espoir que ma plume tout autant que je ne se parent point trop d'idées noires, c'est aussi contagieux que les miasmes et à bien des égards plus dangereux.

Voyez, cette fois, c'est je qui ai tardé.

Après un long parcours en zone désertique sous une pluie incessante, nous avons rejoint Smederevo en suivant les eaux du Danube. Nous devions passer à côté mais les plans du Azharr sont hasardeux et nous avons finalement fait une halte de deux jours sous ses murs. La capitale est une vraie fourmilière, une foule soldatesque semble s'y épanouir et nous avons côtoyé pas moins de cinq armées. Nous avons pu par quelques diplomaties ne point être inquiétés et profiter de leur marché, néanmoins nous sommes restés sous son enceinte sans trop y pénétrer. Nous y avons perdu un jour par la faute de notre incompétent Capitaine qui avait -soit-disant- oublié de la marchandise au marché, de mon avis il s'est plutôt oublié au bordiau, cela ne fait pas un pli.

Il y a en le Danube, un attrait étrange, plaisant, presque magnétique, j'ai pu le constater en longeant ses eaux tantôt tranquilles et tantôt en tumultes comme lorsque nous avons passé des gorges au nom évocateur de Porte de Fer, la route s'y est fait étroite à flanc de montagne. Nous avons croisé une forteresse, dans la brume naissante du jour, on aurait dit une chimère, énorme, ses tours semblants sortir de la roche même, elle m'a faite grande impression et m'a rappelée un souvenir d'enfance, confus et qui a d'une certaine manière contribué à ma malenconie. Nous traversons quelques villes qui sont agréables et point trop hostiles à nous, des ports fluviaux pour la plupart et quelques villages rendus désertiques par on ne sait quels maux.
J'ai acheté une charrette (je me demande ce que vaut la charrette bulgare, j'espère qu'elle ne finira point en pièces détachées, je suis si coutumière de la haute qualité helvète), des provendes et même une nouvelle cape plus chaude en peau de je-ne-sais-quoi, faut dire que je n'ai absolument rien compris à l'imitation du marchand, j'hésite entre un ours, un âne (d'après le bruitage) ou éventuellement une sorte de créature des neiges qui m'est pleinement déconnue.

Meshui nous sommes à Lòvetch, j'ai encore perdu un type dans ma section, j'enrage !
La cité est des plus florissantes, néanmoins j'ai vraiment du mal à me faire tant à leur verbiage qu'à leur écriture. Lòvetch ça s'écrit Ловеч chez eux, c'est la dernière grande ville de Bulgarie, dans deux jours nous aurons passé la frontière et rejoint la principauté de Valachie.
La première étape de notre périple touche bientôt à sa fin.

Il y a certes beaucoup à voir et à faire, beaucoup à dire mais peu de personne à qui le confier ou le partager, ou probablement peu à mon goût. Alors, oui-da, vous me manquez.
Et puis vous êtes tant loin et semblez prendre un chemin qui ajoutera encore de la distance entre nous, Limoges dites-vous ? Vous me conterez ? J'y suis passée en mes très jeunes années, il y avait une petite communauté réformée là bas, avec un certain Maleus, borgne et austère, ainsi qu'une rudimentaire Astana, sèche et coupante, des connaissances de mère, je ne sais s'ils sont toujours par là.

Savez-vous, je re-boude Minouche, elle ne ne m'a lâché ni mot ni miette à propos de la mort de notre mère.
Elle croit toujours à son retour. Bêtises, sornettes et sottises.
Il est étrange, plus je suis en compagnie de gens et plus il m'apparaît que je suis seule.
Seule parmi les miens, c'est stupide n'est-ce pas comme idée ?

Je remarque que je délaisse les saines lectures de notre Foi et que mon esprit s'installe parfois dans une sorte de rêverie triste, j'écris moins, j'ai besoin de dormir tout le temps, en fait, je crois que je commence une sorte d'hibernation, comme les ours, le croyez-vous possible ?
Les premiers flocons de l'hiver sont apparus en ce jour, gros, dodus, tombant doucement, presque duveteux.
Bêtement, j'ai tiré la langue pour en faire fondre un dessus, mon enfance est encore un peu là, je ne suis point tout à fait une adulte, j'en souris à l'évoquer.

Vous m'écrivez que je trouverai probablement un homme au grain qui me sierra mieux que le vôtre, je n'aime pas cette campagne que vous menez afin de vous dénigrer auprès de je.
Vous êtes fait d'une farine (ou d'un grain) qui me convient fort bien, je ne souhaite d'ailleurs pas que vous changiez, si un jour, mon affection pour vous devais décliner, je vous le dirai tout net car c'est ainsi que je suis et point autrement.
L'amour n'a point de raison, de ce que j'en ai compris.
L'on ne sait pourquoi l'on aime ou l'on désaime, l'on ne choisit point non plus, c'est ainsi. Laissons les sentiments se faire et se défaire, car telle est volonté de Dieu.

Un jour, je vous emmènerai à Arlon, c'est mon pays, j'en fais promesse !
Et on mangera ces tartines, et on rira au du coin du feu, même si c'est l'été !
Et même si c'est votre empaillage que je dois y traîner ! (je préférai quand même que vous soyez vivant, je ne souhaite pas terminer comme Minah qui habille d'une chaussette rose sa vipère... enfin ce qu'il en reste).

Mon père a émis l'envie de me parler, il m'a faite mandée, j'irai juste après avoir envoyé ce courrier.
Je termine là, le coeur un peu en pagaille, oscillant entre joie et tristesse, c'est un peu mon état de ces temps derniers et c'est parfois un peu compliqué à vivre.
Je suis telle un bateau ivre, ballottée entre les émotions sans jamais pouvoir le diriger avec certitude ni même l'amarrer un instant à quelque part.
Ce n'est pas que mon père, ni même ma soeur, ni vraiment vous, ni je, c'est un tout.

Je me garde, mais vous ? Vous gardez-vous ?
Ici et maintenant, je vous aime en cet instant.
Déos vous veille.
Votre dévouée Abeille.

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