Perceval_aelis
Citation:
Vous pourrez à loisir juger de la fidélité de votre souvenir dici quelques mois, quelques semaines peut-estre. Il me faut décider si je me lance au devant de vous immédiatement. Patiment de labsence jà trop longue my invite avec insistance, roide raison me somme de régler mes affaires avant dembrasser les chemins derechef. Biens bradés ne trouvent pas acheteur en mon bourg gelé, risque est peut-estre à prendre de tenir boutique ailleurs
Las, méchants détails que voilà.
Corps na plus lage de muer, pourtant il me semble quil pousse encore un peu, pour vous répondre. À croire quil rechigne à se fixer une bonne fois dans sa forme, quoique déjà trop long. Enfin, je médis de lui, il a la mansuétude de prendre un peu de large, point que du long, ragallardi depuis les successions dafflictions. Cuir sest remis à plein de navrures anciennes, aussi pourrais-je quitter un peu mes gants quand lheure sera de nouveau aux cieux cléments. Visage est un peu moins nu que vous lavez connu, je crois.
En somme rien daussi inquiétant que ce que vous me donnez à lire. Si pitance en suffisance vous avez, que vous nestes mie souffrante, chair devrait bien garnir os, aussi acharné quil soit à continuer de sallonger. Qu'elle refuse de se nicher là où cela vous ferait plus femme dans l'apparence, peu importe je crois. D'abord parce qu'en votre vie de demoiselle, vous débutez tout juste, cs choses-là doivent mettre du temps à se former. Ensuite parce que vous aurez, le moment venu, nourrice à portée, aussi si votre absence de charnure devait perdurer, les conséquences ne doivent pas estre bien grandes. Ou savez-vous quelque chose que j'ignore sur la question ? Passons, je le répète : le noeud du souci est bien que votre maigreur ne trouve pas remède dans vos repas.
Voyage doit vous drainer. Soit : si vous ne comptez pas accepter de refus quant à la question de ma compagnie, je compte bien, moi, vous imposer quelques règles dures en contrepartie. Repos plein et entier toutes les vingt à trente lieues parcourues, profusion de chairs salées, mignardises et miel à chaque repas, et, ma foi, selon ce que nous rencontrerons en chemin, assez de rencontres avec des étuves propres et bien famées pour vous faire oublier tout linconfort, la fatigue, le froid accumulés. Quoiquil me serait tentant dexiger quelques semaines doisiveté de vous en plus de ce traitement, jy renonce davance, vous soupçonnant fort destre de ces vitalités qui se fanent si activité elles nentretiennent pas, si contre adversité elle ne peuvent saiguiser.
De mes études je ne saurais vous écrire un choix dur encore. Pour avoir rencontré charlatans et incompétents à foison, je me sens un peu la fibre du soignant. Jhésite, tout de mesme : ne serais-je pas maillon plus fiable si je me tournais vers les sciences du droit, du commerce, de limpot ? Les affinités sont moins intimes, certes, mais connaissances ne seraient-elles pas plus aisément mises à profit au sein dune ou lautre communautés ? Il me tarde surtout de voir comment teste absorbe et retient les enseignements. Et puis, à tout vous dire, mestre médiocre jai été, métiers toujours mal choisis pour ma dextérité première, jattends donc sans patience de pouvoir produire enfin quelque chose qui serve.
Ce que vous mécrivez de votre père me cause quelque chagrin, en ce que cela paraist nourrir quelque manque chez vous. Quoique je tiens pour quasi-vérité que notre sexe nest pas un terreau très fertile pour laffection envers nos descendants. Tuteur, certes : bon père ne se mesure-t-il pas surtout aux efforts quil déploie pour asseoir la situation de son sang et le protéger ? Pour forger des estres sains, puissants, droits ? La douceur, les cajoleries, le soutien, la parole intime, semblent vous appartenir plus volontier en ce domaine, quoique vous ne soyez pas exclues destre tuteurs et terres nourricières combinés.
Vous lire plus longuement ma fait grand plaisir. Trop, je crois. Jen ai presque oublié le temps rogné sur votre repos, élan égoïste que cause ma friandise démesurée pour tout ce qui émane de votre plume. Elan dont je me repends : prenez soin de vous comme il se doit, sacrifiez sans ciller la longueurs de ces courriers si cela peut vous y aider. Sils ne vous occupent point trop, je tacherais de garder les miens gras.
En attendant que je puisse lassister en cette tache, que Déos vous préserve,
et que la charnure retrouve votre adresse,
Vostre.
Corps na plus lage de muer, pourtant il me semble quil pousse encore un peu, pour vous répondre. À croire quil rechigne à se fixer une bonne fois dans sa forme, quoique déjà trop long. Enfin, je médis de lui, il a la mansuétude de prendre un peu de large, point que du long, ragallardi depuis les successions dafflictions. Cuir sest remis à plein de navrures anciennes, aussi pourrais-je quitter un peu mes gants quand lheure sera de nouveau aux cieux cléments. Visage est un peu moins nu que vous lavez connu, je crois.
En somme rien daussi inquiétant que ce que vous me donnez à lire. Si pitance en suffisance vous avez, que vous nestes mie souffrante, chair devrait bien garnir os, aussi acharné quil soit à continuer de sallonger. Qu'elle refuse de se nicher là où cela vous ferait plus femme dans l'apparence, peu importe je crois. D'abord parce qu'en votre vie de demoiselle, vous débutez tout juste, cs choses-là doivent mettre du temps à se former. Ensuite parce que vous aurez, le moment venu, nourrice à portée, aussi si votre absence de charnure devait perdurer, les conséquences ne doivent pas estre bien grandes. Ou savez-vous quelque chose que j'ignore sur la question ? Passons, je le répète : le noeud du souci est bien que votre maigreur ne trouve pas remède dans vos repas.
Voyage doit vous drainer. Soit : si vous ne comptez pas accepter de refus quant à la question de ma compagnie, je compte bien, moi, vous imposer quelques règles dures en contrepartie. Repos plein et entier toutes les vingt à trente lieues parcourues, profusion de chairs salées, mignardises et miel à chaque repas, et, ma foi, selon ce que nous rencontrerons en chemin, assez de rencontres avec des étuves propres et bien famées pour vous faire oublier tout linconfort, la fatigue, le froid accumulés. Quoiquil me serait tentant dexiger quelques semaines doisiveté de vous en plus de ce traitement, jy renonce davance, vous soupçonnant fort destre de ces vitalités qui se fanent si activité elles nentretiennent pas, si contre adversité elle ne peuvent saiguiser.
De mes études je ne saurais vous écrire un choix dur encore. Pour avoir rencontré charlatans et incompétents à foison, je me sens un peu la fibre du soignant. Jhésite, tout de mesme : ne serais-je pas maillon plus fiable si je me tournais vers les sciences du droit, du commerce, de limpot ? Les affinités sont moins intimes, certes, mais connaissances ne seraient-elles pas plus aisément mises à profit au sein dune ou lautre communautés ? Il me tarde surtout de voir comment teste absorbe et retient les enseignements. Et puis, à tout vous dire, mestre médiocre jai été, métiers toujours mal choisis pour ma dextérité première, jattends donc sans patience de pouvoir produire enfin quelque chose qui serve.
Ce que vous mécrivez de votre père me cause quelque chagrin, en ce que cela paraist nourrir quelque manque chez vous. Quoique je tiens pour quasi-vérité que notre sexe nest pas un terreau très fertile pour laffection envers nos descendants. Tuteur, certes : bon père ne se mesure-t-il pas surtout aux efforts quil déploie pour asseoir la situation de son sang et le protéger ? Pour forger des estres sains, puissants, droits ? La douceur, les cajoleries, le soutien, la parole intime, semblent vous appartenir plus volontier en ce domaine, quoique vous ne soyez pas exclues destre tuteurs et terres nourricières combinés.
Vous lire plus longuement ma fait grand plaisir. Trop, je crois. Jen ai presque oublié le temps rogné sur votre repos, élan égoïste que cause ma friandise démesurée pour tout ce qui émane de votre plume. Elan dont je me repends : prenez soin de vous comme il se doit, sacrifiez sans ciller la longueurs de ces courriers si cela peut vous y aider. Sils ne vous occupent point trop, je tacherais de garder les miens gras.
En attendant que je puisse lassister en cette tache, que Déos vous préserve,
et que la charnure retrouve votre adresse,
Vostre.
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