L_aconit
- - Pour lheure, vous mavez fait passeur. Où dois-je vous mener ?
- A tout bon passeur, on demande de nous emmener à la vérité. Me voilà attendu, demain. La vérité, est-ce loin?
- Souvent, oui.... mais nous faisons route à deux. Il ne tient quà nous déprouver le temps quil nous faudra pour nous présenter au rendez-vous
- RP Garde-meuble -
Il se tenait là. A côté de lui. Pli empli des belles courbes d'Alphonse offert à ses yeux.
Ce pli inachevé qu'il avait dérangé dans sa rédaction, et dont il pensait le contenu léger, léger...
Jeune, jeune Faust.
Citation:
- Faust,
Je suis une géode. Jai poussé dans des courants de lave, recroquevillé sur moi. Peut-être est-ce de là, en sus de mon éducation, que me vient le silence qui me tient la gorge ; peut-être est-ce de là que me vient le feu qui me ravage silencieusement les veines.
Ton jeu ma tenu éveillé toute la nuit ; je nai cessé dy songer.
Ai-je menti ? Ai-je dilué les mots aux minéraux de mes nerfs ? Géode doit-elle tenir au-delà des coups que lon y porte avant de souvrir ? Toi, tu dors, si loin de tout cela que je me sens idiot den garder tant délan.
Les mots, Faust, sont de terribles oiseaux. Ils senvolent haut, ou bien pas assez et je peine à en contenir la stabilité des plumes, le cap de leurs distances.
Jai eu bien des amants, plus que je ne saurais en compter car jai appris à baiser ce que je désirais plus que ce que jaimais et bien peu, une main me suffirait à les recenser, sont ceux dont je garde le souvenir du prénom.
As-tu compris que je nai jamais aimé Corleone à son sens le plus pur ? As-tu compris que je nai jamais aimé Axelle comme jai aimé un homme ? As-tu compris que jamais une femme na su apprivoiser ce que mon musc réclame?
Si jai la chair prompte à céder aux envies, jai le cur trop étroit pour battre à plusieurs veines.
Jai des idées plein la tête, des mots plein la gorge, des couleurs qui passent au champ de mes prunelles et je te dois chacun deux depuis cette nuit de janvier, aux pierres de Saint Front ; te dois-je pour autant la vérité ?
Nest-ce pas un grand-mot, la vérité ? Nest-il pas immense malgré ses trois syllabes ?
Cette nuit, je ne dors pas. Vérité mécrase et prend plume à ma place.
Je naime pas que ses dents soient si près de ton cou, si près de ton cur.
Je naime pas le savoir à Paris, aux heures que je noccupe pas.
Je naime pas cette voix qui accompagne son nom lorsque tu le prononces ou bien que tu lécris.
Il ny a rien qui me plait chez Ansoald parce que, je crois, tu laimes encore, et savoir quà chaque fois que je tai embrassé ou sucé, ton cur à battu à lempreinte de ses crocs me déplait autant que ta lubie perpétuelle des cheveux roux.
Faudra-t-il que je me teigne la crinière pour quun jour tu y passes les doigts avec la même ferveur ?
Pardonne-moi davoir donné les lettres de ton prénom à Axelle. Jai eu tort, quoique je nen regrette rien. Tu doutes bien sûr, de sa sincérité, mais ma Ballerine est aussi un dragon qui garde mes secrets depuis de si nombreuses années que ce que je sais, il convient quelle le sache tout autant.
Tu ne crains rien à son ombre, Faust. Ton secret y est gardé et rien ne saura écarteler sa mâchoire pour le livrer à loreille des autres. Cela me ferait trop de mal et jamais elle ne me fera de mal.
Tu ne mas pas demandé, hier, pourquoi je lavais épousé, et je nai pas besoin de dé pour te le dire.
Que crois-tu que lon dit des garçons de mon âge qui ne sont pas mariés ? Que leur propose-t-on ?
La bague ou bien la suspicion.
Tu as ta bure pour te cacher du monde, jai eu Axelle pour men protéger. Lucide toujours, elle ma offert la façade nécessaire à me laisser vivre au foutre de mon lit, aux reins de mes envies, parce que lamour quelle me porte nest pas celle dune femme mais celui dune amie si chère quelle en est devenue ma sur.
Quant à ...
La veille, un jeu des vérités avait percé quelques bulles, parmi les nombreuses suspendues à des réalités qu'ils crevaient d'envie de connaitre, et redoutaient de savoir. Le jeu avait été lamentablement orienté, d'un côté comme de l'autre, et Faust se retrouvait là, ce matin, tétanisé devant le poids des mots qu'Alphonse avait consignés pour lui. Alphonse n'était plus cette bulle lisse et sans prises, d'où rien ne daignait dépasser: il était soudain une géode éventrée, béante, dont les cristaux s'étiraient si nombreux et acérés qu'on ne savait plus par où la saisir.
La réaction avait été à l'égale de la stupeur: fracassante de silence. Faune s'était recroquevillé dans le remord, Une entrée avait interrompu l'échange, et achevé d'éparpiller ses débris de façon si brutale qu'il semblait presque impossible au religieux de les ramasser. Doigts avaient bien tenté quelques maladroits rattrapages, mais le mal était fait. marée haute avait pris sa place, ensevelissant les fragments qu'il restait à sauver. Depuis lors, tout était noyé dans les gorges. Jeune Faust, jeune...
***
L'Aconit pose simplement, à la fuite de maurice et à leur solitude retrouvée, sa tête sur l'épaule d'Alphonse.
- Pardon.
Alphonse chasse le mot d'un claquement de langue.
- Tu n'as rien à te faire pardonner.
L'Aconit au son sentencieux, le saisit au col, darde deux yeux humides sur les jais.
- Pardon, j'ai dit. Je ne voulais pas que tu te recroquevilles...
Alphonse plonge aux bleus et après un silence , lâche à mi voix:
- Tu es pardonné.
mensonge supplémentaire n'altérera rien qui n'existe pas.
- C'est juste que... Je m'en suis voulu. De dormir si toi tu étais tourmenté par ce stupide jeu. C'était comme si ton sourire d'hier, se délitait dans un vilain mensonge, qu'avait été la nuit.
- Je n'aurais pas du y mettre tant de sérieux... J'ai été ridicule.
L'Aconit serre ses poings sur sa chemise, furieux et désespéré à la fois.
- Arrête. Arrête , j'aurais du comprendre avant. Je suis mauvais pour lire entre tes lignes. Je ne sais moi même pas parler.
Alphonse penche la tête à baiser l'un des poings. L'Aconit est en colère contre eux. Contre lui même.
- Alors ne parlons pas, voilà qui est plus simple.
Et moins douloureux.
- Ce que tu as écrit était inattendu, presque brutal je crois, ça m'a désarçonné! Tu ne peux pas dire qu'il faille faire comme si de rien n'était !
- Non, je ne le peux pas.
- Alors ne le dis pas .
L'aconit cogne un peu contre la poitrine d'Alphonse.
- Ne dis pas que c'était idiot...
- Le dire n'est pas faire comme si de rien n'était...
L'aconit veut l'extirper de son carapaçon, le sortir au pied de biche, à la Pince monseigneur, retenir la petite chose qui avait risqué son nez dehors, quitte à l'étrangler un peu.
- D'accord pour Corleone. D'accord pour Axelle.
D'accord pour tout.
Pour ansoald.
Pour le roux.
D'accord pour tout, Alphonse...
L'Aconit baise sa bouche faiblement, en murmurant encore à ses lèvres : D'accord pour tout..
***
L'évêque et son ami furent aperçus aux abords du village sur la route de la rivière de Puy Saint Front , un bâton de pèlerin à la main, un chien cavaleur sur les talons. Si Alphonse cédait à la vérité, pourquoi se retenir de lui dire ce qu'il brûlait d'envie de lui dire depuis des mois? Ruban n'avait pas été arraché, mais qu'à cela ne tienne, il parlerait pour faire parler Alphonse. Il se plia par mimétisme, par immense gratitude à la redite de la scène de la lecture, tandis qu'il se tenait face à Alphonse sur la berge, deux yeux bleus immenses rivés aux expressions de son visage, les pieds dans l'eau jusqu'au genoux.
Citation:
- Alphonse...
Alphonse...
Alphonse...
Tu ne veux plus parler pour aujourd'hui. Eh bien tu liras. Tu me tues quand tu te tais. Tu me tues quand tu parles. Voilà, voilà leffrayante vérité. Tu es la solution et l'énigme, l'antidote et le poison. Tu es mes joies et mes corruptions, mes plaisirs et mes supplices. De ma souffrance, tu es le délice. Et je te prie plus que mon Dieu, oh oui, Alphonse, je te prie bien plus que mon Dieu. Toi seul es capable d'être à la fois mon bourreau et mon salvateur, mon Roy et mon Fou, un seul de tes mots s'étire et me voilà au sommet; un seul manque et me voilà à genoux. Toutes les variables de ma vie sont alignées à tes sentences, tu es ma délivrance et mon couperet, Alphonse, j'abdique, et je suis encore là, moins courageux que tu ne l'as été.
J'ai compris tes mots. D'accord . D'accord pour tout. Si tu as menti, je te pardonne, je mens depuis que je t'ai rencontré. Tu as raison: les mots sont de terribles oiseaux. Et quand tu viens à regretter de les avoir couchés, étendus à mes pieds, je suis un ciel vide et délavé, plus rien n'y vibre, tu es un Dieu qui m'a condamné. Alphonse, qu'importe leurs trajectoires, qu'importe la ligne de leur envol, rends-moi tes migrations , je les prendrai pour ce qu'elles sont je le jure, jamais plus je ne les effraierai. Je veux combler chacun des creux que j'ai causé, y pousser, m'y élargir, et si tu l'acceptes encore sans mentir, tu verras, tu verras, je suis capable d'y refleurir.
Ah! Alphonse; tu me fais saigner. Je saigne de croire que tu penses ma ferveur dédiée à un autre, quand je caresse tes cheveux. Quand je baise tes reins. Quand je fonds en toi avec la douceur enracinante des Sylves. Quand mon foutre est si épais d'avoir tant attendu ton retour pour t'honorer. Quand je prie pour toi. Quand je te prie, à genoux, de partager ton moment de joie simple. Chacune de tes expressions de douleur, chacun de tes doutes est corrosif, et je ne peux m'en prendre qu'à moi; je t'ai caché que je t'aime.
Je suis fou amoureux de toi.
Je te défends de douter de cela, et je te défends de ne rien y répondre. Je t'aime depuis la première fois, et je n'ai pas le droit de le dire. Parce que j'ai prêté serment pour un an, et que les serments ne peuvent pas être rompus sans remettre en cause ce que l'on est.
Alphonse! On doit s'arracher tellement de nous même quand l'on veut guérir rapidement que l'on doit parfois déposer le bilan à trente ans. Qu'on a moins à offrir chaque fois qu'on fait de nouvelles rencontres. mais s'obliger à ne plus rien ressentir, dans l'espoir de ne plus souffrir.. Quel vain gaspillage. Le sacrifice est là en réalité. On a le droit dans une vie qu'à un seul corps et qu'un seul coeur. Pour l'instant il y a de la douleur. Du chagrin. mais il est interdit, sacrilège les tuer. Cela tuerai aussi les joies que nous avons éprouvé... Comprends-tu? De l'affection pour le premier garçon, un indicible remord pour le second. Voilà tout ce que j'éprouve, et ce dont pour le moment, en dépit des sommités et des vertiges que tu me fais ressentir, je me refuse à chasser.
Geode, Patrocle, muse, Faune, Chat, toutes ces figures auxquelles je t'astreint ne sont là que pour repousser l'écrasante vérité qui me surplombe, et me donne le vertige: 'Alphonse' de toutes est si sidérante, si gigantesque que tout autour de moi, je n'en vois que l'ombre.
Tu es mon Tendron d'Achille.
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(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil