Danyhel
De quelques déboires en chemin, il n'en gardait qu'un bleu aux côtes. Debout devant le baquet d'eau, la chemise dévoile le torse endolorie et coloré d'une touche de cobalt. C'est ainsi que le corps d'un pauvre marchand laissait s'ouvrir le rideau des souvenirs ; Vérone. La première marque, la première souffrance corporelle avait été beaucoup plus profonde. Les simples battements de bois claquants contre l'épée factice de Lorenzo n'étaient finalement que quelques chatouilles en souvenir. Contes avait emportée avec elle, une part de raison et de vie. Comme si un pan du monde s'était effondré, tombant dans l'infiniment grand du ciel. Le coup porté ces derniers jours n'était qu'une simple boutade de vie ; un rappel que rien n'est autant fragile qu'un coeur. Nonchalante, dextre applique l'eau froide dans un pouvoir d'auto-persuasion dissimulée quant au pouvoir que cela aurait sur la douleur. Car pour parfaire les différents deuils qui auront suivit sa vie durant, il devait ce jour se confronter à la disparition de celle de Benvolio. Son oncle, qui avait été comme un père dès lors que le biologique avait rejoint Contes dans un paradis plus ou moins certain. A lui seul, il avait été le paternel, le frère, et l'oncle ; le guide, la raison, la fureur ; la bienveillance. Mais par dessus tout, la fierté d'un nom tombant dans l'oubli.
Surcot fermé sous la pression de la pulpe rugueuse des doigts, il était temps de se rendre à la crypte. L'ombre noir délaisse la chambre plongée dans un sentiment de perdition ; l'au revoir allait être court. Court pour ne pas sombrer dans une élocution de sentiment inapproprié. Benvolio l'aurait dit ; « Pleurer ne te rapportera pas ceux qui sont parti. Vis plutôt pour leur salue, et leur souvenir. » Ce qu'il n'avait de cesse de faire, pour chaque Alzo. Bottes claquantes, le couloir répercute les pas à chaque avancée le rapprochant du corps inerte de l'Unique. La mine semble calme, parfaite pour ces marchandages et négociations ; la vie n'en était-elle pas une ? Interminable, et jeu de malchance.
A la lumière d'une torche éclairant le couloir, Danyhel s'arrête enfin, menton relevé comme s'il attendait de l'autre côté du bois, près à lui faire nombres de remontrances intelligentes et pertinentes. Il n'en était cependant rien. Jamais plus l'odeur du chanvre viendrait chatoyer le bureau interdit d'accès ; les billes sombres ne s'attaqueraient non plus jamais à une proie comme un inquisiteur attends sagement le moindre écart. Benvolio rejoindrait la crypte des Alzo, pièce d'or sur les pupilles closent. A genoux devant l'autel aussi froid que le marbre, l'Italien n'a de cesse de caresser du bout du pouce les lippes violacés par l'agacement de la perte. Mains jointes en boule, le regard accuse le macchabée.
Claquant le silence de plein fouet, la voix grasse du banquier agresse les derniers instants familiaux d'un mort et son neveux. Moue agacée et pleine de reproche, l'héritier d'une mesnie morte se redresse, se signant avant d'embrasser la chevalière à son index. L'heure était sans nul doute venu de parler affaire ; et pire. Héritage. Ce à quoi il n'en tirerait rien. Pires mort vingt ans auparavant n'avait laissé qu'un goût amer d'incertitude. Maddalena quant à elle avait réduit à néant l'espoir d'un jeune homme ayant apprit à respecter les liens d'une famille ; voir en chacun le meilleur même lorsque le pire pointait son nez jalousement. Et Benvolio, que laisserait-il ?
Enfermé dans un mutisme noir, la lettre rejoint rapidement le feu. Il n'avait pas besoin de cela : Asceline restait gravé en sa mémoire. Quand bien même Benvolio avait vu juste et le connaissait mieux que quiconque, la colère s'était échappé pour abattre un dégoût quant au nom d'Asceline. Ils avaient volé une mère ; une douceur. Ils avaient volé une famille. Au grand damne d'un amour, Maddalena avait trouvé en ces autres, des fils, des joies, des rires. Ceux la même dont Danyhel avait été privé au gré d'un mensonge.
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Surcot fermé sous la pression de la pulpe rugueuse des doigts, il était temps de se rendre à la crypte. L'ombre noir délaisse la chambre plongée dans un sentiment de perdition ; l'au revoir allait être court. Court pour ne pas sombrer dans une élocution de sentiment inapproprié. Benvolio l'aurait dit ; « Pleurer ne te rapportera pas ceux qui sont parti. Vis plutôt pour leur salue, et leur souvenir. » Ce qu'il n'avait de cesse de faire, pour chaque Alzo. Bottes claquantes, le couloir répercute les pas à chaque avancée le rapprochant du corps inerte de l'Unique. La mine semble calme, parfaite pour ces marchandages et négociations ; la vie n'en était-elle pas une ? Interminable, et jeu de malchance.
A la lumière d'une torche éclairant le couloir, Danyhel s'arrête enfin, menton relevé comme s'il attendait de l'autre côté du bois, près à lui faire nombres de remontrances intelligentes et pertinentes. Il n'en était cependant rien. Jamais plus l'odeur du chanvre viendrait chatoyer le bureau interdit d'accès ; les billes sombres ne s'attaqueraient non plus jamais à une proie comme un inquisiteur attends sagement le moindre écart. Benvolio rejoindrait la crypte des Alzo, pièce d'or sur les pupilles closent. A genoux devant l'autel aussi froid que le marbre, l'Italien n'a de cesse de caresser du bout du pouce les lippes violacés par l'agacement de la perte. Mains jointes en boule, le regard accuse le macchabée.
- Alzo. Venez.
Claquant le silence de plein fouet, la voix grasse du banquier agresse les derniers instants familiaux d'un mort et son neveux. Moue agacée et pleine de reproche, l'héritier d'une mesnie morte se redresse, se signant avant d'embrasser la chevalière à son index. L'heure était sans nul doute venu de parler affaire ; et pire. Héritage. Ce à quoi il n'en tirerait rien. Pires mort vingt ans auparavant n'avait laissé qu'un goût amer d'incertitude. Maddalena quant à elle avait réduit à néant l'espoir d'un jeune homme ayant apprit à respecter les liens d'une famille ; voir en chacun le meilleur même lorsque le pire pointait son nez jalousement. Et Benvolio, que laisserait-il ?
- Vostre oncle.. N'ayant pas d'enfants, ni de femme.. Vous demeurant l'unique Alzo encore en vie, êtes reconnu comme l'héritier de cette famille. A cela, Benvolio Alzo vous lègue le pécule de son existence, à savoir : Vingt mils florin. Huit mils écus. Un journal retranscrivant ses affaires. Une croix d'argent, incrustée de saphir. Et.. Senestre banquière ouvrit un petit tiroir, doù il en tenait une lettre scellée. Cette lettre.
Citation:
- Danyhel Gioni Alzo,
- Neveu. Fils.
Si cette lettre te revient en main, c'est que ma fin est venue. Le temps aura eu raison de moi, ou peut-être est-ce cette petite merveille que tu nous aura déniché quelque part en Florence. Mon foie n'est plus aussi jeune que je voudrais l'être moi même. Toi en revanche, il te reste, nombres de choses incroyables à accomplir, comme à voir. N'ayant point de fils, il était de mon devoir de te transmettre quelques notes de ma propre existence. Toi n'ayant de père, j'ai été ravi d'en être un de substitution. Ces quelques héritages ne sont rien, en comparaison de nos vies, et tu le sais.
En revanche, il m'est impossible de tenir plus encore cette promesse faite à ta mère. Tu es intelligent. Et je gage que la colère n'aura pas raison de toi. Ta mère, Maddalena, avait un secret. Terrible s'il avait été dévoilé à ce jeune âge dans lequel tu baignais encore. Enfuie en France, elle aura trouver réconfort auprès d'un homme ; Eudric d'Asceline. A son côté, ta précieuse mère aura trouvée la paix qu'elle ne connaissait plus icelieu ; l'ombre de ton père et de ta sur ne cessait de lui abîmer le coeur. Avec Eudric, elle aura un fils. Maëric, qui ne sera point bâtard. Ta mère avait grand respect pour le Très-Haut. Deux ans après la naissance de ce fils, elle sera morte. En couche.
Ils ne t'ont rien volé, Dany.
Ils l'ont sauvé.
Enfermé dans un mutisme noir, la lettre rejoint rapidement le feu. Il n'avait pas besoin de cela : Asceline restait gravé en sa mémoire. Quand bien même Benvolio avait vu juste et le connaissait mieux que quiconque, la colère s'était échappé pour abattre un dégoût quant au nom d'Asceline. Ils avaient volé une mère ; une douceur. Ils avaient volé une famille. Au grand damne d'un amour, Maddalena avait trouvé en ces autres, des fils, des joies, des rires. Ceux la même dont Danyhel avait été privé au gré d'un mensonge.
Citation:
- Asceline.
Vostre nom m'est tombé entre les mains. J'ignore encore si dois vous étrangler pour soulager l'enfer qui s'ouvre en moi, ou bien vous rencontrer. Vous, qui êtes une créature naissant d'une douceur infiniment grande ; aux grands yeux noirs ensorcelant d'amour. Vous, qui êtes son fils. Celui-là même qui aura détourné une femme de sa belle Vérone, et pire encore ! De ses fils. Maddalena d'Alzo - car elle était, sera et restera une Alzo ! - n'aura jamais connu que des morts. Au dépend de quoi... Vous voici ! Cela m'arrache les tripes d'écrire ces quelques mots. Vous, Asceline, mon frère ! Que dis-je ! Fils de ma bien aimée mère, usurpateur de tendresse..
J'ignore moi même la saveur de cette lettre ; pourquoi vous la faire parvenir. La colère me ronge, bien plus forte encore que l'amour porté aux Alzo que nous étions.
Nous devons nous voir.
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