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[RP] J'ai trouvé une lettre ... il y a un mois peut-être *

Vittorina
Brest

Le syndrome de la page blanche.
Il faisait nuit noire, la moitié d’une bougie s’était déjà consumée, et malgré le fait d’avoir trempé sa plume un bon nombre de fois dans l’encrier pour éviter qu’elle ne s’assèche, aucun mot ne fut couché sur le papier, pas même l’en-tête. Elle s’était pourtant donné tous les moyens d’y arriver, avait sorti sa meilleure plume, avait vidé de son secrétaire tout ce qui pouvait la distraire, notamment ses littératures, mais Vittorina n’y arrivait pas.
Il faut dire que l’exercice n’était pas si aisé, il s’agissait de recontacter un cousin, fils de son oncle, perdu de vue depuis de longues années.Et comme si de le recontacter n’était pas déjà assez compliqué, il fallait en plus que sa situation soit assez tendue pour qu’elle lui demande son aide.


Papà, papà .. où es-tu …? dans quelle situation me mets tu .. ? Souffla-t-elle en repoussant brusquement sa chaise vers l’arrière et en se relevant pour faire quelques pas qui, elle l’espérait, la détendraient un peu et, pourquoi pas lui donneraient un nouvel angle d’approche et un peu d’inspiration. Mais irrémédiablement, son regard se porta à travers la fenêtre, vers l’océan que l’on ne distinguait pas, mais que l’on imaginait si bien, et que l’oreille pouvait deviner pour qui sait entendre et écouter.

****

Son père était quelque part, là-bas sur les eaux calmes et moins calmes. Rien d’anormal en vérité pour un riche marchand, mais ce qui l’était d’avantage, c’était qu’il laisse sa fille sans nouvelle, lui qui habituellement multipliait les missives pour la rassurer, et qui s’assurait de ne jamais rester absent plus de trente jours d’affilée. Or en comptant ce jour, cela en faisait 71 qu’elle l’attendait, et 41 qu’elle arpentait le port dans toute sa longueur dans l’espoir de voir l’horizon lui apporter sa bonne nouvelle. Mais hormis la reconnaissance des marins du coin, et la familiarité de leurs jurons, elle ne revenait jamais satisfaite ni comblée.
Un soir qu’elle rentrait toujours bredouille, elle se décida à mettre un peu d’ordre dans les affaires de son père, histoire de s’occuper les mains et l’esprit. Entre les carnets de comptabilités, les contrats, et tout le reste, il y avait de quoi faire et pourtant, Vittorina s’arrêta bien vite, se figeant littéralement. Elle tenait entre ses mains un courrier rédigé de la main de son paternel … un courrier qu’il prévoyait visiblement d’envoyer … il était destiné à Danyhel Alzo.
Un nom qu'elle n'avait pas entendu depuis des années mais qu'elle remit précisément dans un souvenir à Vérone, un nom qui, malgré lui, la renvoya à une époque de sa vie où tout n'était que bonheur...


Dans sa lettre, son père priait Danyhel, son neveu, de bien vouloir veiller sur elle au cas où il lui arriverait malheur. Il y était aussi question d’honneur, d’excuses, de sens de la famille … un triste fouillis sans queue ni tête … non daté. Craignait-il quelque chose ? Se sentait il menacé ? Ce courrier avait-il été rédigé l’an dernier ou quelques jours avant le voyage duquel il tardait de rentrer ? Tant d’interrogations qui donnèrent à Vittorina la nausée, se sentant prise dans un tourbillon de questions sans réponse. Et malgré le malaise, il lui fallait une issue.

Son père n’ayant jamais franchi le pas en envoyant cette lettre, elle ne pouvait l’envoyer d’elle-même, mais se sentant soudainement comme oppressée, seule, dans une ville presque inconnue, et après presque un mois de réflexion elle ne voyait qu’une porte de sortie, écrire elle-même à ce cousin, et substituer sa demande à celle de son père. S’il devait lui répondre par la positive, alors elle lui apporterait le courrier original.

****

Mot après mot, soigneusement choisis, finalement le parchemin se noircit. Une virgule, une formule de politesse… pas de rature… pas de rature ! un point final…. et enfin une signature ! Voilà ! C’en était terminé. A la relecture, l’ensemble ne lui convenait plus vraiment, trop familier, ou pas assez... mais tant pis, elle n’était clairement pas rompue à l’exercice et ne pouvait faire mieux. L’écriture aussi peut-être trahissait-elle un temps certain passé à la rédaction, plus par recherche des formules adéquates que par souci de jolies lettres, n’était ce pas trop superficiel au vue du contenu ? Puis comme un signe du Ciel lui intimant de ne plus rien changer, la bougie s’éteignit, plongeant la chambre dans une totale obscurité.
Demain, dès les premières lueurs de l’aube, elle se chargerait de missionner un messager pour apporter ce pli dans les plus bref délais à Signore Alzo.

Elle serait désormais dans l’attente, celle d’une nouvelle venant de la mer, celle d’une nouvelle venue de la terre, priant de toute sa foi, plaçant toute sa confiance dans le Très Haut.




Cher cousin,

Pardonnez que j’ose m’immiscer ainsi dans votre vie, je ne l’aurais fait sans une bonne raison.

Je suis Vittorina Alzo, votre cousine. Peut-être mon prénom trouvera-t-il écho dans l’un de vos lointains souvenirs, je suis la fille de Vittorio Alzo, votre oncle marié à Isabella la florentine.

Par un mauvais concours de circonstances, me voilà seule dans une ville où je n’ai aucune attache, aucun appui. Aussi, puisque je ne peux faire autrement, et sur instruction de mon père, je me retrouve à vous demander votre aide si vous le voulez bien, et à vous prier de bien vouloir m’accueillir auprès des vôtres afin de vivre comme il convient sous la tutelle du chef de famille.

Actuellement à Brest, j’attends de vos nouvelles avant de pouvoir prendre mes dispositions.

Sachez que vous n’êtes obligé de rien. Je traduis juste le souhait de mon père.

Avec tout le respect que je vous dois,

Vittorina


* Renan Luce, La lettre, légèrement modifié

edit : correction pour cohérence Rp
Danyhel
    Signore Alzo, une lettre est arrivée c'matin pour vous, de Bretagne. Le messager a même dit, que la demoiselle était grand'ment belle. Dans un sourire aussi gras que l'était le corps de Mathilde, la dicte lettre fut tendue. Silence d'appoint, la tavernière observe l'italien, comme une mère se retrouve comblée du mariage de son aîné. A croire donc, que l'Alzo était de ces gueules d'anges que l'on affectionne pour un oui, ou un non.
    Merci, Mathilde. La légende dit que si les arrondis sont aussi courbées qu'un sein, la femme est belle. Serais-tu curieuse à ce point ?


Minérales lancées à l'assaut du rire enjoué, dextre et senestre s'appliquent à déplier les mots glissés au détour de courbes manuscrites. Et si la légende disait vraie, alors la bonne Mathilde serait sans nulle doute en proie à une danse dont elle avait le secret ; celle qu'elle disait être l'expression de la joie qui émanait en elle. Aux premiers mots, deux petits, Danyhel ne contrôle déjà plus l'écho d'incompréhension. Si les quelques italiens restant de cette famille étaient encore en vie, jamais entre eux n'avait survécu quelconques liens. De Vérone à Florence, jusque la France, les Alzo n'étaient qu'une petite poignée dont l'aîné de cette famille avait encore connaissance.

    Alors, elle est belle ?
    Je l'ignore, Mathilde. Je l'ignore..


Remontant les marches en direction de la piaule dont il ne pouvait finalement plus se passé tant l'hospitalité de la rombière était bonne, l'Alzo referma le bois derrière lui. D'une main assurée, les quelques pensées qui battent au coeur d'un espoir familiale noircissent le vélin, piquant la plume. Bougie dégoulinante, les rêves de Pires voyaient à nouveau le jour au travers la main délicate et bougrement italienne que celle de la nommée Vittorina, dont il avait quelques peu échangé en compagnie de Madeleine.

Citation:

        Vittorina.


    Serais-ce, cette même Vittorina qui lors d'un temps encore bien doux et remplit d'innocence, se voyait déjà Maîtresse de Florence ? Il me semble avoir partagé avec vostre père, bien des visions quant à nostre famille, après la perte du miens. Il est avec nostre second oncle, Benvolio, une figure des Alzo. Et vous, sa fille, êtes en danger, livrée à vous même. Je gage que vous n'êtes point sotte. Mais vous voilà loin de toute vie bienveillante à la vostre. Aussi, et à cela, s'ajoute mon invitation et mon souhait que de vous savoir icelieu, à Limoges. A mon côté, mais également aux côtés de ceux de vostre autre cousine : Son Altesse Royale Madeleine. Cousine, du côté de vostre mère. Celle-ci, souhaite par ailleurs, tout autant que moi, savoir, ce qu'il en est d'Isabella. La mémoire nous joue défaut.

    Entre les murs Limousins, vous aurez protection, en échange de quoi, nous aurons à nous entretenir quant à l'avenir des Alzo. Un point qui me tiens à coeur. Et auquel vous devrez vous plier, si Alzo vous êtes.

    Que Dieu vous garde.



Edit pour cohérence.

_________________


Vittorina
Brest,

…encore Brest, toujours Brest.

Depuis des semaines, la vie de Vittorina n’était plus qu’une longue série d’heures inquiètes. Toujours les mêmes questions, toujours les mêmes pensées, un triste refrain sans couplet, mais un refrain digne, il le fallait.
Ce qu’elle ignorait, c’est que le pli envoyé quelques tout petits jours plutôt allait bousculer tout ça, et balayer d’un souffle cette rengaine monotone dans laquelle elle s’était enfermée, qui l’étouffait mais la rassurait aussi.

Comme chaque jour, sa vie reprit dès l’aube par des ablutions soignées suivies d’un brossage minutieux de sa chevelure et d’une coiffure très sage. Vint après le choix de sa tenue. Si elle s’autorisait un seul péché, c’était celui des belles toilettes, son coffre en regorgeait : tissus bariolés, broderies, voilages, robes de tous les jours, robes plus exceptionnelles. De quoi étourdir n’importe quelle jeune fille. Mais comme elle en avait pris l’habitude ces derniers temps, son choix se porta sur une robe discrète et stricte, taillée dans un velours bleu marine et rehaussée d’un col en petites dentelles blanches.
Fin prête et sustentée, ses pas la pressèrent en direction du port où son allure se réduisit considérablement. De soupir en soupir elle parvint jusqu’au bout du ponton, fixa l’horizon quelques instants avant de baisser la tête et de faire machine arrière. Comme chaque jour après la déception, elle s’engagea sur le chemin qui menait à l’église, prenant soin de relever juste de quoi ne pas souiller le bas de sa robe, mais ne prêtant guère attention au crachin sournois qui doucement mais sûrement s’assurait de défaire son chignon.
Elle avait le clocher en vue lorsqu’un jeune homme arriva en courant et lui barra la route. D’instinct elle mit un pied en arrière et serra ses bras sur sa poitrine quand elle reconnut Leogan, un jeune coursier.


Demat Vittorina !
Une lettre ! .. Une lettre pour vous !
reprit il dans un second souffle J’ai pensé ! Enfin je me suis dis que vous la vouliez maintenant. Enfin tout de suite ! .. J’ai pensé vous chercher au port ou à l’église ! On dirait que j’ai visé juste ! finit il en riant et en tendant le dit courrier

Dio Mio* Leogan, ne me refaites plus peur ainsi … ! répondit-elle avec son petit accent méditerranéen. Elle prit le courrier, impatiente, mais devina bien vite qu’il n’était pas celui qu’elle aurait le plus espéré … trop propre et trop appliqué pour venir de son père. Une pointe de déception se dessina sur son visage bien malgré elle.

Une mauvaise nouvelle ? s’enquit Leogan ?

No, no , pas du tout … Excusez-moi mais, j’ai encore à faire…. grazie mille pour la lettre glissa-t-elle avant de le laisser là et de reprendre son chemin.

Quelques pas plus loin, elle s’abrita un instant pour prendre note de ce que contenait la réponse de son cousin.
Tantôt souriante, tantôt soucieuse, tantôt soulagée, la lecture lui procura bon nombre de sentiments contradictoires et s’il lui offrait quelques réponses, il soulevait encore d’autres questions… mais désormais les dés étaient jetés, il fallait s’en remettre à son destin.
Le vélin précieusement replié et gardé au creux de sa main, et même s’il lui brûlait l’envie de répondre immédiatement, Vittorina se dépêcha vers l’église. Rapidement signée, elle s’agenouilla, joignit les mains, baissa la tête et récita une prière au rythme de son coeur affolé. Elle leva ensuite les yeux au ciel et implora


Dio … aiuta me* ..je m’en remets à toi … comme je l’ai toujours fait.

A qui croit, jamais ne déçoit. C’est forte de cette conviction qu’après un dernier recueillement, elle se signa en guise de conclusion et quitta le lieu saint.
La matinée était déjà bien entamée désormais, mais le temps lui était compté : elle devait désormais organiser son départ, mais au plus urgent, elle avait deux courriers à écrire, et contrairement à la fois précédente, elle savait exactement quoi écrire.




Cher cousin,

Je dois saluer votre effort de mémoire et doit même avouer être fort impressionnée. Je suis celle-la même dont l’ambition n’avait comme limite que celle fixée par son imaginaire, et je suis ravie de vous avoir laissé, même lointain, un souvenir de la sorte.
C’est donc avec soulagement que j’accepte votre invitation, et concède à me conformer aux exigences de votre maison. Après tout, c’est ainsi que mon père le souhaite, et s’il vous fait confiance, alors qui suis-je pour le contester. J'espère ainsi également vous prouver que mon nom n'est pas le simple fait de quelques lettres assemblées que l'on traîne avec soi.

avec tout mon respect,


Vittorina ALZO




Ma chère cousine,

C’est avec un plaisir non feint qu’aujourd’hui je prends la plume à votre attention et prie pour que ce pli vous trouve en parfaite santé.
Si le temps a coulé depuis notre dernière rencontre, laissant nombre de rivières couler sous les ponts, j’ai toujours gardé en tête de nombreux et joyeux moments, et le souvenir d’une cousine, d’une amie que je chérissais.
Par un heureux jeu de la vie et du hasard, possibilité m’est offerte de vous revoir incessamment sous peu puisqu’il est question que je fasse le voyage jusqu’à Limoges afin d’y séjourner pour un temps indéfini. Je serai alors plus que ravie de vous revoir et de renouer ce lien rompu bien malgré moi.

En attendant de vous revoir,

Bien affectueusement,

Vittorina Alzo


La jeune florentine avait sciemment omis certains sujets. Celui de sa mère en l’occurence. Le temps passait, certes, mais la douleur était elle intacte.
Ce soir-là, Vittorina s’endormit rapidement, bercée par des souvenirs d’enfance, d’après-midi à jouer sous les oliviers, de la maîtresse di Firenze … et si … ?



Dio mio = mon Dieu
Aiuta me = aide moi
Danyhel
La veille, Alzo s'était retrouvé seul, à Limoges. Marquise, couple Comtesque et paternel marquisal s'en était allé afin que Fleurie ne s'en aille retrouver son époux, et ses biens. En sommes, ils étaient devenu en l'espace de quelques jours, la bulle Limousine dans laquelle, l'italien se retrouvait être bienvenu, sans grands efforts, ni même demandes. Et dans cet entourage progressif, l'on pouvait compter, Son Altesse Royale Madeleine. Cousine de la sienne, ils partageaient ainsi le même petit être, issu de deux familles que jamais la vie n'avait jusqu'alors fait se rencontré, autrement que par Vittoria et Isabella. L'une, avait grandit en France, traversant la noblesse et affranchit le nom des de Firenze. L'autre, n'était finalement qu'une inconnue Françoyse, que le Maître nommé des Alzo, souhaitait voir grandir. Et c'était dans cette bulle précisément, que cela commençait. Aux premiers côtés de Zolen, et son épouse Kierkegaard ; amis et suzerains – sous peu. La confiance s'installait jours après jours, détournant la folie mère de ce lien. Alors, la veille, il s'était retrouvé seul. Seul sans ces quelques âmes, il s'était penché sur les descendants du pauvre Cosme Alzo ; départ de toute une vie, avide de réussite. A la bougie dégueulant de cire, minérales plongent dans un passé qu'il ne connaissait que d'histoire racontée par le biais des Fils, et de leurs Fils encore après. Vittorina était, l'Alzo prétendue, sur papier mais également en souvenir.

Se redressant de la courbure douloureuse, le dos s'appuie au faux moelleux du siège loué dans la piaule Limougeaude. Peu sentimental, l'Alzo venait pourtant à fouiller au coeur de sa mémoire, celle qui ne lui avait fait gardé, que le meilleur pour devenir, l'Alzo. Celui qui donnerait un rythme et un souffle nouveau à cette famille épuisée de perte et de rêves éteints. Outre le souhait enfantin de Vittorina que de devenir Maîtresse de Florence, elle avait toujours portée à Danyhel un certain intêret. Ils n'avait que cinq ans de différences, mais cela avait suffit au jeune homme d'antan de veiller aux intérêts de sa cousine. Minérales dévièrent en direction de la plume posée dans l'encrier, idée de réponse naissante.

Citation:

        Vittorina.

    Avant que vous nous rejoignez, vostre cousine et moi même, j'aime mieux à vous mettre en garde. Limoges recèle de bonnes et mauvaises personnes, comme partout me direz vous. L'époux de vostre cousine est sommes toutes, dans le rôle de Prince qui lui sied grâce au mariage avec celle-ci. Dédain est un jeune homme à l'allure froide, n'est-il point son surnom que l'Hivernal. Glacial comme les premières neiges, fier comme un Florentin, il mène d'une main ferme et intransigeante sur sa famille, qu'est Madeleine. Si rencontre deviez-vous faire avec celui ci, vous voilà prévenu. Quand bien même nous avions eu un léger conflit d’intérêt, nous insultant, nous Alzo, d'imposteur quant au lien de cousinage par vostre biais, je gage qu'il ne se cache pas un mauvais fond. Il est à mon sens, la véritable noblesse, autant que son amie la Marquise Fleurie. Ne fâchez ni l'un ni l'autre, car derrière pareil douceur et prestance, peu parfois se dissimuler bien des colères. Soyez vous même, dans cette éducation respectueuse qu'est celle livrée par nos pères. Vous rencontrerez également un couple ; Arry Zolen, et son épouse, Eldearde Kierkegaard. Tout deux Comte et Comtesse de Aixe, les voilà mes suzerains en devenir. Outre cela, je trouve en eux, une certaine tendresse qu'il ne m'était plus permis de connaître depuis des lustres maintenant. Vous souvenez vous, de Lorenzo, mon jeune frère ? Depuis sa mort, voilà de cela il y a.. Plus d'une dizaine d'années, personne n'avait su se tirer mon intérêt. Arry, aussi libéré soit-il, aussi franc et sans barrières, est un des rares amis, et même, figure de ce Lorenzo oublié. Eldearde quant à elle, est tiraillée de bien des maux, que je ne peux vous contez, mais qui mérite tout autant d'attention. Voilà pour l'heure, mon entourage. Mes suzerains, – qui le seront plus véritablement, une fois la cérémonie lancée – la Marquise ; Lucie de Saint-Jean, qui est tout pareil à une sœur à Eldearde, Deswaard, qui est l'ami de la Fleurie de Saint-Jean, et Madeleine, épouse de Deswaard, adorée des deux précédentes femmes. Je ne saurais tolérer quelconque conflits entre vous, et chacun d'eux, m’efforçant moi même, de tirer le meilleur d'un comportement hivernal à celui de Prince. Vous êtes cousine d'une lignée Royale, bien plus grande et importante que nous sommes Alzo. Mais cela n'enlève en rien notre grandeur. Cosme avait lui même commencé notre histoire en étant qu'un simple vigneron. Et nous voici riches marchands.

    Il va de soi, qu'à cela s'ajoute ce que j'attends de ce qu'il nous reste à nous pauvres Alzo habitant en sol Françoys. Bientôt, j'aurais acquis une maisonnée à Limoges ; bien moindre en souvenir de la maison que nous possédions à Vérone, mais suffisante pour le peu d'habitants que nous y serons. Bien entendu, vous y aurez vostre chambre, votre propre espace. Vous y serez chez vous. C'est un premier pas pour nous, en France. Alzo ne rime point et ni rimera jamais avec « chien ». Ce dont m'aura affubler Son Altesse Hivernal. Sachez donc, que mes suzerains et son Altesse, ne sont point ce que l'on nomme, amis. Et c'est ainsi que je me couvre d'un dédain sans précédant. Alzo, sera comme elle a toujours été, une famille respectable. J'attends ainsi de vous, des réponses à des questions qui vous sont intimes et pourtant d'intérêts familiaux. Cela ne vous étonnera guère, si je vous laisse entendre, que point de bâtard il y aura ? Point d'amourette, mais bien plus, un mariage concret entre deux êtres ? C'est ainsi que nos parents ont vécu, et nous vivrons ainsi.

    Mais nous aurons le temps, de parler plus amplement de tout ceci. Car de mes souvenirs, il ne reste qu'une jeune fille, point encore femme, coquette et fille de sa mère. Me vient alors une question, chère cousine. Portez vous toujours, cette chevalière que je vous avais offerte, pour vos quatorze ans ? Celle-là même, ornée d'une pierre azur.

    Dites moi, lorsque vous serez parti de Brest. Mais surtout, si vous partez accompagnée. Il est préférable, vous le savez.


    Que Dieu vous garde, Alzo.


_________________


Vittorina
Vittorina .. ? hé ho ma belle enfant, je crois que je vous ai perdue !…

Faisant machinalement tourner autour de son auriculaire le bijou qu’elle y portait, Vittorina était effectivement perdue. Loin, très loin de Brest, quelques part dans les méandres capricieux de ses pensées, plus elle cherchait à raisonner plus elle semblait s’enfoncer, torturant un peu plus son esprit.

- La soupe fume plus depuis un moment déjà .. je vous en remets un bol ?
- Non, merci Annaïg, je crois que je n’ai pas trop faim
- ahhh mais ça je veux pas le savoir mon enfant ! Vous êtes déjà pas bien grasse, faudrait pas que ça devienne une habitude de sauter des repas ! qu’est-ce qui va pas ? Y a des semaines que vous attendez qu’on vous apporte du courrier et maintenant que c’est fait, vous êtes encore plus soucieuse qu’avant !

Décidément ! Entre Léogan qui savait exactement où la trouver pour lui remettre sa missive et Annaïg qui, bien plus observatrice qu’elle ne le laissait paraître, semblait lire en elle, c’était bien trop de transparence et de prévisibilité au goût de la jeune italienne, et par extension, très certainement à la limite du supportable pour son cousin Alzo. Selon le dernier courrier reçu de la main de Danyhel, la vie à Limoges serait loin d’être une sinécure, bien au contraire, de la haute voltige sans filet dans un monde du paraître où le moindre sourire, le moindre soupir pouvait être interprété à souhait. Il était alors plus que temps de construire un rempart à ses pensées, et donner le change en commençant malheureusement par un mensonge… Inutile que l’on sache pour la disparition de son père !

- Vous avez raison Annaïg ! .. c’est juste mon voyage qui me travaille un peu trop ! Revoir mon père me soulagera certainement !
- à la bonne heure ! je vous remets un bol bien fumant alors !
- grazie …
- Au fait parlant de voyage ! je connais une petiote qui se propose de vous accompagner pour quelques écus par jour ! Elle est très bavarde et vous distraira sûrement ! C’est pas que j’ai pas confiance en votre capitaine là .. mais je le connais pas ! Et je m’en voudrais qu’il vous arrive quelque chose !
- Perfetto Annaïg, vous pensez décidément à tout. Je la verrais avec plaisir pour nous mettre d’accord sur les détails.

Et comme la florentine s’engageait à goûter la soupe, la maîtresse de l’établissement s’éloigna avec son sourire satisfait.
Une compagnie féminine pour l’accompagner dans son périple ? Une très bonne idée ! Ainsi n’aurait-elle pas à subir les foudres d’un cousin protecteur qui lui aurait reproché sans le moindre doute d’avoir pris part à une traversée en tête à tête avec le capitaine plusieurs jours durant. Il l’avait prévenu ! Point d’amourette, ni de bâtard ! Si cela n’était que tout naturel de s’assurer de la respectabilité de la famille, la jeune femme en fut piquée au vif, encore que bien heureusement elle n’avait dû que le lire et non l’entendre de vive voix.
A la limite du haut-le-coeur, Vittorina finit péniblement sa soupe afin de ne souffrir d’aucune réprimande de la part de la patronne et s’esquiva jusque dans sa chambre. Au calme, et sans curieux, elle était libre de lire et relire le dernier vélin signé de l’Alzo. Et de relectures il lui en faudrait pour espérer assimiler chacune des consignes de son cousin, pour comprendre tous les liens entre les différentes personnes autour desquelles il évoluait, pour ne commettre aucun impair, ne mélanger aucun titre, ne froisser aucun ego … Etre soi-même tout en ne l’étant pas tout à fait, voilà qui s’annonçait périlleux ! Car si Vittorio et Isabella avaient en effet pourvu à ce que leur fille reçoive une éducation digne de ce nom, Vittorina manquait cruellement de pratique.
Assise à la table qui lui faisait office de secrétaire et de coiffeuse, la jeune femme profita d’un instant de répit dans sa gymnastique cérébrale pour délier ses cheveux, ainsi espérait-elle laisser s’échapper un peu de cette migraine qui lui barrait le front. Son regard se posa de nouveau sur la chevalière qu’elle portait …

Le jour de ses quatorze ans, elle s’en souvenait fort bien. Ses parents avaient organisé un après midi fort sympathique entouré de leurs proches. C’est ce jour-là que sa mère lui avait offert l’Iliade, d’Homère, un livre qui ne la quittera plus jamais, Et c’est ce jour-là que Danyhel lui offrit cette chevalière au caillou « bleu comme mes yeux » se souvient-elle avoir dit en riant, elle qui les avait pourtant d’un mélange particulier entre le vert et la noisette, et parfois traversés d’une pointe d’or ou de miel comme le lui disait son père. Elle se souvint aussi de la réaction de ce dernier quand elle vint lui montrer le bijou.


- Papà, papà ! Guarda il regalo di Danyhel !! è magnifico, non è vero ?
- Si ! è bello ! Ma non dimenticare, niente sarai mai più magnifico di te mia cara …

Il l’avait ensuite serrée dans ses bras pour lui souffler à l’oreille : fai attenzione … un regalo non è sempre un regalo …

Elle n’avait jamais saisi le sens de cette dernière confidence, et à quatorze ans, elle l’oublia bien vite. Et le jour de ses quatorze ans fut la dernière fois où elle vit son italien de cousin.
Fichtre, c’était fou comme d’un homme dont elle pensait avoir tout oublié il y a encore quelques jours, il lui revenait finalement de plus en plus de souvenirs, de lui mais aussi de ceux qui n’étaient plus, notamment son cadet qu’il évoquait dans sa lettre, du poids de ceux qu’elle n’avait même jamais connu… Maddalena, Contes, Lorenzo, Pires.. autant de fantômes qui l’entouraient, avec qui il avait appris à vivre. Sans qui il avait appris à survivre. Malgré tout cela, il semblait toujours fort et solide. Malgré tout cela, il gardait bien en tête l’ambition de faire de cette famille en perdition, l’une de celle dont personne n’ignorerait le nom. Et cela passerait par son mariage à elle un jour prochain … Un mariage arrangé, un mariage comme il fallait, elle s’était fait une raison, mais pas un mariage comme celui de ses parents. Danyhel devait ignorer quelques parenthèses de sa vie pour penser qu’il n’y avait pas d’amour entre Isabella et Vittorio avant leur passage devant l’autel.





Cher cousin,

Si j’ai bien failli me perdre au milieu de tant de grands noms et autant de caractères, j’ai surtout bien compris combien il était important pour vous, pour nous, de m’en tenir à votre jugement. Aussi je mettrais à profit le temps qui me sépare de mon arrivée à Limoges pour m’imprégner de tous ces précieux conseils afin de ne mettre aucun d’entre nous dans l’embarras d’une méprise. Point d’embarras non plus quant à mon honneur, n’y voyez aucun sujet de crainte, j’y suis tout autant attachée que vous si ce n’est plus. Il y va de mon nom autant que du votre, et au delà de toute considération humaine, il y va également de mon salut.
J’ose espérer que mon salut passera également par votre indulgence concernant le bijou dont vous faites mention. En effet, il n’orne plus mon doigt depuis une paire d’années, me rendant compte après coup qu’il ne s’accordait pas aussi bien à mes yeux que je l’avais imaginé. Si d’aventure il s’agissait plutôt d’une question détournée ayant pour but de vérifier si je suis bien celle que je prétends être, alors vous serez rassuré de savoir qu’une fois arrivée, je serais en mesure de vous faire voir cette chevalière, si toutefois vous étiez à même de la reconnaître, ce dont j’ose douter de moins en moins. Et si cette question vous tourmente encore, je pourrais également vous rappeler que ce même jour de mon anniversaire, vous aviez commencé un croquis de notre belle maison et de ses jardins… comme si vous saviez qu’un jour nous en serions si loin qu’il faudrait batailler avec notre mémoire pour en retenir chaque détail... Vous ne le trouviez pas abouti, manquant de justesse notamment sur le jeu des ombres et de la lumière.... j'espère tout de même que cette esquisse n'aura pas terminé au coeur des flammes, il me ferait plaisir d'y jeter un oeil et me rappeler ce que j'aurais pu oublier.
Mon départ se fera dans quelques jours si Dieu le veut bien ainsi. Je ne saurais dire si c’est de quitter Brest qui me presse ou la perspective d’une autre vie qui m’anime, mais l’un ou l’autre, j’ai désormais hâte de prendre la route. Soyez tranquille, je ne devrais pas être seule et tente de sécuriser au mieux mon itinéraire, comme votre oncle me l’a appris.

Dans l’attente de vous confirmer mon départ définitif, je prie pour que ce courrier vous trouve en bonne santé.

Vittorina


Reposant sa plume, Vittorina fit tourner une dernière fois la chevalière à son doigt avant de s’en libérer et de la ranger délicatement dans sa cassette. Son petit doigt semblait horriblement nu sans ce bijou qu’elle avait adopté comme une partie d’elle-même, mais allez savoir pourquoi, il lui semblait plus judicieux d’agir ainsi.



- Papa, papa regarde le cadeau de Danydel, c'est magnifique, pas vrai ?
- oui, il est beau, mais n'oublie jamais, rien ne sera jamais aussi magnifique que toi ma chérie (...) fais attention, un cadeau n'est pas toujours un cadeau
Danyhel
    Vérone – 1460


Dextre et senestre appuyés au bord du balcon, l'Alzo observe oncles, tantes et enfants se divertir et graviter autour de l'intéressée de la journée. Vittorina. Tous, s'étaient regroupé dans ce manoir qui avait vu naître l'histoire de leur famille, afin de fêter la jeune demoiselle devenue adulte parmi les siens. En elle, Danyhel voyait ce qu'elle était ; jeune, séduisante, éduquée. Mais également encore trop enfant pour réellement comprendre que la beauté pouvait être une arme à qui sait s'en servir. Les femmes avaient se pouvoir, et si elles étaient suffisamment intelligente pour contrôler cela, elles pouvaient avoir le monde à leur pieds. Minérales braquées sur la cousine enjouée de la chevalière offerte, le minois masculin n'offre quant à lui aucun sourire, si ce n'est cette éternelle moue maussade qui lui sied depuis les pertes à fracas. Les boucles brunes bordées d'une brillante soie rousse caressent la nuque masculine dans une inclinaison du minois, alors que Vittorio en contre bas, pose un regard muet hurlant aux mises en gardes. Vittorina était l'adorée de la Florentine ; la prunelle d'un père suivant les traces d'un ancêtre marchand. Les autres jeunes filles de Vérone n'était que nigaudes riants en coeur tel un troupeau de dindes souhaitant attiré les regards non avisés des jeunes garçons en quête d'épouses. Aucune n'avait attiré convenablement et avec respect l’œil Alzonien ; aucune n'était faite pour honorer le noms qui était le sien. Et il y avait celles, qui n'étaient point faites pour épouser hommes de leur famille.

    Guéret – 1465


A la faible lumière de la bougie, Danyhel parcourt à nouveau les écrits de l'Alzo. Il était vrai et facilement admettable, que la jeter des différentes personnalités entourant le jeune homme n'avait guère du être aisé à assimiler pour une première mise en garde. Barbe frotté, dextre libre trempe la pointe de plume dans l'encrier.

Citation:

        Vittorina.


    Qu'importe la couleur du bijoux, qu'importe celle de vos yeux. Il s'agit là de la chevalière de Lucrèce Alzo, épouse de notre tendre grand-père qui aurait mené les Alzo à ce que nous sommes en ce jour. Cosme la lui avait offert peu après leur épousailles en guise d'entrée et scelle de la famille. Mes parents, n'ont jamais pu l'offrir à Contes, morte bien trop jeune. Cette chevalière Vittorina, est celle que les premières femmes de la famille doivent posséder ; et vous êtes cette première femme. Ma mère m'avait ainsi indiquée, que je l'offrirais à mon épousée. Il m'était impossible de songer à un mariage, et aujourd'hui encore, cela est chose secondaire à mon existence. Point avant d'avoir consolider mes projets, pour faire de Nous, une base solide. Portez la. Alors à vos quatorze ans, vous l'avez reçu. Et votre père l'a sommes toutes, reconnu lorsqu'elle était à votre doigt. C'est tout ce qu'il nous reste de ce que nous sommes ; et même ce croquis de notre belle demeure ne peut rien apporter. Les ombres ne sont qu'ombres et la lumière frappant les pertes du dessin n'offre qu'un vague souvenir de notre belle Vérone. Aujourd'hui, notre vie sera à Limoges, auprès de ceux qui m'auront tendu la main dans une folie passagère qui perdure encore au travers des jours.

    Voyagez avec prudence, cousine. Car une fois arrivée en terres Limougeaudes, il me faudra vous présenter à Lucie de Saint-Jean. Marquise, Vicomtesse et Dame, elle est une femme de grande noblesse, à la prestance assurée que l'on ne peut nier, au parlé courtois et aux manières féminines autant que graciles. Lors de nos échanges entre celle-ci et moi même, elle aura proposée de vous prendre sous son aile, en tant que Dame de Compagnie. En temps voulu, nous aviserons cela, mais la proposition me semble tout à fait intéressante. Cela vous ferais connaître les coutumes de France, et côtoyer la belle personne qu'est la Marquise. A voir donc, au fils des jours que nous passerons ensemble, car je compte bien garder un œil à vous. Le Comte d'Aixe quant à lui, mon futur suzerain, vous offre une chambre au château. Montrez vous digne de tout ce que l'entourage vous offre.

    Que Dieu vous garde.


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Vittorina
Il est des nuits que l’on préfèrerait oublier. Il est des nuits que l’on préfèrerait gommer sans aucune autre forme de procès. C’est l’une d’elle qu’avait dû supporter la petite florentine. Une nuit peuplée de mauvais songes, les uns chassant les autres pour se succéder jusqu’aux aurores, une nuit où chaque Alzo, de naissance ou de mariage, mort ou vivant, était venu la visiter. Bien sûr au réveil, les détails s’évaporèrent aussi rapidement que ses premiers battement de cils, mais il n’en restaient pas moins le souvenir d’une nuit sombre et lugubre.
Et ces nuits là cédaient bien souvent leur place à des jours sans envie, sans entrain, des jours pour rien. Malgré tout ce qu’il lui restait encore à régler avant son départ, la jeune italienne avait décidé que de la journée elle ne quitterait pas sa chambre. Quand bien même cela lui coûtait, elle faisait une croix sur son rituel quotidien consistant à serpenter dans le port avec toujours l’espoir ne serait-ce que d’entendre une rumeur venue des mers.

Son auriculaire n’était toujours pas rhabillé de la chevalière qui lui valut tant de remontrances sur le dernier courrier de son cousin. Si pendant toutes ces années elle l’avait portée avec plaisir, parfois l’oubliant même, désormais elle lui semblait beaucoup trop lourde pour elle. La bague de Lucrezia offerte par Cosimo, ce n’était pas rien, d’autant qu’elle n’aurait jamais dû lui revenir ! Première femme de la famille Alzo, elle ne l’avait jamais envisagé de la sorte, et le costume lui semblait bien trop large à endosser.

    « Fai attenzione, un regalo non è sempre un regalo »

Ces mots avaient une résonance toute autre désormais. Bien sûr que son père l’avait reconnu ce bijou quand elle le lui avait fièrement montré, comment pouvait-il en être autrement ? Mais pourquoi n’avoir jamais rien dit à sa fille concernant l’histoire de cette bague ? Rien de rien, au contraire, chaque fois que la chevalière était évoquée dans une conversation, c’était pour l’inciter à la retirer, la trouvant trop triste pour une jeune fille si pleine de joie de vivre, ce à quoi elle lui répondait souvent d’un air taquin qu’elle ne l’enlèverait que lorsqu’on lui offrirait un bijou avec une pierre plus grosse, réponse qui ne manquait pas de provoquer l’hilarité de Vittorio.
Mais plus la florentine y pensait, plus elle fouillait loin dans chaque coin et recoin de sa mémoire, et plus elle avait l’impression que si ce caillou azuré n’avait été la cause de la rupture entre les Alzo, il y avait grandement participé. Aussi se souvint-elle que ce soir-là, toujours celui de ses quatorze ans, une violente dispute éclata entre Vittorio et son frère Benvolio, le presque père de Danyhel. Dans sa tête retentissaient à nouveau les éclats de voix, les accents menaçants, le bruit des poings sur la table, et la rage dans les yeux de son père lui revint en pleine figure. Aucun détail ne fuita jusqu’à Vittorina concernant le pourquoi du comment de cette altercation. Alors, c’était peut-être donner trop d’importance à ce bijou, mais la coïncidence était de taille… d’autant que le soir-même, Isabella donnait l’ordre de préparer les valises : ils repartaient vers Florence pour ne plus jamais remettre un pied à Vérone.


Faisant des cercles du bout de ses doigts autour de ses tempes, la florentine tentait de remettre un peu d’ordre dans ses idées, et de faire se dissiper toutes les mauvaises pensées qui lui brûlaient les méninges. Elle décida alors que sa journée ne serait pas gâchée ! promptement elle se lava et s’habilla dans un vert émeraude. Au passage, elle ferma la cassette qui était restée ouverte et dans laquelle trônait le bijou familial.
    « je compte bien garder un oeil à vous »
Et si l’oeil était déjà sur elle ? … A cette idée elle en frémit et décida qu’elle ne le remettrait à son doigt qu’à son arrivée à Limoges, histoire de ne pas froisser l’Alzo.
Apprêtée rapidement mais joliment, Vittorina s’échappa de sa chambre, y laissant pour quelques heures tous ses souvenirs, et tout ce qui touchait à son futur aussi. Elle voulait apprécier encore, pour le temps qui lui restait, la liberté d’être elle-même sans étiquette dans un village qui ne la connaissait pas. Libre de sourire, libre de pleurer, libre d’apprécier qui elle voulait, libre de détester aussi qui elle voulait, libre de se faire son propre jugement. Oh bien sûr qu’elle se plairait sûrement à côtoyer une marquise et vicomtesse comme il avait été prévu pour elle, nul doute qu’elle adorerait cette place de Dame de Compagnie … mais la manière dont tout cela avait été orchestré et lui avait été dicté commençait à lui faire un peu peur. Ce chapitre de sa vie qui s'écrivait avec et sans elle semblait plein de contradictions. Hier elle avait hâte de partir, aujourd'hui, cela l'angoissait. Quel pion était-elle donc sur l’échiquier Alzo ?


- Demat Vittorina, un courrier à me remettre ? s’enquit Leogan en la croisant près du port.
- Non pas aujourd’hui, répondit-elle en souriant

A moins d’un incident de taille, elle n’écrirait plus à Danyhel avant le jour de son départ. Elle avait beaucoup à faire déjà avec le courrier contenant la description détaillée de chacune des personnes autour desquelles il gravitait, pour le reste des leçons qu’il lui fallait encore recevoir, cela attendrait qu’ils soient face à face.

Edit : correction de fautes
Madeleine_df
Gueule de bois phénoménale.

Elle compulse le petit tas de lettre posé à sa table de travail, tout en soufflant sur un bol de tisane censé apaiser son mal de tête. Une simple infusion de camomille romaine, qui avait le souverain mérite de lutter également contre les états dépressifs. Et en terme de dépression, entre le post-partum et Dédain qui décidait de prendre le large, on pouvait dire qu'elle avait son compte. La première chose à faire devait être d'écrire à Lucie, l'indéfectible Amie qui n'avait cessé d'être à ses côtés, en présence ou en pensées, et à qui elle devait bien une petite mise à jour sur son état de santé. Elle confia donc au parchemin quelques mots qui sonnaient creux pour ne pas ruiner la joie de son retour en Bourgogne ; elle l'avait beaucoup trop accaparée, ces derniers temps, et s'obligeait à lui laisser un peu de répit.

La seconde lettre fut celle reçue de Dana. Elle n'aurait eu que quelques mots à répondre, mais n'eut pas le courage de jouer une seconde fois les enjouées. La troisième était un petit billet d'Argael. Simple, sobre, elle fit une réponse qui l'était tout autant. Pause tisane. Dans la pièce voisine, Nicolas venait de se remettre à hurler, et elle écoutait le son maintenant familier de la nourrice qui se lève, en faisant craquer son fauteuil, sort le petit de son bers en lui parlant doucement, et chante pendant qu'il tète. Le temps que le bruit s'estompe, elle trouva enfin le courage de se concentrer sur cette nouvelle lettre. Et, surprise, il ne s'agissait pas d'une énième missive de félicitations. Une cousine perdue de vue se réclamait à son souvenir. Elle sourit, pour la seconde fois seulement du jour, et attrapa un petit parchemin, par cette lettre-là méritait également une réponse sans délai.


Citation:
A Vittorina Alzo,

Salut et dilection.

Chère cousine, c'est un plaisir pour moi que de lire que nous allons nous revoir bientôt, à Limoges. J'y suis en effet présente, et sauf imprévu j'y suis pour au moins deux mois pleins, car en lice pour faire partie du prochain conseil comtal, il devrait être alors impossible de nous manquer l'une l'autre.

Avez-vous tout arrangé pour votre venue, déjà ? Sinon, sachez que j'ai la maison toute à moi pour le moment, aussi sachez que vous êtes libre de reposer sous mon toit pour le temps qu'il vous siéra, c'est à dire, si les cris de nouveau-né ne vous dérangent pas trop. Sinon il faudra à tout le moins que vous veniez passer quelques après-midi en ma compagnie, nous pourrions nous y retrouver comme au temps béni de l'enfance, qui hélas pour moi semble s'en être définitivement allé.

Je vous embrasse bien fort. Avez-vous une idée de quand vous arriverez ?

Madeleine.


Plié, cacheté, envoyé.

Suivante !

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Vittorina
Quel gâchis cela eût été que de passer cette journée enfermée entre les quatre murs de sa chambre d’hôtel ! L’air de Brest lui fit beaucoup de bien, d’autant que la bruine n’était pas parue au profit d’un soleil timide mais bien présent. Le vent marin avait chassé tout naturellement les ombres qui planaient sur elle depuis la nuit, avait noyé certaines angoisses, et les embruns avaient fini d’apaiser ses tourments. La jeune florentine trouva même goût à flâner au marché, notamment du côté des marchands de tissus ce qui ne lui était plus arrivé depuis longtemps. Elle n’envisageait aucun achat dans l’immédiat car cela aurait accru encore son bagage, mais ainsi pouvait-elle au moins prendre note des dernières modes pour s’en inspirer prochainement, car si elle devait fréquenter du beau monde, il n’était pas question de leur faire honte avec des toilettes dépassées, mais il n’était pas question non plus de vouloir rivaliser, ce n’était de toutes façons pas son genre. Certaines femmes entre elles pouvaient être ainsi, comme d’autres pouvaient être totalement au dessus de tout cela, et sur ce sujet, il était peu probable que Danyhel puisse l’éclairer, il faudrait qu’elle se fasse son idée seule.
C’est libérée de tout ce qui lui causa du souci plus tôt dans la matinée qu’elle regagna la pension, où elle fut tout de suite gentiment cueillie par la fidèle Annaïg.


- Je vais finir par ouvrir un service de courrier rien que pour vous ! dit-elle en riant. Tenez, c’est arrivé ce midi ! Je pensais d’ailleurs que vous reviendriez manger, j’espère que vous avez penser à vous nourrir !
- oui désolée Annaïg, je vous ait été infidèle ce midi, mais promis je me rattraperai stasera ! ah ! et si vous le pouvez, faites venir la jeune fille dont vous m’avez parlé hier, grazie mille Annaïg.

La lettre en main, Vittorina remonta dans sa chambre pour rapidement prendre connaissance de son contenu. Le sourire de la florentine n’en finissait plus de s’épanouir sur son visage à mesure qu’elle déchiffrait le billet. Il était de sa chère Madeleine, Son Altesse comme elle devrait sans doute l’appeler désormais, et il apportait un peu de douceur, ce qui tranchait net avec la correspondance de l’Alzo. Ainsi Madeleine avait donné naissance à un enfant, quelle joie ! Nul besoin de réfléchir plus pour donner suite à cette missive, la plume glissa sur le papier sans aucune rature.




Ma chère Madeleine,

En premier lieu, permettez moi de vous adresser mes sincères félicitations pour la naissance de votre enfant ! J’ai hâte de rencontrer ce nouveau-né comme j’ai hâte de vous revoir. Nous avons tant de temps à rattraper, et nous revivrons à travers nos souvenirs quelques beaux moments à Florence, je vous le promets.
Danyhel Alzo, mon cousin, a déjà pourvu à tout en ce qui concerne mon arrivée prochaine … mais je ne manquerai pas de venir vous visiter aussi tôt et aussi souvent qu’il m’en sera possible.
Mon départ est prévu pour ce samedi ou dimanche après la messe si Dieu le veut bien. Pour le reste, je m’en remets également à Lui, mais je gage qu’une semaine suffira pour arriver à destination.

En attendant de vous revoir.

Bien affectueusement,

Vittorina
Vittorina
Une vague de plus et l'encrier se déversa complètement sur la table, frôlant le courrier tout juste signé ! Ce courrier qu'elle s'était évertuée à terminer correctement malgré la houle, ce courrier qui lui avait donné tant de mal et avait usé son poignet à trop s'appliquer pour qu'il soit tout de même lisible. Mais heureusement il n'avait souffert de rien et pouvait partir vers son destinataire. Il ne contenait rien de moins que quelques banalités, Vittorina ne souhaitant entrer dans le détail de certains sujets qui lui donneraient sans doute le mal de mer, mais au moins informait-il son cousin de son départ officiel.
Les yeux de la florentine dévièrent alors vers le ciel. Elle aurait pu prier, encore, mais cette fois, elle se contenta de contempler les étoiles, juste pour la beauté du tableau, sans se poser trop de questions.




Cher cousin,

Voilà, j’ai fait mes adieux à Brest, le bateau a quitté le port hier matin peu après l’aube. Pour le moment, Eole ne semble pas vouloir nous faciliter la tâche, mais le capitaine est très tenace, et nous nous éloignons désormais doucement mais sûrement des côtes bretonnes, même si je suis bien incapable de vous dire quand nous toucherons terre à nouveau. La houle n’est pas très agréable, aussi pardonnez-moi si ma lettre semble avoir été rédigée de la main d’un ivrogne.
En tous les cas, mon voyage se passe bien.J’ai même fait mes premiers pas en tant que marine ! Le capitaine a consenti à ce que je tienne la barre quelques instants. Oh ce n’est guère un gros bateau, juste une embarcation sans prétention, mais c’était impressionnant à souhait !
Je vous suis reconnaissante de ce que vous faites pour moi, et de ce que votre entourage propose à mon égard, et je ferai en sorte d’en être digne, mais je réalise désormais le tracas que vous cause ma venue, et j’en suis la première navrée.
Si cela devait vous soulager, Madeleine m’a écrit, et propose également de me loger. Vous ne m’aviez d’ailleurs pas dit qu’elle venait d’enfanter !

Les vagues reprennent de plus belle, et je crains de ne pouvoir continuer sereinement cette lettre.

Bien à vous




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Quand certaines lettres parcourent de longues distances promptement et sans embuche, d'autres, avec l'aide de la malchance ou du hasard, prennent des chemins détournés, la route touristique comme on dit, mais finissent tout de même par trouver leur destinataire.

Citation:
Danyhel,

Je vois déjà tes yeux s’écarquiller et tes sourcils se froncer en reconnaissant ma signature. Crois bien que si tu reçois ce courrier c’est que je n’ai pas d’autres choix.
Je dois prendre la mer pour aller régler une affaire en personne, mais j’ai bien peur de m’être engagé auprès d’un homme peu recommandable, je t’épargne des détails qui ne regardent que moi. Je n’ai pas peur pour moi, m’arrivera ce qui devra m’arriver. Je m’inquiète pour ma fille, pour son avenir si je ne revenais pas.
Si mon fils Arcibaldo n’avait été un abruti fini ne s’intéressant qu’à l’aventure et aux femmes, s’il m’avait fait montre d’un sens de l’honneur et de la famille, c’est à lui que j’aurais confié Vittorina. Mais je dois bien admettre que le concernant, concernant son éducation, j’ai lamentablement échoué.
Alors, j’ai pensé un temps l’envoyer au couvent Santa Maria degli Angeli, à Florence. Puis je t’ai vu à Arles il y a quelques semaines maintenant, c’est comme ça que j’ai su que tu étais en France. Sans épée de Damoclès au dessus de ma tête à ce moment, nous sommes vite partis pour ne réveiller aucun souvenir. Mais aujourd’hui tout est différent.
Je sais que j’ai eu des mots à Vérone. Je ne pouvais accepter que ma fille, mon plus précieux trésor, soit vue comme l’objet d’une vulgaire transaction dans un futur plus ou moins proche, tout cela pour satisfaire une ambition à laquelle j’attachais moins d’importance que ton père et ton oncle. Peut-être me comprendras-tu un jour.
Je sais aussi que tu es homme d’honneur, un gentilhomme, un bien meilleur fils que le mien ne le sera jamais , et que tu sauras veiller sur vos intérêts communs, aujourd’hui plus qu’hier.
Alors je te le demande comme une prière : vas la chercher à Brest, veille sur elle, et aime la comme tu aurais aimé ta propre soeur. Si Dieu le veut, je serais rapidement de retour. Dans le cas contraire, si dans 4 mois je ne suis pas réapparu, alors tous mes fonds te seront confiés pour lui assurer le confort nécessaire.
Inutile de te demander de garder le secret quant à ce courrier. Le moment venu s’il le faut, tu trouveras quoi lui dire.

Je ne te dis pas Adieu

Vittorio Alzo



Edit : cohérence
Danyhel
    Retrouvez le.
    Signore Alzo.. Nous ne savons même pas où commencer à chercher.
    J'ai dis : Retrouvez le.
    Mais..


Dextre s'agace, venant sans prévenir attraper le col de l'impudent avant qu'il n'ai le temps de gindre d'avantage. Minérales braquent au cœur des billes d'ébènes une fureur muette qu'il ne valait mieux pas voir exploser en plein jour. Moins encore, lorsque l'on était bêtement, la raison de cette ardeur en fusion.

    Vittorio doit passer les portes de Limoges. Est-ce que vous entendez seulement ce que je vous dis ? Vittorio Alzo, viendra. Mort. Ou vif. Vous allez le retrouver. Qu'importe si cela doit vous prendre un an de votre vie. Entendez-vous ? Je veux savoir sur quel bateau il a embarqué. Qui était à bord. Jusqu'où sont-ils allés. Qui est cet homme dont il est question d'affaires. Retrouvez moi aussi Fabrizio. Je veux connaître l'évolution des recherches, chaque semaines ; et qu'importe si vous n'avancez pas. Me suis-je bien fais comprendre, Monsieur Faust ?


L'homme acquise en silence, les yeux ronds comme des écus. Et il avait été sage d'en faire ainsi. L'Alzo ne plaisantait jamais, lorsqu'il s'agissait de sa famille. Moins lorsque, l'oncle avec qui les derniers échanges n'avaient qu'été désastres sur désastres ces dernières années. A maintes reprises, Danyhel avait tenté de faire venir à Vérone, le vieil Alzo. Mais jamais, celui ci n'avait daigner répondre, encore moins montrer sa trogne rabougrie d'un singe têtu. Il n'était pas question que tout ne se termine sur une simple lettre de devoirs ; sur un adieu qui n'en était pas un, disait-il. Danyhel ne se tiendrait pas à cela.

    Alors, allez.


Dextre relâche l'homme, lui reposant du plat de la main, les plis infernaux d'un geste brusque. Colère au teint, l'italien vint s'asseoir derrière le bureau d'une éternelle chambre louée pour la nuit. Car si Limoges était, et serait son berceau, il en était bien loin pour l'heure. Marquise avait été reconduite auprès de son époux, et Zolen s'en allait dans cette Bretagne dans laquelle s'était trouvée Vittorina durant des mois. La venue de cette dernière était en marche. Tels étaient les mots écrits à l'ombre d'une bougie, certainement, sous la houle d'une coque brisant les vagues d'une Bretagne inconnue à l'esprit Alzonien. Vittorina se réjouissait de ses découvertes, et c'était là une bonne chose. Car à Limoges, il lui faudrait avoir l'esprit ouvert, la langue aiguisée, et le coeur faussement sec si elle tenait à rester auprès de ce cousin qu'il était. En la Capitale du Limousin, l'Alzo ferait tout son possible pour lui trouver mariage, et mondanités. Quitte à sembler être un faible se tirant aux caprices d'une femme ; Vittorina était la branche d'un arbre qui s’effondrait peu à peu sous les coups de vents tenaces. Aussi tenace que Danyhel l'était face aux sentiments qui lui happait l'esprit serein. Ce soir, il ne répondrait pas à l'égale féminine. Ce soir, il sombrerait dans un mutisme oublié depuis l'enfance.

Vois-tu venir ton destin, Vittorina ?

_________________


Vittorina
Dès que le vent soufflera
je repartira
Dès que les vents tourneront
nous nous en allerons *






- Vittorina, ne voyez vous rien venir ? **

Les deux mains fermement agrippées au bastingage, la vue ancrée sur le décor monotone, et l’air sensiblement agacé, l’italienne soupira. Impossible de tenir le compte du nombre de fois où la bretonne, assise un peu en arrière sur un vieux tonneau, lui avait posé cette question.

- Je ne vois que le soleil qui poudroie, et l’eau de la mer qui se noie **. Et je jure de m’y jeter si vous me posez encore une fois la question.
- N’êtes-vous pas impatiente comme moi d’apercevoir enfin la côte poitevine ?
- Et pourquoi le serais-je ? La vie est simple, l'horizon passionnant, que voulez-vous de plus ?
- Hé bien pour commencer un vrai repas ! Et un peu de compagnie ! Les nuitées sont si fraîches et ennuyeuses…
- Vous êtes incorrigible Josefa, et indécente.
- Peut-être ! Mais je dis au moins le fond de mon coeur ! Vous passez vos journées enjouée, curieuse, intéressée aux yeux de tous et le soir venu, je vous vois dans une réflexion tourmentée qui vous mène aux pleurs ou à l’insomnie, et je crois que vous feriez mieux d’en parler. Ou alors cessez de penser si vous ne souhaitez pas arriver avec une tête à faire peur.
- ….
- Vous ne répondez rien ?
- Josefa, je crois que je vois quelque chose venir.
- C’est vrai ?? La terre est en vue ??
- Plutôt la colère de Poséidon mêlée à celle d’Eole ! Rentrez vite !

Joséfa ne demanda pas son reste et fila aussi rapidement qu’un rat quittant le navire, au grand soulagement de la florentine. La bretonne que lui avait soumis Annaïg n’était pas bien méchante, mais elle avait la langue parfois si bavarde qu’elle aurait pu donner l’envie à un pendu de se pendre à nouveau. Sa fuite donna ainsi du répit à Vittorina qui prit le parti de rester encore quelques instants sur le pont. Elle n’avait menti de rien, au loin il n’était pas difficile de constater que la mer se faisait difficile, et déjà elle pouvait sentir la force du vent qui de taquin devint plus menaçant. Et déjà elle pouvait entendre Charlyne qui s’activait à la barre, soutenue par son mari Arthur.
Statique. Hypnotisée. L’océan indomptable avait ce pouvoir d’attraction sur l’Alzo qui ne cherchait qu’à se repaître au mieux d’un spectacle qu’elle n’aurait peut-être plus le loisir d’admirer, une représentation qui aurait toute sa place en peinture s'il existait un talent capable de reproduire fidèlement toute la violence des éléments et l'exactitude des nuances. Toutes griffes enfoncées dans le bois du garde-fou, sa raison lui intimait d’aller s’abriter quand sa douce folie lui susurrait de profiter encore un peu.



- VITTORINA !! Rentrez-vite maintenant ! ça va secouer !!
- Je viens …
- Ne voyez-vous rien venir ??
- …. je ne vois plus rien du tout.

La jeune italienne ayant renversé toute son encre quelques jours auparavant, impossible alors de mettre en mots cette nature qui l’avait transportée. Ni pour combler le vide d’une correspondance. Ni pour son propre souvenir. Ne resterait qu’une image gravée en tête, celle du dangereusement beau, et du joliment dangereux.

* Renaud
** Plagiat assumé de C.Perrault
Vittorina
- Vous savez écrire au moins ?
- Oui oui !
- Bien alors asseyez-vous et notez, je m’attacherai à ne pas aller trop vite pour que vous puissiez vous appliquer.

A la manière professorale, avec un effort d’élocution exagérée et sous un accent italien que les forces manquantes peinaient à corriger, la dictée avait commencé.
De professoral il n’y avait que le ton, car avec la tête posée sur ses genoux recroquevillés, et les doigts s’enfonçant sous la masse soyeuse que formaient ses boucles brunes peignées mais laissées pour une fois en liberté, l’allure n’y était pas. Et comment pourrait-elle y être quand la principale intéressée se sentait si lasse, si épuisée, si courbaturée, qu’en plus d’avoir l’impression d’avoir couru vingt fois autour de la lice - quelle drôle d’idée - elle avait l’intime conviction de s’être fait rouler dessus par une charrette sans en avoir aucun souvenir. Dans ces conditions, impossible pour la jeune italienne de tenir plume en main afin de rédiger elle-même ces lettres.




Chère Madeleine,

Le temps qui passe a cela d’agréable qu’il me rapproche de ma famille. Mon voyage est un peu plus imprévu que je ne l’aurais souhaité, en bien, en mal, mais qu’importe le trajet tandis que la destination est à portée de mains.
J’ai appris que vous aviez été nommée Porte Parole du nouveau conseil Limousin, et vous en félicite. Nul doute que vous remplirez parfaitement cette tâche.
Et comment se porte votre enfant ? J’ai hâte de vous découvrir dans ce nouveau rôle même si je pense que ma première visite sera différée de mon arrivée prochaine à Limoges. J’ai dû contracter quelques maux que je serais furieuse d’apporter sous votre toit.

Avec toute mon affection, je vous dis à bientôt ma chère cousine.

Vittorina




- Ca va toujours ? Vous arrivez à me suivre ?
- Hmm oui oui, continuez...
- Perfetto, alors enchainons avec le courrier per Danyhel.



Cher cousin,

Mon voyage s’étire plus que je ne l’aurais imaginé, mais au moins se passe-t-il bien soyez en assuré. Si les comptes sont bons et le Ciel clément, je devrais descendre en terre limougeaude enfin ce jeudi. Je suis épuisée et mon corps aspire à un peu de repos. Mon esprit aussi par ailleurs, aucune tranquillité ne lui est accordé et pour cause ! Me croyez-vous si je vous dis que nous voyageons à seize ? Vous me lisez bien ! Seize personnes toutes plus hautes en couleur les unes que les autres, et toutes aussi serviable aussi. Des rires, des chants, des facéties rythment mon chemin. S’ils n’étaient criant de vérité, je jurerai que chacun de mes compagnons portent un masque de carnaval.
Assez informé, je n’aurai l’audace de vous retenir d’avantage en lecture avec des détails qui n’ont d’intérêt que pour moi. Et sans doute cela se trouve être mon dernier envoi avant de vous avoir en face.

A jeudi,

Bien à vous

Vittorina





- Point final !
- Faites moi voir ? (…) Vous écrivez mal Josefa !
- Oh vous faites la difficile.
- Du tout ! Je peine sincèrement à vous relire !!
- J’ai fait comme j’ai pu.
- Et.. mais je ne vous ai jamais dicté ça !!!
- Ah ben oui mais il y avaient des mots dont l’écriture m’échappait.
- Des mots ? des mots ?? Mais , là vous avez tout réécrit !
- Avec votre accent aussi, je n'ai pas tout compris. Mais vous êtes malade, alors reposez vous.
- Celui pour ma cousine est-il similaire ?
- Ah ben un peu oui ! Encore qu’un poil plus soigné puisque je l’ai écrit en premier.
- Je vais mourir si vous envoyez ça
- Mais non, la honte n’a jamais tué personne.
- Ce voyage est un véritable calvaire …
- Je vous le dis depuis le début ça ! Entre le bateau qui a failli faire naufrage ! Et deux fois ! les malentendus ! Et maintenant votre corps qui vous freine. Rien ne s’allume là-haut ?
- Le calvaire c’est vous ! le reste n’est qu’un … simple concours de circonstances …
- Appelez ça comme vous voulez moi je pense que soit vous êtes maudite - auquel cas merci de m’avoir prévenue ! - soit .. ben ça s’agite dans les étoiles pour que vous fassiez demi-tour.
- Vous déraisonnez ma pauvre, ou mieux vous fabulez ! Comment le Très Haut voudrait-il m’empêcher de prendre la voie d’une vie bien rangée et parfaite en tout point ?
- Je crois q..
- Mamma mia vous ne vous arrêterez donc jamais ? Pitié allez me chercher un verre de vin, vous serez plus utile à mon rétablissement, et ma tête pourra se reposer de tous vos bavardages.


Et Josefa se retira sans un mot de plus. Etonnant. Reposant. Enfin ! Le vide. Le silence. Pendant quelques secondes. Quelques minutes. Une heure en réalité. La florentine avait succombé aux bras de Morphée sans chercher à lutter. Ce fut le tintement de la carafe contre le verre qui la ramena à la douloureuse réalité bien qu’un peu adoucie par le repos de fortune. Un peu de vin du bout des lèvres, d ‘abord, puis une gorgée plus franche lui servit tout le bénéfice que l’on accordait volontiers à ce breuvage.

- Va bene, je me sens un peu mieux. Redonne-moi donc ces lettres que je regarde ce que je peux corriger tant que j'en ai la force.
- C’est que …
- C’est que … ?
- Elles sont parties
- Elles sont … QUOI ?
- Il y avait un messager dans la rue, j’avais les lettres sur moi, j’en ai profité
- Mais je ne vous avais rien demandé ! …
- Mais vous n’avez pas dit le contraire.
- (soupirs) …. il était beau, c’est ça ?
- Ohh oui !
- (soupirs) ... passe moi la carafe entière... il me faudra au moins ça !

C’est ainsi que s’en étaient allés deux courriers, à l’écriture catastrophique et au style minimaliste, quasi télégraphique. Du grand vulgaire. Du pur trivial. A l’opposé de la pensée un brin poétique de Vittorina Alzo. Mais au moins dans les deux cas, prévenaient-ils d’une arrivée imminente.



Chère Madeleine,

Mon voyage se passe parfois bien, parfois mal, mais il se passe. Je serais bientôt arrivée à Limoges où j’espère pouvoir me reposer. Jeudi si tout va bien.
Comment va votre enfant ? et Vous-même ? Félicitations pour votre poste au Conseil. Je ne pense pas vous voir tout de suite car je suis tombée malade et suis sans doute contagieuse.

Avec toute mon affection, je vous dis à bientôt

    Vittorina




Cher cousin,

Que ce voyage est long ! Parfois ennuyeux, parfois non, mais je suis bientôt arrivée c’est l’essentiel. Le trajet m’a rendu malade et j’ai grand besoin de retrouver un peu de calme. Voyager avec un groupe de 16 personnes n’est pas du tout reposant, même s’ils sont drôlement aimables et attachants.

Si tout va bien, je devrais arriver jeudi.

Bien à vous,

    Vittorina
Danyhel
Monsieur Faust avait tenu parole – de force ou de gré, les résultats étaient là. Vittorio avait embarqué à Arles en compagnie deux hommes à l'allure sombres. Mines fermés, la discussion romaine avait été houleuse ; sans qu'Arlésiens ne puissent en comprendre un mot. De quoi alimenter l'intuition qu'avait l'Alzo. Le vieil italien s'était embarqué dans une affaire comme il en existait beaucoup trop autour de la famille ; celle qui met en abîme la sûreté des êtres, celle dont on ne ressort pas indemne. A qui étaient ces hommes ? La question demeurait. Où partait le navire ? Probablement en Angleterre avait soumit Faust – chose qui ne satisfaisait nullement Danyhel.

Esprit embrumé par ces quelques soucis, il avait reprit la route en direction de Limoges, laissant Marquise au Crocus à Chalon. Là-bas, Baronne et autres joyeuses présence attendait de revoir celle qui était leur amie ; ne créant point de remord à la route frappée. Et il était temps. Chambre de nouveau louée, quittant le confort des terres de la Marquise, Alzo trempa plume d'un mouvement las autant qu'inquiet. Si la lettre indiquait l'arrivée prochaine de la jeune florentine, les arrondis et les courbes manuscrites n'étaient point de sa main.

Citation:

        Vittorina.


    Êtes vous fiévreuse ? Ivre peut-être. Quels sont ces mots, qui ne sont de votre grâce ? Je n'ose songer au pire, et me dit simplement que la maladie ayant eu raison de vous, vous force à employer le premier idiot du village afin d'entretenir la correspondance, et qu'il ne s'agit point d'une farce au but de me faire croire à votre état. Toujours est-il.. Que seize personnes, est un nombre raisonnable lorsqu'au beau milieu de ceux-ci se promène la première Alzo venue au monde de la lignée direct de Cosme. Quant à être.. "drôlement aimables et attachants".. Qu'ils se gardent bien d'être également courtois.

    A Limoges, vous rencontrerez bon nombre de personnes. Je vous ai averti quant à notre entourage qui est des plus respectable des plus nobles que l'on puisse côtoyer de notre pauvre condition. Viens maintenant, la mise en garde contre ces femmes que le pouvoir déraisonne. Celles, qui jalousent les biens des autres, qui n'ont de morales que pour leur propre personne, envoyant valser la bien-séance mais qui désire le respect de la couronne et du sang qui n'est rien de plus qu'un héritage donné de la main de Dieu, comme cela aurait pu tombé sur vous et moi si un de nos parents avait été à la tête du pays. Je jure, Vittorina, sur chaque Alzo, chaque parcelle de votre âme et de la mienne, que si vous vous accoquinez de cette présence, vous entrerez à Santa Maria degli Angeli sur le champ, comme y avait songé votre père. Les putains, même couronnées, ne sont que des enfants d'enfer lunaire.

    Jeudi, je serais à Limoges également. Et votre vie commencera, Vittorina.

    Que Dieu vous garde.


_________________


Vittorina
Ce voyage avait permis à Vittorina de s’ouvrir et s’épanouir bien plus qu’elle ne l’avait imaginé possible. Elle avait quitté Brest le coeur lourd et les yeux sombres, mais à l’image d’un cyclamen au printemps, fleur chérie d’entre toutes, elle avait retrouvé le sourire, et s’était même parfois, souvent, surprise à rire au milieu de ce monde inconnu, faisant d’elle une présence fort agréable aux dires de ceux et celles qui l’accompagnaient. Elle était pour eux juste Vittorina, juste une jeune italienne aux manières marquées et à l'accent perceptible parfois, juste Vittorina qui venait de Brest, en Italie, et c'était très bien ainsi.
Mais depuis de longues heures maintenant, cette italienne là n’avait plus dit un mot, plongée dans un mutisme souligné de ses sourcils inquiets, noyée dans un silence sérieux que même Josefa n’avait osé profané.
L’annonce d’un départ différé retardant donc l’arrivée en terre promise était tombée en même temps que le courrier alzonien était arrivé, et impossible à l’oeil curieux de savoir ce qui lui causait le plus de souci.

    Elle aurait pu être agacée de ce repos imprévu, elle qui priait pour que le soleil accélère sa course, mais il n’en était rien. Elle n’était rien ni personne pour ce groupe qui l’avait chaleureusement accueillie en son sein pour qu’elle voyage en toute prudence, et quoi de plus naturel pour eux que de vouloir passer un peu plus de temps auprès de leurs amis chers.
    Elle aurait pu être rongée par la honte à l’idée que Danyhel la pense effrontée au point d’écrire sous l’inspiration directe d’un tonneau de vin bien entamé.
    Elle aurait pu s’inquiéter aussi que l’Alzo n’en vienne à imaginer que son nom à lui soit souillé de par sa faute à elle.
    Elle aurait pu prendre peur de la menace qui courrait sur elle en fin de lettre quant à la fréquentation d’une certaine femme qui visiblement cumulait tous les torts et dont apparemment il fallait taire le nom comme celui du Malin.


Tout cela aurait pu expliquer ce retour en puissance de Vittorina la tourmentée. Cela aurait pu … Mais c’étaient finalement quelques mots posés là comme si de rien qui avaient ravivé son trouble.
« Comme y avait songé votre père »

La florentine était formelle, jamais elle n’avait évoqué le couvent de Florence à un quelconque instant de leur échange épistolaire, et pour cause, elle ignorait elle-même que son père eut l'idée de l'y envoyer. De là, toutes les hypothèses étaient envisageables, des plus rationnelles aux plus farfelues. Les deux Alzo s’étaient-ils vus à son insu ? Vittorio avait-il bien envoyé un message à son neveu ? Danyhel avait-il joué le faussement étonné suite à son appel à l’aide ? Le rital avait-il un quelconque lien avec le silence imposé par son père ?

- Josefa ? Apportez-moi du vin .. et sortez je vous prie…
- Mais .. enfin vous paraissez si inquiète et si fragile encore que je préfère rester près de vous si v…
- Et fermez la porte derrière vous. Ne venez m’avertir que de l’heure du départ.
- … Bien. Vous ne voulez pas que je réponde à Limoges ? au moins pour dire notre retard ?
- No. Il n’a rien compris à votre écriture et je n'ai toujours pas la force d'y travailler.

« Qu’il s’inquiète comme je me noie dans mes questions » avait-elle soufflé pour elle-même tandis qu’elle se retrouva seule, emprise avec d'innombrables suppositions auxquelles même l'esprit torturé de Sophocle n'auraient pu accéder.
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