Eldearde
Fantasque, primesautier, indiscipliné, le Comte d'Aixe ne s'encombrait jamais de cette subtile prudence, de cet esprit de conduite qui de nos jours est resté tant à cur à la haute société, sous le nom presque sacré de convenance. Aujourd'hui encore, Zolen avait fait montre de tout le pittoresque de son caractère en s'offrant de prendre vassal en la personne d'un jeune italien débarqué d'hier et que le duo de fâcheux garnements ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam. Il est vrai que le verbe sûr, le parler accompli, la tête assurément bien faite et les gestes teintés d'une rare distinction, le sieur Alzo ne pouvait distiller qu'une bonne impression. De plus, mari roublard avait sans doute perçu l'opportunité de faire, de cet octroi de fief survenu comme un cheveu sur la soupe, un possible sujet de réconciliation -ou du moins de déviation- avant que l'épouse blessée ne brise, une fois encore, toutes les soucoupes du salon.
Et en effet, quand, d'une paume diaphane, Kierkegaard flatte le chanfrein poussiéreux du frison mâchonnant son avoine, elle ne songe pas aux aléas d'un mariage en dents de scie, tutoyant des abîmes auxquels l'amour sabîme. Il n'y a que l'indubitable rugosité de ce crin étrillant la pulpe trop fine de ses doigts et la proximité didactique de l'oeil énorme et plein que la bêtise fait profond et un poil mélancolique.
Danyhel Alzo aurait été fou de refuser pareille proposition survenue au pied levé entre le gueuleton et le sieston de la digestion. Or Danyhel Alzo n'était pas fou. Il y avait même fort à parier que sa sombre boîte crânienne se révélerait aussi garnie que le corsage de la grosse Sophie. En cela Arry, bien que fin que comme du gros sel, savait faire preuve d'un flair démentiel, débusquant derrière le masque anodin du quidam le probable potentiel. Chose suffisamment rare pour être soulignée, Eldearde avait pour une fois toute confiance en son prompt jugement et n'opposait aucune réserve au choix du mari entreprenant voire un tantinet impudent. L'affaire était donc quasi-actée en cette fin de journée, l'accord mutuel ayant été prononcé et la demande d'octroi dûment rédigée par le poignet tatillon de la maîtresse de maison. Demeurait cependant une question.
Le premier coup des vêpres réveille une campagne déjà somnolente, de cette léthargie qui succède aux bacchanales estivales, Nature ayant épuisé toute son énergie démente en couleurs, en fruits et en pétales. Prométhée et Nekuia, scellés et ferrés, bercent de leurs soupirs lassés l'étamine de la robe féminine, s'agitant parfois d'un remous de crinière ou d'un sabot martelant la terre. Le coche sans prétention est lui aussi paré à débarouler la pente douce des collines rougissant sous les caresses d'un soleil rasant : Zolen avait émis le souhait de les accompagner lors de cette petite virée à but tout pédagogique, embarquant peut-être même la talentueuse Marche et leur non moins sagace loustic. Lorgnant régulièrement vers la grande porte de la cour, Kierkegaard patiente à la bride de ses canassons du jour, l'invité ne devant plus tarder à se radiner pour dessiner d'une longue chevauchée les pourtours du Comté : ainsi Alzo, fort de la découverte de toutes ces belles choses, pourrait choisir sa seigneurie en connaissance de cause.
Oui, bien que cela paraisse étonnant, il arrivait aux Zolen d'être bienveillants.
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[Blason en construction]
Et en effet, quand, d'une paume diaphane, Kierkegaard flatte le chanfrein poussiéreux du frison mâchonnant son avoine, elle ne songe pas aux aléas d'un mariage en dents de scie, tutoyant des abîmes auxquels l'amour sabîme. Il n'y a que l'indubitable rugosité de ce crin étrillant la pulpe trop fine de ses doigts et la proximité didactique de l'oeil énorme et plein que la bêtise fait profond et un poil mélancolique.
Danyhel Alzo aurait été fou de refuser pareille proposition survenue au pied levé entre le gueuleton et le sieston de la digestion. Or Danyhel Alzo n'était pas fou. Il y avait même fort à parier que sa sombre boîte crânienne se révélerait aussi garnie que le corsage de la grosse Sophie. En cela Arry, bien que fin que comme du gros sel, savait faire preuve d'un flair démentiel, débusquant derrière le masque anodin du quidam le probable potentiel. Chose suffisamment rare pour être soulignée, Eldearde avait pour une fois toute confiance en son prompt jugement et n'opposait aucune réserve au choix du mari entreprenant voire un tantinet impudent. L'affaire était donc quasi-actée en cette fin de journée, l'accord mutuel ayant été prononcé et la demande d'octroi dûment rédigée par le poignet tatillon de la maîtresse de maison. Demeurait cependant une question.
Le premier coup des vêpres réveille une campagne déjà somnolente, de cette léthargie qui succède aux bacchanales estivales, Nature ayant épuisé toute son énergie démente en couleurs, en fruits et en pétales. Prométhée et Nekuia, scellés et ferrés, bercent de leurs soupirs lassés l'étamine de la robe féminine, s'agitant parfois d'un remous de crinière ou d'un sabot martelant la terre. Le coche sans prétention est lui aussi paré à débarouler la pente douce des collines rougissant sous les caresses d'un soleil rasant : Zolen avait émis le souhait de les accompagner lors de cette petite virée à but tout pédagogique, embarquant peut-être même la talentueuse Marche et leur non moins sagace loustic. Lorgnant régulièrement vers la grande porte de la cour, Kierkegaard patiente à la bride de ses canassons du jour, l'invité ne devant plus tarder à se radiner pour dessiner d'une longue chevauchée les pourtours du Comté : ainsi Alzo, fort de la découverte de toutes ces belles choses, pourrait choisir sa seigneurie en connaissance de cause.
Oui, bien que cela paraisse étonnant, il arrivait aux Zolen d'être bienveillants.
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[Blason en construction]