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[RP Ouvert ] Le Bal des Noceurs

Anaon


↬ 𝔏𝔞 𝔑𝔲𝔦𝔱 𝔡𝔲 𝟽 𝔒𝔠𝔱𝔬𝔟𝔯𝔢 ↫      

       Une clameur s'élève dans la nuit, faisant vrombir les murs du domaine, petit écrin de pierres perdues au milieu des bois. Alentour, ils se tiennent muets, les arbres spectateurs expectatifs de cette animation nouvelle, craintifs de ce qui effraie tant la faune en leur giron. L'agitation gagne jusqu'au chenil, où les chiens excités troublent la paix des mules et des chevaux parqués dans la cour. Ce soir, ils le savent, ils feront festin de roys !
       Les rires éclatent dans la salle, vibrants dans une atmosphère déjà emplie par la fumée des bougies. Aux fuligineux volatile se mêlent des senteurs et des fragrances qui font jouir le palais avant même que le goût n'atteigne la bouche. Sur les longues tables agencées en banquet, les gibiers saignent leur jus goulument, là où tantôt ils suintaient leur ichor. La ronde des légumes et aromates garnit leurs chairs et parfume leurs plats ; les tourtes font de l'œil aux ragoûts ; les bouillons de poireaux, navets et champignons côtoient les soupes de pois cornus concoctées par le savoir-faire des mains Maures. Même le pain qui ce soir s'habille de blanc s'accoquine avec les galettes plates et croustillantes venues de l'autre côté de la Méditerranée. L'abondance est du Nord, la découverte vient du Sud et les hommes font plus qu'honneur à la table qui leur est dressée. Le sucré s'accouple au salé, le chaud excite le froid, l'orgie est culinaire avant d'être de chair et l'indécence incessante de cette opulence s'enivre copieusement d'hypocras et de cervoise que l'on sert par tonneau. Les chasseurs savourent joyeusement l'ivresse de leurs prises du jour, qu'elle soit de poils, de plumes ou bien d'une paire de hanches bien garnies. Il avait été mandé que Souvigné soit à la fête et les puterelles de la Jarretière sont venues gonfler les rangs et les hampes de cette troupe de lurons bien avinés. On ignore la raison d'un tel événement et après deux verres, étrangement, plus personne n'a cherché à le savoir. Le pain et le vin ont été distribués en abondance dans tout le fief, des grâces ont été accordées afin que ce soir, chacun puisse festoyer sans prétexte, du serf à l'homme libre, du gueux au nanti. Et l'instigatrice de cette joyeuse bombance contemple sa scène en silence.
       Une main posée sur la balustrade, du haut de la coursive qui court sur trois murs du grand hall, elle observe de son œil bleu tous ces gens qui profitent, enfin et pleinement, de leur préparation du jour : les chasseurs qui ont fait trembler les bois de leurs battues et semé la zizanie parmi les gibiers d'eau ; les barbes qui ont fait briller leurs instruments et leurs voix pour galvaniser l'allégresse du soir ; les esclaves Maures, ayant passé la journée à préparer et mitonner des plats aux saveurs inconnues et qui seront récompensés par leur service et leur efficacité. Dame en ces lieux, elle n'en a pas la vêture, peut-être l'attitude. Une taille marquée, une hanche ronde qui a préféré aux jupons l'habit des hommes. Bottes et chausses, bliaut et pourpoint. Une sobriété presque spartiate, la noblesse suggérée par le port de tête plus que par la tenue qui brille de la qualité sans l'ostentatoire. Sa main droite est nue, la gauche est gantée et ses cheveux cascadent, détachés comme toutes les putains du bourg. Ses prunelles sont d'un bleu sombre et profond, presque doux, et pourtant acérés d'attention. La ride du lion férocement marquée entre ses sourcils semble marquer son âge quand rien dans son visage ne le trahit, et le sourire de l'ange qui balafre ses joues scelle le rictus que ses lèvres n'offrent jamais. Le corps femme, l'habit homme. Le cheveu qui séduit, le visage qui l'interdit. Un équilibre d'incohérences, comme cette lubie d'avoir mis Souvigné en fête sans pour autant descendre s'y abreuver.
       De son perchoir, elle se plaît à observer la danse de tous ses petits pions qu'elle a mis en place avant de les laisser s'ébattre de leur libre arbitre. Les impudiques qui commencent presque leurs ébats dans un coin du grand hall. Les timides jouvenceaux encouragés par leurs aînés goguenards à se faire homme ce soir. Ses petites gens à la peau de cuivre qui se confrontent pour la première fois aux festivités de ce Royaume inconnu et qui garnissent les tranchoirs et les choppes de ce contingent de drilles. Quelques bourgeois de Port-Thibault n'ont pas manqué d'opportunisme et d'audace pour se rendre à ce banquet dont ils auront eu vent, et ce, juste sous le nez de celle dont ils se plaisent à contourner l'autorité. L'œil au bleu de Prusse s'affaire à retenir chaque visage, chaque nom qu'elle y entend. Et c'est à se demander si le regard n'étudie pas plus qu'il ne se divertit. A distance de la foule, pourtant, elle s'imprègne de la moindre émotion, de chaque rire, chaque geste…


    Ces soirs-là tu les aimais tant. Tu y jouissais, t'y enivrais… Tu aimais y régner en maître, monarque sans partage...

       La balafrée, légèrement penchée jusque-là, se redresse pour regarder de bien haut ce contre-bas. Elle se souvient, comme elle a pu parcourir ces nuits, y mépriser la plèbe en liesse sans parvenir pour autant à s'en détacher. Non pas qu'elle eut été supérieure aux autres, loin de là, elle y a vu des têtes couronnées s'y vautrer tels des pourceaux quand elle faisait partie, elle, des pourceaux sans couronne. Mais elle abhorrait l'humain d'une manière général. Et l'humain l'attirait, comme un moustique la lumière. Comme un théâtre de la vie, où elle aimait se sentir plus spectatrice que marionnette. Et ce besoin de s'enivrer par procuration. Sentir l'ivresse du stupre sans s'y mêler. Rire sans émettre un seul son. Exulter par d'autres, vivre les autres et s'en défaire, aussi simplement qu'un rideau tombant sur une scène de théâtre.

    C'est par une nuit comme celle-ci que je t'ai rencontré…

       L'inspiration se prend, profonde. Elle se gorge de ce mélange de fragrances excitantes et appétissantes qui camouflent si bien le relent de cendre exhalée par les bougies. Solitaire symptomatique qui n'a plus abusé de catharsis depuis une éternité. Elle se souvient… C'est Lui qui aimait tant l'aura de ces ripailles orgiaques. Elle sent presque sa griffe apposée sur cette soirée qui aurait pu être l'une des siennes. Quoiqu'en plus sage. Il s'agit presque là d'une reconstitution involontaire, d'une mascarade inconsciente, d'un souvenir en résurgence. D'un besoin de revivre. Lentement, l'Ophide se met en branle, et d'un pas lent et métronome, longe la coursive, ses doigts parcourant d'une caresse volage la boiserie de la rambarde. Il y a dans le cœur de cette femme une attente. Absurde. Un espoir qu'elle sait complètement stupide mais incontrôlable. Fou. Irréalisable. Elle s'attend, malgré elle, à trouver à tout moment, parmi les convives, le visage plus racé que les autres… Les cheveux noirs. Les doigts arachnéens qui s'enroulent autour d'un hanap et s'encanaillent. Elle attend, que la porte s'ouvre sur son implacable prestance et qu'il sorte de la tombe où elle l'a déposé pour venir aiguiser sa nuit. Un frémissement de paupières. Le regard qui se perd quelques secondes. Et l'esprit qui se redresse face l'incongruité de cette pensée. L'estampille de son absence est gravée, ici. Dans son domaine de chasse. Dans ses chenils. Et rien ne le fera venir ici, outre les arcanes de la nécromancie. Ou sa folie.
       Sa silencieuse reptation continue, le long du "U" de la coursive, lente et mesurée. Nonchalante. Lointaine. Elle semble ne rien attendre, la Dame que personne ne voit, juchée sur ses hauteurs bien plus ennuyeuses que les plaisirs qui exultent sur le plancher des vaches. Ou alors, peut-être, guette-elle l'inattendu qui viendra briser la continuité de ce jeu bien trop orchestré. La nouveauté dans ce parterre de quidam trop connu. La présence, le geste, la découverte, l'infime seconde. La rencontre.
       En bas, les hommes n'ont que faire de l'intrusive contemplation dont ils font l'objet. Les doigts plongent dans le jus des viandes et la rondeur des femmes. Les esclaves continuent leur ballet de fourmis, allant des barriques aux timbales et des timbales aux barriques. Les ménestrels font virevolter leurs doigts sur des airs enjoués qui vrillent telles des galéjades vers les hauteurs et parfois se modulent de gravités dissonantes .
       Et les rires éclatent dans la salle, vibrants dans une atmosphère déjà emplie par la fumée des bougies…


HRP : Ce RP est ouvert. Nul besoin de me MP au préalable pour participer, si vous souhaitez jouer, venez ! J'aurais cependant pour le moment un rythme "lent". Une réponse par semaine, le week end vraisemblablement.
Note : Au Moyen-Age, seules les prostituées étaient "en cheveux". Toutes autres femmes se devaient d'être coiffées pour être décentes.
Musique : Compilation de musique de la série "Vikings". Ici, "Fehu" par Wardruna.



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Alban_de_artes
Il avait suffit d'une rumeur, d'une indication pour que l'hispanique s'aventure une fois de plus sur ces routes étrangères. Imprudente, indécente, cette occasion fit naître sur les traits de cette gueule cassée, une expression jusque là éteinte et érodée par la Silencieuse. Exilé volontaire de son propre domaine, cette âme nécrosée n'aspirait qu'à vivre pour se sentir de nouveau vivant. Silencieux et impassible, il passe une main lasse sur ses traits usés alors que la voiture interrompt son galop devant la cour de ce domaine. Abandonnant son mantel sur le siège, l'Hispanique remonte le col de sa chemise noire, efface sur ses braies quelques plis formés par la longueur du voyage, époussette ses bottes de cuir noir puis avec langueur, retourne sa chevalière afin d'en cacher le blason et sa condition. Volontairement communs en ce lieu isolé, les pas du Nécrosé s'avancent, guidés par le brouhaha qui se fait de plus en pressant, vers le seuil du château.

Lentement, les portes s'ouvrent, offrant à l'esprit et aux iris sombres de l'Hispanique, une esquisse incube dont il peine à se défaire. Étouffé par ces fragrances entremêlées et disparates, par cette chaleur qui saisit ses joues marquées par la froideur de ces contrés, Alban abandonne une caresse mécanique et dubitative sur sa barbe avant d'y étouffer un murmure. **Mère de Dieu, Qu'est-ce... ?**
Telle une claque sanglante à cette éducation pieuse et stricte dont il fit l'objet, l'esquisse de cette Décadence se précise sous les traits d'une déchéance assumée, qui à l'image d'un amas de frasques, de chair, de spiritueux et de notes musicales, semble refléter la faiblesse et la perdition de ce Royaume. Entité anonyme et étrangère, le noble se poste dos à un mur, là où, les fragrances des mets se mêlent à celle de la chair, où la musique se heurte aux murmures espiègles et libertins et où, discret il peut à loisir observer les hauteurs. Point névralgique de cette fredaine, les iris sombres se perdent sur cette toile pour en distiller la plus infimes substances.

Gueule cassée et impassible, Alban étudie ainsi ces odeurs qui se mêlent, ces notes, ces ébauches et débauches de frivolités et de chairs qui s'abandonnent entre deux gloussements. Lentement, sous la chaleur qui émane de ce lieu, l'hispanique délaisse un lien de sa chemise pour retrouver un semblant de répit et d'oxygène. Étranger en ces terres, il l'est également devant cette liberté de mœurs et de pratiques lascives.
Dubitatif dans un premier temps, il contemple ces corps qui s'effleurent, se séduisent et se gavent de liqueur tandis que ses tympans se font aux sonorités locales. Pourtant, bien que ces scènes soit à même de réveiller des vestiges de son passé et quelles évoquent dans cet esprit parfois pervers quelques desseins charnels et possessifs, ces dernières n'en restent pas moins inaccessibles malgré leur proximité. **Qu'est ce qui cloche chez moi. Tout est là, l'opulence, les femmes, la décadence, l'ivresse, la jouissance..Et pourtant....**

Indécis, incompris, le noble masse sa nuque et contemple cette femme qui s'approche de lui. Les cheveux sont détachés, sa tenue est légère tout comme ses mœurs et pourtant malgré ces attraits et ce baiser qu'elle dépose dans le creux de sa nuque, le regard du Nécrosé s'éloigne vers la cime. Il ne saurait expliquer cette absence qui le ronge et l'habite, celle qui telle une nécrose se dissipe en son sein pour éroder chaque sentiment nouveau, chaque palpitation, pour le conforter dans cette lassitude. Pourtant, alors que tout ici lieu, serait à même de l’enivrer et de le ramener à la vie, tout comme cette caresse que la courtisane abandonne contre le tissus de ses braies, la Gueule cassée reste impassible. D'un geste, il invite la courtisane à s'éloigner vers d'autres plaisirs tandis que ses iris, eux, s'échouent finalement vers une autre spectatrice, tout aussi discrète.

Fronçant les sourcils, il observe alors la tenue androgyne et cette posture caractéristique. Néanmoins, ce ne sont pas à ces traits que l'hispanique apporte un quelconque intérêt, mais bien à ce regard, ou plus exactement à ce vide qui tel un reflet le heurte par cette vraisemblance. Voici donc, une autre coquille vide de vie...

    Seul un homme déjà marqué par la Mort,
    Est à même de reconnaître cette empreinte lorsqu'il la contemple
    .

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Les paroles entre **...** sont la traduction directe du langage natal de l'hispanique [Cela évite le jeu incessant de traduction et permet une lecture plus fluide]
Anaon
       Le son discret des gonds qui grincent attire son attention. Le vent qui s’engouffre en un léger chuintement par l’ouverture fait frémir son âme. Le cœur imprime un irrépressible sursaut quand son visage se tourne. Elle s’est arrêtée sur cette arrivée… et la pression incongrue qui a secoué ses veines s’évapore aussitôt, et retombe, comme un tapis de poussière s’échouant à ses pieds. L’homme a passé sa porte. Sans cheveux long et bien en vie. Une autodérision amère lui tire un rictus intérieur. Pauvresse… Qu’attends-tu donc ? Elle se châtie muettement pour son esprit qui part en vrille et se tourmente tout seul de fantômes qui n’aspirent qu’au repos. A croire que le silence et le retrait ne lui conviennent pas. Ils laissent le champ libre à une nuée de réflexions au tenant par trop déraisonné. Les pensées se reprennent tout de même et chassent les vieux démons pour mieux se piquer de curiosité. Les prunelles s’arriment à cette venue, et aux premières lueurs de ce visage, l’Ophide comprend qu’elle ne gagnera pas, cette fois, au jeu de la mémoire. Cet homme, elle ne le connaît pas. Il ne porte pas les frusques des traîne-chemin de bas étage, ni n’en a même l’allure. Un faciès buriné par les ans, surement, et ce regard un peu… perdu. Elle croit ne l’avoir jamais croisé, ni jamais mandé de courir les bois de Souvigné. Par ailleurs, aucun des limiers attablés ne se lève pour l’accueillir. Et il ne transpire pas suffisamment la suffisance pour être un bourgeois de Port-Thibault. L’étranger se constitue manne impromptu de ce banquet, sous le regard de la Dame en quête d’inattendu.
       Une pandore – comme elle aime à les nommer – n’attend pas pour louvoyer vers ce nouveau corps à réchauffer. L’œil cobalt s’accroche un instant à ce spectacle, avant que l’attention volage ne se dérobe pour retourner planer sur les tablées des convives. Les braseros s’empourprent d’une couleur moins rouge que le feu qui nappe désormais certaines joues. Les bourgeois grassouillets bien endimanchés dans leurs pourpoints colorés ressemblent à de petits pourceaux. Leurs teints rosis par l’hydromel, leurs rires esclaffés et stridents. Et les tâches qui dévalent de leurs cous parce qu’on essaie de boire et rire en même temps. Une belle brochette porcine ficelée de dentelle. La silhouette de la prostituée passe dans son champ de vision sans l’inconnu à la main. Surpris, le regard retourne à l’entrée et se heurte brutalement à deux prunelles qui la raidissent d’étonnement.
       L’Ophide se tient coite, l’œil légèrement plus rond trahissant sa surprise. Il la regarde. Il l’a vue. Et elle se sent comme une fautive prise en plein crime. L’immobilité s’égrène en de longues secondes sans qu’elle ne cherche à déloger son regard du sien. Comme une biche tenue en joug par les yeux du chasseur. Il lui semble alors être un miroir d’elle-même. De sombre vêtu. A l’écart de la foule. Lointain, mais terriblement présent. Les traits marqués d’avoir, sans doute, trop vu et trop vécu... Et le regard à la recherche dont ne sait trop quoi en ces lieux. Imperceptiblement, la roideur de ses muscles se distille comme elle est venue. La main gantée vient rejoindre sa consœur sur la rambarde. Elle ne cille toujours pas. Intriguée, par celui qui a dérangé le secret de sa contemplation en la remarquant, simplement. L’accroc des pupilles a quelque chose d’étrange. De suspendu. De « conscient ». Il a brisé son anonymat. Et elle en est… décontenancée. D’une certaine manière, il vient de l’inclure dans ce théâtre où elle n’était que spectatrice.
       Imprévu.
       Le corps s’ébranle alors et entame un demi-tour pour se raidir immédiatement, semblant marquer son hésitation. Elle voit du coin de l’œil une jeune Maure, pichet sur l’épaule, qui lève un regard vers elle. D’un signe bref du menton, elle désigne à cette dernière l’homme sur le seuil, et les petites mains s’empressent de saisir une timbale pour accomplir la tâche muettement ordonnée. Une œillade retourne se poser sur l’inconnu. Rien ne lui sert plus d’observer dans les ombres désormais. Les mains se défont alors de la balustrade et elle s’éloigne, disparaissant un instant de tout champ de vision.



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Yulhia
      La gorge s’assèche, les jambes faiblissent et le cœur s’emballe au rythme de la course imposée dans les rues sombres.
    Elle court sans savoir où aller. Elle court simplement. Elle court pour fuir, pour s’échapper, pour se retrouver. Robe relevée et poignée fermement, les foulées ralentissent aux vues de lumière. Sans chercher à comprendre, qui, où, comment, et pourquoi, le rythme accélère de nouveau afin d’atteindre les lieux éclairés sans que l’Autre ne cherche à la suivre. Les portes du domaine sont alors poussées, et la lumière lui en brûlerait les azurs.

      Au milieu de la musique et des murmures, chacun se perd dans la chaleur de l'autre.
    La Blanche ferme les yeux, comme pour mieux s’abandonner au moment présent, en profitant pour reprendre son souffle et calmer le palpitant. Emportée par une vague de mélancolie, elle comprend qu'elle est en train de se fabriquer des souvenirs qu'elle portera en elle pendant un temps : la fuite, encore. Une autre histoire tordue. Elle engrange les images de ces moments volés et se les projettera les soirs de solitude comme un vieux film que l’on se passe, et dont on réalise que le scénario est peut-être tiré par les cheveux, improbable, impensable. Car l'éclat de quelques heures trouvées au hasard suffit parfois à rendre tolérables les désillusions et les saloperies que la vie ne manque pas de nous envoyer. Ouvrant à nouveau les yeux, les azurs balaient la pièce, mille et une choses lui traversant l’esprit en l’instant, les paroles de l’Avocate s’y rajoutant. Une fois de plus, la Pâle s’est mise dans le pétrin : là, le Passé lui met une bonne claque, la ramenant sur Terre. Elle voudrait partir. Et pourtant, tout la pousse à réagir au contraire de ce qu’elle souhaiterait : elle restera, elle profitera. Si le hasard lui a parfois levé le majeur, il semblerait plus coopératif en cette soirée, lui offrant un lieu au chaud, avec de quoi ripailler, de quoi boire, de quoi passer une bonne soirée. Au détail près que la Délicieuse craint le contact avec autrui. Elle le fui, autant qu’elle vient le chercher, selon le protagoniste qui se trouve face à elle. La main est passée dans la crinière. Foutue pour foutue, le chignon décoiffé est ôté, ne laissant trace de la course effrénée qui l’a menée jusqu’ici. Elle a trouvé refuge où elle le pouvait, et ici, elle passera sans doute incognito au milieu de ce monde. Les joues rosies par les ruelles traversées à grandes enjambées sont pardonnées, passant inaperçues aux côtés de ceux qui ont les pommettes rougies par la gêne, par l’excitation, par la chaleur des lieux…

      Alors la Slave reste un temps stoïque face au Monde.
    Elle observe, dénude chacun d’un seul regard, tente à les deviner au travers de leurs mouvements. Le grassouillet vêtu de ses plus beaux vêtements affiche sa richesse autant que son goût pour les femmes, une d’elles a compris, tournant autour de lui comme un prédateur guetterait sa proie. Là-bas, contre le mur, un autre envoie une belle promener, portant visiblement peu d’intérêt à la soirée, mais davantage sur un autre point. Les maures vont et viennent, affichant un visage dénué de toute émotion alors qu’un bref rictus trahit la fatigue ou la réception d’ordres quelconques.

      Le regard aussi vide que le cœur, elle avance dans la foule.
    Un, deux mots, elle n'y fait pas attention, se focalisant davantage sur sa respiration afin de faire abstraction des mains qui viennent palper discrètement, ou courir la chevelure détachée qui intrigue autant qu’elle rebute. Ce soir, elle sera en ces lieux. Ce soir, elle se mêlera aux présents, tout en étant à des lieues de cet endroit. Présente par le physique, absente psychiquement.
Alban_de_artes
Volontairement intrusif et persistant, le regard du Nécrosé ne cesse de se perdre dans celui de cette Femme. Parmi cet excès, cette vie et cette décadence, son attention se porta, inexorablement sur l'Absence, et le Néant. Parmi toute ces femmes avides de chair, d'éclat et de Vie, c'est sur Elle qu'il porta son interrogation. Ainsi, loin de ces artifices créés pour éveiller l'âme et le corps, ce fut sur le Vide lui-même qu'il porta son dévolu, comme si, tout ces efforts pour le réveiller étaient vains, comme si, malgré son envie première de ressusciter, ce fut une fois de plus sur la Silencieuse qu'il porta son dévolu. Immobile, il veille, scrute ses réactions, esquissant alors un sourire quasiment sadique devant ce trouble qu'il créé par cette simple intrusion. Pourtant, qui mieux qu'une femme si haut perchée pouvait attirer l'attention, lorsque l'Homme cherche par nature à s'élever et à contempler les cieux pour s'extirper des bas fonds et de cette déchéance naturelle...Cette scène en était d'ailleurs le parfait exemple, alors que lui-même se mêlait à ces porcs pour espérer s'en extraire. Pourtant, qu'il s'agisse des bas fonds ou des hauteurs, la Mort semblait se mêler aux deux fronts, sans distinction.

Lentement, il suit le regard de cette Femme pour, au détour d'un instant, apercevoir cette maure s'engager dans les escaliers. Malheureusement, il avait suffit d'une infime distraction pour perdre la trace de cette Femme et qu'elle fut sa surprise de sentir son palpitant s'éveiller sous le poids de cette frustration. Ainsi donc, cette femme se fit Proie, éveillant malgré Elle, un instinct primaire entre les tempes de l'Hispanique. Marqué par la Silencieuse depuis son enfance et plus encore depuis qu'il fut lui-même la cause de bien des maux, le Nécrosé vouait à cette entité, un désir aussi malsain qu'inévitable. Avide de ce Silence, de ces mémoires qui lui permettent de ne point oublier ceux qui sous terre, attendent pourtant l'oubli pour prospérer, le noble s'engageait, une fois de plus dans une traque où seule, la Mort règne en Maître. Oubliant alors cette vie qui l'entoure, celle-là même qu'il était venu embrasser et enlacer, ce regard-ci, le plongea dans une tout autre quête.

Les sourcils froncés, le regard marqué par une étincelle que bien des chasseurs seraient à même de reconnaître ici-lieu, Alban analyse les environs jusqu'à ce qu'un nouvel élan de fraîcheur s'immisce contre sa nuque moite. Se décalant de quelques pas, il observe alors cette nouvelle arrivée qui marquée par la fraîcheur et l'inquiétude lui semblait se muer en biche albinos qui au détour d'une course effrénée s'était échouée dans l'antre de ces principaux prédateurs. Traits lisses, peau d'albâtre et chevelure dorée, pour sûr cette Biche portait sur elle, tous les maux qui éveilleraient aisément l'appétit salaces de ces êtres moins élevés. Pourtant, malgré la délicatesse de ces traits encore rosis par cet écart de température, l'Hispanique se détourne sans difficulté. Seul, lui importait le vécu et les marques que l'âme et le corps peinent à dissimuler. Ces traits qui racontent à eux-seuls, le vécu d'un être et qui lui en offre toute la substance.

D'ailleurs, une voix se porte à ses oreilles et l'invitation à saisir une timbale se fait mécaniquement. La Maure avait finit par se glisser entre les corps et les gloussements pour respecter l'ordre qui lui avait été intimé. S'offrant une rasade, il retient alors le bras gracile de la Maure pour glisser à son oreille, une question intéressée.  Qui vous a demandé de me servir ? -  "La Dame, messire". Écartant ses phalanges, il invite la Maure à vaquer à ses occupations alors qu'il épouse le chemin de cette servante, en sens inverse. Pas à pas, il s'approche alors de ces hauteurs et de ce balcon où il l’aperçu.

Timbale dans une main, rambarde dans l'autre, l'Hispanique contemple l'univers de cette Dame. Buse, nichée dans ses hauteurs, cette dernière se complaisait donc à observer les bas fonds. Place stratégique, l'Hispanique ne peut s'empêcher de suivre du regard les pas de la Biche dans ce chahut avant de croiser son regard et de lever cette coupe, en l'honneur, de cette discrétion tout aussi feinte que celle de cette Femme dont il reprend la traque.

Reculant de quelques pas, il abandonne un regard à gauche puis à droite dans l'espoir d'y retrouver la propriétaire des lieux, puis comme une invitation perdue dans les abysses, il abandonne quelques notes à l'accent hispanique. Dame, il serait fort dommage de m'offrir à boire, pour me contraindre à déguster ce dernier, sans votre compagnie. J'espérai trinquer à l'Oubli et à cette Paix que nous sommes incapable de leur offrir...Vous joindriez-vous à moi ?

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Les paroles entre **...** sont la traduction directe du langage natal de l'hispanique [Cela évite le jeu incessant de traduction et permet une lecture plus fluide]
Anaon
       La pénombre de l’escalier laisse place à la clarté de la porte, éventrant le corridor traversant de la salle d'une entaille lumineuse qui fait danser les ombres. Les sons étouffés par la pierre sont comme prisonniers de l’autre côté, dans un autre monde que le voile invisible de l’acoustique semble isoler. L’embrasure en arche brisée forme le cadre d’un tableau festif où les figures vivent au-delà de leur peinture. Elles s’animent dans un camaïeu d’orange igné, piqué des teintes colorées des mets et des jupons ciselés par la lumière chaude des braseros. Le contraste est saisissant, amplifié par ce clair-obscur qui fera couler dans le futur tant de peinture. Durant les quelques mètres qui séparent la dernière marche de l’ouverture, la balafrée ralentit, saisie par cette vision fantasmagorique, avant de freiner drastiquement à l'approche du seuil. Une figure manque au décor... Il n'y a plus le drapé sombre parmi les couleurs. Les bottes s’immobilisent à la limite de l’embrasure, et le regard circonspect balaye les assis. Prise dans sa concentration, elle ne remarque pas même les esclaves qui courbent la tête avec déférence alors qu'elle s’écarte par réflexe pour leur laisser la place de rejoindre les cuisines. Le visage basané semble avoir disparu, remplacé par une poupée à la chevelure d'un blond de lune. La balafrée ne l'a pas vue depuis ses hauteurs, sans doute se sera-t-elle invitée quand elle était dans les escaliers. Malgré l'intérêt qu'elle semble susciter chez les hommes endiablés, elle ne fait pas partie des filles de la Jarretière, cela elle en est persuadée. Elle ne l'aurait pas oubliée. L'Ophide s'arrime un instant à l’avancée de la femme avant de retourner convoler sur la délirante assemblée. Et de pénétrer d'un pas ce tableau bariolé.
       Tout ce qu'elle percevait de là-haut lui parvient désormais d'une manière plus prégnante et palpable. Les riches fumets titilleraient presque son appétit capricieux et à une autre époque, elle n'aurait pas hésité à s'envoyer une large rasade d'hypocras dont elle croit déjà sentir les épices frémir sur le bout de sa langue. Les hommes continuent leur festin sans prêter attention à son intrusion et un gaillard enjoué par le vin jette son dévolu sur une jeune Maure qui passe à sa portée, l'attrait de l'exotisme lui semblant plus attrayant que les putains toutes disposées à ses envies. Il se penche pour faucher la belle en plein vol, mais à peine les doigts effleurent-ils la hanche gracile qu'une main saisit comme un étau son poignet aventureux. La poigne provoque le sursaut du coupable qui se retourne d'un air éberlué, la bouche ouverte pour riposter, et sa chique se coupe en plein élan sous le visage de celle qui a retenu son avancé. Ses yeux s'arrondissent davantage et un moment de flottement vient figer l'instant. Un sursaut lui secoue enfin l'échine, le tirant brusquement des brumes de l'alcool, laissant enfin le protocole prendre le pas sur la stupeur. Dans le son râpeux du bois contre la pierre, il se lève de son banc, attirant l'attention de ses voisins qui déclenchent à leur tour la réaction en chaîne. Soudainement, les choppes se posent et les rires se taisent, et tous se lèvent, avinés mais respectueux, face à leur Dame qui fait enfin son apparition. Les prunelles de cobalt ne lâchent pas le regard de ce fautif trop gourmand, désormais penaud. La musique doucement s’amenuise, et dans les quelques secondes de silence qui envahissent l'espace, elle entend... la voix. Un sourcil se rehausse subtilement. Lentement, la main du chasseur toujours prisonnière à hauteur de son visage, elle tourne la tête vers la source de ces mots. Vers... les hauteurs. Nul faciès qui se penche sur la coursive. La pénombre ne révèle rien, et le timbre semble émaner des ténèbres eux-mêmes. On ne saura lire sur ses traits ce qui l'anime. La surprise ? La douce excitation du jeu ? La contrariété de s'être fait ravir sa place ? L'expectative, sans doute. Sans déloger son regard du premier étage, elle relâche la pogne qui aura compris qu'il lui faudra se contenter des courbes mises à sa disposition, et ne plus confondre servante et putain. Et sans se soucier davantage de ses gens qui ne se surprennent plus vraiment de son étrangeté, la balafrée regagne le corridor, laissant à la fête le soin de reprendre son cours.
       Arrivée dans l'ambiance obombrée du vestibule tout en largeur, elle observe les escaliers jumeaux disposés d'un bout à l'autre de l'espace et menant à l'étage. En face d'elle, les cuisines. Tout à sa droite, l'escalier qu'elle a emprunté tantôt. Tout à sa gauche, celui dont il a dû user pour ne pas l'avoir croisé dans sa descente. La balafrée s'engouffre dans ce dernier. La détermination de sa course s'amenuise pour gravir les marches avec lenteurs, laissant dans son sillage le brouhaha du grand hall qui reprend avec vaillance. Quand viennent les derniers paliers, le pied s'allège et se fait silence. Dans la découpe de l’embrasure, la silhouette masculine apparaît, ciselée par les lueurs émanant du contre-bas, le détaillant discrètement dans les ombres persistantes. La Dame s'arrête à un pas de l'escalier et observe l'intrus patiemment. Sa posture, plus à l'aise qu'elle ne l'était à son entrée, sa vêture qui le camoufle à l'abri de la lumière. Et la façon dont il tient sa coupe. Est-elle encore surprise ? Intriguée ? Contrariée ? Expectative, sans doute. Il s'est immiscé dans son secret, dans son recul. Il lui a volé sa mise en abyme. L'Ophide juge en retrait. Les propos sibyllins qui ont animé plutôt le silence ont raisonné d'un accent qui la laisse curieuse. Sa méconnaissance du monde ne saurait lui en indiquer la provenance exacte, bien que ces modulations, et le teint de celui qui les prononce, trahissent en tout point son origine du Sud.
       La voix de la balafrée calmement s'élève pour répondre à ces propos livrés tantôt.


       _ Le vin est un allié bien traître. Il cristallise plus qu'il n'apporte la paix ou bien l'oubli...




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Perché sur les hauteurs, le Nécrosé qui pensait sa proie perdue, finit par être alerté par ce silence, pesant et respectueux que cette dernière su imposer par sa simple présence. Esquissant un sourire au coin de ses lippes, il observe avancer dans la masse, cette ombre anonyme dont la démarche androgyne se fait silencieuse parmi ces êtres de débauches. Sous ses pas et cette posture noble, les porcs se taisent et les gestes s'interrompent. La proie impose le respect de ces pairs. Du balcon, l'hispanique s'abreuve de cette esquisse où cette proie, pourtant discrète et volontairement effacée se mue en un redoutable trophée de chasse dont la présence et la prestance décourage ces autres giboyeurs, boucaniers et traqueurs. Pourtant, loin de se décourager à son tour, Alban de Artes rompt le silence et interpelle l'attention de sa proie.

S'offrant une rasade, il observe cette dernière regagner l'escalier alors qu'en contre bas, les festivités reprennent sous les pas effacées de leur Dame. Lentement, le souffle de l'hispanique se fait plus posé alors que l'appréhension semble le gagner. Rares étaient les occasions où le noble se laissait envahir par des émotions aussi insaisissables et éphémères. Homme nécrosé jusqu'à la moelle, il semblait évident que son passé et son vécu avaient entachés le plus infime ressenti d'une meurtrissure insatiable. Pourtant, l'affliction le gagne et l'étreint, enserrant à l'occasion son palpitant et ébranlant ses tempes d'un vrombissement sourd. Lentement, le chasseur fronce les sourcils et abandonne une main lasse sur sa barbe alors que la progression de sa proie s'apparente à une vile et sempiternelle attente.

Finalement, le pas de cette Dame s'interrompt sur l'avant dernière marche et l'esquisse de cette proie autrefois confuse et trouble devient plus précise. Devant lui, Alban découvre que les effets d'hommes volontairement revêtus peinent à dissimuler sa véritable condition. La taille est élancée, les hanches sont arrondies, les galbes et les traits sont quant à eux délicats et cette chevelure foncée et légèrement ondulée qui semble se perdre le long de son échine, apporte à cet ensemble et à cet apparat une pointe d'incohérence. Pourtant, au delà de ce premier constat, les iris du Nécrosé se font plus indiscrets et intéressés alors qu'ils se portent sur ce vécu, que certaines balafres et ridules ne peuvent cacher. Si sa propre Gueule Cassée et ces quelques reflets argentés laissaient imaginer à certains le poids de ses expériences et de son vécu, cela n'était rien comparé à cette ride du lion bien marquée et à cette balafre pourtant ancienne qui étire les lippes de cette Autre. Suspicieux et interrogateurs, les sourcils se froncent dans un premier temps, avouant alors le poids de ses propres rides d'expressions, avant de s'estomper au profit de l'impassibilité.

Mettant fin à ce jeu d'inquisition, la voix posée et monocorde de la Dame se fait entendre. Acquiesçant à ces propos sensés, l'hispanique lui fait signe de s'avancer et de le rejoindre sur cette place stratégique.

- Rassurez-moi, vous ne pensiez pas réellement passer inaperçue, ainsi perchée ? L'accent hispanique se perd, narquois et moqueur alors qu'il finit par retrouver le regard de cette Proie, dont il peine à se défaire. Le ton se fait alors plus froid, plus personnel alors qu'il abandonne son verre sur le rebord du balcon.

- En réalité, c'est votre regard qui vous a perdu. Rares sont ceux qui sont aussi marqués par la Silencieuse...Et parmi toutes ces festivités et cet amas de vie, il semble que nous soyons les seuls à être aussi éteints et insatisfaits. Je me trompe ? Reprenant une profonde inspiration, l'hispanique gratte sa barbe dans un geste mécanique avant de poursuivre. - Alban de Artes...Mais vous pouvez m'appeler le Nécrosé.



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Les paroles entre **...** sont la traduction directe du langage natal de l'hispanique [Cela évite le jeu incessant de traduction et permet une lecture plus fluide]
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       Si peu lui échappe dans la pantomime qui anime ce visage. Dans le clair-obscur de la pénombre, elle peut enfin en contempler pleinement les reliefs. De l'infime expression aux plus marquantes ridules, de ce froncement de sourcils aux pensées qui s'y cachent. Dans une boulimie de détails presque atavique, elle dissèque plus qu'elle ne détaille, exhume plus qu'elle ne décèle, excave les non-dits de la moindre parcelle de mimiques. Réflexe de survie et reste de professionnalisme, un naturel que d'aucuns traiteraient d'impolitesse et dont elle ne pourra jamais se défaire. Ce qu'elle lui insuffle ? Aisément elle peut le supposer. Malgré l'habitude, la femme n'est pas dupe et sait désormais sur le bout des doigts l'image qu'elle renvoie. Elle ne prend pas ombrage de l'étude dont elle fait l'objet, lui rendant la pareille, et ne lui offrant en guise de réponse que la placidité nimbée de méfiance tacite que se vouent les prédateurs tranquilles.
       D'un signe il l'invite à s'avancer et la balafrée se fend d'un sourcil qui se perche sur son front. Se faire inviter en sa propre demeure ? Voilà qui est bien cocasse ! Les rôles alors s'inversent et à la première parole, la balafrée s'avance, approchant la balustrade, non sans garder une distance raisonnable avec ce singulier inconnu. Vaguement, le visage se tend et se penche, comme pour chercher la réponse à la question posée. En bas, les chasseurs ont bien vite oublié sa présence, la musique a repris son cours, tout comme le cortège des petites mains serviables. L'apparition blonde semble s'être faite plus discrète…

       - En réalité, c'est votre regard qui vous a perdu. Rares sont ceux qui sont aussi marqués par la Silencieuse...Et parmi toutes ces festivités et cet amas de vie, il semble que nous soyons les seuls à être aussi éteints et insatisfaits. Je me trompe ? Alban de Artes... Mais vous pouvez m'appeler le Nécrosé.

       L'attention revient à l'homme et la femme se redresse. Elle a noté la particule qui accroche de certitude cette allure déjà révélatrice. Les prunelles azurées se troublent un instant d'hésitation. Les mains se croisent contre son ventre, comme par reflexe, dans une posture plus stricte et réservée. Un subtil revirement d'attitude, pareil aux instants où les jupons viennent alourdir ses hanches. Devra-t-elle jouer les Respectables ce soir ? Les rires et les conversations de la "relâche" lui parviennent du contrebas, perçant le trouble de ses pensées aussi clairement que le tintement d'un grelot dans la brume. La fête et les notes enjouées… L'odeur du vin plus chaud que les corps qui se taquinent. Le regard parcoure de haut en bas cet… Alban… qui n'a rien du pompeux et du cérémonieux.


       _ Pour un Nécrosé vous voilà des mieux conservés.

       La tension se relâche aussi soudainement qu'elle était apparue, et les bras s'écartent pour embrasser l'espace qui résonne de liesse.

       _ Dame en ces lieux… Mais j'emprunterai ce soir le nom qui vous siéra.

       Elle recule d'un pas, sans faire plus de mystère, s'inclinant d'un très léger mouvement du menton que l'étiquette aurait voulu plus marqué. Mais l'étiquette aurait aussi souhaité que rien d'autre ne vienne draper ses hanches qu'une robe de bonne allure… mais braver l'Eglise et la loi du Mâle lui paraissait bien plus raisonnable.

       _ Mais vous avez tort, Alban de Artes. Je suis pleinement satisfaite.

       A ces mots, elle pivote à nouveau, accrochant le regard de l'étranger un instant, laissant ses deux mains retrouver le bois de la coursive.

       _ Les hommes boivent, chantent, mangent, et… savourent. Tout se déroule sans encombre ni ambages. Chacun exulte sans même chercher à ce savoir ce qui l'entoure…

       L'œil de Prusse quitte les noceurs pour revenir à cet Alban au sobriquet bien sombre et révélateur de bien des vérités.

       _ Et vous vous fourvoyez encore… L'humain aime regarder de haut. Il n'apprécie guère être celui qui regarde d'en bas, inférieur. Son regard ne se porte jamais vers les hauteurs… Si ce n'est pour les envier ou les mépriser. Il préfère continuer sa vie, en ignorant qu'il est épié. Subordonné sur le plancher… L'ombre est parfois plus épaisse quand on regarde vers le ciel…

       Un instant de pause, contemplative du banquet.

       _ Mais dans ce lot d'oisifs qui ont bien raison de vivre malgré leurs conditions, il demeure quelque spécimens avec assez d'audace pour en emprunter les escaliers…



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Il avait suffit de quelques mots pour troubler l'esprit de la Dame, qui aussitôt se ravise et se pare d'une attitude posée, respectable avant d'estomper cette apparence sous les plis du naturel et de la décontraction. S'il était noble par le titre, la particule et les terres, Alban était loin d'être un homme qui appréciait cette suffisance qui allait de paire et ses relations actuelles étaient à même d'en témoigner.

Les bras se lèvent, embrassant le chaos qui règne ici lieu et la Dame se présente donc, laissant à l’ibérique le soin de choisir un nom adéquat. Mais encore lui fallait-il La connaître pour revêtir ce visage, ces balafres et son passé par un nom harmonieux et justifié. A défaut de plus, elle ne sera donc que la Dame, identité anonyme qui semble se complaire de cette organisation et de ces maux qui s'élèvent et s'embrasent sous les spiritueux, les chants gras et les putains.

Se rapprochant du balcon, il observe alors cette scène qui se joue en contre bas et laisse, au hasard ses iris se poser sur une rencontre charnelle, putain/chasseur, dont les coups de bassins n'aspirent qu'à éprouver cette table sur laquelle le séant de la courtisane avait trouvé un support à ses frasques. Pour sûr, tout semblait se dérouler à merveille, mais ne dit-on pas qu'il fallait se méfier d'un intérieur trop parfait ?

Puis, les mots continuent de s'échapper des lippes étirées et les sourcils de l'hispanique se froncent. S'offrant une rasade, il esquisse un sourire satisfait alors qu'il dévisage d'avantage son hôte.

Je ne crois pas avoir tort, contrairement à ce que vous semblez croire. Pensez-vous réellement que tout soit parfait ? J'ose croire que si vous mettez autant d'ardeur à ce que cela le soit, en apparence du moins, ce n'est que pour cacher un vide. Après tout, rien est mieux rangé que l'intérieur d'une maîtresse de Maison en mal d'ailleurs.

Taquin, les propos s'abandonnent alors qu'il s'approche d'avantage d'Elle pour abandonner une main contre la mâchoire féminine et qu'il effleure du bout des doigts ce sourire forcé.

"Son regard ne se porte jamais vers les hauteurs..Si ce n'est pour les envier ou les mépriser." Hum...Parlez-vous en pleine connaissance de cause ?

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       "J'ose croire que si vous mettez autant d'ardeur à ce que cela le soit, en apparence du moins, ce n'est que pour cacher un vide. Après tout, rien est mieux rangé que l'intérieur d'une maîtresse de Maison en mal d'ailleurs. "

        Il fait mouche et cette perspicacité sonne comme un glas entre les parois de son crâne. Les prunelles se tournent dans sa direction, sans pour autant se poser sur lui. Le silence qui s'installe alors sur sa bouche scelle ses lippes d'un aveu éloquent. La Balafrée est une créature qui abhorre plus que tout que l'on puisse lire entre les lignes de ses desseins... Elle sait pourtant se montrer bonne joueuse ; dans son mutisme elle lui accorde le point.

       "Son regard ne se porte jamais vers les hauteurs..Si ce n'est pour les envier ou les mépriser." Hum...Parlez-vous en pleine connaissance de cause ?

       Le toucher. Sur sa joue. Sensation électrique que le derme a toujours rejetée. Il lui faut quelques secondes pour réagir et s'extirper des limbes de ses pensées. Sang-froid n'est pas dénué de réflexe. Sa main fend sur le poignet effronté pour briser le contact alors qu'elle se redresse pleinement en plantant ses prunelles d'un bleu des mers dans les billes ténébreuses de l'Etranger.

       Noires... C'est si rare des iris parfaitement noirs...

       _ Pertinentes... impertinences...

       Elle persifle, entre ses dents serrées, serpent qui n'apprécie guère les mains impudentes. Si proche du minois insolent qu'elle pourrait y planter ses crochets. Le poignet mâle qu'elle voudrait broyer pour son impétueuse audace reste sévèrement enserré dans l'anneau de sa main. Et son timbre, d'une suavité glaciale :

       _ Et sachez que non... Un tas de mousse pour seule literie me conviendrait amplement. Je n'ai jamais envié les soieries et les dentelles. Je saurai faire de la misère ma seule toiture s'il le fallait.

       Ce sont les hauteurs qui sont toujours venues à moi... Il est des professions peu louables qui offrent d'inattendus privilèges. Quand l'on vend son corps pour en faire l'arme assassine des vengeances nobiliaires. Même les têtes couronnées deviennent tributaires des fléaux de misères que nous sommes. Le pouvoir rendu aux mains sales. Celles qui creusent les viscères plus que la terre... Cette même main qui, sans lâcher sa proie, desserre son étreinte. Damned, cet Alban a du chien, loin de l'image du cabot perdu qu'il renvoyait en passant la porte du pavillon. Les pourtours de son essence se dessinent dans l'esprit de la Balafrée. Sa personnalité se trace de facettes assurées, parfois tranchantes dans les discours surement, provocantes assurément. Il est de la trempe de ceux qui ont toujours osé poser les doigts sur ses blessures. La Roide les connaît bien, ces mâles à l'orgueil rude. Des poignes à femmes, à l'instinct dominant sous-jacent. Ils ne sont pas les plus extraverties. Ni même les plus méprisants. Au premier regard, on les croit calmes et détachés, inoffensifs, peut-être... Mais ils observent et analysent bien plus qu'on ne le croit. Il y a quelque chose qui suinte d'eux...de pernicieux... Une constante tension... presque charnelle. La provoc' en arrière-pensée, mais pas de celle qui anime les belliqueux. Ils aiment être ceux qui dérangent et décontenancent... Voilà ! C'est ainsi qu'ils s'imposent aux autres. Ils titillent et agacent, jouent des canines sur des proies plus ou moins dociles, patiemment. Pourvu qu'ils ne laissent pas indifférent, jamais, que l'on soit simple passant dans leurs existences ou quête de leurs instincts concupiscent. Mais Roide est rude et n'a jamais eu la carne facile. Et au jeu du "Je dérange", Diable sait qu'elle se défend.
       Peut-être se trompe-t-elle sur le compte de l'Etranger, peut-être pas. Son jugement s'affine et compte bien percer plus à jour encore la carcasse Nécrosée qui lui fait face.
       Une lueur pétille soudainement dans ses prunelles. Sous le trait de l'idée qui vient de fendre son esprit, les doigts s'ouvrent un à un tels les pétales d'une fleur libérant de leur carcan le poignet de l'Etranger. La main demeure suspendue près de son Autre, prête à se refermer s'il le faut au moindre geste trop cavalier. Sur son visage la note à changé, le serpent ne siffle plus sa froide mise en garde : derrière les écailles diaphanes sinue l'aura d'une vague malice.


       _ Êtes-vous joueur, Alban ?




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Il touche, là où le pas blesse, là où les marques apparaissent. Acte volontaire, purement sadique et ho combien jouissif. A cette audace, le corps féminin s'anime pour apposer une serre contre son poignet et à ce geste, prévisible, le Nécrosé esquisse un sourire. La valse hispanique commence et à ce jeu de dupe, il était bon de laisser l'honneur aux Dames. Impertinent, le minois s'étire, brisant cette impassibilité naturelle et glaciale pour écouter les mots sifflés entre deux mâchoires serrées.

Ainsi donc, elle ne faisait pas partie de ces donzelles avides de luxe, de soierie et d'artifices. Vraiment ? Il n'aurait pas pu s'en douter vu cette apparence masculine et sobre ainsi que ces scènes de débauches primaires et sans élégances qui se déroulent en contre bas. Étonnante révélation.

Heureusement que vous le précisez, j'avais un doute...Moqueur, la réplique est lancée alors qu'il contemple le décor et l'apparence de la Proie et qu'il ose, par ce jeu de regard insistant, appuyer sur cette criante évidence. Distrait, il se contente de boire ou plutôt de finir son carmin alors qu'il attend que son poignet soit, enfin, libéré des phalanges féminines. Après tout, il était plus de ceux qui enserrent, possèdent et détruisent et il serait dommage que la Proie prenne goût à cette audace réciproque.

Enfin, au bout de quelques minutes de silence, les serres de la Balafrée se retirent, bien que la main reste en suspend, dans l'attente ou la crainte d'un geste de trop. Les iris sombres se posent sur la Dame en retour à cette question, qui pleine de malice, attise d'anciens démons. Joueur ? Il l'était, c'était évident, en revanche, perdre ne fait pas parti de ces qualités.

Je suis joueur, mais mauvais perdant. C'est donc, à vos risques et périls... En guise de motivation, le verre est finit d'une traite puis reposé sur le rebord du balcon. Ainsi donc la soirée prenait une tout autre tournure et la finalité, allait en grande partie dépendre du jeu que son hôte allait lui proposer. Jeu de chair ? De hasard ? D'alcool...Qu'importe. Il souhaitait se perdre et oublier le temps d'une soirée ce poids qui n'a de cesse de mâcher son échine et ses os. Oublier ce vide, cette absence de vie qui pourrait peut être se heurter un reflet féminin.

En revanche, je suis pour quitter ce brouhaha pour un lieu plus posé, bien qu'aménagé. En effet, si l'hôte n'était pas du genre à s'étaler sur des étoffes soyeuses ou à se gorger d'une outrageante opulence, ce n'était pas le cas du noble. Et s'il avait, par nécessité oublié son domaine en Aragon, ses responsabilités et ce luxe pour épouser les pavés puants de la capitale ou des nœuds, c'était sans compter sur ce minimum syndical et sur ces deux servantes qu'il avait embarqué, à leur insu, à ses côtés.

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       Mauvais perdant. Et le vernis final s’appose sur le tableau déjà bien percé à jour.


       _ Honnête au moins.

       L’Ophide recule de quelque pas et si en l’instant l’on doit lui reconnaître du serpent, c’est assurément dans la fixité des prunelles qui ne relâchent pas une seule seconde les Onyx dans lesquels elles se sont plantées.

       _ Un lieu plus… posé ?

       Le visage qui crache plus encore le sourire qui se suggère plus qu’il ne s’affiche transpire le guet-apens. La dextre passe par dessus le garde-corps de la coursive, et trois coups nets et sonores viennent s'abattre contre le bois, arrachant l’attention des noceurs en contrebas qui abandonnent vins et pains pour lever le regard vers elle.

       _ Messieurs, apportez les madriers !

       Une effervescence soudaine ébranle l’assemblée qui s'exécute au quart de tour, les murs tremblent aux raclements des bancs que l’on pousse et des portes qui s'ouvrent à la volée, l'excitation vibre dans les voix qui se modulent d’une fébrilité nouvelle, emplissant la salle d’un brouhaha pesant. D’une lenteur calculée, elle se rapproche du Nécrosé, si proche, qu’elle pourrait presque coller sa joue contre la sienne.

       _ Moi, je n’aime pas les forts-en-gueule aux bourses trop vides…

       Une seconde d’attente et un timbre plus enjoué :

       _ Ne me décevez pas.

       Un réel sourire en coin ponctue enfin sa bouche et sa phrase d’un franc retour de bâton. Alban joue les rapaces aiguisés à la serre habile. Elle lui montre qu’il vaut mieux se méfier de la Vouivre aux crochets bien cachés : chasser sur un territoire piégé est un jeu dangereux ; prédater un prédateur : sans doute une erreur. Elle amorce leur descente de l’étage, attendant qu’il prenne son sillage pour la rejoindre au-rez-de-chaussée. Les esclaves Maures s’agglutinent dans le couloir, les yeux ronds de dubitation devant le spectacle de la grand-salle qu’ils n’ont pas encore eu le loisir de voir. La Dame s’y fait un passage sans obstacle et débouche devant la scène de toutes les curiosités.
       Au centre de la salle, dans l’espace laissé entre l’écart des deux tables de banquets, les hommes debouts ont formés un rectangle parfait et sur leurs épaules, plus ou moins solides selon leur état d’ivresse, reposent des madriers de différentes longueurs. Tenu par un seul homme, par deux ou encore suffisament long pour quatre, un chemin disparate et entrecoupé d’espace parcourt la colonne humaine. A peine plus large qu’un pied, carré pour les morceaux portés par un seul gaillard, nivelé selon la grandeur des hommes, la solidité des uns côtoie l’approximation des autres. Les bourgeois sont restés sur les bancs, les plus faiblards et les trop “cuits” aussi.


       _ Voyons si vous avez l’équilibre aussi sûre que votre audace...

       L’Ophide se tourne face à Alban, dos à la foule, les bras grands ouverts pour présenter fièrement ce jeu, mettant là en exergue tout le paradoxe dont elle est faite : elle sourit peu, rit encore moins, la mine grave qu’elle porte comme un indéfectible linceul la laisse présager peu encline à la boutade et la camaraderie ; et pourtant, malgré cette froideur de cathédrale et la rudesse de ses cloches d’airain, la Dame était plus que friantes de jeux et de paris.

       _ Bienvenu à Denée ! Ce jeu est d’une simplicité enfantine… Les enfants en raffolent par ailleurs, les jeunes soldats et les hommes aussi.

       Un roulement vocal d'assentiment parcourt la troupe de noceurs. La botte prend appuie sur l’un des bancs pour aller se jucher sans vergogne aux milieux des potages et des faisans, faisant de la table son piédestal comme Ops ou Epona régnant sur l’Abondance.

       _ Il serait malvenu pour une Dame digne de ce nom de s’éloigner avec un homme en pleine bombance, mais si vous gagnez, je consens à vous offrir une entrevue ou tout ce que vous demanderez - dans la limite, bien évidemment, de la bienséance.

       Deux hommes se baissent, bois à l’épaule pour lui permettre de monter dessus. La balafrée se hisse avec concentration, assure son équilibre et les deux gaillards, la respiration alourdie par le poids, reprennent lentement leur place. Stabilité enfin revenue, un pied derrière l’autre telle une funambule, les bleus de Prusse reviennent à l’étranger.

       _ Si vous me rattrapez, ou si je tombe, vous gagnez. Si je vous rattrappe ou si vous tombez… c’est moi qui gagne.

       Elle se tourne, désigne d’un bras tendu l’angle opposé du rectangle.

       _ Alors ?

       Au jeu du “Je dérange” Diable sait qu’elle se défend…



Musique : “ Jack Sparrow” dans le film “Pirates des Caraïbes : le secret du coffre maudit” composée par Hans zimmer.
Merci au film "Outlander" - et non la série - et à sa fameuse scène du "Bouclier" pour son inspiration !



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Alban_de_artes
S'attendait-il à cette réaction, à ce jeu qui se met en place et à ce défi qu'il lui faut relever et qui met assurément à l'épreuve son équilibre et sa concentration ? Non. Pour sûr, il était plus parti dans l'idée d'un endroit intimiste, calme, avec quelques étoffes pour reposer son séant et au mieux les courbes de la Proie. Pourtant, rien de tout cela s'offre à lui. Devant lui, le brouhaha difforme et charnel se mue en une silencieuse organisation où les hommes, encore valides, s'empressent de récupérer des madrier pour, une fois posées sur les épaules, réaliser une forme géométrique aussi instable que précaire. Pour une première, c'est une première. Ces défis étaient d'ordinaire, plus banals, jeux de cartes, de dés, d'échec, en somme des jeux qui font appels à la stratégie voir au hasard. En revanche, la Dame lui présentait tout autre chose. Décidément, elle avait au moins pour elle, de le surprendre et fatalement de l'agacer. Sérieusement, ces rides ne traduisaient-elles pas déjà son vécu ? Son apparence, son besoin de maîtrise et de retenu ? Et sa réserve, son goût pour les choses discrètes ? Souhaitait-elle qu'il se rompe le cou en chutant de ces madriers ?

Autant dire qu'il lui faut un certain temps pour se décider à relever le défi. D'un haussement de sourcil, il observe donc la Gracile se faire Chat et funambule. Un jeu d'une simplicité enfantine disait-elle...Il a presque quarante piges ! Bordel ! C'plus de son âge tout ça...
Dubitatif, il l'observe et analyse alors qu'elle enrobe ce défi et cette audace, d'une récompense qui pourrait finalement lui convenir et dont la réserve, quant à elle, est balayée.

Dame, si j'ai passé l'âge de ce genre d'amusement, ce n'est pas pour me contenter d'un à peu près. Si je joue, je joue jusqu'au bout et il n'y aura alors, aucune réserve qui ne saurait être imposée. Vous choisissez le jeu, je choisis la finalité.

Ainsi donc, alors que les marches sont descendues et que l'arène est rejointe, l'hispanique prend soin de retirer son manteau qu'il dépose, avec soin sur un banc. Pour faciliter un peu sa manœuvre, il met un peu de mou dans sa chemise et en retrousse les manches. Un soupir est lâché alors qu'une tension, ambiante se fait sentir. S'il était habitué au combat et à se mouvoir avec aisance pour s'éviter des maux, cela faisait bien quelques années qu'il avait reposé ses armes au profit d'une vie plus posée et moins physique et s'il lui arrivait encore de se battre, voir de répandre le sang, cette activité n'avait rien à envier à ce jeu qui met à mal sa souplesse et son équilibre sur les hauteurs.

Vu qu'il m'en coûte, j'annonce que si je gagne, il vous en coûtera tout autant. Inversement, vu l'effort fournis pour répondre à cette attente, je me réserverai le droit d'apporter une close à votre propre récompense. A prendre ou à laisser, après tout, le Mâle avait prévenu et il lui semble qu'à ce jeu, les dès sont pipés.

Déliant un peu sa nuque et ses articulations roides, il finit par emprunter le même chemin que la Proie et par monter sur la table pour, finalement poser le premier pied sur la poutre. Sans déconner, entre son poids, sa stature et l'apparence féline et gracile de l'hôte, Alban n'a, visiblement, aucune chance. Pourtant, il ose...D'un geste, le corps bascule et se hisse alors que sur l'impulsion, le deuxième pied est posé et qu'il s'empresse de poser ses appuis. Regard est porté sur les deux hommes qui abandonne un soupir sous le poids du noble et bande les muscles en conséquence pour maintenir une certaine stabilité.

**Putain de merde...** Remarque est poussée, avouant ses origines alors qu'il tente d'avancer , tant bien que mal sur les madriers. Équilibre et Hauteur, ou comment mettre à mal, la réserve et la fierté masculine.

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Les paroles entre **...** sont la traduction directe du langage natal de l'hispanique [Cela évite le jeu incessant de traduction et permet une lecture plus fluide]
Anaon



       L'acceptation est accueillie dans une clameur qui secoue les hommes d’une houle d’applaudissements, de cri et de raffut. Et pour leur donner matière à scander, l’Ophide déclame :


       _ Sieur de Artes ! Étranger et Nécrosé, tout offert à tes frasques, Denée !

       On reprend le patronyme, on le roule sous la langue pour en graver la mémoire. Déjà l’on observe l’on juge et l’on jauge. Les plus pressés parient sans attendre les premières démonstrations ; les poulains ne devront pas décevoir. Les catins dardent un oeil intéressé sur le corps de l'Étranger qui se dénude pour plus d’aisance et les esclaves demeurent coitement éberlués par la soudaine exubérance de leur Dame, si discrète à l’accoutumée. Elle se risque à un demi-tour puis, le nez rivé sur les madriers, commence à avancer pour se placer à l’opposé d’Alban qui impose ses réclamations. Sans relever les yeux, elle chasse l’air d’une main levée en acceptation à tout ce qu’il pourrait bien demander. Trop concentrée et contentée, elle lui accorderait à l’instant même n’importe quoi, du plus sérieux au plus farfelu. Arrivée sur une portion tenue par quatre gaillards, elle se permet la pause.
       La prunelle revient au mâle, pestant dans son orgueil mis à mal, et à l’ombre d’une dignité qui ne se permettrait pas l’irrespect, elle sourit en elle-même. Le mariole devient proie à gaudriole, mais n’a-t-il point vu, lui aussi, les ridules étirant ses yeux ? Les sillons, même discrets, qui marquent l’âge ; la hanche qui se fait pénible par ce temps bien trop froid ; le mollet qui tremble sous l’effort de l’équilibre. La Roide a sans doute eu bien plus l’habitude de jouer de son corps et de ses aptitudes, mais s’il est avantageux, ce jeu “pipé” ne l’est pas tant. Mauvaise perdante ? Elle ne l’est point. Néanmoins, la Balafrée ne s’assure de ne jouer que lorsqu’elle peut l’emporter.
       Concurrent bien campé sur ses échasses ; attente qui retient la foule d’un souffle suspendu ; regard cherchant à se river dans les Noirs pour un commun coup de cor. Le pied droit se lève, interroge l’Autre tacitement… et le premier pas qui se pose sonne le début des festives hostilités. L’assemblée relâche sa prime tension pour basculer dans le suspens, poussant quelques encouragements accompagnés de la musique qui repart de notes enjouées frôlant la gouaillerie, mesurée pourtant pour marquer le tempo de leurs pas. Devant elle, une petite quinzaine d’hommes la sépare d’Alban, derrière elle, une autre quinzaine ferme la boucle. Autant de distance a ratrapper pour pouvoir le toucher en premier.


       _ Les soldats ont l’habitude de faire celà… avec des boucliers… un bouclier… par personne. C’est nettement plus difficile, croyez-moi !

       Parler, mais rester concentrée. Les bras en balanciers, funambules avançant tous deux comme des aiguilles à contretemps, elle ne se précipite point pour le moment : le tour est à l’observation, trouver son aisance, jauger l'habileté de l’autre… et surtout la sobriété des porteurs. Si les poutres tenues par plusieurs hommes sont plus stables, le passage est nettement plus délicat sur les énergumènes solitaires. Attentive à l’autre, elle veille à ne pas prendre de retard afin de ne pas laisser d’avance à Alban. Digne sicaire, elle sait qu’il ne faut jamais avoir quelqu’un trop près derrière.

       _ Il nous faudra accélérer.




Musique : “ Jack Sparrow” dans le film “Pirates des Caraïbes : le secret du coffre maudit” composée par Hans zimmer.



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