Axelle
[Les bains]
L'établissement n'ouvrirait ses portes que dans plusieurs heures et, tranquilles, les murmures des galants ne bruissaient qu'à l'étage. Comme pour respecter le calme de la demeure, les pieds gitans se faisaient velours pour pénétrer dans l'onde chaude et parfumée du bain et les carreaux de faïence resteraient endormis sous leur vapeur cotonneuse. L'heure était parfaite pour la détente.
Lentement, le corps ambré de la zingara s'immergea dans l'onde, sans presque un remous, laissant les boucles brunes flotter tel un voile improbable à la surface. Un long soupir de bien être s'échappa des lèvres ducales alors qu'elle ferma les yeux, s'invitant à un voyage qu'elle ne se permettait guère souvent. Prenant son souffle, elle se laissa glisser au fond du bassin, ne remontant que lorsque l'air lui manqua avant de lisser ses cheveux vers l'arrière. Seul instant où, dégoulinants, ils se montraient un tant soit peu disciplinés.
Petit rituel habituel achevé, elle laissa son regard noir courir sur le plafond, où du moins ce qu'elle pouvait en apercevoir et, sans même s'en rendre compte, tourna entre ses doigts l'alliance d'or trônant à son annulaire gauche.
Quel temps faisait-il ce jour là ? Ce jour où le contrat des plus basiques avait volé en éclats ? Elle ne savait plus. Qu'avait été ce mariage à ses premières heures ? Un simple bout de papier, définissant quelques règles simples et il fallait bien l'avouer, tristes à mourir. Une couronne contre l'Aphrodite. Et comme seule promesse, celle de faire bonne figure et jouer une parfaite comédie à chaque cérémonie officielle ou chaque invitation qui leur tomberaient sur le coin de figure. Ils poursuivraient leurs vies, chacun de leurs côtés, prenant simplement garde à se faire discrets sur leurs éventuelles aventures. Mariage d'intérêt, connivence de façade, désintérêt respectueux. Voilà ce que, naïf sans doute, le couple factice avait prévu en guise de mariage. Pourtant en quelques semaines à peine, une complicité imprévue et une sincérité pleine était née, enflant irrémédiablement, les conduisant avec un naturel déconcertant à repousser les limites qu'ils avaient voulu se fixer. Ainsi, souvent, rompant l'indifférence, ils se retrouvaient, se racontant, se livrant, toujours un peu plus. Jusqu'à ce jour où la couleur du ciel échappait à la mémoire manouche. Pourtant, cette journée avait été si belle qu'elle resterait gravée aux méandres de sa cervelle.
Elle commençait pourtant mal, cette journée. Ranger ses robes, ses bijoux, ses parures, ses parfums. Activité que la bordélique manouche avait en horreur mais qu'elle se refusait pourtant à déléguer à une soubrette. Revers de la médaille d'une couronne posée sur sa tête lui imposant l'opulence de soies et de pierres. Pourtant quand Justin avait fait irruption dans sa chambre, les cheveux en vrac et une chemise de lin débraillée sur les épaules, elle n'avait rien d'une duchesse délicatement pomponnée. Ils avaient parlé, beaucoup. Des enfants qu'elle avait eus. De celui que lui n'avait pas eu, avant de glisser dans la taquinerie. Art que Justin maîtrisait tant que la manouche comme rétorque, n'avait rien trouvé de mieux que de s'aventurer à lui mordre la lèvre. Et lui, loin de s'en s'offusquer ou de fuir, avait accroché sa nuque de la paume pleine de sa main pour l'embrasser.
Premier baiser au goût de jeu, auquel elle avait répondu en lui en dérobant un dans le même élan, laissant leurs langues s'entrelacer avec ferveur, comme revanchardes de n'avoir pu se découvrir jusqu'alors qu'à travers des mots. Au creux de son bain, un sourire rêveur se faufila à la bouche de la Casas au souvenir de leurs bouches avides et de leurs mains exploratrices. Et quand les frusques avaient été négligemment abandonnées au sol, une chose était certaine. Ni l'un ni l'autre ne jouait plus. Un long soupir chahuta la vapeur parfumée quand, sur son ventre, l'écho des lèvres maritales la brûlait encore. Du bout de la langue, il l'avait apprise, un peu plus encore, l'apprivoisant d'une gourmandise qui avait eu raison de sa raison, jusqu'à ce que l'invitation, ou l'ordre, allez savoir, ne fuse dans soupir défait de plaisir. Et là, dans la solitude des bains de l'Aphrodite, la manouche en frémissait encore, sa dextre posée sur son ventre remontant lentement vers son sein dardé malgré la chaleur de l'eau. Sans même s'en apercevoir d'onde bruissait des infimes balancements de ses reins au souvenir de la cadence puissante et dominatrice du bassin du Faucon. Et si la manouche avait souhaité sa chambre ordonnée, cette dernière n'avait été que désordre. Désordre de gémissements entrelacés, de soupirs, de caresses, de baisers, de morsures, de griffures. Désordre dans l'osmose de deux corps qui se fondaient l'un à l'autre, jusqu'à la délivrance la plus éclatante. La main gitane, au dessin troublé par l'eau se referma doucement sur la pointe de son sein, la malmenant avec une douceur alanguie. Vilaine fille, ou vilain époux, de la conduire si aisément à la débauche d'un simple souvenir.
Un rire léger se délitant dans la brume opalescente lapaisa au souvenir de leur gêne partagée après la jouissance. Ni l'un ni l'autre n'avait vraiment su quoi dire, alors le silence s'était imposé avant que les taquineries salvatrices ne les tirent de leur embarras. Mais de taquineries en taquineries, tout avait recommencé. Encore et encore. La bouche pleine de lui, le regard relevé pour ne rien perdre de l'époux aux allures de pacha qui s'offrait à sa contemplation, elle n'avait pu que constater le détour surprenant que prenait ce mariage. Mais dès que le visage du Faucon, de nouveau, s'était balancé au-dessus du sien, elle n'avait plus pensé à rien d'autre qu'à ce dos mouvant sous ses doigts. Et au creux de l'eau parfumée, une main fine et surtout terriblement indocile glissait entre ses cuisses fuselées.
L'établissement n'ouvrirait ses portes que dans plusieurs heures et, tranquilles, les murmures des galants ne bruissaient qu'à l'étage. Comme pour respecter le calme de la demeure, les pieds gitans se faisaient velours pour pénétrer dans l'onde chaude et parfumée du bain et les carreaux de faïence resteraient endormis sous leur vapeur cotonneuse. L'heure était parfaite pour la détente.
Lentement, le corps ambré de la zingara s'immergea dans l'onde, sans presque un remous, laissant les boucles brunes flotter tel un voile improbable à la surface. Un long soupir de bien être s'échappa des lèvres ducales alors qu'elle ferma les yeux, s'invitant à un voyage qu'elle ne se permettait guère souvent. Prenant son souffle, elle se laissa glisser au fond du bassin, ne remontant que lorsque l'air lui manqua avant de lisser ses cheveux vers l'arrière. Seul instant où, dégoulinants, ils se montraient un tant soit peu disciplinés.
Petit rituel habituel achevé, elle laissa son regard noir courir sur le plafond, où du moins ce qu'elle pouvait en apercevoir et, sans même s'en rendre compte, tourna entre ses doigts l'alliance d'or trônant à son annulaire gauche.
Quel temps faisait-il ce jour là ? Ce jour où le contrat des plus basiques avait volé en éclats ? Elle ne savait plus. Qu'avait été ce mariage à ses premières heures ? Un simple bout de papier, définissant quelques règles simples et il fallait bien l'avouer, tristes à mourir. Une couronne contre l'Aphrodite. Et comme seule promesse, celle de faire bonne figure et jouer une parfaite comédie à chaque cérémonie officielle ou chaque invitation qui leur tomberaient sur le coin de figure. Ils poursuivraient leurs vies, chacun de leurs côtés, prenant simplement garde à se faire discrets sur leurs éventuelles aventures. Mariage d'intérêt, connivence de façade, désintérêt respectueux. Voilà ce que, naïf sans doute, le couple factice avait prévu en guise de mariage. Pourtant en quelques semaines à peine, une complicité imprévue et une sincérité pleine était née, enflant irrémédiablement, les conduisant avec un naturel déconcertant à repousser les limites qu'ils avaient voulu se fixer. Ainsi, souvent, rompant l'indifférence, ils se retrouvaient, se racontant, se livrant, toujours un peu plus. Jusqu'à ce jour où la couleur du ciel échappait à la mémoire manouche. Pourtant, cette journée avait été si belle qu'elle resterait gravée aux méandres de sa cervelle.
Elle commençait pourtant mal, cette journée. Ranger ses robes, ses bijoux, ses parures, ses parfums. Activité que la bordélique manouche avait en horreur mais qu'elle se refusait pourtant à déléguer à une soubrette. Revers de la médaille d'une couronne posée sur sa tête lui imposant l'opulence de soies et de pierres. Pourtant quand Justin avait fait irruption dans sa chambre, les cheveux en vrac et une chemise de lin débraillée sur les épaules, elle n'avait rien d'une duchesse délicatement pomponnée. Ils avaient parlé, beaucoup. Des enfants qu'elle avait eus. De celui que lui n'avait pas eu, avant de glisser dans la taquinerie. Art que Justin maîtrisait tant que la manouche comme rétorque, n'avait rien trouvé de mieux que de s'aventurer à lui mordre la lèvre. Et lui, loin de s'en s'offusquer ou de fuir, avait accroché sa nuque de la paume pleine de sa main pour l'embrasser.
Premier baiser au goût de jeu, auquel elle avait répondu en lui en dérobant un dans le même élan, laissant leurs langues s'entrelacer avec ferveur, comme revanchardes de n'avoir pu se découvrir jusqu'alors qu'à travers des mots. Au creux de son bain, un sourire rêveur se faufila à la bouche de la Casas au souvenir de leurs bouches avides et de leurs mains exploratrices. Et quand les frusques avaient été négligemment abandonnées au sol, une chose était certaine. Ni l'un ni l'autre ne jouait plus. Un long soupir chahuta la vapeur parfumée quand, sur son ventre, l'écho des lèvres maritales la brûlait encore. Du bout de la langue, il l'avait apprise, un peu plus encore, l'apprivoisant d'une gourmandise qui avait eu raison de sa raison, jusqu'à ce que l'invitation, ou l'ordre, allez savoir, ne fuse dans soupir défait de plaisir. Et là, dans la solitude des bains de l'Aphrodite, la manouche en frémissait encore, sa dextre posée sur son ventre remontant lentement vers son sein dardé malgré la chaleur de l'eau. Sans même s'en apercevoir d'onde bruissait des infimes balancements de ses reins au souvenir de la cadence puissante et dominatrice du bassin du Faucon. Et si la manouche avait souhaité sa chambre ordonnée, cette dernière n'avait été que désordre. Désordre de gémissements entrelacés, de soupirs, de caresses, de baisers, de morsures, de griffures. Désordre dans l'osmose de deux corps qui se fondaient l'un à l'autre, jusqu'à la délivrance la plus éclatante. La main gitane, au dessin troublé par l'eau se referma doucement sur la pointe de son sein, la malmenant avec une douceur alanguie. Vilaine fille, ou vilain époux, de la conduire si aisément à la débauche d'un simple souvenir.
Un rire léger se délitant dans la brume opalescente lapaisa au souvenir de leur gêne partagée après la jouissance. Ni l'un ni l'autre n'avait vraiment su quoi dire, alors le silence s'était imposé avant que les taquineries salvatrices ne les tirent de leur embarras. Mais de taquineries en taquineries, tout avait recommencé. Encore et encore. La bouche pleine de lui, le regard relevé pour ne rien perdre de l'époux aux allures de pacha qui s'offrait à sa contemplation, elle n'avait pu que constater le détour surprenant que prenait ce mariage. Mais dès que le visage du Faucon, de nouveau, s'était balancé au-dessus du sien, elle n'avait plus pensé à rien d'autre qu'à ce dos mouvant sous ses doigts. Et au creux de l'eau parfumée, une main fine et surtout terriblement indocile glissait entre ses cuisses fuselées.