Aimbaud
Aimbaud de Josselinière a écrit:
Arnoul,
Il est probable que vous n'ayez pas encore fait acquisition du savoir de la lecture. En conséquence, cette lettre devra vous être lue. Je m'adresse donc au lecteur bienveillant de cette missive, en lui recommandant de ne pas jeter cette dernière au feu. Cet écrit ne contient aucun passage inadapté aux enfants, ni contraire à l'éducation du jeune-homme qui la doit entendre énoncer. Il ne cherche pas à l'influencer, ni à le peiner, ou quoi que ce soit d'autre qui puisse lui nuire, ou nuire à sa famille.
Ceci étant dit.
Arnoul,
Nous n'avons pas eu de raisonnable conversation depuis cette dernière fois où vous vomîtes sur mon gant, à la suite d'une trop pressante goulée de lait au sein de votre nourrice. Je vous contais alors l'exploit d'un brave chevalier terrassant franc-comtois. Vous ne disiez pas grand chose, si ce n'est avec les pieds, que vous aviez agiles et frappants. A dire vrai, nos conversations se sont toujours résumées à mes monologues. Je monologue encore. Brodé-je pour ne point trop abruptement aborder le sujet qui me pousse à vous écrire ? Quel est-il ce sujet, d'ailleurs ? Je le connais si peu. C'est vous. Que vivez-vous, mon fils ? Devenez-vous fort ? Priez-vous Dieu ? Êtes-vous entouré de toutes les bonnes choses que vous requerrez pour vous construire ? Vous verrai-je un jour passer devant moi et me dirai-je "Quel formidable homme que voilà" ? Vous reconnaîtrai-je alors ? M'aurez-vous répondu d'ici là ? M'appellerez-vous père ? J'espère à ce qu'un oui parachève ces questions.
Mes prières vous accompagnent, enfant, toujours.
- Aimbaud de Josselinière
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