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[RP] Pourparlers

Aimbaud
Aimbaud de Josselinière a écrit:



    Arnoul,

    Il est probable que vous n'ayez pas encore fait acquisition du savoir de la lecture. En conséquence, cette lettre devra vous être lue. Je m'adresse donc au lecteur bienveillant de cette missive, en lui recommandant de ne pas jeter cette dernière au feu. Cet écrit ne contient aucun passage inadapté aux enfants, ni contraire à l'éducation du jeune-homme qui la doit entendre énoncer. Il ne cherche pas à l'influencer, ni à le peiner, ou quoi que ce soit d'autre qui puisse lui nuire, ou nuire à sa famille.

    Ceci étant dit.

    Arnoul,

    Nous n'avons pas eu de raisonnable conversation depuis cette dernière fois où vous vomîtes sur mon gant, à la suite d'une trop pressante goulée de lait au sein de votre nourrice. Je vous contais alors l'exploit d'un brave chevalier terrassant franc-comtois. Vous ne disiez pas grand chose, si ce n'est avec les pieds, que vous aviez agiles et frappants. A dire vrai, nos conversations se sont toujours résumées à mes monologues. Je monologue encore. Brodé-je pour ne point trop abruptement aborder le sujet qui me pousse à vous écrire ? Quel est-il ce sujet, d'ailleurs ? Je le connais si peu. C'est vous. Que vivez-vous, mon fils ? Devenez-vous fort ? Priez-vous Dieu ? Êtes-vous entouré de toutes les bonnes choses que vous requerrez pour vous construire ? Vous verrai-je un jour passer devant moi et me dirai-je "Quel formidable homme que voilà" ? Vous reconnaîtrai-je alors ? M'aurez-vous répondu d'ici là ? M'appellerez-vous père ? J'espère à ce qu'un oui parachève ces questions.

    Mes prières vous accompagnent, enfant, toujours.


      Aimbaud de Josselinière


_________________
Arnoul.
Les adultes n'ont pas idée de ce qu'ils gâchent lorsqu'ils viennent interrompre les jeux d'enfant avec leurs histoires de grands. Et c'est ainsi qu'en l'espace d'une ouverture de porte, Arnoul était passé d'une lisière de forêt où il était allongé, caché derrière un buisson aux côtés de son fidèle acolyte Martin qui, malgré sa jambe en moins, se débrouillait fort bien au corps à corps, et qui, d'un même regard, d'un même souffle que le gosse, guettait l'arrivée du dragon qui les poursuivait depuis près d'une heure, à sa chambre, en désordre le plus total, à tel point qu'il fallait surveiller le moindre pas au risque de se retrouver les quatre fers en l'air après avoir malencontreusement glissé sur un des vingt ou trente jouets éparpillés. Avec le courant d'air, étaient parties toutes les images inventées par l'enfant, qui afficha immédiatement une mine butée. Qui ne s'apaisa guère, dans un premier temps, quand ses yeux virent qui entrait. Axelle refermait déjà derrière elle et, de mauvaise grâce, Arnoul consentit à se relever.

Et ses yeux s'écarquillèrent quand il sut la raison de sa visite. Sa menotte en lâcha Martin, de stupéfaction. Avait-il bien entendu ? N'était-il pas encore en plein jeu ? Voilà que, sans préliminaire, sans souhait, sans rien, lui venait une lettre de son père. Son père. Quel souvenir en avait-il ? Une vague image, aussi floue qu'un rêve, lorsqu'il était venu lui rendre visite alors qu'il gardait le lit, cloué par une fièvre qui aurait pu l'emporter - ou qui aurait dû l'emporter ? - Quel souvenir s'en faisait-il ? Celui d'un grand homme, d'un Chevalier peut-être, qui, à ses côtés, combattait les malfrats et les ogres.

Axelle s'assit sur le lit de l'enfant qui, étonnamment, avait été épargné par la bataille qui semblait s'être déroulée entre les quatre frêles murs, et elle n'eut pas à appeler Arnoul pour qu'il vienne l'y rejoindre. S'agrippant au drap, il escalada le matelas jusqu'à se trouver à hauteur de lettre. Ses yeux, encore grand ouverts, glissèrent sur le papier en n'y rencontrant que des signes inconnus, et définitivement indéchiffrables. Déjà, la frustration menaçait de pointer son nez. Il voulait savoir, maintenant, vite. Une main vint presser le bras maternel, de toutes ses petites forces, et comme c'était de toute manière pour cela qu'elle était venue, Axelle se mit à lire.

D'abord, Arnoul ne comprit rien. Les mots semblaient se jouer de son jeune esprit, trop jeune pour en saisir leur sens exact, pour en apprécier leur mélodie, pour suivre le cours de leurs phrases. Il n'avait qu'une certitude : son prénom était écrit, là, sur ce parchemin, et c'était son père qu'il l'avait écrit. Et puis vint le paragraphe des questions. Il était question de lui, là aussi, de lui seul. Son petit cœur en fut gonflé de fierté. Il fallait raconter à ce père, qu'il ne connaissait qu'en songe et qu'il n'aimait pas réellement au-delà de ce qu'il se racontait, les formidables aventures qu'il vivait, entre elfes et farfadets, sirènes et ogres affamés, et toujours dans son poing le pantin de bois. Mais, aussitôt qu'elles lui vinrent à l'esprit, les images disparurent. Le ton de la lettre n'appelait pas aux jeux et aux clairières enchantées. Papa ne voulait pas jouer.

Une ombre passa dans les yeux de l'enfant, mais lui-même n'y prêta pas attention. Il dit simplement :


Je va répondre.

Et de poser ses grands yeux noirs sur sa Mama, attendant approbation.
_________________
Axelle
Étrangement, elle n'avait pas hésité à monter dans la chambre de son fils après avoir lu la lettre du Marquis. Étrangement, cette folie de vouloir priver un père de son fils s'était évaporée en comprenant que malgré ses maladresses et ses injustices, elle ne pouvait arracher un père à son enfant sans laisser des traces inconsolables. Et puis peut-être, et puis surtout, si Aimbaud réclamait sa place, cela lui laisserait du répit. Et tel était le meilleur des arguments. Cependant, il restait hors de question qu'Arnoul soit mêlé à cette famille illustre pour avoir été bien trop repoussé. Non, cela restait hors de question. Question de fierté mal placée, évidemment. Ou pas.

Elle n'avait pas même pris garde au foutoir régnant en maître dans la chambrée. Après tout, il fallait bien que le gamin, en sus de ses boucles brunes, ait hérité autre chose de sa mère. Aussi, installée sur le lit, elle avait lu, d'une voix monocorde, pour n'influer en rien, même si elle doutait que le petit bonhomme haut comme trois pommes comprenne bien tous les mots empesés de son père.

Et quand elle eut fini, vers petit bras serrant le sien, elle opina.
Je crois que c'est ce qu'il attend, oui. Je peux écrire ce que tu me diras. Tu veux ?
_________________
Arnoul.
La petite bouille enfantine avait aussitôt pris un air d'homme d'affaire, lèvres pincées et yeux plissés, en proie à une inconfortable réflexion. Que devait-il dire ? Que devait-il cacher ? Ou plutôt : qu'attendait son père en retour de cette lettre aux formulations si mystérieuses ? Lui qui ne s'était jamais préoccupé, réellement, de quiconque d'autre que Martin ou lui-même, se trouvait à vouloir plaire à cet homme, qu'il ne connaissait pas. Lui qui n'avait jamais trouvé utile de dire "merci" ou "bonjour" voulait paraître au meilleur de lui-même. Seulement, les mots manquaient, et plus il cherchait, moins il trouvait à dire. Tous les souvenirs s'amusaient à se brouiller les uns les autres dans sa petite caboche effroyablement butée, il ne parvenait plus à discerner le vrai du faux, les faits réels, et les images sorties de son esprit. Seulement, Mama attendait, alors, il finit par lancer :

"Monsieur Papa." Tu écris, comme ça : "Monsieur Papa".

Il fit un petit oui de la tête pour appuyer ses paroles. C'était bien commencé, ainsi.

"Monsieur Papa, je va bien. Je joue souvent avec les petits cubes, mais l'en a ils se cassent des fois. Une fois j'a voulu monter dessus le cube et il s'est cassé. Pernette l'a un peu grondé, mais l'en reste plein d'autres alors j'a dit que c'est pas grave. Antoine il veut pas jouer avec moi, alors je joue tout seul."

Ses jambes se balançaient sur le bord du lit, serrées, une fois devant, une fois derrière, comme pour rythmer ses phrases. Et elles s'arrêtèrent en même temps que sa voix. La question existentielle se posait à lui : devait-il parler de Martin à son père ? Ses grands yeux noirs survolèrent le sol de la chambre pour se poser sur le pantin unijambiste lâché de stupéfaction, un peu plus tôt. Et puis quelques paroles lui revinrent en tête, des "peluche", "poupée", et autres gamineries. Il se décida finalement à clore ainsi le paragraphe, et embraya sur autre chose :

"Des fois, je va dehors." Tu écris, hein ?

Petit coup d’œil jeté à Axelle, pour s'assurer que la plume couchait ses mots sur le vélin, et il reprit.

"Des fois, je va dehors. Y'a les gens qui sont gentils, des fois, mais l'en a qui sont nuls. L'a un prince qui a failli manger Arnoul, il dit il mange les enfants malpolis, mais Arnoul l'est pas malpoli, c'est juste j'a dessiné une grosse bouche sur lui parce que c'est un ogre."

Et, fronçant un peu les sourcils, il ajouta :

Ah, et il faut t'écris : "Le prince l'a dit aussi t'étais gros, parce que tu manges les enfants, comme lui. Mais moi j'a dit que c'était n'importe quoi, et il dit n'importe quoi de toute façon parce que il m'a même pas mangé".

La caboche opina à nouveau, affichant un air de satisfaction. Il avait su défendre son père contre l'horrible diffamateur. Cela lui plairait sans aucun doute, il serait même certainement très fier de lui. Cependant, bientôt, la bouille enfantine reprit son expression habituelle, fermée, sombre, tandis qu'il achevait sur le plus important souci de son existence :

"Et l'a aussi Eddard, c'est un copain de Mama. Lui l'est vraiment très, très, très nul." Tu écris "très, très, très", les trois, hein. "L'a menti à Arnoul, et l'a même tapé avec le torchon."

Étonnamment, il omit de préciser que ce n'étaient que des conséquences de causes dont il était peut-être un petit peu coupable. C'était sa lettre, après tout.

Voilà. C'est fini.

Les mains posées sur les genoux, il releva les yeux vers Axelle. Ah, il serait content, papa, de recevoir tant de bonnes nouvelles de la part de son fils chéri. Oui, c'est sûr. Il serait content.
_________________
Axelle
Installée de guingois sur le lit trop petit, vélin déroulé sur un ouvrage de contes aux pages déchirées, la manouche, hochait la tête aux demandes de son fils, fronçant les sourcils de temps à autre, se promettant bien de demander quelques explications à droite et à gauche, elle écrivait, se mordant des joues pour ne rien interrompre, pour ne rien déformer, pour ne pas corriger, et quand la petite voix se tut et qu'elle remonta la tête, tendant le feuille noircie du petit monde d'Arnoul, elle demanda simplement. Veux-tu le signer toi ?

Citation:
Monsieur Papa.

Monsieur Papa, je va bien. Je joue souvent avec les petits cubes, mais l'en a ils se cassent des fois. Une fois j'a voulu monter dessus le cube et il s'est cassé. Pernette l'a un peu grondé, mais l'en reste plein d'autres alors j'a dit que c'est pas grave. Antoine il veut pas jouer avec moi, alors je joue tout seul.

Des fois, je va dehors. Y'a les gens qui sont gentils, des fois, mais l'en a qui sont nuls. L'a un prince qui a failli manger Arnoul, il dit il mange les enfants malpolis, mais Arnoul l'est pas malpoli, c'est juste j'a dessiné une grosse bouche sur lui parce que c'est un ogre

Le prince l'a dit aussi t'étais gros, parce que tu manges les enfants, comme lui. Mais moi j'a dit que c'était n'importe quoi, et il dit n'importe quoi de toute façon parce que il m'a même pas mangé.

Et l'a aussi Eddard, c'est un copain de Mama. Lui l'est vraiment très, très, très nul. L'a menti à Arnoul, et l'a même tapé avec le torchon.

_________________
Arnoul.
Au vélin tendu, Arnoul coula un regard sérieux, semblant relire ce qui y était inscrit. Impossible, cependant, pour lui, de vérifier que ses paroles y avaient été fidèlement retranscrites. Les symboles qui composaient les mots étaient, tout autant que sur la missive de son père, comme des portes fermées à ses yeux. Quoique de temps à autre, il reconnaissait un "a", un "r", ou tout autre lettre qui composait son prénom. Prénom que, d'ailleurs, se saisissant de la plume, il ne mit pas plus de temps à coucher en bas du vélin, la langue tirée de côté, les sourcils froncés, et l'écriture maladroite :



Après quoi, il rendit l'outil d'écriture à Axelle, et, toujours un air très important fiché sur la bouille :

Tu envoies maintenant, hein ?
_________________
Aimbaud
Il se trouve entre nous comme une barrière de la langue. Je n'ai jamais su proprement dialoguer avec les enfants. Que croyez-vous que cela signifie ? Avouez, c'est clair comme de la potée.

Nemours tendit, par dessus son épaule, la missive à son intendant, qui abondait toujours en son sens. C'était pratique, lorsqu'il monologuait. Il soupira en rapprochant son épaisse bedaine de son écritoire pour saisir une page neuve, et tremper la plume dans l'encre, l'air préoccupé.

J'en viens à me demander si elle lui donne seulement une éducation... Écrivons toujours.

Aimbaud de Josselinière a écrit:



    Arnoul,

    Les contrariétés propres à votre jeune âge viendront à passer. L'enfance est un cap ardu à franchir. Vous y arriverez sans peine, aux vues de votre ténacité.

    J'ignore de quel Prince vous parlez. Vous savez, depuis le trépas de Lévan III de Normandie, on compte en France plus de princes que de mendiants. Bien que certains princes soient aussi des mendiants. Mais passons. S'il s'agit de Iohannes Von Frayner, dites-lui que c'est un fat, et qu'il ne tient pas debout en combat de mêlée. Cela devrait le calmer. Et dites-lui que c'est lui, le gros. Songez à ne jamais vous justifier des insultes qui vous sont faites. La défense ne brille pas aux yeux du monde, ni à ses oreilles. Contre-attaquez, pour plus d'effet.

    Concernant Eddard Lablanche d'Abancourt, méfiez vous-en. Cet homme a pour aptitude de casser les bras, en plus des pieds. Il brisa un jour le mien en trois parties distinctes, sans compter les menus bris qu'il fallut ôter au couteau. Sans compter non plus la cloison nasale. Depuis, je ne me mouche plus que du côté senestre. Votre mère vous lit-elle ce courrier, ou est-ce votre nourrice ? Ce passage n'est peut-être pas approprié à votre lecture. Tant qu'elle est là, je ne l'ai jamais remercié d'avoir sommé cet assassin de me refaire le portrait. Ce fut ma meilleure leçon d'humilité.

    Oublions. Vieilles querelles, mon fils. Il vous faudra un jour expliquer certaines choses qui ont concouru au façonnement de ce que vous êtes. J'espère que votre mère trouvera le courage de le dire à ma place. Je ne lui envie pas cette tâche.

    Je joins à cette missive une médaille aristotélicienne ainsi qu'une chaînette pour la porter au cou. Qu'elle vous accompagne dans votre cheminement vers la justesse et l'amour du Très-Haut.

    Dieu vous ait en sa sainte garde,


      Aimbaud de Josselinière



        PS : Ceci est le sort que vous pourrez administrer à
        Eddard Lablanche d'Abancourt, une fois vos
        classes d'armes achevées.



_________________
Axelle
Autant la première lettre lui avait même arrachée un sourire, autant il en allait tout différemment pour la seconde. Pourtant, il fallait bien la lire cette fichue missive ! Mais comment ? Comment la lire ? Mentir ? S'il était une chose que la manouche détestait, c'était bien cela, le mensonge. Pourtant, avait-elle le choix ? Pouvait-elle laisser le Marquis bourrer le crane d'Arnoul de sa propre vision des choses ? Ouais, peut-être sauf, et là était bien toute la différence, si ça compliquait encore davantage la tâche de la mère dépassée qu'elle était. Aussi, ouvrant la porte de la chambre de son fils s'installa-t-elle sur le lit, marquant ainsi le début de la lecture à venir.

Viens là, annonça-t-elle en tapotant le lit. Ton père a répondu. Et évitant de croiser le regard d'Arnoul, commença d'une voix modulée pour paraître calme.

« Arnoul,

Les contrariétés propres à votre jeune âge viendront à passer. L'enfance est un cap ardu à franchir. Vous y arriverez sans peine, aux vues de votre ténacité.

J'ignore de quel Prince vous parlez. Vous savez, depuis le trépas de Lévan III de Normandie, on compte en France plus de princes que de mendiants. Bien que certains princes soient aussi des mendiants. Mais passons. S'il s'agit de Iohannes Von Frayner, dites-lui... »


Elle marqua une pause, faisant mine de plisser les yeux.
Rha, qu'il écrit mal. Non mais a -t-on idée d'user de pattes de mouches pour écrire aussi ! Lors là, je pense qu'il loue Clichy, pour son courage tout ça tout ça vois-tu. Parce que c'est un grand Capitaine. Voilà. Et de poursuivre, laissant tout un pan de la lettre en plan. Faisant le tri, elle estima pourtant le conseil judicieux. Erreur ? Peut-être.

« Songez à ne jamais vous justifier des insultes qui vous sont faites. La défense ne brille pas aux yeux du monde, ni à ses oreilles. Contre-attaquez, pour plus d'effet. »

« Concernant Eddard Lablanche d'Abancourt, » … rhaa, cette écriture... « prenez exemple. » Oui, voilà. C'est ça. « Cet homme a pour aptitude de casser les mécréants. Il en brisa un en trois parties distinctes, sans compter les menus bris qu'il fallut ôter au couteau. Sans compter non plus la cloison nasale. Depuis, le vilain ne se mouche plus que du côté senestre. Votre mère vous lit-elle ce courrier, ou est-ce votre nourrice ? Ce passage n'est peut-être pas approprié à votre lecture. Tant qu'elle est là, je ne l'ai jamais remercié d'avoir sommé cet »... « ce héro de m'avoir sauvé. Ce fut ma meilleure leçon d'humilité. »


« N'oublions pas. Belles reconnaissances, mon fils. Il vous faudra un jour expliquer certaines choses qui ont concouru au façonnement de ce que vous êtes. Je sais votre mère habile à le faire. Moi, je suis un idiot."Paf !

"Je joins à cette missive une médaille aristotélicienne ainsi qu'une chaînette pour la porter au cou. Qu'elle vous accompagne dans votre cheminement vers la justesse et l'amour du Très-Haut.

Dieu vous ait en sa sainte garde, même si ça, ce sont des paroles auxquelles seuls les naïfs croient.

Aimbaud de Josselinière"



Vilaine ? Oui !


Ah ! Et le petit dessin, là, c'est pour les grenouilles de bénitiers, une fois tes classes d'armes achevées.

_________________
Arnoul.
Cette fois, c'était la traversée d'une mer déchaînée que l'entrée d'Axelle avait interrompu. Alors que le rafiot, sur lequel le capitaine Arnoul était dépassé par les événements, tanguait dangereusement, soulevé par d'énormes rouleaux d'eau salée qui venaient lécher la coque et qui, parfois, s'écrasaient sur le ponton en effrayantes gerbes blanches, la manouche semblait les deux pieds bien sur terre, les cheveux sagement désordonnés autour de son visage, et loin d'être en proie à la panique insubmersible des marins qui composaient l'équipage - excepté Martin parce que Martin n'avait peur de rien, même pas de Eddard -. Capitaine Arnoul y vit la promesse d'une île déserte sur laquelle viendrait s'achever sa traversée, et décida de lui-même qu'il serait bien encore temps plus tard de vérifier si tout était encore bien intact sur le bateau. En effet, Axelle avait prononcé les mots magiques, et Capitaine Arnoul était redevenu Arnoul, cinq ans, en attente active d'une réponse de son père. L'enfant avait rarement passé autant de temps immobile, à la fenêtre, le nez en l'air, à guetter le retour du pigeon, au grand bonheur de Pernette qui profitait de ces moments de répit pour souffler.

L'a répondu papa ?

Le doute le taraudait, l'angoisse l'étraignait. N'y avait-il pas erreur sur la marchandise ? Était-ce bien la missive attendue ? Grimpant sur le lit aux côtés d'Axelle, il pencha un museau curieux et soucieux sur le vélin. Et y reconnut, si ce n'est l'écriture, le sceau qui achevait la précédente lettre. Et puis, en-dessous, un autre dessin, qu'il observa de plus près en s'approchant encore davantage. A première vue, cela ressemblait à une tête de Monsieur, et il y avait une épée. Arnoul se fit pour lui-même la réflexion que ce n'était pas très beau, mais il n'eut pas le temps de poser de question que déjà, la lecture commençait.

Autant la première fois, elle avait été fluide - ce qui n'avait pas vraiment permis, malgré tout, la compréhension totale des phrases du père par le fils -, autant cette fois, dans la bouche de la manouche, les mots semblaient se mélanger, se bousculer comme pour sortir tous en même temps. Elle butait, se reprenait, fronçait les sourcils. Arnoul ne lui aimait pas trop cette expression, et il craignait chaque fois qu'elle se fâche. Mais il n'en fut rien, et bientôt, tous les mots furent dévoilés aux oreilles du petit analphabète.

Qui, évidemment, n'avait pas tout compris.


Mais qui avait pourtant bien compris une chose : Papa avait dit qu'Eddard était un héros. Et c'était peut-être finalement le passage le plus incompréhensible. A part l'armure, l'ennemi juré du gamin n'avait RIEN d'un chevalier allant sauver des princesses. Il avait plutôt sa place bien méritée au milieu des méchants de ce monde, loups, dragons, et autres ogres dévoreurs d'enfants. Les petits sourcils s'étaient froncés au-dessus des prunelles noires. Il avait beau tourner la chose dans tous les sens, il ne comprenait décidément pas comment papa avait pu écrire quelque chose comme ça. L'idée effroyable que peut-être, papa était un ami d'Eddard, l'effleura un instant. Mais la voix de la manouche le sortit de ses pensées, et ses yeux se reposèrent sur le petit dessin, en bas de la page. Et ce fut l'illumination.

Je va lui répondre en faisant le dessin, moi aussi !

Et ramenant ses grands yeux sur le visage maternel :

Tu me donnes les choses pour le dessin ?
_________________
Arnoul.
Sitôt que la gitane avait exaucé le souhait de son fils, il s'était mis au travail. La feuille devant lui se remplissait petit à petit de traits tremblants, maladroits, et sur sa bouille était fiché un air de la plus extrême concentration. Sa langue venait même de temps à autre prendre l'air à l'extérieur de la bouche, quand le crayon abordait une partie délicate, et il s'arrêtait parfois, observant avec attention l'avancée de son travail, et semblant chercher l'inspiration. Et, comme le dessin était pour papa, il se fendit même de quelques touches de couleur par-ci, par-là. Tout ceci en prenant bien garde à ce qu'Axelle ne voit rien de ce qui apparaissait sur la feuille. Il fallait que ce soit une surprise - et peut-être craignait-il inconsciemment la censure... - Il ne s'extirpait de sa concentration que pour demander des :

Le "in" de Martin, ça s'écrit comment ?

Ou des :

"Antoine", c'est avec le e ou avec le a ?

Et sitôt qu'il avait sa réponse, il se replongeait dans son œuvre, prenant des grands airs très appliqués. Enfin, il relâcha son crayon noir, satisfait, et observa le résultat. C'était bien. C'était parfait. Il attendit encore quelques secondes, et finit par le prendre entre ses doigts, délicatement, pour le brandir sous le nez de Mama.

Regarde !



Et, avec toujours cette expression d'homme d'affaire, il explicita un peu son propos :

Là, à le milieu, c'est papa il écrase Eddard, Eddard c'est plus que de la purée. Et papa l'est gros parce qu'il a mangé le prince qui mange les enfants malpolis, parce que l'a dit que papa l'était gros, et alors papa il s'est mis très très en colère. Et l'a une couronne parce que c'est le roy. Après, là, c'est Antoine, il est puni. C'est Mama qui l'a puni parce qu'il a fait une grosse grosse bêtise, et même elle l'a grondé très fort, et il doit rester à genoux sur les livres.

Expérience qu'il avait lui-même subi, une fois où les nerfs de la pauvre Pernette avaient fini par craquer. Sauf que dans son histoire à lui, Antoine n'aurait pas droit aux deux grosses tartines de confiture ensuite pour se faire consoler.

Là, c'est Mama. Elle dit au revoir à Arnoul qu'est là, dans le bateau, avec Martin, et qui s'en va très très loin, dans un autre pays même. Et elle pleure parce que elle est triste que Arnoul il s'en va.

Et les grands yeux noirs de revenir se poser sur Axelle une fois l'explication terminée, l'air de dire : "Détrompe-moi, si tu oses."
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Axelle
Les mains sagement posées sur les genoux, la manouche avait laissé Arnoul à ses talents naissants de peintre, sans y jeter un regard malgré la curiosité la poussant à grignoter un coin de sa lèvre. Fière de ce qu'elle avait fait, elle ne l'était pas. Non. Certes pas. Pourtant, elle espérait que ses mensonges aient l'effet escompté. Répondant sans trop y penser aux questions de son rejeton, elle se mordit la lèvre trop fort à l'explication.

Aïe !

Puis, prenant le dessin des mains d'Arnoul un peu trop brusquement, plissa les yeux sur les traits enfantins. Lui aurait-elle lu la lettre sans la moindre fourberie que le résultat aurait été le même. Un instant l'envie lui vint, forte et mauvaise de dire que le dessin était laid, qu'il ne valait que d'être balancé dans les flammes. Que définitivement, Arnoul n'était qu'une tête de bois n'écoutant rien à rien et que son père ne valait certes pas mieux, lui qui crachait mais n'était pas même capable de venir le voir, ce fils qu'il remontait contre ceux qui, pourtant, étaient là, toujours. Eux. Qu'il ne l'aimait pas. Qu'à part proposer son argent, il n'avait rien fait pour eux. Jamais. A part du mal. Et combien Arnoul était un petit idiot de l'aimer en retour. Mais devant le petit visage relevé vers elle, les mots s'étranglèrent dans sa gorge, malgré la colère.

Alors, finalement taiseuse et fâchée, d'un geste vif, inscrivit-elle rapidement au bas de la page : « Monsieur Papa, quand venez-vous me voir ? »

Et dans le même élan, elle se leva avant de reporter son agacement sur le môme somme toute innocent des agissements de son père en lâchant un sommaire : Il sera envoyé ce soir en claquant la porte sur elle.
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Aimbaud
Aimbaud de Josselinière a écrit:



    Mon fils,

    Votre œuvre présage de chefs-d’œuvre à venir. L'on y voit déjà la maîtrise du geste, la savante harmonie des couleurs, l'excellente représentation du réel. Vous serez, mon enfant, un artiste comme votre mère. Mieux qu'elle. Nous vous enverrons en Italie à l'étude des maîtres vénitiens et florentins. Vous ne crèverez pas de misère, va. J'appuierai votre carrière si vous consentez à ce qu'entre nous existe un mécénat. Je vois déjà le tableau. Le tableau ! Elle est bien bonne.

    La bedaine que vous m'avez faite est impitoyable. C'est bien. J'ai fière allure. Mon ventre est certes gros, mais il m'assoit à cheval. Les lances ne me renversent pas. Et si je devais choir, je n'en serais pas blessé. Car j'ai sur le devant, un bouclier de bonne chère qui jamais ne me fera défaut.

    Soyez bien nourri, vous aussi. Mangez au dehors des mesures. C'est ainsi qu'on résiste aux hivers sans souffrir de mal. Buvez du vin très tôt. Il fortifie les sangs. Goûtez à toutes les viandes, à tous les légumes, et surtout. Surtout. À toutes les sauces. Les sauces sont telles l'amour qui lie les mets entre eux. Appréciez-les toutes. Qu'elles soient de crème, de lait, de verjus, de vin clair, de vin rouge, de bouillon, de beurre, de poivre ou d'ail. Saucez sans restriction. Saucez toujours. Un plat sec est mauvais. On sait combien d'hommes ayant mangé trop sec, et s'en sont trouvés tripes coincées, rêches et bouchées. Ne suivez pas leur exemple.

    Comment va votre mère ? Lui faites-vous assez de compliments ? J'en doute. Nous autres, fils, ne louons jamais assez nos mères. Lui faites de bonnes louanges et l'aimez sincèrement. Dieu a l’œil sur vos actions.

    Je viendrai vous voir un jour prochain, au printemps, si je le puis.

    Dieu vous ait en sa sainte garde,

      Aimbaud de Josselinière



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Axelle
[Gascogne, Labrit. ]

Le visage de la manouche, depuis la veille au soir, n'en finissait pas d'être fermé, en prise avec une colère qu'elle ne pouvait décrocher de son crâne. Elle n'en pouvait plus, de ce petit morveux dans ses pattes. De ces autres qui sabraient sa maigre autorité sur ce gamin capricieux, buté et arrogant. Fichu gamin que pourtant elle aimait, s'attendrissant en le voyant déambuler avec sa cape trop grande. Mais hier, la main l'avait brûlé furieusement de le gifler à retourner sa petite tête chérie. C'en était fini, après cinq ans de pleurs, de cris, de caprices, d'insolences et de désobéissances, la Casas rendait les armes.

La lettre du Marquis avait dû traîner longtemps sur les chemins avant d'enfin parvenir à destination, froissée, tachée. Et entre ses mains, en lisant, elle ne fut encore que plus malmenée. De toute évidence, le moment était venu. Aussi, resserrant sa cape sur son cou, cherchant à fuir l'agitation du combat qui se préparait, échauffant les esprits, gratta-t-elle le vélin d'une écriture acérée et rapide.

Citation:
Marquis.

Votre fils est à Mont-de-Marsan, votre missive lui sera portée au plus vite. Du moins dès que les circonstances ici le permettront.

Marquis, votre fils est une teigne. Vous voulez en faire un homme gras et mou ? Voilà qui est parfait, je suis lassée de me battre avec lui pour lui mettre un semblant de plomb dans la tête. Il est votre et j'entends bien à présent que père vous soyez, pleinement. Je vous le confie. Non, je vous le donne. Mettez-le chez les moines et faites en un curé, voilà sans doute l'avenir dont vous rêviez pour lui.

Dès les combats finis, je vous le fais amener. Dites-moi où. Dites-moi quand. Il vous attendra.

A.



_________________
Aimbaud
Aimbaud de Josselinière a écrit:




    Axelle,

    Je ne puis lui offrir pour l'heure une place à Nemours. L'Abbaye de Sainte Illinda est à quelques lieues de Mont-de-Marsan, ma cousine s'y trouve. Faites-l'y mener. Il y sera en sûreté, le temps que j'avise d'une solution plus pérenne.

    Mais avant d'entamer des mouvements de troupe... S'il ne s'agit que d'un coup de sang entre vous, je vous suggère de vous réconcilier. Si les enfants sont butés, aux parents d'être souples.

    Soyez prudente avec votre épée. Dieu veille sur votre tête tant chère.


      Aimbaud de Josselinière



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Aimbaud
Citation:



    Cher enfant,

    Armez-vous de courage. Votre mère, me fait-on savoir, est sérieusement blessée à Labrit. Je quitte mon domaine pour vous rejoindre tous deux. Attendez ma venue, tâchez ardemment de prier pour sa guérison. Nous nous rencontrerons bientôt.

    Dieu vous protège, mon fils,

      Aimbaud de Josselinière



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