Perceval_aelis
" Nicolas,
Je me suis trop épanchée, veuillez excuser.
Samedi je serai à l'Ostal Dieu. Je prends route ce soir si je le peux.
Prenez soin. "
~ Lettre de Perceval - août ~
Je me suis trop épanchée, veuillez excuser.
Samedi je serai à l'Ostal Dieu. Je prends route ce soir si je le peux.
Prenez soin. "
~ Lettre de Perceval - août ~
Ce sont ses derniers mots jetés sur le papier comme autant d'aiguilles piquant les doigts d'une apprentie couturière.
D'une lettre, une seule, elle a tout repris. Si elle l'avait pu, elle aurait pris chaque mots, chaque lettres qu'elle lui avait envoyé, comme si soudain l'excès de confiance dont Perceval l'avait gratifié, l'effrayait, lui faisait présager d'un tribut fort lourd à payer et dont elle n'était prête à s'acquitter.
Alors, la Montjoye a décidé de se taire, d'en revenir aux banalités rassurantes, ne point dépasser la limite d'une amitié morne, de dissimuler le tendre affect, complexe qui lui brûle l'épiderme à chacune de ses pensées pour lui, ne rien dire, celer ses angoisses, ses chagrins, ses douleurs.
Ainsi, tout serait sous contrôle.
Car sans contrôle, ne règne que le chaos.
Et le chaos, n'est pas envisageable pour elle.
Non. Nullement.
~ Samedi ~
Aux premières lueurs d'une aube à peine éclose, on sonne à l'Hostel Dieu, avec une certaine vigueur mais brièvement, la main ne s'est pas attardée longuement sur la cloche.
La jeune Montjoye attend patiemment qu'une nonne lui ouvre, offrant son visage bonace à la froidure d'un regard de glace.
Cela ne tarde guère, une jeune soeur aux joues piquées de rose et au sourire de bienheureuse vient s'enquérir de cette visite matinale, peut-être un peu surprise par le tôt de l'affaire, néanmoins l'oeil fiché sur l'étrange visiteur n'en reste pas moins d'une exquise douceur.
" C'Perceval, j'dois voir Faust Nicolas, j'vous prie. "
La voix est un peu grave, et dénote une certaine lassitude, tout comme son museau qui s'est affiné avec l'été et ses repas frugaux, et bien que le soleil y est semé des taches de son de fort jolie manière, le teint semble cireux, et garde encore les meurtrissures de ses derniers tours en lice, dont une lèvre fendue qui jà se résorbe légèrement.
Notre bestiole tente un sourire qui se décharne en un rictus contraint bien peu engageant, n'affectant pourtant guère l'humeur de la petite servante du Seigneur, qui la fait rentrer et la prévient que " monseigneur " serait peut-être occupé, et qu'elle n'était pas certaine de le trouver, l'heure étant au soin des résidents et aux arrivées nocturnes.
La Montjoye opine simplement, si on lui dit de revenir plus tard, assurément qu'elle ne reviendrait pas, le motif pour ne point le voir serait ainsi tout trouvé et lettre d'excuse peinte de la mauvaise foi qu'elle s'y était rendue, aurait la saveur exquise de la presque-verité.
Étrangement, même si l'idée de frauder la visite et d'en accuser le labeur du doyen, se montre séduisante, notre bestiole est curieuse, et se demande à quel point Nicolas avait forci -selon ses dires- aurait-il une petit bedaine à l'instar des moines à Tastevin qui promenaient fièrement leur proéminence ? S'était-il empâté et son visage au galbe encore un peu enfantin prenait l'apparence des joufflus chérubins ?
Puis disons le franchement, il n'y a pas que la curiosité de le voir, non bien plus que cela, une sourde envie de se perdre à nouveau dans tout le bleu de ses yeux.
Ce bleu si dangereux.
_________________