Ludry
La porte de l'établissement n'a pas tardé à claquer une seconde fois derrière elle. Le trapu l'a suivie, de près, de très près, de plus en plus près, tant et si bien qu'au moment où elle porte la main sur la poignée, c'est tout un poids qui s'abat brusquement sur elle pour l'entrainer à l'intérieur. Les gonds grincent à la fermeture, comme pour mieux sonner le glas du sort qui l'attend, suivis de murmures perfides et déjà haletants de vice.
J't'avais dit d'bien réfléchir.
Même si je savais plus ou moins ce qui allait m'arriver, je ne pus retenir un cri strident. J'en oubliait que Monsieur Ludry devait venir me sauver. Lorsque j'entends la porte je me mets à pleurer bruyamment, et à me débattre de toutes mes faibles forces pour tenter de lui échapper.
Il ne faut pas longtemps pour qu'il ne force le corps, misérable face à la lourde carcasse, à ployer pour rejoindre le sol. Les doigts se referment alors sur son cou tandis que le crochet se plante dans le tissu pour le déchirer sans peine.
T'supplieras pour que j't'achève.
Pleurant et hurlant, je me démène jusqu'à ce que couchée sur le sol dur, je ne suffoque sous sa prise et lui jette des regards suppliants. Le contact de son crochet me fait cesser mes mouvements et terrifiée je me fige, de peur qu'il ne me découpe la peau avec. D'une petite voix étouffée, j'essaie de le calmer.
Pardon Monsieur ! Je voulais pas vous fâcher, pitié me faites pas de mal, je ferais tout ce que vous voudrez !
Trop tard !
Déjà il force sa place entre les cuisses blanches. Le crochet prend la place de la main comme celle-ci se porte à ses propres braies pour les ouvrir.
J'vais t'faire couiner comme une truie et quand j'en aurai marre, j'te viderai pareil. On t'retrouv'ra par mor...
Un bruit sourd accompagne un étrange mouvement de sa tête et lui arrache un grognement. Par-dessus lui, un second coup est porté, puis un troisième, entrainant le poids à s'effondrer sans connaissance sur le corps frêle. Après avoir laissé tomber la planche de bois au sol, Ludry fait rouler la carcasse sur le côté pour libérer la gamine.
Cet homme a la tête dure.
Incapable de l'empêcher de m'écarter les cuisses, j'essaie toute de même, sans succès, sanglotant misérablement. Le contact du crochet à mon cou m'arrache un nouveau hurlement, de même que ses paroles des hoquets et des larmes qui coulent à bouillon de mes joues pour me mouiller les cheveux éparpillés au sol. Ce n'est que quand son corps s'effondre sur moi que, privée d'air, je cesse de faire du bruit, et ce n'est que lorsque je suis libérée de son poids que je réalise que je suis sauvée et que, me redressant péniblement, suffocante, je me jette sur Monsieur Ludry pour chercher refuge près de lui, pleurant de plus belle.
D'abord surpris, il la suit des yeux. Finalement, il y a une chose s'apparentant au sens du devoir qui lui murmure dans les tréfonds du peu de conscience qui est sienne, qui lui dit qu'elle a quand même bien travaillé, et qu'elle mérite le réconfort dû aux frères d'arme. Aussi, il lui dépose doucement une main à l'épaule, se voulant réconfortant.
Elle n'est pas blessée ?
N'ayant jamais reçu beaucoup d'affection, ce simple contact me fait l'effet de tous les câlins du monde et je laisse aller ma tête échevelée sur son bras, mon poignet venant m'essuyer mes yeux rougis, tout en reniflant.
Non Monsieur Ludry, mais j'ai eu très peur de mourir
Il lui a dit qu'il ne serait pas loin. Il n'avait pas encore fini sa bière quand elle est sortie, c'est tout.
La justification pour ce léger problème de synchronisation lui parait suffisamment solide. Et puis c'est le résultat qui compte après tout.
Il faut qu'il finisse de s'occuper de cet homme avant qu'il ne se réveille. Elle va pouvoir apprendre encore des choses si elle le regarde faire.
Un peu calmée, je hoche lentement la tête à son explication et renifle plus doucement. Lorsqu'il évoque mon agresseur, je tourne un regard effrayé vers celui-ci et contourne lentement Monsieur Ludry pour me glisser dans son dos.
D'accord Monsieur Ludry.
Ainsi débute le cours façon Ludry.
Pour commencer. Les armes. Après une fouille rapide lui laissant découvrir un simple poignard. Il ne sait pas trop ce que cet homme aurait pu découper avec ça. qu'il fait glisser au loin sur le sol en secouant la tête, il défait le crochet du moignon et le tend vers Bloodwen. Un trophée pour sa première chasse réussie.
Je le regarde faire et répète à voix basse les armes avant de suivre le mouvement du poignard des yeux, imaginant très bien ce qu'il aurait pu me faire avec. Puis je regarde le crochet, surprise, avant de lever les yeux vers lui. Je reste immobile un instant ne sachant quoi penser pour finalement m'avancer et le saisir du bout des doigts. Merci monsieur Ludry.
Un petit clin d'il et il reprend. Après, le matériel. Il récupère les cordes qu'il avait sorties plus tôt dans la soirée et les rapproche avant de le défaire, non sans quelques peines au vu du poids mort, des braies que l'homme avait déjà commencé à ouvrir. Puis tire son propre poignard pour les trancher afin d'en séparer les jambes, et les déposer aux pieds de Bloodwen. Maintenant, le mettre en position. Et de prendre appui de l'épaule contre la carcasse pour pousser et la faire rouler à nouveau sur le ventre.
Tandis que sa phrase raisonne dans ma tête, surtout le terme "première" qui me donne des angoisses, je l'observe, avant de détourner les yeux pendant qu'il le déshabille. Choquée de ce que j'ai seulement entrevue, je recule brusquement alors que les braies s'échouent dans mon champ de vision.
La première corde en main, il le chevauche et s'empare du premier poignet. Attacher. Il doit se dépêcher pour qu'il ne se réveille pas avant. Le nud est fermement serré, puis il tire le bras à l'équerre dans le dos, et le remonte autant que les jointures le lui permettent. La corde passe alors par le cou, le cernant de deux tours. Le second bras est positionné de même avant que le second poignet soit lié également. Dans des gestes familiers, le cordage se tisse en huit ascendants d'un bras sur l'autre. Une fermeture étroite, vérifiée, et il pivote sur son assise pour saucissonner les mollets entre eux avec la seconde corde.
Rassurée par son calme et ses gestes assurés, je m'approche un peu, bien qu'avec prudence, pour mieux voir ses mouvements. Ses nuds me semblent très compliqués et je suis impressionnée. Dans le même temps, je lâche le crochet d'une main pour pouvoir me frotter le bras. Mais mon mouvement s'arrête à mi-chemin pour tenter de couvrir la poitrine.
Ça doit faire très mal aux bras Monsieur Ludry.
Et ça étrangle si il essaye de tirer.
Il se redresse et se dirige vers le sac pour en sortir de quoi allumer la cheminée en espérant que ce ne soit pas tout qui prenne feu, récupérant le poignard de l'homme en passant. Dès que les premières flammes s'allument, il y dépose la lame en équilibre pour la préparer.
Elle veut apprendre comment un homme ne peut plus courir ?
Je regarde l'homme étendu et imagine très bien la chose. Si bien que je porte la main à ma gorge encore endolorie. Je suis Monsieur Ludry du regard et m'approche du feu pour m'y réchauffer du même coup. A ses mots, je dégluti péniblement, horrifiée, puis demande d'une petite voix.
Plus courir ? Vous allez lui faire du mal ?
Il pivote légèrement pour la considérer d'un il incrédule.
Elle a pitié de celui qui a voulu lui faire du mal ?
J'hésite un instant avant de secouer la tête sans quitter l'homme du regard.
Non, mais il ne faut pas faire du mal aux gens, ce n'est pas bien.
Il fallait définitivement l'endurcir la gamine, sinon elle n'allait pas tenir longtemps.
La pitié c'est pour les faibles.
Il se relève en tirant à nouveau son propre poignard et se dirige vers le séquestré pour s'asseoir sur ses jambes.
Elle prend les braies de cet homme et elle vient voir.
Choquée par ses propos, je pose le crochet au sol et m'approche pour attraper les braies du bout des doigts, bras tendus loin de mon corps, pour finir près de l'homme étendu et de monsieur Ludry.
Qu'est-ce que vous allez faire ?
Il va le réveiller, et elle va faire un nud autour pour qu'il ne se vide pas.
A peine l'explication finie il taillade le tendon -ce qui effectivement a le don de réveiller l'endormi- puis éloigne les mains pour la laisser faire.
Paniquée par la vue du sang qui gicle et qui m'éclabousse, je pousse un petit cri et me laisse tomber à genoux pour tenter de faire un nud, à gestes maladroits de mes mains tremblantes. Mais je ne sais pas vraiment en faire et serre comme je peux, hoquetant de terreur.
Le rictus amusé, il s'intéresse plus aux expressions de l'albinos qu'à ses gestes, puis fait pivoter l'arme dans sa main pour lui présenter la poignée.
C'est à son tour. Elle coupe d'un geste net. Mais s'il n'est pas tout à fait net, c'est une première fois, ce n'est pas très grave. Elle recommencera.
Les pupilles dilatées, et les yeux écarquillés, je regarde l'arme, et tends une main hésitante pour la saisir. Malgré l'horreur de ce que je vis, je me raccroche à ses encouragements et la gentillesse dont il fait preuve avec moi depuis quelques minutes, alors pour lui faire plaisir et en bénéficier encore, je me tourne vers la jambe intacte de l'homme et, après une longue hésitation, et de petits mouvements avortés voulant reproduire les siens, je me lance en fermant les yeux au dernier moment, tailladant d'un geste se voulant rapide.
Il saisit aussitôt l'autre morceau des braies pour ligaturer aussi rapidement que possible.
Elle sait comment arrêter un homme maintenant. Elle est petite et pas très forte. Ça pourrait lui sauver la vie. Si un homme ne peut plus courir, elle peut fuir, ou le tuer plus facilement.
J'ouvre un il, puis l'autre, et me recule en levant le regard vers lui, incrédule.
J'ai réussi ?
Il se secoue le bout de l'auriculaire dans le conduit auditif et se tourne le temps de mettre un taquet au beuglard au langage fleuri, comme si ça allait le faire taire, avant de répondre.
Elle a réussi, oui.
Mon visage s'illumine et je me recule vivement de l'homme, impressionnée par ses cris et le craignant toujours malgré sa position, les avants bras couverts de marbrures de sang levés loin de mon corps.
On s'en va maintenant Monsieur Ludry ?
La main est tendue en direction du poignard.
Pas encore.
Je réprime un frisson et lui rend le poignard puis recule vers le feu, le regard fixé sur ma main rouge et blanche.
Il se redresse pour s'approcher d'elle et tranche un morceau de son vêtement, au point où elle en est, pour aller le fourrer dans la bouche de l'homme avant de le faire rouler de nouveau.
Elle vient ici, ce n'est pas fini.
Je me fige en le voyant approcher et pousse un nouveau petit cri. L'espace d'un instant j'ai cru qu'il allait s'en prendre à moi pour avoir voulu partir et respire quand je comprends qu'il n'en est rien. Je laisse tomber mes bras et m'approche à petits pas, tout de même soulagée de ne plus entendre les hurlements de l'homme envahir l'espace. Je suis mortifiée de ce que je vois et que je suis contrainte de faire, mais ne vois pas comment y échapper sinon en coopérant.
Il lui voulait du mal, il doit être puni.
Il empoigne les attributs sans la quitter des yeux.
Elle ne ferme pas les yeux cette fois, elle doit regarder.
Les yeux grands ouverts je hoche lentement la tête, le souffle coupé, incapable de prononcer un mot ni même détourner le visage, faisant seulement glisser mes pupilles vers sa main.
Le corps au sol se meut comme une anguille, les hurlements étouffés par le chiffon produisent des sons sourds coincés au fond de la gorge, faisant vibrer le poitrail. Le Putride s'apprête à trancher, mais finalement : C'est elle qui devrait le faire.
En plein cauchemar, je plaque mes mains sur mes oreilles pour ne pas entendre les bruits que l'homme produit à défaut de pouvoir fermer les yeux. Interdite, je considère Monsieur Ludry et laisse retomber mes bras le long de mon corps en même temps que je me laisse tomber à genoux. J'ai la sensation de ne plus contrôler mon corps alors que je m'approche pour tendre la main. J'ignore ce qu'est la colère et n'ai jamais éprouvé de besoin de vengeance malgré toutes les horreurs que j'ai pu vivre. Les seules motivations qui me meuvent sont la survie et un intense besoin de soutien et d'affection que j'imagine pouvoir obtenir en mutilant mon agresseur.
Il lui glisse l'arme dans la main, main qu'il conserve ensuite précieusement tandis qu'il se glisse derrière elle, accroupi, la sénestre déplaçant la chevelure blanche pour libérer l'oreille à laquelle il murmure, espérant capter son attention par-delà les vocalises étouffées.
Il a emmené des femmes chez lui. Il les a violées. Il les a terrifiées. Il leur a arraché les yeux et la langue. Il les a découpées. Jamais personne n'a retrouvé tous les morceaux.
Tout en parlant, la seconde main vient glisser sur sa jumelle pour la guider afin qu'elle s'empare de la virilité et des bourses de leur victime. La première approche ensuite celle tenant la lame, pour la préparer à trancher, prêt à accompagner son geste dès qu'elle en donnera l'impulsion.
Voilà ce qu'il voulait faire à Bloodwen. Elle ne doit pas lui laisser l'occasion de recommencer. Elle doit lui montrer qu'elle est plus forte que lui.
Terrifiée par son récit, je me met à trembler, comprenant à quoi j'ai échappé. Le cur battant, au bord de la nausée, je déglutis et lâche d'une petite voix voilée d'avoir trop crié.
Je veux pas qu'il fasse ça encore à une dame.
Et, cessant brusquement de trembler, je reproduits le geste effectué pour les tendons en y mettant toute ma faible force, encouragée par la main de mon professeur.
Lorsque l'appendice de chair se détache, le corps se contorsionne de plus belle, les yeux exorbités, les hurlements gutturaux redoublent, et après avoir frotté la joue à celle de Bloodwen, le Putride se redresse en s'étirant la manche pour saisir la poignée de la lame rougie sur le feu, et s'en revient cautériser le tout. Le but n'ayant jamais été la mort de sa cible. Dès le premier contact, c'en est trop pour la victime qui sombre à nouveau vers l'inconscience. Ludry se permet même le loisir de laisser la lame encore rouge à même le corps où elle restera jusqu'à être refroidie. Et, le visage frappé un profond sourire un brin dément, ses regards s'en reviennent à l'albinos.
Maintenant elle est plus forte qu'avant.
Traumatisée par ce que je viens de faire, culpabilisant déjà d'avoir succombé au mal, je ne parviens pas à détacher mon regard de la lame chauffée à blanc et de l'amas de chair fumante. A retardement je lâche les attributs et ma main vient se poser sur ma joue ou je sens encore le contact de celle de monsieur Ludry. A ses mots, ma deuxième main lâche le couteau en même temps que je lève des yeux agrandis d'effroi vers lui. Soudain je me redresse et m'éloigne à demi levée pour aller vomir dans un coin de la pièce en gémissant.
La réaction ne se fait pas attendre ; la voyant faire, il éclate de rire et ajoute. Peut-être pas tant que ça. Et pendant que l'une se draine l'estomac, l'autre balance le morceau de chair vers les flammes, récupère son poignard, son sac, et va s'asseoir confortablement sur la paillasse. La lame est rincée au goulot d'une flasque avant qu'il n'en prélève une gorgée. Charcutaille en main, l'heure est venue de se faire un bon petit frichti bien mérité.
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J't'avais dit d'bien réfléchir.
Même si je savais plus ou moins ce qui allait m'arriver, je ne pus retenir un cri strident. J'en oubliait que Monsieur Ludry devait venir me sauver. Lorsque j'entends la porte je me mets à pleurer bruyamment, et à me débattre de toutes mes faibles forces pour tenter de lui échapper.
Il ne faut pas longtemps pour qu'il ne force le corps, misérable face à la lourde carcasse, à ployer pour rejoindre le sol. Les doigts se referment alors sur son cou tandis que le crochet se plante dans le tissu pour le déchirer sans peine.
T'supplieras pour que j't'achève.
Pleurant et hurlant, je me démène jusqu'à ce que couchée sur le sol dur, je ne suffoque sous sa prise et lui jette des regards suppliants. Le contact de son crochet me fait cesser mes mouvements et terrifiée je me fige, de peur qu'il ne me découpe la peau avec. D'une petite voix étouffée, j'essaie de le calmer.
Pardon Monsieur ! Je voulais pas vous fâcher, pitié me faites pas de mal, je ferais tout ce que vous voudrez !
Trop tard !
Déjà il force sa place entre les cuisses blanches. Le crochet prend la place de la main comme celle-ci se porte à ses propres braies pour les ouvrir.
J'vais t'faire couiner comme une truie et quand j'en aurai marre, j'te viderai pareil. On t'retrouv'ra par mor...
Un bruit sourd accompagne un étrange mouvement de sa tête et lui arrache un grognement. Par-dessus lui, un second coup est porté, puis un troisième, entrainant le poids à s'effondrer sans connaissance sur le corps frêle. Après avoir laissé tomber la planche de bois au sol, Ludry fait rouler la carcasse sur le côté pour libérer la gamine.
Cet homme a la tête dure.
Incapable de l'empêcher de m'écarter les cuisses, j'essaie toute de même, sans succès, sanglotant misérablement. Le contact du crochet à mon cou m'arrache un nouveau hurlement, de même que ses paroles des hoquets et des larmes qui coulent à bouillon de mes joues pour me mouiller les cheveux éparpillés au sol. Ce n'est que quand son corps s'effondre sur moi que, privée d'air, je cesse de faire du bruit, et ce n'est que lorsque je suis libérée de son poids que je réalise que je suis sauvée et que, me redressant péniblement, suffocante, je me jette sur Monsieur Ludry pour chercher refuge près de lui, pleurant de plus belle.
D'abord surpris, il la suit des yeux. Finalement, il y a une chose s'apparentant au sens du devoir qui lui murmure dans les tréfonds du peu de conscience qui est sienne, qui lui dit qu'elle a quand même bien travaillé, et qu'elle mérite le réconfort dû aux frères d'arme. Aussi, il lui dépose doucement une main à l'épaule, se voulant réconfortant.
Elle n'est pas blessée ?
N'ayant jamais reçu beaucoup d'affection, ce simple contact me fait l'effet de tous les câlins du monde et je laisse aller ma tête échevelée sur son bras, mon poignet venant m'essuyer mes yeux rougis, tout en reniflant.
Non Monsieur Ludry, mais j'ai eu très peur de mourir
Il lui a dit qu'il ne serait pas loin. Il n'avait pas encore fini sa bière quand elle est sortie, c'est tout.
La justification pour ce léger problème de synchronisation lui parait suffisamment solide. Et puis c'est le résultat qui compte après tout.
Il faut qu'il finisse de s'occuper de cet homme avant qu'il ne se réveille. Elle va pouvoir apprendre encore des choses si elle le regarde faire.
Un peu calmée, je hoche lentement la tête à son explication et renifle plus doucement. Lorsqu'il évoque mon agresseur, je tourne un regard effrayé vers celui-ci et contourne lentement Monsieur Ludry pour me glisser dans son dos.
D'accord Monsieur Ludry.
Ainsi débute le cours façon Ludry.
Pour commencer. Les armes. Après une fouille rapide lui laissant découvrir un simple poignard. Il ne sait pas trop ce que cet homme aurait pu découper avec ça. qu'il fait glisser au loin sur le sol en secouant la tête, il défait le crochet du moignon et le tend vers Bloodwen. Un trophée pour sa première chasse réussie.
Je le regarde faire et répète à voix basse les armes avant de suivre le mouvement du poignard des yeux, imaginant très bien ce qu'il aurait pu me faire avec. Puis je regarde le crochet, surprise, avant de lever les yeux vers lui. Je reste immobile un instant ne sachant quoi penser pour finalement m'avancer et le saisir du bout des doigts. Merci monsieur Ludry.
Un petit clin d'il et il reprend. Après, le matériel. Il récupère les cordes qu'il avait sorties plus tôt dans la soirée et les rapproche avant de le défaire, non sans quelques peines au vu du poids mort, des braies que l'homme avait déjà commencé à ouvrir. Puis tire son propre poignard pour les trancher afin d'en séparer les jambes, et les déposer aux pieds de Bloodwen. Maintenant, le mettre en position. Et de prendre appui de l'épaule contre la carcasse pour pousser et la faire rouler à nouveau sur le ventre.
Tandis que sa phrase raisonne dans ma tête, surtout le terme "première" qui me donne des angoisses, je l'observe, avant de détourner les yeux pendant qu'il le déshabille. Choquée de ce que j'ai seulement entrevue, je recule brusquement alors que les braies s'échouent dans mon champ de vision.
La première corde en main, il le chevauche et s'empare du premier poignet. Attacher. Il doit se dépêcher pour qu'il ne se réveille pas avant. Le nud est fermement serré, puis il tire le bras à l'équerre dans le dos, et le remonte autant que les jointures le lui permettent. La corde passe alors par le cou, le cernant de deux tours. Le second bras est positionné de même avant que le second poignet soit lié également. Dans des gestes familiers, le cordage se tisse en huit ascendants d'un bras sur l'autre. Une fermeture étroite, vérifiée, et il pivote sur son assise pour saucissonner les mollets entre eux avec la seconde corde.
Rassurée par son calme et ses gestes assurés, je m'approche un peu, bien qu'avec prudence, pour mieux voir ses mouvements. Ses nuds me semblent très compliqués et je suis impressionnée. Dans le même temps, je lâche le crochet d'une main pour pouvoir me frotter le bras. Mais mon mouvement s'arrête à mi-chemin pour tenter de couvrir la poitrine.
Ça doit faire très mal aux bras Monsieur Ludry.
Et ça étrangle si il essaye de tirer.
Il se redresse et se dirige vers le sac pour en sortir de quoi allumer la cheminée en espérant que ce ne soit pas tout qui prenne feu, récupérant le poignard de l'homme en passant. Dès que les premières flammes s'allument, il y dépose la lame en équilibre pour la préparer.
Elle veut apprendre comment un homme ne peut plus courir ?
Je regarde l'homme étendu et imagine très bien la chose. Si bien que je porte la main à ma gorge encore endolorie. Je suis Monsieur Ludry du regard et m'approche du feu pour m'y réchauffer du même coup. A ses mots, je dégluti péniblement, horrifiée, puis demande d'une petite voix.
Plus courir ? Vous allez lui faire du mal ?
Il pivote légèrement pour la considérer d'un il incrédule.
Elle a pitié de celui qui a voulu lui faire du mal ?
J'hésite un instant avant de secouer la tête sans quitter l'homme du regard.
Non, mais il ne faut pas faire du mal aux gens, ce n'est pas bien.
Il fallait définitivement l'endurcir la gamine, sinon elle n'allait pas tenir longtemps.
La pitié c'est pour les faibles.
Il se relève en tirant à nouveau son propre poignard et se dirige vers le séquestré pour s'asseoir sur ses jambes.
Elle prend les braies de cet homme et elle vient voir.
Choquée par ses propos, je pose le crochet au sol et m'approche pour attraper les braies du bout des doigts, bras tendus loin de mon corps, pour finir près de l'homme étendu et de monsieur Ludry.
Qu'est-ce que vous allez faire ?
Il va le réveiller, et elle va faire un nud autour pour qu'il ne se vide pas.
A peine l'explication finie il taillade le tendon -ce qui effectivement a le don de réveiller l'endormi- puis éloigne les mains pour la laisser faire.
Paniquée par la vue du sang qui gicle et qui m'éclabousse, je pousse un petit cri et me laisse tomber à genoux pour tenter de faire un nud, à gestes maladroits de mes mains tremblantes. Mais je ne sais pas vraiment en faire et serre comme je peux, hoquetant de terreur.
Le rictus amusé, il s'intéresse plus aux expressions de l'albinos qu'à ses gestes, puis fait pivoter l'arme dans sa main pour lui présenter la poignée.
C'est à son tour. Elle coupe d'un geste net. Mais s'il n'est pas tout à fait net, c'est une première fois, ce n'est pas très grave. Elle recommencera.
Les pupilles dilatées, et les yeux écarquillés, je regarde l'arme, et tends une main hésitante pour la saisir. Malgré l'horreur de ce que je vis, je me raccroche à ses encouragements et la gentillesse dont il fait preuve avec moi depuis quelques minutes, alors pour lui faire plaisir et en bénéficier encore, je me tourne vers la jambe intacte de l'homme et, après une longue hésitation, et de petits mouvements avortés voulant reproduire les siens, je me lance en fermant les yeux au dernier moment, tailladant d'un geste se voulant rapide.
Il saisit aussitôt l'autre morceau des braies pour ligaturer aussi rapidement que possible.
Elle sait comment arrêter un homme maintenant. Elle est petite et pas très forte. Ça pourrait lui sauver la vie. Si un homme ne peut plus courir, elle peut fuir, ou le tuer plus facilement.
J'ouvre un il, puis l'autre, et me recule en levant le regard vers lui, incrédule.
J'ai réussi ?
Il se secoue le bout de l'auriculaire dans le conduit auditif et se tourne le temps de mettre un taquet au beuglard au langage fleuri, comme si ça allait le faire taire, avant de répondre.
Elle a réussi, oui.
Mon visage s'illumine et je me recule vivement de l'homme, impressionnée par ses cris et le craignant toujours malgré sa position, les avants bras couverts de marbrures de sang levés loin de mon corps.
On s'en va maintenant Monsieur Ludry ?
La main est tendue en direction du poignard.
Pas encore.
Je réprime un frisson et lui rend le poignard puis recule vers le feu, le regard fixé sur ma main rouge et blanche.
Il se redresse pour s'approcher d'elle et tranche un morceau de son vêtement, au point où elle en est, pour aller le fourrer dans la bouche de l'homme avant de le faire rouler de nouveau.
Elle vient ici, ce n'est pas fini.
Je me fige en le voyant approcher et pousse un nouveau petit cri. L'espace d'un instant j'ai cru qu'il allait s'en prendre à moi pour avoir voulu partir et respire quand je comprends qu'il n'en est rien. Je laisse tomber mes bras et m'approche à petits pas, tout de même soulagée de ne plus entendre les hurlements de l'homme envahir l'espace. Je suis mortifiée de ce que je vois et que je suis contrainte de faire, mais ne vois pas comment y échapper sinon en coopérant.
Il lui voulait du mal, il doit être puni.
Il empoigne les attributs sans la quitter des yeux.
Elle ne ferme pas les yeux cette fois, elle doit regarder.
Les yeux grands ouverts je hoche lentement la tête, le souffle coupé, incapable de prononcer un mot ni même détourner le visage, faisant seulement glisser mes pupilles vers sa main.
Le corps au sol se meut comme une anguille, les hurlements étouffés par le chiffon produisent des sons sourds coincés au fond de la gorge, faisant vibrer le poitrail. Le Putride s'apprête à trancher, mais finalement : C'est elle qui devrait le faire.
En plein cauchemar, je plaque mes mains sur mes oreilles pour ne pas entendre les bruits que l'homme produit à défaut de pouvoir fermer les yeux. Interdite, je considère Monsieur Ludry et laisse retomber mes bras le long de mon corps en même temps que je me laisse tomber à genoux. J'ai la sensation de ne plus contrôler mon corps alors que je m'approche pour tendre la main. J'ignore ce qu'est la colère et n'ai jamais éprouvé de besoin de vengeance malgré toutes les horreurs que j'ai pu vivre. Les seules motivations qui me meuvent sont la survie et un intense besoin de soutien et d'affection que j'imagine pouvoir obtenir en mutilant mon agresseur.
Il lui glisse l'arme dans la main, main qu'il conserve ensuite précieusement tandis qu'il se glisse derrière elle, accroupi, la sénestre déplaçant la chevelure blanche pour libérer l'oreille à laquelle il murmure, espérant capter son attention par-delà les vocalises étouffées.
Il a emmené des femmes chez lui. Il les a violées. Il les a terrifiées. Il leur a arraché les yeux et la langue. Il les a découpées. Jamais personne n'a retrouvé tous les morceaux.
Tout en parlant, la seconde main vient glisser sur sa jumelle pour la guider afin qu'elle s'empare de la virilité et des bourses de leur victime. La première approche ensuite celle tenant la lame, pour la préparer à trancher, prêt à accompagner son geste dès qu'elle en donnera l'impulsion.
Voilà ce qu'il voulait faire à Bloodwen. Elle ne doit pas lui laisser l'occasion de recommencer. Elle doit lui montrer qu'elle est plus forte que lui.
Terrifiée par son récit, je me met à trembler, comprenant à quoi j'ai échappé. Le cur battant, au bord de la nausée, je déglutis et lâche d'une petite voix voilée d'avoir trop crié.
Je veux pas qu'il fasse ça encore à une dame.
Et, cessant brusquement de trembler, je reproduits le geste effectué pour les tendons en y mettant toute ma faible force, encouragée par la main de mon professeur.
Lorsque l'appendice de chair se détache, le corps se contorsionne de plus belle, les yeux exorbités, les hurlements gutturaux redoublent, et après avoir frotté la joue à celle de Bloodwen, le Putride se redresse en s'étirant la manche pour saisir la poignée de la lame rougie sur le feu, et s'en revient cautériser le tout. Le but n'ayant jamais été la mort de sa cible. Dès le premier contact, c'en est trop pour la victime qui sombre à nouveau vers l'inconscience. Ludry se permet même le loisir de laisser la lame encore rouge à même le corps où elle restera jusqu'à être refroidie. Et, le visage frappé un profond sourire un brin dément, ses regards s'en reviennent à l'albinos.
Maintenant elle est plus forte qu'avant.
Traumatisée par ce que je viens de faire, culpabilisant déjà d'avoir succombé au mal, je ne parviens pas à détacher mon regard de la lame chauffée à blanc et de l'amas de chair fumante. A retardement je lâche les attributs et ma main vient se poser sur ma joue ou je sens encore le contact de celle de monsieur Ludry. A ses mots, ma deuxième main lâche le couteau en même temps que je lève des yeux agrandis d'effroi vers lui. Soudain je me redresse et m'éloigne à demi levée pour aller vomir dans un coin de la pièce en gémissant.
La réaction ne se fait pas attendre ; la voyant faire, il éclate de rire et ajoute. Peut-être pas tant que ça. Et pendant que l'une se draine l'estomac, l'autre balance le morceau de chair vers les flammes, récupère son poignard, son sac, et va s'asseoir confortablement sur la paillasse. La lame est rincée au goulot d'une flasque avant qu'il n'en prélève une gorgée. Charcutaille en main, l'heure est venue de se faire un bon petit frichti bien mérité.
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