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[RP] D'un mal à un autre.

Ludwig..
Ludwig ne se tient pas à carreau. Jamais. C'est là un trait de caractère érigé en une maxime à laquelle tu t'efforces d'être chaque jour le plus fidèle possible. Ainsi, ce soir, comme tous les soirs, tu ne te tiendras pas à carreau, et, d'un bras tendu, c'est une main aventurière qui s'approche du buste féminin. Bien sûr, au départ, tu as souri, de ces inévitables sourires débauchés que tu affiches fièrement lorsqu'une femme délace sa robe sous ton nez. Et, aussi vite que la lueur lascive était venue illuminer ta figure, tu t'es rembruni en apercevant ce qu'elle montrait. La douleur. Ça, ça répugne et ça fascine. C'est si beau et si laid. Comme son enfance. Sous tes yeux se montre la marque, immonde et honteuse sans doute, d'une autre histoire, une histoire dont tu ignores tout. Et les questions abondent, évidemment. Qui ? Quand ? Pourquoi ? Comment ? Rien ne semble opportun et aucune question ne mérite de franchir la barrière de tes lèvres. Alors ses murmures aussi, tu les lui laisses, sans chercher à les comprendre. Les yeux ne se défilent pas, non, tu regardes en silence et, parce qu'il ne te faut pas beaucoup de temps pour te repaître d'un tel spectacle, l'aventurière dextre s'avance donc. Mais si la peau dévoilée est frôlée d'un revers de l'index, ce n'est que pour s'interdire la caresse et, d'un geste serein, rabattre le tissu sur ce sein que tu ne saurais voir, et sur cette cicatrice que tu ne veux plus voir. Là. Qu'elle garde ce qui lui appartient. Il est des choses que, même toi, tu ne tiens pas à salir.

Ludwig qui rhabille Axelle. On aura tout vu. La vérité c'est que tu sais te tenir, parfois. Nulle compassion, pourtant, quand seul l'étonnement et la fascination demeurent. Et une pointe d'admiration qui ne dit pas son nom. Ce que tu vois, là, c'est un orgueil âprement ravalé, et peut-être davantage de souffrance dans ce dévoilement et dans cette cicatrice massacrant son ventre que dans la plaie elle-même. Et si tu aimes taquiner, provoquer, emmerder, profiter et jouir, il te paraîtrait ici absurde, et parfaitement impossible, de faire autre chose que de veiller sur la manouche blessée. Tandis que la pipe qui déjà s'éteint retourne à ta bouche, la question prononcée est ignorée. Non, tu n'as jamais eu mal et si la témérité inconsciente dont tu fais preuve au quotidien n'en est pas un symptôme suffisant, ton torse exposé et vierge de la moindre marque en témoigne mieux que personne.


    Si la douleur revient, je vous prêterai encore ma pipe, et mon lit. Et je n'en dirai rien. À personne.

Parole est donnée, pour ce qu'elle vaut. Et soudaine générosité est soufflée, sur le ton de la confidence, grand secret qui semble te faire honte et ne devrait surtout pas tomber dans une oreille à laquelle il n'était pas destiné. Les mots, visiblement difficiles à assumer, disparaissent alors que, face à l'œil sévère qui te regarde, ton air léger et joueur revient. Comme si de rien n'était. Comme si ce que tu avais vu n'avait pas la moindre importance, quand pourtant tout s'est gravé, là, dans un coin de ta tête, et te secoue encore. Toujours est-il qu'Axelle a été franche jusqu'au bout. Toi aussi, il faut bien que tu te soumettes aux règles du jeu, quoique vous ne jouiez pas exactement au même. Et tu dois te rendre à l'évidence, aussi frustrante soit-elle : forcer, c'est tricher.

    Je plaisantais, trésor. Le jour où vous m'embrasserez, puisqu'un jour vous m'embrasserez, ce ne sera pas parce que je vous l'impose mais parce que vous en mourrez d'envie. Ceci dit, si vous en mourrez d'envie, là, tout de suite, ne vous privez pas.

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Bannière by LJD Gysèle. Merci ♥
Axelle
Si elle avait été capable de prévoir la réaction de Ludwig, peut-être aurait-elle misé sur une lèvre retroussée de dégoût, une lueur de déception glissant dans les prunelles bleues, ou alors, sur une indifférence pleine et goguenarde. Oui, sans doute aurait-elle pu imaginer bien des cas de figure, mais elle n'aurait pas parié le moindre denier sur ce qui, pourtant, se déroulait sous ses mirettes. Néanmoins, ce léger mouvement de recul à l'avancée de la main mâle, elle l'eut. Protection plus que crainte, car même si l'esprit était embrumé de vapeurs droguées, le réflexe d'un pouce retourné sur trop d'arrogance restait ancré au sang manouche. Au léger froissement de la soie couvrant l'ignominie, elle cligna des yeux, surprise par cette attention presque maternelle et, au murmure s'échappant en cachette de la bouche du courtisan, elle resta muette.

Peut-être était-ce une erreur, mais cette promesse, elle la crut. Sans ombre. Sans doute. Sans hésitation. Peut-être car cela tranchait tant avec cette image pleine d'arrogance et de certitudes que Ludwig semblait vouloir renvoyer de lui, qu'elle ne pouvait fatalement que le croire. Alors, lentement, telle une parenthèse refermée, elle colmata de doigts maladroits la brèche ouverte sur sa peau, les yeux plissés comme une gamine appliquée sous ses boucles indociles sautillant devant son visage. Laborieux ouvrage achevé, elle se redressa avec une lenteur courbatue et, sans même y réfléchir, déposa ses lèvres à la tempe putain en un baiser trop doux. Était-ce un pied de nez à la petite provocation renouvelée ? Non, certes pas, mais bien car elle en avait envie. Méfait commis, la bouche gitane s'attarda à la rondeur de l'oreille mâle pour y murmurer le seul mot qu'il restait à dire.


Merci. Ne prenant, chose extraordinaire, pas même ombrage du trésor oublié là, pourtant toujours aussi foutrement agaçant.

Si la douleur avait été réduite au silence, elle n'en était pas moins revancharde et laissait dans son sillage une fatigue qui piquait ses yeux. Une fatigue telle que la simple pensée de rassasier la fringale ouverte par trop de chanvre l'épuisait encore davantage. Le moment était arrivé de disparaître, sans quoi, au moindre clignement de paupières un peu trop paresseux, elle s'endormirait sur ce lit-là. Et là, ce serait vraiment embarrassant. Et si Ludwig avait gagné quelque chose ce soir-là, c'était bien les balbutiements d'un respect inattendu.

Les jambes dans le coton, la tête dans le coaltar, délaissant le moelleux du lit avec une pointe de regret, elle se leva, le regard accroché par la lueur d'un jonc d'or oublié à son poignet. Un sourire furtif glissa à ses lippes alors qu'elle ôtait le bijou juste orné de son initiale et l'abandonna sur le petit guéridon qui lui servait d'appui. Casas paye toujours ses dettes.

D'un pas chancelant, elle rejoignit la porte et l'ouvrit n'abandonnant, avant de s'engouffrer dans le couloir, qu'une poignée de mots.


Pour la prochaine fois que je viendrai.
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