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[RP] Paradis artificiels.

Ludwig..
À l'étage de l'Aphrodite, des pas résonnent à une heure où, même lorsque l'on a le quotidien d'un courtisan, on est supposé dormir. Brusques et pesants, passant et repassant aux mêmes endroits, on ne fait visiblement pas l'effort de se faire discret. Et si le moindre employé de l'établissement osait quitter sa chambre et protester contre ce tapage nocturne, il y a fort à parier qu'il y aurait une personne de trop hors de son lit, et que tu le lui ferais comprendre. Car toi, tu es le seul autorisé à arpenter les couloirs de long en large, en pleine nuit, à la lueur d'une chandelle vacillante. Tu es le seul à avoir le droit d'être loin de tes draps cette nuit. Car cette nuit, tu as la meilleure raison de l'être. Tu es en manque. Il faut que tu fumes.

Te vendre, c'est la seule chose que tu saches faire et que tu aies toujours faite. Mais, Ludwig, ce nouveau boulot, plus prenant que ce à quoi ressemblait ton quotidien avant ton arrivée ici, vient de te conduire à commettre l'irréparable : ne pas vérifier tes stocks de came. Cette nuit, tout est vide. Et ce couloir, et ta pipe, et ton âme. Tous les recoins parisiens connus ont été inspectés sans que tu ne parviennes à mettre la main sur tes fournisseurs habituels, ni même sur les inhabituels. Alors te voilà, mâchoires serrées et rage au ventre, ne cessant de faire passer de tes lèvres à tes mains une pipe superflue et stérile. Tu n'as jamais été aussi anxieux, ni aussi pressé, ni aussi tendu, ni aussi agressif. À dire vrai, si un curieux sortait voir ce que tu fabriques, tu ne lui ferais pas comprendre qu'il doit retourner se coucher, non. Tu lui éclaterais le crâne contre un mur. Rien que pour oublier l'envie de fumer, le besoin de fumer, et l'idée qu'une vie sans fumer manque cruellement d'intérêt. Il faut que tu fumes.

Peut-être devrais-tu aller te coucher, avec l'espoir fou que tes songes te fourniront ce que le chanvre t'apporte le reste du temps. Mais tu ne dormirais pas. On le sait, tu le sais, tout le monde le sait, inutile d'en discuter. Alors ne te reste plus qu'à poursuivre ton activité nocturne : errer. Comme si faire les cent pas, inspecter et mémoriser chaque imperfection de chaque porte, t'arrêter un instant, plaquer ton front contre le mur, tenter de ne penser à rien, et puis reprendre ta marche frénétique, pouvait mettre fin au manque. C'est vain, et les heures qui passent ne font que te rappeler à quel point ton besoin de drogue est vif, violent, impatient, impérieux. Il faut que tu fumes.

Encore, face à la porte d'une chambre close, tu t'interromps. Les lieux ne sont pas suffisamment connus pour que tu puisses connaître l'occupant de cette chambre et, finalement, peu importe. De toute façon, tu n'as eu l'heur de croiser que peu de monde pour l'instant. Toujours est-il qu'il y a probablement plus d'un amateur de fumette ici. Qu'importe ce qu'on aura à te fournir, du chanvre, du tabac, un bout de feuille, une poussière, n'importe quoi fera l'affaire, pourvu que ça se fume. Alors tu lisses un peu ta chemise, quoiqu'il soit totalement illusoire de croire que tu pourras te défaire de l'air totalement débrayé de tout homme qui toque au hasard en pleine nuit, tu remplis tes poumons d'une inspiration désespérément oxygénée, et enfin tu frappes quelques coups. Ça a intérêt à s'ouvrir. Et vite. Il faut que tu fumes.

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Angele
Le pie faisait profil bas ces derniers temps, depuis que les tauliers l'avaient chopée dans leur bureau et avaient manqué de la coller à la porte avec un passage à la maréchaussée en prime. Ils lui avaient demandé d'ouvrir les yeux et les esgourdes, ce qu'elle faisait en toute discrétion au fur et à mesure des soirées qui se déroulaient à l'Aphrodite. Petit à petit, des informations avaient été récupérées, de plus ou moins grande importance. Le fait que la rouquine soit tombée enceinte par exemple, mais Angèle les soupçonnait de déjà être au courant vu l'air désintéressé qu'ils avaient eu quand elle leur en avait fait part. Sans doute qu'un autre employé du bordel avait bavé bien avant elle, mais de là à savoir qui c'était... En somme, la brune, comme à son habitude, ne faisait confiance à personne, et c'était bien mieux ainsi. Ce qu'ils ne savaient pas, par contre, c'est qu'il lui avait été impossible d'arrêter son penchant pour la rapine. Sauf que ce dernier se faisait extrêmement discret, et qu'il avait fallu trouver une cachette plus appropriée pour ses larcins que dans sa propre chambre. Il lui avait été assez facile de trouver à la cave un endroit poussiéreux où planquer ses petits trésors qui étaient ensuite revendus assez souvent à des receleurs parisiens. Son petit commerce avait donc repris tranquillement sa vie sans que nul ne puisse le remarquer.

Angèle se tenait tranquillement dans sa piaule, allongée sur son pieu, chemise sur le dos et les jambes nues relevées, petons posés contre le mur. Ainsi, les mirettes fixées au plafond où il n'y avait pas grand chose à voir, la pie pouvait s'adonner sans qu'on la fasse chier à un de ses passe-temps favori, c'est à dire glander. Enfin, glander en fumant bien évidemment, car la consommation de chanvre semblait être devenu un sport national depuis quelque temps en la capitale parisienne. Maintenant que ses quartiers étaient bien établis, il lui était facile de trouver ce qu'il lui fallait pour sa consommation personnelle. Une épaisse fumée blanche avait donc envahi la chambre partagée avec une autre nana de l'Aphrodite mais qui était pour l'heure absente. Embout de la pipe en bois calé entre les lèvres, Angèle aspirait de longues bouffées et se laissait gagner par la douce torpeur amenée par la drogue.

Peinard et sans faire chier personne, elle sombrait doucement dans le sommeil lorsqu'on tambourina à sa porte. Quel était le con qui venait l'emmerder à cette heure-ci ? Poussant un grognement, elle resta en sa position, les prunelles se posant sur la porte encore fermée et gueula en direction de cette dernière.

Bordel de merde, c'est qui ?

Accueil pas du tout engageant s'il en était, mais ça n'était clairement pas l'heure de venir toquer à sa porte.
Ludwig..
Entendre le son de la voix féminine suffit à te décider. Au diable les bonnes manières, tu n'es pas patient de nature, encore moins ce soir, et, étant donnés les jurons, l'habitante des lieux ne se formalisera sans doute pas de cette impolitesse. Porte est donc poussée, puis refermée derrière toi, et, sans tout de suite te retourner pour regarder à quoi ressemble la chambre, sans même t'intéresser à l'identité de la malheureuse victime de ton humeur sauvage, tes poumons se remplissent. Dieu que ça sent bon. Dieu que ça fait du bien. Dieu que ça t'a manqué. Visage tourné vers la porte, plusieurs longues respirations sont prises, avides de savourer la fumée. Il fallait que tu fumes, et tu sembles être tombé sur le meilleur endroit pour cela. Mais il t'en faut plus, toujours.

Le corps bien plus tendu qu'à l'accoutumée fait volte-face et observe enfin. La petite voleuse. Tu l'as croisée, dans le bureau de la direction et, à dire vrai, elle est l'employée que tu connais le mieux, puisque tu n'en connais pas d'autres. Tu n'as d'elle que le souvenir de ses poches se vidant sous le regard sombre et sévère du propriétaire, pour dévoiler des trésors qui sont parvenu à t'étonner, toi pourtant si flegmatique et indifférent à tout ce qui n'est pas toi. La nature de ses fonctions demeure mystérieuse, tu ne l'as jamais vue faire autre chose que de traîner de salon en salon, sans jamais conduire le moindre client à sa chambre. Reste que maintenant, à tes yeux, son rôle est clair. Elle fume et, à ce titre, elle est ton espérance de délivrance. En d'autres temps, en d'autres lieux, tu te serais amusé de l'accueil râleur et de la posture décontractée qui te donnent l'impression d'avoir pénétré dans la chambre d'une adolescente en pleine crise. Mais tu n'en fais rien, parce qu'en réalité, c'est toi qui es en pleine crise, les mains tremblantes s'agitant nerveusement sur le tissu de tes braies.

Sans encore t'approcher, sans prendre le temps de la détailler et sans répondre à la question posée, tu choisis d'aller droit au but, estimant déjà que la demoiselle au franc parler n'a que faire des tergiversations polies. Une mèche brune tombant devant tes yeux est replacée, la pipe collée à tes lèvres est délogée pour atterrir entre tes doigts, avant que tu ne viennes constater, ayant toutes les peines du monde pour dissimuler ton état et ne pas bouffer les mots tant tu es impatient :


    Rien n'est plus triste que de fumer seul. Je vous accompagne ?

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Angele
Les yeux marrons se posèrent sur la porte qui venait de s'ouvrir sur la silhouette masculine, faisant plisser ses paupières. Lui, elle le reconnaissait sur le champ, même de dos, se rappelant fort bien de leur première rencontre dans le bureau des tauliers, pile au moment où ils lui intimaient de vider ses poches. Et puis la pie l'a vu évoluer dans l'Aphrodite depuis son arrivée, belle gueule, beau cul, sourire enjôleur, le combo parfait pour faire tomber les vieilles donzelles en quête d'une poule de luxe version homme. Les deux ne bougèrent pas d'un pouce pendant un long moment, l'une attentiste sur sa couche, l'autre visage tourné vers l'huis. De quoi faire râler directement Angèle qui venait d'être dérangée dans un moment tranquille sans faire chier personne.

Bon, tu veux quoi ?

Caractère de merde, mais malgré tout enjouée, elle passait du coq à l'âne en un quart de secondes, déstabilisant parfois ses interlocuteurs. Enfin, Ludwig daigna se tourner, et les prunelles sombres vinrent détailler le brun triturant ses braies nerveusement. Pipe au bec, montrant très clairement ses intentions sans même avoir à ouvrir la bouche, il semblait déboussolé et tremblant. Son état lui arracha un sourire moqueur, le regard devenu soudain rieur accompagnant le rictus avant de reporter sa propre pipe à ses lèvres.

T'as pas l'air frais, je me goure ?

A sa demande, la brune haussa un sourire étonné. Ils ne s'étaient jamais adressé la parole, c'était donc assez étrange qu'il se pointe comme une fleur pour lui balancer un truc pareil. La pie laissa planer un silence pendant quelques instants, songeuse, ne le quittant pas des yeux. Ce fut avec un malin plaisir qu'elle fit durer le temps d'attente, consciente de son état, signes nerveux ne trompant pas.

Ça m'dérange pas de fumer seule, sinon j'aurais été chercher quelqu'un.

Pas dupe de la raison de sa demande, Angèle continua son petit manège, montrant d'un signe de tête le bout du lit où il restait une place, sans pour autant lui tendre la pipe de chanvre qui continuait à se consumer entre ses doigts fins.

Assis-toi, si t'as pas envie de fumer seul. Mais t'as intérêt à causer, je supporte pas le silence.

Une volute blanche s'envola à nouveau dans l'air, piquant les narines et envoyant dans ses poumons la drogue qui se diffusa lentement à nouveau dans son corps. Les paupières se firent un peu plus lourdes et de légers picotements parcoururent le bout de ses doigts, de ses mains, allant courir jusqu'à ses jambes nues. Le regard alla à nouveau se plonger au plafond, attendant qu'il se décide à la rejoindre pour entamer un peu plus la conversation.
Ludwig..
Elle tutoie. Évidemment qu'elle tutoie, et tu te sens soudain très con d'avoir usé d'un "vous" inopportun et grotesque. Vous n'êtes rien d'autre que deux collègues et colocataires du même établissement, le tutoiement est de rigueur et toi, d'ordinaire si habile à feindre la proximité quand elle ne devrait pas exister, tu viens de méchamment te planter en imposant une distance qu'il aurait fallu bannir d'entrée de jeu. Si tu le pouvais, tu te collerais des baffes face à tant de maladresses. Et absorbé par ton auto-flagellation, les mots prononcés te semblent beaucoup trop lointains pour être entendus et pris en compte. Tu n'en comprends pas une syllabe. Elle n'avait qu'à parler plus fort.

Tes yeux et ta concentration sont tout entiers dirigés vers la fumée suave et parfumée qui s'envole, objet de ton vice et de ton frénétique manque du moment. Dans cette pièce, le courtisan aux manières savamment calculées et au sang-froid ahurissant s'est effacé et n'a laissé en pâture qu'un Ludwig terriblement jaloux, jaloux comme un enfant qui observe un autre s'amuser avec un jouet qu'il veut et qu'on lui refuse. Tu rêves de la lui arracher, sa pipe, de t'enfumer jusqu'à étouffer, et de te barrer, comme ça, silencieux et satisfait. Faire la conversation te paraît être une activité d'un piètre intérêt, il n'y a ni argent ni pouvoir à y gagner, et tu te fous royalement du reste des employés de l'Aphrodite. Ils ne sont rien, sinon une concurrence pénible et fade que tu méprises mais avec laquelle tu es forcé de composer. Néanmoins, cette nuit, il va falloir y mettre du tien, un peu. Alors, garçon décidé à ne pas contrarier et se cramponnant à quelques bribes de ce qu'elle raconte, tu viens sans tarder t'asseoir au bord du lit, à la place indiquée.


    Je suis rarement bavard. Mais je ferai un effort, pour vous... pour toi. Je ferai un effort, pour toi.

Mains se sont posées, à plat, sur tes genoux, afin de faire cesser les tremblements. Sauf que, dans telle position, tu n'as jamais paru si guindé, ni si proche de prendre tes jambes à ton cou sitôt la drogue donnée. Pourtant, la promesse était sincère, et maintenant que tu es là, tu comptes rester. Pour elle, tu feras un effort, tu parleras, tu pourrais bien lui raconter toute ta vie, celle des autres aussi, t'agenouiller, te mettre à son service, arrêter de minauder, la baiser tant qu'elle le voudra ou bien te faire moine, pourvu qu'elle te donne de quoi te droguer. Pitié. Ta propre pipe quitte tes lèvres tandis qu'un regard impatient, incapable de s'attacher à un point fixe, achève de mater la fumée, cruelle et douloureuse plus qu'autre chose, et entame un examen approfondi de la chambre.

    Ton herbe. Tu la ranges où ?

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Angele
Courtisan a perdu son assurance, c'est tout ce que la pie put indéniablement constater à ce moment là. Du coin de l’œil, Angèle l'observa, un sourire moqueur collé au coin des lèvres. Ah, il l'avait bien raillée en silence le jour de leur première rencontre où les patrons l'avaient prise la main... dans la poche à défaut du sac. Ah, qu'il était goguenard son sourire alors que les bijoux s'étalaient à la vue de tous. De sa superbe, il ne restait plus rien, et rien que pour ce spectacle, Angèle se félicitait qu'il soit venu à sa porte et qu'elle lui ait permis d'entrer. Ne bougeant pas d'un iota, la pie le vit s'asseoir, droit comme la justice, mains posées à ses genoux comme une vieille noble guindée qui n'aurait pas été tronchée depuis des lunes. A sa bouche se porta à nouveau le bec de sa pipe, sans comprendre encore vraiment de quoi il en retournait et pourquoi se sentait-il d'un coup, l'âme de partager un moment avec elle.

T'es pas bavard en plus... alors pourquoi tu viens coller tes miches ici, garçon ?

Et ce vouvoiement imbécile qui s'acharnait à sortir de ses lèvres, montrant ce manque d'assurance totalement inhabituel pour Ludwig. La brune se retourna alors, se retrouvant sur le ventre, mollets se balançant au-dessus de ses cuisses. Ils étaient prêts à se toucher, et de là, la pie pouvait sentir toute la tension qui émanait de lui. Et enfin, sa réponse.

Ah. C'est donc ça.

Laissant le silence planer, s'amusant de détenir les cartes gagnantes et de le voir si faible, Angèle tira une dernière longue bouffée de sa pipe, finissant de consumer les dernières miettes de chanvre. Le morceau de bois atterrit alors sur le pieu, cendres encore chaudes venant s'étaler sur le drap qu'elle évacua de quelques doigts nonchalants.

T'as que la gueule pour fumer ? Et j'aurai quoi, en échange ? Tout se paye ici, tu devrais le savoir mieux que quiconque.
Ludwig..
Tu n'as pas tenu dix secondes assis avant de te relever, agacé, frustré, au bord de la crise de nerfs. Elle sourit, et ça t'énerve. Elle finit de fumer, tu n'as pas encore eu le droit de commencer, et ça t'exaspère. Elle t'appelle "garçon", et tu voudrais immédiatement lui faire ravaler ce surnom infantilisant. Pourtant, là, les traits tirés par une patience qui, quasiment inexistante au départ, n'en finit plus d'être malmenée, le corps trop grand s'agitant pour faire les cent pas dans cette chambre trop petite avec l'aberrante ambition de te rendre moins impuissant, les insultes résonnant sans être dites et exigeant qu'on cède à ton caprice, il faut bien avouer que tu ne ressembles à rien d'autre qu'à un enfant agité et mal élevé.

Aux derniers mots prononcés, tu te retournes et la regardes enfin. Allongée sur son lit, avec cette position insolente à en être insupportable, tu ne parviens pas vraiment à en vouloir à celle qui s'amuse plus que toi cette nuit. Toi aussi, à sa place, tu aurais ri devant une scène si pathétique. Et, comme elle, tu en aurais profité pour jouer les créanciers. Monnayer, toujours. Ta vie n'est faite que de ça. Si brunette obéit, qu'est-ce qu'elle obtiendra en échange ? Tout. À l'idée d'un paiement, le regard bleu s'est fait plus catin, c'est inévitable, et soudain tu t'intéresses à elle. Et à ces cuisses nues qui se balancent dans le vide. Et tu cesses de t'agiter. D'une profonde inspiration, maîtrise de toi-même est reprise. Ça ne durera sans doute pas longtemps, et tu es parfaitement conscient de jouer là ton dernier atout, allant chercher les dernières fragments de force et de calme qui te restent. Un sourire infime anime le coin de tes lèvres tandis que tu te rassois sur le lit et souffles quelques mots qui ne laissent pas grand doute sur tes intentions.


    Ne te fais pas plus idiote que tu n'es, mignonne. Que crois-tu que les gens comme moi ont à offrir ? Rien, à part leur corps. Si c'est ce que tu veux, tu auras. Après que j'ai fumé. Je pourrais bien te proposer de l'argent, aussi, mais de ce que j'ai vu, tu es parfaitement capable de gagner ta vie sans mon aide.

Comme pour confirmer, ta main vient traîner sur le visage de l'adolescente, faisant mine de remettre une mèche à sa place quand il est pourtant vain de prétendre donner un peu d'ordre à ces cheveux. Peu importe. Tu veux remplir ta pipe, le reste t'indiffère.
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Angele
Sous les cils épais, le regard suivit les mouvements de Ludwig faisant les cent pas dans la pièce, amusement à son comble, rendu encore plus exacerbé par la pipe de chanvre inhalée quelques instants auparavant. Immobile, le menton vint accueillir la paume d'une main, coude disposé nonchalamment sur le lit. A ses gestes s'accrochent l'exaspération grandissante et cela se voit comme le nez au milieu de la figure. La pie jubila intérieurement, tenant sa petite vengeance personnelle de leur première rencontre. Qui lui aurait dit qu'une simple poignée de chanvre provoquerait cette réaction un jour ? La roue finissait toujours pas tourner dans le bon sens.

Enfin, les iris bleutées se posèrent sur le corps allongé et à moitié nu, laissant deviner sous la chemise en lin une paire de fesses s'étant bien remplumée depuis son arrivée à l'Aphrodite et des nichons rebondis. Angèle n'en avait strictement rien à taper de paraître ainsi face à un des courtisans du lupanar. Pas pudique, il fallait rajouter à cela qu'il voyait une tripotée de femmes à poil toutes les nuits, donc une de plus ou de moins ne changerait pas grand chose à l'affaire. Des rondes, des maigres, des petites, des menues, des girondes, toutes les morphologies avaient dû passer entre ses doigts experts. Il changea de comportement, reprenant sa posture mâle en s'approchant du pieu pour s'y asseoir à nouveau. Angèle, elle, ne le quittait pas des yeux, le regardant passer d'une nuance à une autre.

Lorsqu'enfin les mots sortirent de sa bouche, il n'eut pour réponse qu'un éclat de rire franc et moqueur. Le nez retroussé se releva un peu et les lèvres ourlées en un sourire découvrirent les quenottes blanches. Avec cet accent roulant du Sud qu'on lui connaissait, la pie ne put que répondre, goguenarde.


Parce que tu crois que j'ai envie de me payer un courtisan du lupanar, peut-être ? Ta queue a dû tremper dans tous les cons de la capitale, c'est limite si tu vas pas me refiler une saloperie.

Quoiqu'il était pas mal fait et plutôt beau gosse, et niveau partie de jambes en l'air, il devait maîtriser la situation. Laissant cependant la main traîner à son visage pour y replacer une mèche folle, Angèle continua à l'observer, la naissance de ses seins se devinant facilement à la chemise ajourée, tout à fait consciente de passer pour une parfaite petite connasse en cet instant.

Va falloir trouver mieux que ça, garçon.


Il y avait forcément une petite idée qui était en train de lui germer en tête, mais faire tourner en bourrique le brun pendant quelques minutes encore avait sa préférence et égayerait l'heure suivante qu'elle aurait dû passer en solitaire.
Ludwig..
Dans d'autres circonstances, tout ça t'aurait fait sourire. Cette voleuse vidant ses poches pleines de trésors en râlant, cette adolescente qui mène sa vie comme si elle était futile, cette légèreté, cette envie de bavarder avec un parfait inconnu, cette mine taquine franchissant les limites de ta patience, cette répartie qui ne demande qu'à être provoquée, cette jouissance quand elle profite de la supériorité que tu lui offres, cette posture suintant l'assurance et l'insolence, cette chemise dévoilant beaucoup trop et ce petit air de ne pas y toucher. Elle devrait te plaire, c'est évident. Et elle te plairait, Ludwig, si tu n'étais pas tout entier polarisé autour de ton manque grandissant. Pour l'heure, elle n'est qu'insupportable. Une gamine pénible, dépourvue d'occupations nocturnes, à tel point que jouer avec tes nerfs est la seule distraction digne de ce nom qui lui reste. De ton point de vue, rien d'autre qu'une mal baisée, donc. Tu ne voulais que fumer, et il a fallu que tu tombes sur une mal baisée. Tu enrages.

Ta main, laissant la coiffure féminine à l'anarchie, chasse d'un geste impétueux la remarque glissée sur les territoires conquis par ta queue. Elle n'aura pas droit au couplet sur l'hygiène irréprochable des catins, dans l'immédiat tu as d'autres préoccupations que celle consistant à te racheter une dignité. Ta dignité s'est, de toute façon, volatilisée depuis que tu as toqué à la porte de cette chambre maudite. Le désir brûle désormais de te lever, de foutre le camp, loin, et de ne revenir que demain, le corps repu et l'âme fière, pour lui prouver que tu dépasses largement le drogué nerveux qui s'est pointé en réclamant sa came. Si tu t'abstiens et demeures bien assis, c'est uniquement parce que la pipe échouée sur le matelas entretient chez toi l'espoir de bientôt obtenir ce que tu quémandes. Mais, disons-le, tes pensées ne cessent plus de jouer et de rejouer le meurtre de la demoiselle qui n'avait pourtant rien demandé, courtisan arbitraire et cruel, avide d'extérioriser sa frustration à tout prix.

Deux mains passent sur ton visage, sans prendre la peine maintenant de dissimuler ta fébrilité. Il faut que tu comprennes. Elle veut quelque chose, visiblement, et c'est à toi de savoir quoi. Le marchandage est, en règle générale, un art dans lequel tu excelles. Te vendre, les faire rêver, redoubler d'imagination pour établir le catalogue de ce que tu as à offrir. Et là, le néant. Une conversation avec un type pas bavard ? Non. Une baise ? Non. De l'argent ? Non. La réflexion est impossible quand tu ne peux penser qu'à ce que tu veux toi. Tes yeux bleus qui ne font plus l'effort de feindre la chaleur errent un instant sur la silhouette à moitié nue, avant de remonter sur son minois, sévères.


    Qu'est-ce que tu veux, à la fin, fillette ?

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Angele
Il était à point. Cuit. En l'état parfait pour qu'elle lui demande ce qui lui germait en tête depuis plusieurs minutes à le voir ainsi, quémander, réclamer, se désespérer pour une petite poignée de chanvre. Angèle se mordit la lèvre inconsciemment, carnassière, parce qu'elle les aimait, ces moments de faiblesse où un homme pouvait lui manger dans la main. Jeune, la pie l'était, mais avait aussi traîné un bon paquet d'années dans les quartiers peu recommandables de Marseille sous la houlette du parrain de l'un d'entre eux, à devoir se plier à certaines exigences pour ne pas recevoir ses coups. Cette période lui avait forgé un certain caractère, mais l'avait aussi poussée à mieux comprendre comment manipuler et jouer avec ses victimes. Dans les ruelles parisiennes, Angèle avait pu continuer à s'y employer, maladroitement parfois, risquant souvent de se faire griller ou courant assez vite pour que la maréchaussée ne s'emploie pas à la coller aux fers. Sa rencontre avec Evroult au cœur de l'Aphrodite lors de la soirée d'ouverture lui avait aussi ouvert les yeux sur le pouvoir des mots et de la séduction. Avec Ludwig, la pie découvrait maintenant celui du chantage, de la filouterie mise en œuvre face à un état de manque, et il y avait de quoi titiller sa curiosité et son envie d'aller plus loin encore. Jusqu'au point de rupture. Où il risquait de lui en coller une si elle continuait son petit manège. Bégueule, la brune savait aussi qu'à trop jouer avec le feu, on pouvait facilement s'y brûler, et le courtisan était sans doute loin d'être un enfant de chœur.

Prenant la pipe entre ses doigts, elle se mit à jouer avec, le regard toujours fixé sur le brun dont elle avisa les traits. Angèle avait bien remarqué qu'il était beau gosse, forcément, les courtisans n'allaient pas se trimballer avec une tronche pas possible. Les yeux bleus, pourtant, n'avaient pas été perçus à leur juste valeur, perçant et vifs, habituellement arrogants mais ayant perdu, par moment en cette soirée, leur superbe, à part lorsqu'ils parcouraient sans en avoir l'air ses courbes nonchalamment disposées sur le pieu. C'est qu'il aurait pu lui plaire, si elle n'avait pas tant à lui faire chanter. Ou du moins s'y laissait-il prendre, chanvre en tête, prêt sans doute à n'importe quoi pour s'enfumer les poumons et l'esprit et voguer vers d'autres cieux.

D'une moue, Angèle retourna à sa position initiale, roulant sur le dos, pieds allant à nouveau se caler au mur pour y libérer les jambes nues, cheveux étalés sur le drap narguant les cuisses du courtisan assis, là.


Petit joueur... je suis déçue, je t'aurais cru plus inventif ! Sans doute que baiser à longueur de temps ramollit un peu les esprits.

Peste, la brune l'était, à jouer des nerfs jusqu'à les faire craquer. Limites bientôt atteintes si l'on avisait les mains frottant le visage et la nervosité apparente.

C'est simple, je te file de quoi fumer et tu diras sagement aux tauliers ce qu'ils veulent entendre sur ma pomme. Que j'file droit, que tu m'as observée et que je suis rentrée dans le moule. Une vraie petite employée modèle, quoi !

C'était un peu aller se jeter dans la gueule du loup que de balancer un truc pareil mais ça se tentait. Il avait été le seul des employés à la voir se faire coincer, il devait donc bien se douter qu'elle était surveillée comme le lait sur le feu. Et si elle pouvait gagner un allié dans le lupanar, ce serait plutôt une chose non négligeable. Quant à la baiser, peut-être que ça pourrait s'envisager, après tout, autant joindre l'utile à l'agréable.
Ludwig..
    Une vraie petite employée modèle, quoi.

Tu répètes, d'un ton empreint d'une ironie palpable. Ignorant jusqu'à la nature de ses fonctions ici, tu ne sais rien d'Angèle, si ce n'est qu'elle dérobe colliers, bracelets, perles et diamants et que, douée dans son domaine, elle n'en a pas moins été prise sur le fait. Dieu seul sait ce qu'elle a dû offrir pour jouir encore du droit de flâner entre les murs de l'Aphrodite. Et sa demande vient te prouver que, loin d'avoir fait amende honorable et de s'être rangée, elle poursuit ses forfaits dès que les regards ne sont pas braqués sur elle. Une vraie petite employée modèle, voilà ce qu'elle n'est pas, certainement pas. Alors, feignant d'avoir quelques scrupules à trahir le couple propriétaire, tu ne livres pas d'emblée ta réponse et laisses les secondes s'égrener. Infime vengeance contre le temps qu'elle se plaît à étirer depuis ton entrée et la patience qu'elle met à mal, te torturant de ses sourires.

Aucune hésitation en réalité quand, évidemment, de ta bouche, les tauliers n'entendront désormais que des louanges pour la petite voleuse. Mentir ne t'effraie pas, mentir t'amuse, mentir représente ton fonds de commerce et, somme toute, ce prix qu'elle impose est dérisoire. Bien sûr, il n'est pas dans ta nature d'assurer les arrières de tes compagnons, encore moins ceux de tes collègues, mais le jeu en vaut la chandelle. Du chanvre, la fin de ta tourmente, en échange de deux ou trois maigres entorses à la vérité. Et puis, si la position d'allié devient trop pesante et menace un jour ta propre place, tu resteras libre de te montrer infidèle. Ta loyauté demeure subordonnée à tes intérêts, elle ne te connaît pas assez pour le savoir, a probablement la naïveté de te croire honnête, et il n'est pas de ta responsabilité que de lui apprendre qu'il faut se méfier des catins. Brunette ne réclame finalement que des mots, qu'un engagement qui n'engage à rien. Parfait. Soulagé déjà par la perspective de fumer bientôt, un air fier et satisfait s'installe sur ton visage tandis que tu suis son basculement d'un regard.

Le silence ne dure pas car, s'il te plaisait de ménager un peu de suspense, ton attente à toi n'en a été que trop longue et ta pipe s'agite entre tes doigts, prête au service. Les mirettes s'attardent un instant sur la courbe des cuisses dévoilées, avant que tu ne te penches et que, d'un baiser appuyé à son front, tu ne conclus votre accord.


    Bien. Ton nom. Donne-moi ton nom, mignonne. Et de quoi fumer. Ensuite, peut-être, je te montrerai que baiser à longueur de journée ne ramollit rien du tout.

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Angele
Pour une ridicule poignée de chanvre obtenue en échange d'une bague de mauvaise facture, la pie ne s'en sortait pas trop mal. Tout se monnayait, oui, et tout se volait, aussi. L'argent, elle ne le gagnait pas à la sueur de son front, ou alors si peu que ça en était risible. Alors il fallait bien aller le chercher ailleurs, et le ailleurs restait au lupanar dans les poches des clients ou autour de leurs cous et de leurs poignets. A rajouter à cela l'excitation que cela provoquait chez elle de louvoyer entre les courtisanes et les hommes à leurs pieds sans que personne ne se rende compte de rien. Oui, la pie était bien ici, et contre une poignée de chanvre, le jeu en valait la chandelle de se créer quelques alliés. Évidemment, elle n'était pas naïve au point de croire que sa promesse serait éternelle, mais plus longtemps cette dernière pourrait durer, mieux ce serait.

A sa phrase répétée, Angèle eut un sourire goguenard. Il se moquait. Ouvertement. Mais qu'importe, pour l'heure, c'était elle qui détenait les cartes. Ludwig pouvait bien la tancer tant qu'il le voulait, il n'en restait pas moins que le chanvre, le courtisan aux yeux bleus n'en avait pas encore vu la couleur. Au silence aménagé, la brune resta stoïque, n'ayant pas grand chose à perdre de son côté. A part peut-être le fait qu'il relève son cul et aille baver auprès des tauliers. Mais depuis quelques semaines, toutes les précautions étaient prises pour que nul bijou ne puisse être découvert dans sa piaule. Le risque était minime, donc.

Insolente et insouciante, Angèle l'était assurément, peut-être un peu plus l'un que l'autre, suivant les instants. Et sans doute que ses taquineries avait piqué Ludwig à vif vu sa dernière remarque. Au baiser sur le front, Angèle répondit en un rire sonore avant de se relever et se retrouver les pieds au sol, campée sur ses gambettes face à lui.


Angèle, mon beau ! Et moi, je sais comment tu t'appelles, garçon !

Car son rôle ici, ironiquement, était bien de surveiller les employés de la maison. Angèle connaissait donc ses habitudes, les femmes qui avaient sa préférence, la chambre où il allait le plus souvent, voire même les positions qu'il affectionnait le plus. C'était ça, être l’œil de Moscou dans un tel établissement. Le tout était de rester discrète, et si Ludwig n'avait pas même encore une fois entendu son prénom, c'est que le rôle était tenu à merveille, ce qui la mit en joie.

Nous verrons bien si après une pipe de chanvre tu feras toujours autant le fanfaron. Ferme les yeux, maintenant, on se connaît pas encore assez pour que tu saches où je planque mes petits secrets.

Et pour continuer dans le petit jeu à la con dans lequel elle s'était embarquée, la pie posa deux mains sur ses cuisses pour s'y appuyer et déposer au front du courtisan un baiser. Se détournant ensuite, elle alla fouiller dans une paire de chausses traînant nonchalamment dans la pièce, planque tellement évidente que personne n'irait y fourrer les mains. Une petite pochette en cuir fut sortie de sa cachette, et Angèle alla se planter à nouveau devant le brun, la faisant tournoyer devant son visage en la maintenant par les liens la refermant.

Marché conclu.
Ludwig..
    Angèle, vraie petite employée modèle.

Là, tu te moques. Ouvertement. C'est que son prénom à lui seul constitue un trait d'ironie suffisant pour t'arracher un sourire narquois. Il est un fait étonnant mais accepté depuis longtemps : tu ne parviens jamais à te souvenir des prénoms que grâce à un jugement, purement arbitraire et ne prétendant d'ailleurs pas être autre chose, sur leur adéquation ou non avec leur porteur. Ainsi, Axelle ne peut s'appeler qu'Axelle. Angèle, elle, aurait pu mieux choisir. Car si d'un ange, elle en a sans doute la gueule, elle n'en a définitivement pas le caractère. Quant à savoir si Ludwig est un nom qui te va bien, la question ne se pose pas, puisque ce n'est pas là celui que tes parents t'ont donné. Information que tu te gardes bien de faire remarquer, laissant à brunette la fierté de croire qu'elle sait ça de toi pour ne pas attiser une curiosité qui serait, de ton point de vue, plus gênante qu'amusante. Un jour, peut-être, tu la mettras au défi de trouver ton véritable prénom. Mais pas cette nuit.

Mains se posent à plat derrière toi, et, décidément plus détendu, tu attends ton dû. Garçon impatient mais obéissant, aucune réflexion n'est faite sur le baiser d'enfant posé à ton front et tes yeux se ferment, avec l'étrange impression d'être sur le point de partir dans une partie endiablée de cache-cache. Par bonheur, elle ne te fait pas attendre longtemps et, d'un buste redressé et d'un geste sec de la main, tu récupères la pochette agitée sous ton nez. Enfin. Autant enrageais-tu contre la demoiselle qui se plaisait à te faire attendre, autant savoures-tu maintenant ta victoire. Le mouvement est précis et savant lorsque tu prélèves de quoi remplir ta pipe et entreprends de la bourrer. L'habitude est évidente, nul besoin de regarder ce que tu fais et pourtant, le visage est concentré, l'attention fixée sur tes doigts qui s'activent avec une satisfaction non dissimulée. À dire vrai, tu ne sais pas ce qui te fait le plus plaisir, entre la drogue enfin obtenue et le silence à qui toute la place est désormais laissée. C'est que tu l'aimes, ce silence, ce calme soudain après la tempête des hurlements dans ta tête.

Alors que ta pipe est prête, le silence est finalement interrompu, remplacé par peu de mots et beaucoup de menaces.


    Oh, une chose. Ne parle pas de mon état de ce soir à qui que ce soit. Tu parles, je parle.

Le spectacle que tu as montré était tout à la fois ridicule et pathétique, tu es le premier au courant. Et si tu es également conscient de donner ici une arme pour te battre, il n'en demeure pas moins que des précautions doivent être prises. Angèle restera la seule à disposer de cette arme. Il est de notoriété publique que tu es un fumeur invétéré, certes, mais tu ne tiens pas à exposer au monde la faiblesse que peut créer chez toi le manque, qui fait disparaître et l'arrogance et l'impertinence et ne révèle qu'un animal impatient et prêt à tout pour trois brins d'herbe. D'un nouveau sourire, résolument fanfaron, et d'une pipe installée entre tes lèvres par une main qui ne tremble déjà plus, tu tends la pochette à sa propriétaire et, sans transition, te fais plus léger.

    Tu fumes avec moi, fillette ?

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Angele
Il s'était moqué, encore, et Angèle n'en a eu cure, la brune ayant juste eu envie d'aller mordre ce petit sourire narquois naissant à ses lèvres. La pochette dansa devant les yeux clos avant que ces derniers ne s'ouvrent, découvrant la lueur mélangée d'intérêt et de soulagement dans les prunelles. Le sexe, la drogue, l'alcool, le pouvoir, les hommes étaient décidément si vulnérables face à certains plaisir intenses de la vie. A peine le regard a-t-il accroché le cuir que ce dernier est arraché des mains de la pie qui ne chercha pas à le retenir. Plantée devant lui, les bras se croisèrent sur sa poitrine, relevant un peu plus la chemise à hauteur de cuisses, observant le manège de la préparation de la pipe. Il ne tremblait presque plus, et pourtant chacun de ses gestes portait en lui la nervosité de l'attente bien trop longue et l'envie du corps de ressentir les effets de la drogue se distillant aux poumons puis au sang palpitant dans chaque membre.

Enfin, la voix masculine et chaude emplit à nouveau la pièce, soudain beaucoup plus sûr de lui.


Tu parles, je parle, répéta-t-elle, moqueuse, promesse avouée sans fard, les liant tous les deux plus qu'ils ne l'auraient imaginé au départ. Car finalement, ne venait-il pas, lui aussi, de lui donner de l'eau à rajouter à son moulin ? C'était à se demander qui tenait le plus fort l'autre par les couilles en cet instant.

D'un geste vif, la pochette fut récupérée et balancée sur le lit que la pie ne tarda pas à rejoindre à nouveau, s'asseyant les jambes en tailleur pour observer le courtisan qui lui faisait face.


Manquerait plus que je fume pas ma propre came, tu doutes de rien toi !

Et quitte à se payer une soirée de défonce, autant y aller sans filtre et sans retenue. Elle regarda la fumée s'envoler en volute dans la pièce quelques instants avant de reporter son attention sur Ludwig.

T'es plus tout jeune, ça fait longtemps que tu joues les courtisans ? Demanda-t-elle avant d'arracher des mains la pipe précédemment allumée pour la coller à ses lèvres, sentant ce moment sensuel où ces dernières allèrent goûter à la salive s'étant attardée sur le bois. Deux bouffées allèrent s'échouer à ses poumons qui les gardèrent le plus longtemps possible avant de confier à nouveau la pipe aux lippes voisines.

Comment tu fais pour réussir à avoir envie de toutes ces femmes, même quand elles sont moches, vieilles ou ridées ?

Parce que tout ça restait un mystère pas encore percé pour la pie qui observait tout ce petit monde depuis quelque semaines. Et c'était la première fois qu'Angèle pouvait en parler ouvertement avec un courtisan, autant en profiter.
Ludwig..
Sitôt la pipe allumée, tes poumons se remplissent à n'en plus pouvoir, s'abstenant d'un oxygène qui ne peut qu'être superflu quand le chanvre, lui, a une mission à accomplir. Paupières lourdes ne trouvent pas la moindre trace de lutte et se ferment en même temps que le calme se fait, que la silhouette s'affaisse, que l'âme s'extirpe doucement du corps pour flotter dans une fugue libératrice. Plus la frustration est longue, plus le plaisir est intense. Alors chaque bouffée est appréciée à sa juste valeur, en témoigne le silence religieux qui entoure la scène. Que la demoiselle se taise, qu'elle respecte le sacré du moment, au moins un peu. Mais elle ne se tait pas, bien sûr, et s'il n'y avait cette atrophie délicieuse qu'accentue chaque bouffée, sans doute l'aurais-tu bâillonnée en arguant qu'on ne gâche pas un tel bien-être avec des paroles incessantes. Non, même les piaillements voisins ne sont qu'une mélodie lointaine qui ne saurait agiter la moindre vague dans l'extraordinaire calme et la charmante béatitude de l'océan.

La pipe arrachée, elle, en revanche, force un œil à s'ouvrir, puis l'autre, et tes pieds atterrissent peu à peu sur le sol de la réalité. Pour n'avoir pas l'air tout à fait défait, et parce que bien malgré toi tu t'es laissé couler, tu redresses un brin ton dos, ta paume vient trouver appui sur le matelas, et ton buste se tourne vers la demoiselle. Une réponse expéditive, d'abord.


    Une dizaine d'années.

Le sujet ne mérite pas davantage de développement et l'heure n'est pas aux angoisses existentielles sur ce que tu as fait de ta vie. Alors que tu aurais aimé pouvoir reprendre ta fumette et te laisser planer, elle reprend la parole et t'arrache un soupir. Une fois que ses mots ont réussi à se frayer un chemin au travers de tes pensées embrumées pour trouver leur sens, pourtant, un sourcil se hausse, partagé entre étonnement et amusement. Quelle étrange question. Que cherche-t-elle à savoir ? Cynique, pour un peu, tu entendrais, derrière sa phrase, le fameux "tu me trouves pas trop grosse ?". Mais ça n'est sans doute pas le souci de la pie, et il n'est somme toute pas surprenant que celle qui vit entourée de courtisans finisse par s'interroger sur ce qui se trame dans la caboche de l'un d'eux. Tu te laisses le temps d'une réflexion prolongée, sens et esprit gentiment ralentis par le chanvre, et finis par servir ta réponse avec une lenteur sereine.

    J'ai envie d'elles parce que je les aime, toutes. Toutes, quelque part, elles sont belles, tu vois ? Celle-ci a le visage ridé, mais aussi le regard le plus fascinant de Paris. Celle-là a mauvais caractère, mais un de ces culs... Celle-ci manque de formes, mais jamais femme n'a eu de soupirs plus flatteurs. Celle-là est une affreuse petite voleuse, mais son sourire ferait fondre des glaciers. Légère pause, au cas où le message ne serait pas bien passé. Puis de conclure : Et si vraiment, ça ne veut pas, il suffit de fermer les yeux et de penser à quelqu'un d'autre.

Sans affecter une pudeur dont Angèle elle-même ne prend pas la peine de s'habiller, tes yeux glissent de son visage à ses seins, et de ses seins à ses cuisses, avant de faire le chemin inverse en portant ce petit rictus indécent que tu aimes tant. C'est qu'aussi résolu sois-tu à la détester, celle qui jouait à fumer sous ton nez de malheureux camé est soudain devenue messie, et que son seul défaut se trouve dans une insolence que tu ne peux haïr, puisque tu la partages. Il n'est donc peut-être pas si déplaisant de lui parler. Juste avant de retrouver le goût de ta pipe, tu articules péniblement :

    Que fais-tu ici, toi ? Je veux dire, à part vider des poches et poser des questions aux grandes personnes.

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