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[RP] La manouche devenue duchesse, épilogue.

Diego_casas
[Devant l'Aphrodite, dans une ruelle , avec Lenu]


« Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées »

Alfred de Musset - On ne badine pas avec l’amour - Acte II, Scene 4, extrait



Les femmes étaient des petites choses emmerdantes. Le Casas le savait depuis belle lurette, raison pour laquelle il ne les accueillait dans son lit jamais bien plus longtemps qu'une semaine ou deux, sauf quand elles étaient assez idiotes pour avoir la bonne idée de lui faire des présents hors de prix. Alors, le temps de s'en mettre plein les poches, il passait outre leur futilité et leur humeur calquée à celle de la lune. Enfin, si leur lune était assez pleine et douce pour que l'envie lui reste d'y laisser l'empreinte envieuse de ses mains.

Les femmes étaient des petites choses emmerdantes et le spécimen devant lui ne faisait que renforcer son opinion. Elle avait voulu l'acculer de questions, l'avait frappé de n'avoir pas su encaisser ses réponses, et voilà que maintenant, elle remontait vers lui des prunelles bien trop luisantes pour être honnêtes. Nom de Dieu, étaient donc toutes pires les unes que les autres ? Croyait-elle vraiment, cette petite sotte, qu'il allait se faire taper sur la tronche sans réagir à l'heure où elle pouvait simplement se montrer heureuse qu'il ne lui en ai pas retourné une ? L'exemple familial lui avait pourtant bien nettement montré le chemin pour être tranquille. Mais celle-ci, de route, il n'avait jamais voulu la suivre. Par bonté d'âme ? Peut-être. Persuadé qu'il existaient d'autres armes bien plus perfides quand les furies s'éveillaient ? Sans le moindre doute.

Aussi, plissa-t-il les yeux en la regardant encore, s'assurant avant de la libérer qu'il ne risquait pas de s'en prendre une dernière. Et quand enfin il en fut, sinon persuadé - comment accorder la moindre confiance à la girouette face à lui – mais du moins à peu près rassuré, il la lâcha, reculant de quelques pas en essuyant sa lèvre de la pulpe de son pouce avant de d'examiner son doigt avec indifférence pour mieux l'essuyer sur sa cuisse.

Pas besoin de soins pour ça, c'est qu'une lèvre fendue. Répondit-il sans même y penser vraiment. Puis contournant la donzelle, vint ramasser le couteau oublié sur les pavés pour le ranger à la ceinture, avant de s'éloigner. Dans sa colère, la brunette n'avait pas même remarqué ce manche d’ébène noir où des volutes dorées enlaçaient un « C » qui aurait pu éveiller une suspicion bien légitime. En fait, en y pensant bien, il l'aimait bien, le petit roquet.

Il fit quelque pas avant de s'arrêter et de revenir vers elle, se plantant face à la brunette qu'il observa un long moment. Puis lentement, sa main monta vers le cou gracile, l'index effleurant sans presque la toucher la petite cicatrice qui s'y allongeait.


Tu ferrais bien d'être plus prudente à l'avenir. Qui sait sur qui tu peux tomber.


Et sans un mot de plus, rabattant son chapeau sur son front, fit volte face et regagna l'ombre salutaire.
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Lucas.

~~ Cour de la Jussienne et Droguerie, "Reprise en mains" ~~



Éclairs zébrant le ciel, pluie cinglant son visage, vent prenant en otage des mèches blondes n’ayant pas résistées aux assauts des rafales, tête basse, visage fermés, lèvres serrés, c’est en ces termes que l’on aurait pu décrire la silhouette et l’état d’esprit de l’homme qui déambulait dans les rues de la cour de la Jussienne. Il n’y avait peut-être pas de tempête au dehors mais celle qui frappait à l’intérieur de sa tête était suffisamment violente pour lui faire ressentir des frissons sur ses joues barbues et sur son front. Quelques instants auparavant, Lucas se trouvait dans la chambre de Rose. Celle-ci avait annoncé aux galants réunis la probable mort d’Axelle Casas d’Aunou, propriétaire de l’Aphrodite.

Depuis qu’il avait trouvé refuge à l’Aphrodite après ses déboires personnels, le parisien avait fait son chez-soi de l’établissement réputé dans le tout-Paris. Il s’était fait une place dans le microcosme aphrodisiaque, dédaignant les faibles, ignorant ceux qui ne seraient toujours que de vulgaires catins et qui avaient plus leur place dans le bouge de Julot et Théodora, tissant des liens avec ceux qui avaient un intérêt à ses yeux. Il s’était fait à l’Aphrodite comme Aphrodite devait se faire à lui, avec ses qualités et ses défauts. Un refuge, un sanctuaire en quelque sort, un endroit où il pouvait rencontrer de belles dames et se faire payer pour satisfaire leurs désirs, un espace où il aurait la possibilité de refaire son réseau de contacts en toute sécurité, voilà ce que représentait à ses yeux cet endroit au moment où Flavien lui avait fait cette proposition. La mort d’Axelle remettait tout en question.

Combien de temps avait-il déambulé, seul avec ses pensées, dans les rues de Paris? Il n’aurait su le dire. Cela n’avait pas d’importance. Il avait besoin de changer d’air. Le tournant qu’avait pris l’Aphrodite ces derniers temps ne lui plaisait pas. Ce soir qui plus est, il s’était laissé allé. Monty l’avait agacé. Il avait perdu le contrôle de ses émotions. Ce n’était pas lui, pas Lucas Dentraigues, l’homme qui peut être aussi froid avec ses opposants qu’il peut-être chaud dans les bras d’une comtesse en manque d’attention masculine. Perdre le contrôle de quoi que ce soit, pour le Maître, c’était tout simplement inacceptable. Il ne pouvait tolérer une telle faiblesse et il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même. D’aucun se serait morfondu, fendu en quatre pour se faire flageller d’avoir été si faible, aurait exprimé des regrets. Lucas Dentraigues préférait le silence, la solitude et une petite aide toute naturelle.

Il n’avait parlé à personne. En rentrant à nouveau dans l’antre d’Aphrodite, il avait croisé la petite fouine de Justine. C’est à peine s’il lui avait lancé un regard. Se débarrassant de son mantel, il le jeta dans sa direction. Après tout, c’était là le travail d’une domestique. C’était sa plus-value à elle dans cette entreprise, sa place. Au moins elle apportait une plus-value à l’établissement. D’autres n’avaient leur place que dans les latrines. Les lèvres serrées, ruminant ces pensées en silence, il avait pris la direction du sous-sol. Il avait rendez-vous avec une maîtresse de longue date.

La pièce était sombre, les odeurs de plantes qui flottaient dans l’air trahissaient sa vocation. Lucas ouvrit la porte de l’armoire située à la hauteur de sa tête. Il savait qu’il y trouverait ce qu’il cherchait. Il s’empara d’un petit pot de grès et le posa sur la table de travail qui portait les stigmates du temps et d’une utilisation corrosive. Un « ploc » caractéristique se fit entendre lorsqu’il fit sauter le bouton de liège. Plongeant sa main dans le pot, il en sortit quelques feuilles qu’il égrena dans un mortier. Il fit ainsi avec le contenu d’une deuxième jarre, mélangea intimement le tout en les amalgamant avec un peu de résine contenu dans un troisième flacon: sa maitresse lui tendait les bras, le décolleté était juste parfait: ni trop vulgaire, ni trop prude.

Le Maître prît place dans une chaise situé dans le coin de la pièce. Il porta à ses lèvres la pipe qu’il venait d’allumer et qui contenait la préparation qu’il venait de mélanger. Il tira une longue bouffée. Des odeurs enivrantes l’entourèrent d’un halo de bien-être. Les yeux fixes rivés au plafond, la tête renversée vers l’arrière, les bras pendants de part et d’autre de la chaise, il se laissa aller aux plaisirs érotiques de son enfumante amante, celle qui le relaxait, celle qui lui faisait envie. Des volutes gris blanchâtres s’enroulèrent autour de sa tête blonde, tournèrent autour de son menton pour délivrer son colis sensuel, agacèrent ses lèvres de passementerie délétère. Il se trouvait loin, très loin d’ici, oubliant sa faiblesse passée et les incertitudes futures que la mort du manouche avait instillé dans son esprit.

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Lenu
Si les hommes aiment les femmes silencieuses, c’est parce qu’ils sont persuadés qu’elles les écoutent.
Sacha Guitry.


Ruelle en face de l'Aphrodite, avec Diego.


Danse achevée dans le détachement des corps et des doigts devenus liens à son poignet. Italienne tant survoltée à son habitude, devenue figée. Statue de sel, sous un regard qu’elle connaît que trop bien. Là est la faiblesse de Lénù, là est l’avantage de Diego : ces traits qui reflètent la Zingara. Et toute son attention était portée dessus, comme si elle se nourrissait du reflet renvoyé sans prendre garde au reste autour. Sinon elle l’aurait vu, ce couteau bien connu gisant au sol alors qu’il le ramasse et là, certainement que l’incendie se serait allumé déclenchant la furie en elle.

Battement de cils, silence accroché aux lippes.

Prendre la dernière pulsion de la drogue en elle, s’adosser au mur en le laissant partir et relever le minois à l’ombre approchant. Lui, de nouveau. Battement de cils, lèvres s’entrouvrant silencieusement. Elle l’Araignée, devient proie, le laissant glisser une main à son cou qu’il pourrait serrer jusqu’à le briser. Aucun geste afin de le repousser. Un frisson lui mordille l’échine, cicatrice par trop sensible, marque de la Casas. Voix rauque venant souffler à son esprit tourmenté et éthéré :
« Idiote. Arrête cette foutue drogue ça te fais faire n’importe quoi. Il aurait pu te tuer dix fois que tu n’aurais pas réagi. »

Plante le couteau dans la chair, vrille la blessure, avive-moi, ravive-moi Axelle. Je me perds… *

Prunelles sombres glissant sur l’ombre avalant Diego. Etre plus prudente ? Elle qui a la mort pour amante, elle qui se sent vivre que quand le danger l’enveloppe de ses bras, elle a basculé dans la couche du Diable et ne désire pas s’en relever, elle qui passe ses nuits à chasser et à étudier la torture, dernières frontières franchies, aller simple pour les Enfers. Lèvres carmines murmurant enfin une réponse :

Je sais. Oui je sais, Axelle.

Elle ne sait combien de temps elle est restée là, à observer l’ombre, avant de ramasser le petit coffret de bois et sa besace. Avant de rejoindre l’Aphrodite, soucieuse, les sourcils légèrement froncés.




Viens dans mon petit salon
Dit l'araignée à la mouche,
J'ai un petit quelque-chose ici.
.
Lullaby. The Cure.


Dans la Droguerie avec Lucas "Prise en main"


Il lui aura fallu une séance aux bains pour se détendre et sortir des crochets puissants des opiacés. De plus, elle devait se soumettre à l’ordre de Justin attendant qu’obéissance en réponse. Pourtant il sait, qu’elle n’est pas du genre à écouter, plutôt libre et impulsive. Mais l’ordre était clair « C’est ça ou rien ». Il devait même s’en amuser, et elle en ronchonne en rejoignant son antre qu’en plus elle devait partager avec la mère du Duc. Oui, elle ronchonne, obligée de se retrouver engoncée dans une robe, oui une robe ! Une robe au noir soyeux, elle a au moins négocié le fait de choisir la couleur ! Imaginez, un corps aux mouvements libres dans des braies se retrouvant dans un carcan de tissus qui bien entendu met en avant sa poitrine, dessine sa taille délicate et lui emmêle les jambes dans un tourbillon de froufrous. Et ces poulaines, c’est affreux ! Combien elle comprend Axelle qui souvent se mettait pieds nus. D’ailleurs c’est ce qu’elle fera. Pas de raisons à se mortifier et se prendre encore plus les pieds dans les jupons. Autant avoir les orteils libres ! Et ce bruissement soyeux interpellant l’oreille et l’obligeant à tourner le minois quelques fois tant elle est persuadée qu’on la suit. Bordel… Comme elle se sent bête, gauche, et humiliée. Voilà, humiliée ! C’est ce qu’elle mettra dans la trogne de Justin qu’elle imagine bien se gausser d’elle.

Toute à ses pensées, l’Italienne n’a pas remarqué la porte restée à peine entrouverte et qu’elle referme derrière elle, poulaines relayées dans un coin, mains fines relevant légèrement les jupons soyeux de la robe alors qu’elle s’immobilise. L’Araignée relève le menton, nez détectant une odeur bien connue, sourcil s’arquant. Elle se retourne dans un bruissement de tissus qui lui fait claquer la langue d’agacement alors que les orbes sombres glissent sur la table. Pieds nus sur la fraicheur du sol, elle avance jusqu’à toucher de la pulpe des doigts le mortier abandonné et d’enfin poser les prunelles noires sur l’importun, le violeur d’antre, le voleur de paradis artificiel. Lentement elle s’en approche telle l’Araignée sur une proie. Elle capte les bras ballants, en retire délicatement la pipe, minois angélique se penchant doucement au-dessus de celui de l’homme.

Ta tête est plus légère qu'une plume
Regarde comme tu ne vas pas mieux
Tu ne vas pas mieux…

Korn/The Cure. Coming undone/Lullaby. (Texte remanié pour le RP)

Les lèvres charnues ébauchent un léger sourire, prunelles sombres plongeant dans les abysses grisées, abysses profondément lointaines. La pulpe se fait légère caresse dégageant l’ovale masculin d’une mèche aurifère rebelle. Quand encore en elle résonne l’avertissement du Casas, les lèvres s’amusent à le murmurer à l’homme qui a commis l’erreur de venir se servir sans scrupule dans son antre.

Tu ferais bien d'être plus prudent. Qui sait sur qui tu peux tomber.

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Angele
Elle les avait écoutés sans un mot, ne pigeant pas un broc de tout ce qui sortait de leurs bouches respectives. Le combat de coq semblait surtout retenir son attention, toute amusée de voir les deux hommes se balancer des fions à un rythme effréné. Pour le reste, il y avait tout de même certaines choses qui s'ancraient en son cerveau, et elle tentait de tout emmagasiner pour pouvoir s'en servir ensuite. Il ne fallait pas oublier qui était son patron et pourquoi elle recevait un petit salaire à la semaine. Balancer les informations importantes était aussi son gagne pain au sein du bordel et là, fallait dire que la pie était diablement bien servie. Les sorties qui suivirent les monologues des deux putains furent plus ou moins théâtrales, et le sourire scotché sur les lèvres de la jeune voleuse prouvait que le spectacle l'amusait finalement beaucoup.

La courtisane se leva à son tour, posant une main sur la poignée de la porte, sans doute pour leur montrer en un geste que leur départ de sa chambre était souhaité. Elle répondit au sourire de Montparnasse et à sa réflexion avec le même amusement, un petit rire sortant de sa gorge. Elle non plus n'avait jamais trop porté Lucas en son cœur et s'en méfiait, bizarrement, plus que les autres. Sans doute son air hautain qui ne passait pas auprès de celle qui avait grandi dans les rues de Marseille et s'était forgé son caractère dans celles de la capitale. N'ayant pas pris le temps de s'asseoir, ses pas la poussèrent jusqu'à la porte qui venait de se refermer à nouveau sur Montparnasse, posant son regard émeraude sur Elle.


J'crois qu'ils devraient baiser un bon coup ces deux là...

Sous-entendu, peut-être que se retrouver dans un pieu à deux les décoincerait un peu. Un clin d’œil ponctua sa sortie pas du tout fine et la porte fut ouverte pour s'engouffrer à l'extérieur, ruminant tout de même l'air de rien les paroles prononcées par tout un chacun au sujet du décès d'Axelle et du futur de l'Aphrodite. Un petit tour dans le bureau de Justin s'imposait, discrètement, mais seulement dans quelques jours. Tout devait se tasser un peu avant.
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.elle

~~Chambre d'Elle~~

    Inspiration profonde au sourire offert par Monty, celui des bons jours de la rose n'ayant pas plus envie de poindre que celui des mauvais sur les pétales de la bouche de la galante quand le regard fût jaugé et interprété à sa juste valeur.
    Rire mesquin, pic puéril de l'androgyne, pour la première fois depuis son arrivée "Elle" apprécia de voir Montparnasse prendre le large dans une fermeture lente des paupières, une affection singulière existait envers le ténébreux, ça n'était un secret pour personne, ils s'étaient connus avant l'Aphro, client actif pour certaines séances, ami attentif au déniaisment d'un jeune blond pour d'autre, mais aujourd'hui le masque offert lui était désagréablement inconnu.
    Le froissement d'étoffe des mouvements d'Angèle lui fit rouvrir volets sur miroirs de l'âme, elle n'avait pas pipé mot pendant le combat de coq, toujours discrète mais pas moins attentive, pie à l'affut en quelque sorte et se fut finalement la fraîcheur désinvolte et le franc parler de l'écorchée vive qui réussi à tirer un léger sourire, même si fugace, à la florale au moment de sa sortie, rayon de soleil au milieu des bourrasques voilà ce qu'était la petite voleuse en cet instant.

    Chambre désertée et havre de paix retrouvé, malgré la tempête qui venait d'y frapper, le regard chlorophyllien parcouru les dégâts matériels dans un soupir traduisant une foule de sentiments contradictoires et qu'elle n'aimait devoir subir.
    Attrapant sa jupe pour la soutenir, "Elle" plia genou pour ramasser une petite boite au milieu des débris de verre du vase et des pétales de rose séchés.
    Délicatement les mains avaient enveloppés l'objet de son attention, le déposant sur ses genoux repliés au sol, vérifiant d'une rapide ouverture et d'un coup d'oeil que rien ne s'était échappé du petit coffret de bois.
    Le fond du vase brisé rapatrié de la main gauche se mit alors à recevoir ses morceaux brisés ramassés avec précaution, effacer le passage de l'ouragan lucano-montyen et passer à autre chose, voilà ce que souhaitait Rose, avancer...

    Se redressant après avoir nettoyé le plus gros, la boite à ses genoux lui était sorti de l'esprit et cherchant à la rattraper d'une main le vase cassé glissant dans l'autre fut retenu au prix d'une paume senestre entaillée, provoquant une grimace et un geignement douloureux chez la brune galante.
    Il y avait des journées comme ça où quand ça ne voulait pas...
    En était-ce une ? Oh que oui
    Le vent tournerait-il ? Aucune idée
    Continuer à avancer ? Pas d'autre choix

    Reliquat de vase déposé sur la console, "Elle" prit le temps de raccrocher le portrait au mur alors que sa main distillait gouttelettes carmines sur le bois du meuble sans qu'elle n'en ai cure.
    Monomaniaque du rangement et de l'ordre ? Possible oui, l'épineuse aimait voir les choses à leur place surtout quand le chaos provenait de quelque chose de négatif, de néfaste.
    Insensible à la blessure? Aucunement, mais son corps et son âme avaient été tant de fois soumis à la douleur qu'y accorder de l'importance ne faisait que la rendre encore plus vivante. Oublier pour ne pas ressentir, adage utile à bien des égards.

    Chambre "rangée" les pas de la florale glissèrent vers son armoire, l'ouvrant pour sortir un morceau d'étoffe cotonneuse, un ruban et une mitaine en passementerie, de quoi... nettoyer, maintenir un pansement et dissimuler tout ceci, ce qui fût fait sans attendre après avoir glissé le petit coffret entre les deux piles de linge pour le cacher au plus profond de l'armoire.
    Tout était... correct, mais l'heure était maintenant à trouver Lucas pour voir à le calmer et ne l'ayant jamais vu dans un tel accès de rage, il était en fait à avouer qu'elle ignorait bien où le trouver.


~~Méandre de l'Aphrodite~~

    Tour rapide de l'Aphrodite, des endroits qu'il côtoyait, évitant le quartier de l'intendance où elle le savait ne pas se rendre, Lucas se faisait "servir en chambre" le trouver dans les cuisines eut été utopie, mais...
    Vérifier par acquis de conscience, saluant les chambrières profitant pour signaler le besoin d'un nouveau vase et d'un nettoyage plus approfondi chez elle, n'ayant pas vu le bout d'une mèche blonde masculine comme elle s'y attendait.
    Par deux fois Rose était passée à proximité de la droguerie en venant au sous-sol, ce renfoncement exigüe, minuscule cloaque sombre, mais jamais elle n'aurait supposé y trouver le Dentraigues en train de se laisser aller à l'un de ses vices.
    D'autant qu'il était de notoriété ici que quiconque entrant dans l'antre de Germaine le faisait à ses risques et périls, et surtout à celui de son séant, si pas pire, vu la tambouille qu'elle trafiquait la-dedans.


~~Chambre de Lucas~~

    Le terme logique de la recherche se termina par l'alcôve du blond, sachant qu'elle ne l'y trouverait probablement pas, mais quitte à chercher en vain autant attendre à un endroit où il finirait indubitablement par revenir, la porte avait donc été poussé et la chambre investie.
    Point de Lucas, mais ce ne fût pas une surprise, juste la réminiscence d'un matin particulier où le visage de la rose s'était animé d'un sourire en l'apercevant endormi le nez sur les parchemins.
    Avec sa délicatesse habituelle, "Elle" avait regroupé les feuillets pour venir prendre leur place, les gardant posés sur ses cuisses, n'osant tirer sur celui se trouvant sous la joue du chevelu blond dont les traits se trouvaient barrés des filins de soie.
    Douceur de doigts habiles était venue déplacer l'or capillaire pour dégager le visage qu'elle appréciait plus que nécessaire surement, revers d'un index venant effleurer la joue barbue d'une caresse.
    Réminiscence d'un moment précieux qui lui aurait presque fait oublier la gravité de l'instant présent... presque...
      Lucas... où es tu...

    Un soupir long filtra entre les lippes de la rose alors qu'elle se tournait vers la fenêtre, iris herbacées observant le balai du va et vient incessant dans les ruelles de la cour jussienne sans vraiment les voir, esprit préoccupé vagabondant ailleurs.

_________________

Merci JDMonty
Lucas.

~~ Droguerie de l’Aphrodite, « Mains mises de taille » ~~


Il s’était juré de mettre fin à cette addiction. Elle lui avait causé trop de troubles par le passé mais dès qu’il avait mis les pieds dans l’Aphrodite, cette pièce avait immédiatement capté son attention: le petit recoin sombre au sous-sol de l’établissement contrastait avec le faste éloquent du reste du bâtiment. Des pensées ancrées dans un passé guère lointain l’avaient assailli alors que Flav lui parlait. Pendant un moment, il avait décroché de la conversation, les paroles du métis s’étiraient tel un voile translucide en pleine déliquescence. Sa voix se fit caverneuse alors que le passé se transposait au présent. Il était revenu devant cet abîme, avec cet orgueil qui le caractérisait, cette force qu’il pensait inébranlable et qui était son bouclier protecteur contre tous ceux qui cherchaient à l’abattre. Devant lui, au sol, gisaient les corps inertes de ceux qui avaient essayé de se mettre sur son chemin. Derrière lui, le précipice. Toute sa vie durant Lucas l’avait longé car c’était le chemin le plus direct qui menait à son objectif, qui servait son ambition. Il savait qu’il pouvait chuter à n’importe quel moment: une cheville qui se tort, un pas de travers, une rafale de vent trop violente. Lucas avait la foi que rien ne pouvait lui arriver, la foi la plus forte qui soit sur cette terre: il avait foi en lui. Dure fut la chute, violente fut le contact avec la réalité. Il se remit pourtant sur ses pieds, corps démantibulé, esprit choqué mais ténacité intacte. Ce qu’il avait perdu en confiance en soi se régénéra en partie. Le reliquat muta et se décupla en esprit de vengeance. Et tout ça, à cause d’une simple erreur, un moment d’égarement, une imprudence.

Dans toute l’Aphrodite, on disait que la droguerie était la place de Germaine et cette simple phrase était censée repousser tous les visiteurs indésirables: autant les blattes, les cafards ou les rats que les importuns sur deux pattes. Lucas n’en avait cure. Plus encore en ce jour de deuil où Germaine devait être plus qu’affairée auprès de d’Aunou. Fumer le détendrait, fumer lui permettrait d’oublier son erreur, de reprendre le contrôle sur ses émotions. Certes, il s’était promis de ne plus y céder mais ce jour était une exception justifiable, sans conséquence possible, comme la dernière fois lorsqu’il s’y était laissé allé dans son bain. Oui, fumer lui ferait du bien.

Le Dentraigues aimait cette sensation de glissade, ce moment où il essayait en vain de s’accrocher à la pente savonneuse de la réalité, où son corps luttait pour ne pas se laisser envelopper. Les volutes de fumée étaient autant de mains qui cherchaient à s’agripper à son âme, à s’immiscer dans les interstices de son esprit, dans ces failles qu’il s’échinait à refermer avant qu’elles ne soient exploitées. C’était un jeu dont il savait qu’il ne sortirait pas vainqueur, le seul où il se permettait de perdre volontairement. Cette fois encore il céda, le regard se fit vitreux, le voile de l’onirisme s’étoffa entre lui et la réalité. Son spirituel s’évada de son corporel, il était ailleurs, quelque part à Paris, quelque part dans un passé pas si lointain que cela.


     « Il avait quitté son lit, remettant au passage ses braies sans même prendre le soin de ses lier. Juste de pudeur? Après les plaisirs auxquels ils s’étaient adonnés? Ou simplement un réflexe purement masculin de sa part pour paraître plus séduisant? Il l’avait laissé là, étendue sur le dos au dessus de ces draps dans lesquels son mari ne la prenait plus. Elle avait les bras en croix, le corsage dépenaillé duquel sortait le sein dont le blond s’était repu. Elle était ailleurs elle aussi, rêveuse, heureuse, insouciante. Peu lui importait d’exposer ses jambes gainées de bas blancs, ses pieds chaussées de ces bottes basses faite de cuir noir et rehaussé d’un couvert de dentelles de la même couleur. Elle était indécente et elle aimait l’être. Longtemps, elle avait résisté à ses demandes insistantes. Elle allait savourer jusqu’à la dernière goutte cet instant tant attendu et volontairement repoussé.

    Debout devant la petite commode qui faisait office de coiffeuse, Lucas Dentraigues ne perdait pas une once du spectacle qu’elle lui offrait, celle d’une épouse ayant fleureté avec la petite mort dans les bras d’autrui, ayant bu son nectar à même son cristal. Cela faisait des mois qu’il la voulait ainsi. Regard après regard à chaque visite de son époux, il l’avait attiré à lui. Elle laissait toujours son mari s’exprimer, parlant de ses affaires à un Lucas qui ne l’écoutait que d’une oreille distraite. Dès la première visite, il avait eu envie d’elle et l’avocat n’était pas homme à mettre ses désirs de côté. Elle s’était révélée plus tenace qu’il ne l’avait estimé. Sa pudeur de provinciale expliquait sans doute cela. Paris ne l’avait pas encore envouté, mise à ses pieds, corrompu. Lucas remplit deux verres d’un liquide rubis né sur les coteaux du bordelais, de là où elle venait. Il prit une gorgée. Le vin enroba ses papilles gustatives, le fit frissonner.

    L’avocat ouvrit alors le premier tiroir et en sortit un petit linge écru qu’il avait amené avec lui ce soir-là. Enfin, elle lui avait ouvert sa chambre. Ce soir, il se laisserait aller à son vice et il l’entrainerait dans son sillage. Lucas déplia un à un les sommets du carré de lin, découvrant une pipe blanche et une petite boîte de métal. Le lit grinça, le parisien leva la tête. Leurs regards se croisèrent dans le miroir. Elle souriait avec malice, ses yeux pétillaient d’envie. Elle lui demanda ce qu’il faisait. Pour toute réponse, elle eut droit à un plissement des yeux et à un sourire énigmatique qui étira les lèvres de l’avocat. Il revint vers elle tenant dans sa main le verre qu’il lui offrit. A genoux dans les draps, elle s’approcha du bord du lit, de lui.  


    -Tu ferais bien d'être plus prudent. Qui sait sur qui tu peux tomber. 

    Elle porta le liquide rubis à ses lippes, lui tendit le verre. A son tour, il y trempa ses lèvres avant de venir vérifier sur l’arrondi des siennes si le Figeac avait le même gout ici et là. Son bras s’enroula tel un serpent autour de la taille féminine. Elle pencha sa tête vers l’arrière et éclata d’un rire sonore. »


Dans la droguerie, les lèvres de Lucas Dentraigues s’étirèrent légèrement. Manifestement, les stupéfiantes substances enfumantes oeuvraient jusqu’au plus profond de son esprit et de son corps. Elles stimulaient son imaginaire, détendaient ses muscles contractés. Son bras droit se leva, s’enroula tel un serpent autour d’une taille féminine. Ses lèvres se plissèrent, s’humidifièrent, la pointe d’une langue appréciant les reliquats d’un figeac onirique.


_________________
Lenu
Ton voyage a juste commencé
Poison psychédélique…
Ne descend pas
Tu flottes au-dessus du sol
Corps externe, esprit intérieur.
Tu es son esclave
C’est ce que tu implore
Tu es perdu, tu es sauvé.
C’est ton obsession, commence la possession
Illumination physique et psychique
Intoxication, fascination
Sexuelle
Hallucination sexuelle.

In This Moment/Brent Smith. Sexual Hallucination. (Texte légèrement remanié)



Droguerie de l’Aphrodite avec Lucas. « Mains mises de taille… et d’estoc. »



Flottement éthéré de l’instant, lui si loin de tout, elle si près de lui.

Lénù observe l’inconnu, intriguée, presque subjuguée par l’homme devenu l'esclave de son esprit, son étude de laboratoire. Prunelles caressant le moindre ressenti visible sur les traits qu’elle mémorise. Elle l’étudie comme on observe un malade sur sa couche lors de soins, velours ténébreux attentif à la moindre réaction. Comme l’apprentie observe une prise nocturne sous la torture infligée par son Maître. Comme la maîtresse observe son amant surpris par l’extase fulgurante sous la caresse d’une bouche audacieuse. Chaque détail est répertorié, jusqu’à cette petite lueur dans l’iris argenté, jusqu’à la perfection d’une barbe taillée.

Les lèvres carmines esquissent un léger sourire, elle la reconnaît cette perfection, jusqu’au moindre pli tiré d’un vêtement, celle d’une personne qui aime à maîtriser ce qui l’entoure. La tête Italienne s’incline légèrement sur le côté. Qui est-il ? Un client n’aurait pas pu avoir accès jusqu’ici sans avoir été repéré puis arrêté dans sa progression, puis comment trouver la droguerie sans en connaître son accès. Une personne de la direction, peut-être. Elle a entendu parler du gérant, un certain Flavien, qu’elle n’a jamais rencontré. Ou un galant. Lénù l’observe, encore. Cet homme parfait qui se laisse aller aux méandres chimériques, qui goûte à l’imperfection, panacée éphémère.

Araignée dont l’appétit s’éveille. Proie si facile à portée de crocs, elle pourrait distiller le venin d’une drogue plus possessive de l’esprit et du corps entre ces lèvres si tentantes, elle pourrait s’en amuser, elle pourrait se délecter de sa domination, s’en nourrir jusqu’à aliéner la folie d’un tel acte entre les murs de l’Aphrodite. L’instant d’une inspiration, les paupières se closent puis dévoilent les prunelles sombres et pétillantes d’une lueur que seul connaît Gabriele. Non, elle ne fera pas couler le moindre sang ici, à moins que demande soit faite par Justin.

Et ces lèvres qui s’étirent comme une invitation perfide à céder à ses plus sombres pensées, lui font mordiller la sienne délicatement qui se relâche en un léger soupir. Le corps penché tressaille légèrement au bras venant encercler sa taille amenant l’Italienne à perdre l’équilibre fragile, à ressentir l’impact des corps dans un bruissement de soie, à se retrouver tout contre lui assise comme une galante alanguie sur l’amant d’une nuit et ce bien malgré elle. Les souffles si proches se mélangent, frôlement d’une langue gourmande qui lui fait étirer un sourire mutin. Onirisme d’un désir qui émane de lui et qu’elle ressent, l’homme ne sera pas sous le joug de mauvaises chimères et l’Italienne ne l’en sortira pas, il serait dommage de lui retirer ce plaisir. La pulpe de l’index sinue le long de la joue de sa victime, glisse dans la vallée du cou comme une lame, s’insinue dans l’ouverture de la chemise, doigts délicats s’amusant à délacer les liens. Toute à son observation scientifique : il y a-t-il un lien entre l’onirisme et la réalité d’une caresse ?

Les lèvres pleines abandonnent l’attraction de celles de l’homme, glissent en la caresse d’un souffle chaud jusqu’à son oreille à laquelle elle délivre un message.


Et si nous jouions à un jeu ?

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.elle

~~Chambre de Lucas~~

    La patience...
    De prime abord qui croisait la florale pouvait penser qu'elle en était fortement pourvue, et pour ce qui concernait l'aspect relationnel avec sa clientèle, l'analyse eut été juste, mais pour ce qui relevait du personnel...
    Posée en toute circonstance, rarement un mot plus haut que l'autre, même si plus tôt, face à ce combat de coq stérile, une vague de colère lui avait fait avoir un "saut d'humeur", mais ne dit-on pas qu'il faut se méfier de l'eau qui dort ou que les apparences sont parfois "trompeuses".

    Cette maitrise sur elle-même avait été un apprentissage au fil du temps, des expériences et... des rencontres, mais certains jours comme celui-ci, la tension ambiante, les manigances, les Scapins à tous étages l'obligeait à bien plus de travail sur elle-même.
    Le naturel calme de la rose avait failli... et elle avait dévoilé un pétale, voire deux, de sa personnalité qu'elle aurait préféré conserver caché.
    Oh l'emportement n'avait pas été aussi dantesque que la sortie magistralement théâtrale de Lucas, mais si le galant avait su faire dans la demi-mesure ça se serait su et ce qui courrait sur lui au sein de l'Aphro avait bien des tintements mais pas celui-ci.

    Vanité, égoïsme, arrivisme, narcissisme, égocentrisme, orgueil...
    Oui, ça et bien plus encore, ce qui la faisait doucement sourire pour lui connaitre un autre visage, mais en ce jour, elle devait bien se ranger à l'avis général, quand ne tenant aucun compte d'autrui, il se faisait absent alors que le besoin était évident, que l'heure était grave, et que la galante aurait eu besoin de son "partenaire", il est des aspects qu'on refuse d'admettre et qui vous saute au visage quand vous vous y attendez le moins.
    Les gamins se disputant gourmandise dans la ruelle en contrebas, et la petite brune terminant, bousculée, le visage dans le reliquat humide de la pluie orageuse, eurent raison de cet état semi-léthargique, où l'esprit de la rose s'était perdu en réflexion, réalisant qu'elle poireautait depuis un moment déjà au vu de la chandelle consumée.

    Déçue ? Assurément
    Inquiète ? Possible

    Ce qu'il était devenu, elle l'ignorait... S'en souciait-elle ? Surement autant que lui d'elle à cet instant. Cette réponse n'en est pas une ? Effectivement, pas plus qu'elle ne l'avait en sa possession au moment.
    Dextre venant se poser sur la vitre, où la buée provoquée par sa respiration chaude s'étalait sur le carreau froid, le regard chlorophyllien balaya une dernière fois ce qu'elle pouvait voir de la cour Jussienne depuis cette fenêtre, juste au cas où... sans succès.
    Pivotant sur elle-même une rose séchée posée sur une étagère de la chambre du galant, reliquat d'une précédente visite, fut attrapée et jetée d'un geste nonchalant sur la couche du Dentraigues en se dirigeant vers la sortie.
    Comprendra... ou pas.


~~Couloirs de l'étage, porte de la direction~~

    Il était temps de faire comme chacun ici, reprendre une attitude laissée au profit d'un aspect bienveillant pour les autres... penser à elle, se foutre du reste et s'occuper de son avenir, de répondre à ses interrogations, puisque personne ne le ferait à sa place.
    Et ce qui avait été entendu, ou plutôt suggéré, de faire à deux se ferait donc seule, "Elle" n'était pas plante verte, attendre à prendre racine n'était pas de ses prérogatives.
    Glissant le long du couloir, le pas feutré de la florale sous le brocard sombre au liseré brodé d'arabesques rouges, arriva devant la porte de la direction.
    En avoir la confirmation ou le cœur net comme on dit, et savoir ce qu'il convenait de faire en conséquence, là était son but, occultant les chamailleries des deux galants puisqu'aucun n'était présent.
    Les mèches folles replacées, la robe lissée et la mitaine de passementerie dissimulant sa coupure replacés, Rose attendit que les voix étouffées d'une discussion en cours au sein du bureau ne se fassent plus entendre pour frapper deux coups sur la porte, longue inspiration s'en suivant, dextre ayant servi de heurtoir vint se poser sur son ventre dans l'attente d'une réponse.

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Merci JDMonty
Lucas.

~~ Droguerie de l’Aphrodite, « Jeu de main, jeu de vilaine » ~~



Quelque part entre ciel et terre, au dessus de son Paris - Évidemment - qu’il n’a jamais voulu quitter, Lucas Dentraigues planait. Un lien ténu le retenait à la réalité: Lénù sur ses genoux. En avait-il conscience? Non. Sans doute pas. Les volutes de fumée avaient fait leur oeuvre. L’homme s’était envoyé en l’air à la barre d’un bateau sensoriel, une pipe entre les lèvres. Avait-il conscience du danger? De cette veuve noir qui s’apprêtait à l’envelopper dans ses fils de soie, à faire de lui son festin du matin…ou du soir? Ou voulait-elle seulement jouer? Le prendre pour un champ d’expérimentation et assouvir sa curiosité maladive? Les araignées ne piquent pas par plaisir. Non. Elles piquent pour se défendre ou pour endormir leur proie avant de les dévorer. Les avocats, eux, écrasent les insectes rampants et bruissants, les cafards de la société, les cloportes derrière les portes. Enfin…Peut-être pas tous les avocats. Peut-être était-ce simplement la façon de faire de Lucas Dentraigues? Soyez un homme et il vous piétinera. Soyez une femme, de préférence mariée et il vous mettra dans son lit.



     « Prudent? Lui? Il l’était toujours. Il mesurait chacun de ses gestes, chacune de ses décisions. Il soupesait le pour et le contre et estimait toujours si le jeu en valait la chandelle. Ce soir, son bilan avait été vite fait. Il avait beaucoup à gagner - Elle dans son lit, dans ses bras - et peu à risquer - Son mari était un fat grossier. Elle aurait eu beau avoir les ébats bruyants derrière le paravent de son bureau qu’il aurait simplement penser que son épouse avait besoin de voir un médecin pour soigner ses problèmes d’essoufflements. Et quand bien même il aurait trouvé le Dentraigues entre les cuisses de sa dame que l’avocat n’aurait eu aucun mal à lui expliquer que cette jolie chambrière à la poitrine orgueilleuse lui avait fait perdre la tête. L’homme ayant des problèmes de vue, nul doute qu’une pirouette de ce genre l’aurait sorti d’embarras. Alors être prudent… Pourquoi? Pour gâcher son plaisir? Ne pas savourer ce fruit défendu jusqu’à la dernière goutte de nectar? Prudent, il l’était. Timoré? Non.

    La jeune bordelaise enroula ses bras autour de son cou, vint prendre place dans le giron d’un Lucas Dentraigues dont les anthracites dévoraient avec indécence ce corps qui s’étaient offert à lui cette nuit-là et qui venait à nouveau se nicher dans le creux de ses bras. Ni totalement nue, ni trop couverte, aguichante, provocante, drapée dans une tenue qui laissait paraitre juste ce qui fallait pour combiner idéalement réalité et imaginaire, voilà l’appel auquel il ne résistait que rarement. Les mains de l’infidèle parcoururent un torse offert à sa vue, à ses caresses. Le frisson ressenti par le Dentraigues se propagea jusqu’au bout de ces lèvres masculines qui surlignaient l’orbe délicieuse d’un buste hésitant à trop en dévoiler.


    - Et si nous jouions à un jeu ? 

    Jouer? Lucas jouait rarement. Enfin, disons plutôt qu’il ne laissait rien au hasard. Sans doute était-ce pour cela qu’il n’appréciait ni les cartes, ni les dés. Un divertissement qu’il ne pouvait influencer? Où le résultat dépendait en grande partie de facteurs en dehors de son contrôle? Elle le connaissait mal pour lui proposer cela, à moins que ce jeu ne prenne une tournure plus sensuelle que ce qu’il imaginait. Le jeu du pouvoir ou celui de la séduction, tels étaient ceux auxquels il s’adonnait car dans chacun des deux, c’est lui qui menait son partenaire: à la chute pour le premier. À la petite mort pour le deuxième.

    - Celui-là? 

    La main de Lucas, libre de toute emprise, vint alors se poser sur le genou de la belle de nuit. Les doigts froissèrent le tissu, resserrèrent leur étau sur la cuisse de l’amante, entrainant l’étoffe dans cette glissade voluptueuse.

    - Combiner plaisirs de la chair avec ceux-là…

    Tournant la tête vers la petite commode, il désigna du menton, la pipe et la petite boite de métal qui les narguaient.

    - … sois sure que ce que tu as vécu cette nuit n’est rien en comparaison de l’extase qui nous submergerait alors. »


Que percevait-il réellement? Un poids sur ses jambes? La lumière vacillante d’une lampe à huile? Une main s’enchevêtrant dans les cordons de sa chemise? Une souffle dans son cou? Tout ou partie de cela? Son esprit ne se débattait plus pour rester à la surface, il flottait à quelques pieds en dessous, hésitant à plonger totalement vers les abysses. L’eau déformait sa vision, Il voyait le danger s’approcher à la surface, l’observer, se jouer de lui comme une chatte avec une souris acculée dans un coin.

- Surprends-moi! Avait-il dit sur un ton feutré et trainant.


    - « Tu veux jouer? Alors surprends-moi. Libère-toi totalement et prouve-moi que le risque que nous avons pris en vaut la chandelle.

    Il l’avait basculé vers l’arrière. Elle avait enroulé ses cuisses autour de sa taille. La tête levée vers le plafond, il tirait sur sa pipe, exhalant entre ses lèvres le vice enfumé qui enserrait son esprit de ses serres pernicieuses. Il lui tendit la pipe. A son tour, elle en prit quelques bouffées. Ses paupières se fermèrent, savourant, se laissant porter par le bien-être qui s’empara d’elle. Elle relâcha la fumée qui vint lécher les formes de son corps, passer outre l’écueil de son buste pour s’étioler quelques part à la hauteur de leurs bassins réunis, au moment où son amant l’emportait dans l’antre des délices d’un coup de hanche savoureux. »


Dans la noirceur de droguerie, son corps s’arc-bouta vers l’avant. Spasme dû à l’emprise de la drogue? Effet secondaire inattendu? L’effet du mélange de substances toxiques végétales et de l’alcool? Qu’avait-il mis réellement dans cette pipe? S’était-il fourvoyé dans les quantités? S’était-il trompé de pot? Ou y avait-il une autre raison?

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Lenu
Opium ! Poison de rêve
Fumée qui monte au ciel
C'est toi qui nous élève
Aux paradis artificiels
Je vois le doux visage
Les yeux de mon aimée
Par toi j'ai son image
Dans ton nuage, fumée

Dans le soir au parfum lourd
Au gré de la fumée lente
Le fumeur se représente
Les plus beaux rêves d'amour

Brigitte. Opium.



Droguerie de l’Aphrodite avec Lucas. « Jeu de pied, jeu de curé. Il paraît. Autant le prendre. »



Jeu de la main masculine glissant à ses jupons, pression des doigts entraînant le tissu en un bruissement soyeux empoignant la cuisse Italienne. Frémissement de la peau satinée amenant la nacre imprimer la lèvre pleine. Le sourcil se hausse légèrement aux murmures suaves. Ainsi donc, le rêve empoisonné aurait lien avec la réalité ? Le surprendre… Il pourrait être surpris oui, lorsque l’esprit remontera à la surface s’éloignant des méandres abyssaux. Surpris de se retrouver chevauché par une inconnue qui l’a pris en flagrant délit de violation d’antre, de vol de substances oniriques et surtout, témoin de sa faiblesse. Et si risques il y a, ils sont siens, car l’Araignée est sur sa toile, et lui n’est que prisonnier volontaire de ses propres chimères. Etroitesse tentatrice de l’espace des bassins et pourtant en réponse de la main conquérante, elle s’amuse, et du bout de l’ongle dessiner des arabesques imaginaires au derme du torse exposé, geste reproduit de ces nuits où Proie est soumise au supplice d’une bague armure d’argent à la pointe acérée. Veuve Noire elle est, lors de chasses nocturnes ou de vengeances diurnes admirablement fomentées. Aimant jouer de visages multiples, ayant appris à bien dissimuler le plus sombre d’elle, à révéler que ce qu’elle désirait dévoiler.

Là.

L’ongle assassine le derme, dessinant le chemin du thorax, contournant le nombril d’une demie lune jusqu’à venir mourir à la lisière des braies. Cause à effet ? Le corps de l’homme se contracte, se cambre sous elle jusqu’à la soulever, lui faisant parfaitement bien sentir l’effet des volutes oniriques. Dans le mouvement, le corps de Lénù a été amené vers l’avant, lui retirant le jeu au derme chaud. L’instant de quelques grains de sable s’écoulant, elle l’observe, appréhendant qu’il rende l’âme là, sous ses cuisses sans même consommer les corps. Ce serait saugrenu. Prunelles sombres sondant les iris grisés encore dilatés, de la caresse des lèvres pleines effleurant celle de sa proie, s’amusant du chatouillis de la barbe pour enfin venir sinuer au cou, chercher les palpitations de la jugulaire. Y jouer de la langue, happer les palpitations emballées qui rassurent l’apothicaire puis remonter mordiller le lobe de l’oreille avant de glisser d’un souffle chaud un nouveau message.

Peut-être est-il temps que tu reviennes à la réalité…

Et sans attendre la moindre réponse, la douceur des lèvres glisse de nouveau au cou, venant se perdre là, au creux de celui-ci à l’orée de l’épaule et d’y planter la nacre profondément sans concession. Veuve noire pique de ses crochets venimeux.

Défense ou repas en vue ?

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Bakhtan
Un enterrement bien triste va voir le jour au château d’Aunou le Faucon, même si il s’agit de pierres qui seront ensevelies, qu’il s’agisse d’une mascarade, et que ne reposeront pour l’éternité que quelques roches. La gitane devenue duchesse aux pieds nus manquera à n’en pas douter à beaucoup de monde. A Justin, peut-être plus qu’un autre, il imaginait son avenir avec elle, avait pas mal d’aspirations et projets pour eux avec dans son sillon Messey, celui qui les avait présenté.

C’est tout un livre qui se ferme aux yeux de tous, mais pas pour lui. Il se refuse à croire en sa disparition, et le leurre des fausses funérailles, n’est pas pour l’aider. Il est persuadé qu’un jour, elle lui reviendra.

Germaine aussi appréciait Axelle, réprimant quelques sanglots, mentalement, elle décide de s’occuper de l’organisation de la triste journée qui s’annonce.


Je ferais ériger une stèle à la Jussienne. Et ne pleure pas maman. Elle n’aurait pas souhaiter cela, d’ailleurs, ce Noël sera le sien, ce sera de loin le plus beau jamais organisé ici, la nuit du réveillon sera parée des couleurs gitanes.

Ses mots restent en suspend dans la pièce. Un silence troublé par quelques coups sur la porte. Germaine en profite pour s’éclipser faisant un signe de la tête à Sabaude qui veut dire que ça va aller, qu’elle gère ce qu’il y a à faire de concrets, que lui par contre, s’occupe de son fils.

Justin va s’installer derrière son bureau, et tandis que sa mère ouvre la porte, il dit d’une voix ferme et sans appel, « entrez ! ». Dans l'adversité et le chagrin, c'est là qu'il excelle.
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.elle

~~Etage, Direction~~

    Patienter et ne pas... et mouvement de recul de la rose se retrouvant sans s'y attendre nez à nez avec une germaine aux traits tirés et qui filait retrouver les entrailles de l'Aphrodite comme si elle avait la mort aux trousses, ce qui à bien y réfléchir n'était pas si faux vu les circonstances.
    Porte ouverte sur le bureau et l'invective relativement sèche et sans détour du duc se fit entendre dans le couloir, il était temps de reprendre son rôle d'émissaire venant chercher la vérité à la source, alors le pas se mit à glisser après une longue inspiration pour s'introduire dans la pièce où on l'invitait à entrer.
    Regard félin jugeant rapidement la situation et les personnes en présence entre le faucon et cet homme déjà aperçu à la réouverture et parfois dans les couloirs sans jamais avoir été vraiment présentés, une légère inclinaison de la tête et petite flexion de genou offrant salutation respectueuse aux deux hommes.
      Votre grâce...
      Je vous prie de bien vouloir me pardonner, j'ignorais que j'interrompais une entrevue.
      Puis-je solliciter un instant de votre temps ultérieurement quand vous serez disponible et disposé à me recevoir, je vous prie

    Menteuse florale ?
    Non... adaptation de la vérité, les voix s'étaient tue et "Elle" ignorait la présence du renard n'ayant vu que Germaine entrer, se faire donc employée modèle et respectueuse des convenances, elle reviendrait si nécessaire.

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Merci JDMonty
Bakhtan
Nous avions terminé. Ne vous en faites pas.

Se raclant la gorge.

Vous devez certainement connaître le duc de Messey, locataire et directeur du Pacte d'Orphée, notre voisin en sommes! Tout ce qui concerne notre établissement, le concerne aussi un peu.

Et le duc de Messey de saluer de la tête et de murmurer quelques mots de courtoisies à l'adresse d'Elle, de s'excuser, prétendre être lui aussi attendu, mais promettant de revenir en soirée, pour un repas convenu d'avance entre les deux ducs.

Et bien, comme nous ne sommes plus que deux, commençons cette entrevue.
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.elle


    Présentation officielle faite du visage connu mais non identifié réellement du second homme en présence, inclinaison de tête pour le saluer de nouveau effectuée
      De vue uniquement votre grâce, mais la chose est faite désormais, honorée Duc de Messey

    S'effacer pour laisser les deux hommes converser et attendre, doigts filiformes replaçant nerveusement la mitaine de passementerie sur sa plaie, observant la complicité évidente entre les deux hommes.
    Voisin et pourtant l'établissement de jeux n'avaient encore jamais vu le pied de la florale y entrer, y songer un jour peut-être, la chance peut-être ou s'y faire convier par un riche membre aussi, la fin de l'entretien des ducs sonna le glas de ses réflexions, saluant encore le renard à son passage pour prendre congé avant de reprendre pied vers le faucon quand proposition d'entrevue immédiate fut faite.
      Comme il vous plaira votre grâce...

    Mains jointes se séparant, la main ornementée vint se poser sur le brocard ornant son abdomen tandis que a seconde se mit à effectuer un geste avorté, une hésitation alors qu'un pas s'approchait du bureau sans y avoir été invité.
    Un petit raclement de gorge se fit alors entendre malgré la discrétion que la rose avait voulu y mettre, c'est que le sujet n'était pas n'est plus évident à aborder mais il fallait le faire avec délicatesse toute en réussissant à obtenir l'information.
      Je... uhm... Le sujet est un peu délicat et j'ose espérer que vous ne prendrais pas offense que je vienne vous trouver pour l'évoquer.
      Il se trouve que cela fait quelques jours que la rumeur de la disparition de la duchesse Axelle va bon train dans la Jussienne et...

    Longue inspiration et main libre venant jouer de la mitaine.
      ... à avoir évoqué la chose avec quelques un d'entre nous, il aurait été entendu qu'il était arrivé le pire à sa grâce.
      Je me fais donc émissaire en quelque sorte... afin de vous demander si nous devons écouter ce qui court dans nos rues ou plutôt... faire en sorte de dénigrer et taire telle infamie concernant votre épouse.

    Bombe lancée... vers qui les éclats rebondiraient-ils ? "Elle" espérait ne pas être la première victime et que sa démarche ne serait pas perçue comme outrecuidance, irrespect, non respect des convenances, parce que même si fondée et au final dénuée de fourberie, rien que le fait de se tenir là pour interroger le duc sur une rumeur relevait de tout cela.
    Mais envoyer Monty ou Lucas en mode surexcitée du bulbe vers un homme potentiellement en deuil, la bourde eut été prodigieusement, disons le clairement, la florale était alors peut-être la note de douceur et de subtilité dans ce monde de brutes, cela étant serait-ce suffisant ?
    Sous peu, "Elle" aurait la réponse... ou pas...

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Merci JDMonty
Lucas.


~~ Droguerie de l’Aphrodite, « Jeu de pied? Shéhérazade connait mille et une variantes pour le prendre » ~~



Rêve ou réalité? Il parait que si l’on se pince, on saura. Et si l’on se fait mordre? Est-ce pareil? En réalité, voulait-il vraiment le savoir? Lorsque Lucas Dentraigues s’évadait dans ses paradis artificiels, n’était-ce point pour oublier une réalité qui le maltraitait, lui le Maître, l’homme obnubilé par le contrôle de sa vie? Et de vous à moi, quand le rêve est beau, voulez-vous réellement en sortir?

    «  Ses bras s’étaient enroulés autour du cou de son amant et elle s’était libérée. Totalement. Loin était son époux, ses réticences, ses désirs contenus de pieuse aristotélicienne, de dame de qualité se devant du devoir de réserve, de ce modèle pour la société parisienne. La tête penchée vers l’arrière, sa longue chevelure déliée caressait la naissance de ses fesses. Sa chemise de nuit n’avait pas résisté aux soubresauts fougueux dont elle gratifiait son amant. Le tissu avait fini par s’amoncelait comme il avait pu sous son nombril et le Maître avait profité de cette offrande: ses yeux s’étaient délectés de la vision de ses seins dont l’extrémité trahissait la force du désir qui la transperçait. Ses lèvres avaient gouté à ces fruits qui n’étaient plus défendu ni par une pruderie excessive, ni par une étoffe opaque. A chaque fois qu’il attisait son désir d’un coup de langue pernicieux, sa chevauchée se faisait plus sauvage. Il était son monture et elle en abusait sans aucune retenue, ses mains autour du cou de Lucas lui donnant l’appui nécessaire pour que l’ampleur de son mouvement soit à la hauteur de ses désirs. Par ses cris de plaisir, en tirant sur ces brides qu’étaient ses bras autour de lui, il l’incitait à venir à sa rencontre, à partir lui aussi dans cet élan vers la luxure. Elle le voulait lui, en elle, avec vigueur. Il lui avait dit de se lâcher? C’est ce qu’elle faisait et elle trouvait cela délicieusement indécent, affreusement affolant, incroyablement addictif.»  


Dans l’obscurité de la droguerie de l’Aphrodite, Lucas Dentraigues errait entre deux mondes. Le cocktail des sensations intimement entremêlées nimbait son esprit d’un flou que d’aucun nommerait artistique et que le Maître qualifierait d’invitation à l’extase. Il ne faut jamais s’approcher de la toile d’une araignée si l’on ne veut pas finir enveloppé dans un cocon de soie. il parait qu’il existe certains types d’arachnae qui préfèrent déshabiller leurs proies plutôt que de les contraindre dans une camisole tissée sur mesure. Sont-elles moins dangereuses pour autant? Quand le venin s’immisce dans les corps, il n’est plus temps de regretter ses choix: ni pour la proie, ni pour le prédateur.

    « C’est alors que la porte fut fracassée, qu’ils pénètrèrent dans la pièce de l’adultère. Dans la transe de l’extase, elle ne prit pas conscience de leurs présences. Elle le chevauchait avec l’ardeur d’une affamée à qui l’on proposait une soupe d’orge. Leurs traits, tant celui de la maîtresse que de son amant, trahissaient les vagues déchainées d’un plaisir intense qui traversaient leurs corps de part de en part, de port en port. Sous les assauts d’un plaisir à la fois charnel et végétal, enfumé, ils s’étaient totalement libérés de leurs inhibitions, de leurs précautions. L’extase fut belle, intense, fatale et c’est menottes aux poignets, des menottes qui n’avaient d’érotique, que le couple adultérin quitta la chambre où ils s’étaient donnés l’un à l’autre. Pour la première fois de sa vie d’adulte, Lucas Dentraigues avait joué. Lucas Dentraigues avait perdu. Gros. Très gros.


Les souvenirs affluèrent dans son esprit: Le cliquetis du métal qui se refermait sur ses poignets, une longue chemise de nuit que l’on passait sur son corps indécent, la sensation de bien-être provoquée par l’opium, par le plaisir qu’il avait pris dans ses bras. Et puis la douleur, celle de tout perdre, la descente aux enfers, la radiation du barreau de Paris, les contacts qui fuyaient comme les rats dans une cave devant un rayon de lumière. Où était-il? Allait-on le jeter en prison une fois de plus? Était-il dans une boucle temporelle sans fin, coincé dans un accroc de l’espace temps, condamné à vivre sans cesse la même histoire sensuelle et macabre à la fois? Tout était flou dans son esprit. La surface de l’eau dans laquelle il était plongé déformait une réalité et la rendait indiscernable du monde onirique. Elle était là, devant lui, assise sur ses genoux, sa bordelaise, son amante délicieuse, tentatrice autant que peut l’être un morceau de carotte derrière un collet pour un lapin.

Les bras du Maître cherchaient les rondeurs de son corps, ses lèvres s’étiraient à la rencontre de celles de son amante et quelque part dans les ténèbres éthérées et froides, des menottes d’acier tranchant ses poignets se refermaient inexorablement, serrant, serrant. Le charnel se mélangeait au cruel, son corps tout entier se tendait vers les chevauchées ardentes dont son amante adultérine le gratifiait. Plus ses élans devenaient sauvages, plus les fers se resserraient autour de lui. Elle se pencha vers lui, vers son cou, le caressant avec une sensualité teintée d’impatience. Envie, plaisir…et au moment où la porte était enfoncée, au moment où la jouissance emportait les deux amants oniriques, où le métal déchirait les chairs de ses poignets, la morsure dans son cou le ramena brusquement à la réalité, aussi vite qu’une bouteille remplie d’air, remonte à la surface d’un étang, bouche entr’ouverte, haletante, poitrine se soulevant et s’abaissant dans un rythme rapide. Un voile obscurcissait encore sa vision. Il luttait pour ne pas sombrer, ici, dans la droguerie de l’Aphrodite, une inconnue assise sur ses genoux, sa chemise ouverte et ses propres mains sur les cuisses de l’intruse.


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