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Je suis revenue.
En fait, je ne suis jamais vraiment partie. J'ai juste un peu changé de forme. Un peu. Pour le reste, je suis réellement revenue. Auprès des miens. Christopher, mon fils adoré, et son petit bébé tout nouvellement né. Susi qui n'est pas bien loin, à quelques jours de marc...de vol. La fille de Susi aussi doit avoir bien grandie. J'avais promis d'aller la voir, elle aussi, Mais même sous mon état fantômatique, je crois que j'arrive encore à ressentir de la peur. Peur de voir dans quel état elle est, si la mort de sa mère l'a affectée autant que son divorce. Encore un poids qu'il me faudrait porter sur mes frêles épaules volatiles. Il est des sentences familiales qu'il est difficile à endurer.
Les jours coulaient doucement, et je n'avais encore trouvé aucun moyen de communiquer avec mon fils, sa famille ou ses bestioles. Parfois Meko semblait réagir quand j'essayais de tirer sur son crin. Une fois j'ai failli prendre une ruade. Je suis transparente, parfois j'oublie. J'ai eu la trouille de ma vi de ma mort. Mais je n'ai rien senti.
Vous pensez qu'un fantôme peut se sentir désespéré ? En fait, il me semble bien que c'est le sentiment principal d'un fantôme coincé dans le monde des vivants, non ? Et bien figurez-vous que j'ai ressenti ça Cent fois plus que le sentiment général qui m'accable. A cause de ce foutu cheval. Même si elle sentait peut-être ! - ma présence, elle finissait par tenter de m'éjecter de là. Finalement, c'était peut-être juste une guêpe qui l'avait piquée. Proserpine non plus ne semblait pas me reconnaître. De toutes façons, proserpine changeait régulièrement de forme, de taille et de couleur. Quand à savoir pourquoi, vous imaginez bien que j'avais d'autres chats à fouetter. En parlant de chats, les deux chats réagissaient plus que bien, eux. C'est sans doute pour ça qu'ils sont assimilés aux sorcières. Je vous jure qu'en essayant de les gratouiller, y'en a un qui s'est mis à soupirer, et l'autre qui a remué des moustaches ! Et quand j'ai essayé de les chasser, de crier, de faire du vent, tout ce qui me passait par la tête, le plus gros chat s'est levé avec les oreilles en arrière, comme très énervé, et il est allé se coucher plus loin, ailleurs, avant de faire rageusement sa toilette. Si ça ce n'est pas une preuve qu'il a réagi à mes stimulations ! Vous connaissez les chats, pas vrai ? Alors avouez que j'ai raison !
Ce qui m'étonnais ici, c'est que malgré la ménagerie, je ne voyais pas de chiens. Moi qui aimait ça, et qui en avait assez pour tenter de monter un chenil avec Samsa
Samsa !! Que devenait-elle ? Où était-elle à présent ? Tous nos projets devaient être tombés à l'eau. Et son mariage bien avancé avec Shawie. Son rôle de secrétaire royale prenait-il bonne tournure ? Et ses filles ? Tout un tas de questions me noya l'esprit, quand je sentis que le sentiment de désespoir fut remplacé, ou recouvert, par celui du vide, à nouveau. Ce vide que je sentais quand l'impression de n'avoir pas abouti quelque chose arrivait. Puis le manque, à égale force, arriva.
C'était étrange d'être un fantôme. Ces sentiments que je refoulais en étant vivante, par la force, par la volonté, par l'action, toutes ces sensations m'assaillaient et semblaient m'entourer comme une nappe de coton dans laquelle j'aimais m'enfouir, me nourrir de cette délicate douleur, repos égal à la torture infinie que je devrais subir ici. Et lentement, je sombrais dans l'oubli du présent.
Nouveau voyage. Nouvelle volonté inconsciente qui me guide je ne sais où. Le vent, le noir, le blanc, le vide. J'avance sans le savoir. Je bouge involontairement vers cette idée qui m'assaille. Et au bout d'un temps, inconnu, long peut-être, peut-être pas, les formes réapparaissent, les couleurs se reforment lentement. Je suis Je suis en Alençon. Sur les murs de ce qu'on a appelé « notre futur chenil ». C'est le calme plat. Je n'entends pas les oiseaux qui chantent au petit matin. Je n'entends pas le bruit des brouettes des cerfs qui vont au travail, je ne sens toujours pas l'odeur du pain qui sort du fournil. Ni celui de la rosée qui humidifie le sol. Je vois tout en jaune et gris, un peu de marron par ici, et là du bleu, peut-être le ciel derrière cet arbre noir.
Puis une silhouette. Assise dans l'herbe, rêveuse. Une silhouette grise et blanche, mais pas ce gris et blanc d'un manque de couleur. Un blanc sale, passé, un blanc tissus qui a vécu des années de combats acharnés. Un gris brillant, acier. Un gris qui agresse de force et de volonté. Et des cheveux auburn qui flottent au vent. Cette tinte que je reconnaîtrais parmi tant d'autres.
Elle est là. Le regard dans le vide, et je m'étire vers elle, portée par le vent de la volonté, cherchant à lui faire face pour voir son visage. Elle est de dos, elle ne peut me voir. Mais Je suis sotte. Même face à elle, elle ne pourra me voir. Et cette idée me rend nerveuse. Frustrée. Les fantômes ne pleurent toujours pas, et pourtant j'ai l'impression de sentir mes yeux sinonder de rage, et mes mains se volatiliser d'impotence.
Samsa C'est moi Je suis là. Comment pourrais-je te faire savoir que je suis là ?... Il faut que tu saches que je ne t'abandonne pas. Je suis là Oh ! Grands dieux je vous en supplie ! Laissez-moi une seconde ! Juste une seconde.
Peut-être que Son cerbère ! Si je touche le cerbère de bois que je lui ai offert, elle saura que je suis là !
Parce qu'elle sait, forcément, elle sait que je ne suis plus vivante. Ça se voit sur ses traits fatigués.
Tu sembles si épuisée ma Samsa La vie continue de ne pas t'épargner
La figurine. Il faut que je touche la figurine...