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[RP] “Folle est la brebis qui au loup se confesse.”

Octave.

Calypsooooo ?

La voix de stentor du Beaupierre, qui aura fait trembler les murs du Castel d'Auch pendant six mois, résonne désormais dans l'église d'Orthez. Et avec l'acoustique dont il bénéficie ce matin, nul doute qu'on l'aura entendu jusqu'à Pau.

Calypsooooo ! J'avais demandé audience !

Tandis qu'il avance dans l'allée, il continue de chercher son amie, son alliée, sa diaconesse préférée. Mais bon sang, dans une si petite église, où peut-elle donc s'être planquée ? Avait-elle compris pourquoi il avait demandé à la voir là ?

Dites donc ! Vous avez dit oui hein ! Pas la peine de vous cacher maintenant !

Et pourtant, elle devrait. C'est que l'âme d'Octave pèse lourd ce matin, terriblement lourd. Non pas qu'il soit particulièrement pécheur, mais cela fait un sacré petit bout de temps qu'il ne s'est pas plié à l'exercice, par manque de temps, de confessionnals ouverts... d'envie également probablement.

Mais après six mois de Conseil comtal, une guerre, des prises de tête, un mariage, une adoption cachée, un nombre incalculables de discussions, de trajets, de disputes... Finalement, il n'était pas si imperméable au vice qu'il le pensait. Aussi, ce matin, avait-il pris rendez-vous sur le registre ouvert à cet effet.

Calypso, ce n'est plus drôle. Sortez maintenant.

Il est maintenant arrivé près de l'autel. De chaque côté, des portes. Se penchant par dessus la table sacrée, il appelle une dernière fois, presque doucement.

Je vous promets, je ne rentrerai pas dans les détails !
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Cooky

Depuis de longs mois déjà le rythme des confessions s'était établi à Orthez. Calme, serein. Une demi-douzaine de coeurs à écouter par jour d'ouverture tout au plus. De quoi lui laisser tout son temps pour vaquer à mille autres occupations entre deux. Elle briquait alors les bancs de sa petite église chérie, reprisait la nappe un peu trop usée sur l'autel, vérifiait les stocks... toutes ces petites tâches qu'elle n'aurait jamais eu le temps de faire à d'autres moments.

Ce jour là c'était le jardin qui bordait le presbytère voisin qui avait son attention. Elle en avait fait le tour d'un pas vif et l'oeil aux aguets lorsqu'elle était arrivée et le constat était sans appel. Quelques courges déjà étaient à ramasser, de même qu'une botte de poireaux qui n'attendaient qu'elle. Les choux eux aussi pointaient leurs nez curieux et si elle cherchait bien, pour sûr elle trouverait quelques bettes à récolter. De quoi envisager d'agréables repas à venir. Elle s'était donc installée dans son cachot de bois le sourire aux lèvres, imaginant déjà le sourire ravi de sa Bertille lorsqu'elle lui apporterait une brassée de légumes tout droit venus de la terre.

Toute à ses rêveries légumières, elle avait écouté les petits méfaits et mauvaises pensés qui lui étaient confiées, appelant tour à tour ses ouailles pécheresses à la prière, à l'indulgence ou à la générosité. Bref, une journée de confession comme une autre à Orthez la belle. Sauf que.

Au bout de quelques heures, elle se rendit compte que malgré le nombre de personnes qui attendaient devant la fine porte de bois ne faiblissait pas. Avait-elle terminé d'écouter et conseiller l'un que deux autres arrivaient d'un bon pas, comme prêts à en découdre. Et la liste des noms sur le registre paroissial ne cessait de s'allonger encore et toujours. Adieu carottes et navets, adieu oseille et épinards. Les voyageurs en partance pour Alexandrie faisaient halte à Orthez et semblaient en avoir lourd à décharger afin de repartir avec des malles allégées de leurs péchés.

Alors qu'elle avait ouvert les hostilités à l'aube, ce n'est qu'à la mi-journée qu'elle parvint à se ménager une pause, profitant d'un instant de répit - ou du retard du suivant sur la liste ? - pour se faufiler jusqu'à la sacristie. Là, elle récupéra sa besace et en sortit une miche de pain frais, un fromage de brebis, une belle tranche de jambon de Bayonne, une tartelette aux poires - évidemment - et une bouteille. Le tout fut rapidement disposé sur la petite table qui garnissait les lieu et sans plus attendre, elle s'attacha à se confectionner un encas digne de ce nom. Elle en avait l'eau à la bouche. Sauf que.

A peine avait-elle ouvert la bouche pour prélever la première bouchée de son déjeuner qu'une voix de stentor la fit tout lâcher dans un sursaut effrayé.

Tudieu !

Elle en avait partout. Le pain dans lequel elle avait quelques minutes plus tôt soigneusement glissé fromage et jambon gisait à présent grand ouvert sur ses genoux, sa robe écarlate maculée de brebis et entachée du gras de la charcuterie.

Oh non mais non ! Mais non ! Mais noooon !

Dépitée, elle reposa le tout sur la table, contemplant les dégâts d'un air navré. Elle se leva alors, époussetant sa tenue de son mieux, sans parvenir à chasser les taches qui se faisaient un malin plaisir d'orner désormais la face avant de sa robe.

Pfff mais qui ose crier ainsi dans une église !
A-t-on pas idée !

La voix certainement aurait pu lui être familière mais elle l'avait si peu souvent entendue hors des murs feutrés des salons de travail qu'elle n'avait pas songé un instant qu'il pouvait être là. Pire encore, elle avait vu son nom et su qu'il venait. Mais non, en cet instant elle avait osé oublier que son ami était là. Rien qu'à imaginer l'outrage qu'elle lui infligerait s'il l’apprenait, elle retrouva le sourire et c'est d'un pas guilleret, les mains bizarrement croisées sur le devant de sa tenue, qu'elle quitta la sacristie pour venir à la rencontre du Commingeois. Adieu déjeuner, salut l'ami !

Je suis là Octave, je suis là !
Ne soyez pas si impatient voyons !
Et quelle voix mon ami, vous en feriez trembler les murs de Jéricho !
Vos péchés sont-ils si lourds et insupportables pour que vous soyez si pressé de me les confier ?

Le ton était taquin bien entendu, tout autant que le sourire qui ourlait ses lèvres alors qu'elle s'approchait de lui.

Nous avons le choix à cette heure, les honnêtes gens se ravitaillent - tu la sens la pique Octave ? - alors que préférez-vous : que nous nous installions dans le confessionnal pour que vous puissiez me raconter tous vos honteux secrets sans avoir à supporter mon regard en retour ?
Ou que nous prenions simplement place sur un banc, ici ou dans le jardin, pour que vous me racontiez tout sans fioritures ?

Et bien sûr qu'elle voulait les détails, quel intérêt sinon d'être confesseur ?!
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Octave.

Mais... mais.... mais où est-elle passée, la Comtesse élégante et parfaite qu'il avait cotoyée en mai et juin ? Où est passée la Régnante constamment parfaite avec qui il avait joué au mauvais élève chez les Feuds ? Où est passée la Chef de guerre tirée à quatre épingles qui paniquait pour un drapeau à l'envers ?

Mais qui a enlevée Cooky et l'a remplacée par cette souillon !

Regardez donc sa robe ?! Est-ce bien une tenue pour diaconesse ? Octave ne décolle pas son regard des tâches qui maculent la tenue de Calypso et qui dépassent des mains pourtant disposées bien exprès pour les masquer, visiblement cho-qué.

Mes péchés ? Des péchés ? Quels péchés ? Perturbé par le spectacle qui lui est offert, le Beaupierre en a oublié la raison de sa venue. Oh, mes péchés.

Non, il n'entend pas la pique de la béarnaise sur le ravitaillement, comment pourrait-il la comprendre, lui qui vient de prendre son déjeuner, après avoir profité d'une collation qui a permis de passer le temps depuis le petit déj' ? Ma foi, autant s'installer confortablement. De toute façon, même enfermé dans un confessionnal, j'imaginerais votre regard tout plein de jugement ... comme je le sentais quand vous corrigiez mes coquilles sur mes annonces ou traités.

Si toute autre aurait pu croire un instant au reproche qu'il énonce, Calypso, qui depuis le temps a appris à le connaitre, lira sans doute la malice qui se niche dans les mirettes du commingeois. S'il s'est précipité à l'ouverture des inscriptions, c'est bien qu'il ne craint pas les foudres de la diaconesse. Où est le jardin ?

Puis, plus bas, alors qu'elle le guide à travers les bancs, l'allée, jusqu'à l'extérieur, il ajoute : Et arrêtez donc avec votre posture de jeune fille, on a bien vu que vous aviez mangé comme un cochon.

Il profite d'être dans le dos de la jeune femme pour sourire en coin. Pas de drapeau à signaler, heureusement qu'elle a taché sa robe, il aurait eu du mal à trouver une critique à faire dans cette église parfaitement tenue.

Le fond de l'air est frais, mais les rayons d'un soleil déjà haut permettent de profiter encore de l'extérieur en chemise, ce dont ne se prive pas le sudiste, qui sait que bientot, il sera dans le Nord, emmitouflé. Quelle idée aussi de voyager en automne, forcément, le temps n'allait pas s'arranger ! Avisant un banc : Et pourquoi pas ici ? Le lieu est suffisamment reculé derrière la batisse pour qu'ils ne soient pas dérangés sans le voir. En bon militaire, Octave a fait le tour du regard, et a fini par décider que de ce banc là, on verrait arriver quiconque voudrait se régaler des confessions du Beaupierre.

Joignant le geste à la parole, il s'assied, laissant suffisamment de place pour que Calypso en fasse de même, et qu'il reste une certaine distance entre eux. Il ne faudrait pas qu'on se méprenne sur leurs intentions.

Vous rappelez vous quand nous profitions d'un tel banc, un soir de juillet, avant d'aller danser ? Ah ! Nous étions jeunes et couronnés ! Mais non, il n'en rajoute pas du tout. Quoi ? C'était y'a deux mois ? Tsss.

Par quoi commençons nous ? Quoi ? C'est pas lui qui confesse ? Tsss.
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Cooky

Suivez-moi, le jardin est par...

Ô rage, Ô désespoir, Ô taches ennemies ! N'a-t-elle donc tant vécu que pour cette infamie ?

Elle avait arboré sa plus belle mine dégagée. Sourire aux lèvres, visage avenant et yeux scintillants, elle avait réservé un accueil chaleureux pour l'ami de passage. Qui disait ami disait forcément indulgent de toute façon alors bien sûr Octave serait poli et bien élevé et ne ferait aucune remarque sur sa tenue. C'était évident. Enfin, c'était surtout Octave. Octave qui s'empressa de tuer dans l’œuf son fragile espoir de dignité lorsqu'il lâcha son coup de poignard au beau milieu de son orgueil. Ses joues habituellement blanches devinrent cramoisies. Elle se figea, manqua s'étouffer d'un hoquet qui la prit et qu'elle cacha non sans mal lorsqu'elle entendit le murmure insidieux qu'il lui susurra.

Je... mais... non !
Je n'ai même pas...

... Même pas mangé. Non non, elle n'avait même pas pu avoir une seule bouchée de ce satané sandwich qui l'attendait encore dans la sacristie, offert aux mouches et autres bestioles qui le dévoreraient avant elle. Elle n'avait pas pu se tacher en mangeant puisqu'elle n'avait pas manger ! Logique non ?

Elle aurait du connaître le Beaupierre, savoir qu'il la torturait par plaisir, juste pour la voir se liquéfier et bafouiller, perdre de sa superbe. Elle savait qu'ils étaient quelques uns à s'amuser de ses émois lorsqu'elle passait le plus clair de son temps à afficher sérénité et calme à - presque- toute épreuve. Mais non, elle se faisait encore avoir, rougissant comme une écolière et balbutiant avec la verve d'un nouveau né lorsqu'on la prenait à défaut. Pathétique. Mais tellement Cooky.

Profitant cependant de ce qu'ils marchaient en direction du jardin, elle inspira une longue goulée d'air, porta ses mains qui ne cachaient plus rien à ses joues pour leur redonner de la couleur. Son instant de gêne intense passé, elle recouvra tout son aplomb et glissa à l'attention de son tourmenteur quelques mots sur le même ton insidieux et surtout taquin.

Puisque j'ai encore l'excuse de la jeunesse mon bon ami, pourquoi me priverais-je d'en profiter ?

Et alors qu'ils faisaient quelques pas à l'extérieur, elle le laissa choisir le lieu qui lui conviendrait le mieux pour leur petite discussion. Avec vue sur les champs ou vue sur le cimetière, avec ombre ou en plein soleil d'automne, collés contre la paroi de l'église ou à la discrétion d'un bosquet. Il était important que le futur confessé soit à son aise pour s'exprimer librement et en confiance, alors elle lui accorda le choix, se contentant de le valider par un hochement de tête et un léger sourire. Et suivant le mouvement, elle prit place à son côté sans attendre, joignant les mains sur ses genoux. Elle ouvrait la bouche pour entamer la discussion promise lorsqu'Octave la prit de cours, se lançant lui-même dans la séance d'interrogation. Bonne princesse, elle répondit.

Nous commençons par vous écouter mon ami.

Et toc.

Vous êtes venu jusqu'ici, jusqu'à moi pour me parler de vos péchés, de vos tourments, de vos vices plus ou moins bien cachés.
Je vous prête mon oreille de clerc et tout ce qui sera dit restera absolument et irrémédiablement entre nous.
La parole est vôtre à présent, soyez libre de l'utiliser.

Et de me raconter tous vos petits travers les plus inavouables.
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Octave.de.beaupierre

Il lui lance un petit regard, qui pourrait être suspicieux, s'il n'avait pas déjà pleinement confiance en Calypso. D'autres confesseurs ne lui auraient pas inspiré un tel sentiment de sécurité, mais tout l'intérêt de cette confession auprès de son alliée de l'été, c'est que non seulement, il savait qu'elle ne jugerait ni ne répéterait rien, mais également qu'elle comprendrait, au moins un peu, ce qu'il avait à confier ce matin, sur ce banc.

Hum... Bien... donc ... Je crois que je vais procéder péché par péché ?

Interrompu par la sérénade d'un oiseau quelconque qui a décidé de ponctuer l'introduction du Beaupierre, Octave profite du court silence pour mettre un peu d'ordre dans ses idées.

Bon, pas la peine de s'étendre sur l'acédie... Vous vous doutez bien que je ne suis pas du genre à être touché par celui-là. L'envie... ma foi, je ne suis pas très envieux non plus. J'aime voir les gens heureux de ce qu'ils ont, et je préfère me réjouir pour les autres que jalouser ce que je n'avais qu'à me bouger pour obtenir si j'en avais tellement envie. Je ne cherche ni la gloire ni les titres, j'ai trouvé mon âme soeur et ma foi, je me porte encore plutot bien.

C'est en bombant légèrement le torse qu'il se rend compte que son ventre refuse de complètement disparaitre... un léger bourrelet. Oh rien de voyant, l'homme fait encore de l'exercice régulièrement, mais tout de même, là, ce n'est plus tout à fait droit. Hum... Reste la gourmandise. Là, je me dois de le confesser... j'ai un appétit d'adolescent actuellement. Il faut dire qu'après la diète de Saint Peyrus, vos cuisines sont un vrai paradis ! Et puis vous connaissez le travail de bureau... de buffet en petites réunions, de salons en conseils... il y a toujours de quoi grignoter et tenir jusqu'aux heures tardives auxquelles les responsabilités nous ont habitués...

Ceci dit, à compter de demain, il fera attention. Hors de question de devenir un Aimbaud. Et bien que cela se marie mal avec la gourmandise, je dois vous avouer que j'ai également péché par avarice.

Son regard quitte celui de Calypso un instant tandis qu'il cherche comment donner les faits sans donner une image erronée - ou pas - de sa femme. Un sourire qui vient étirer le coin de ses lèvres et il lâche d'un ton qu'il espère peu emporté : Voyez-vous... c'est qu'Isaure ne l'est pas du tout, du tout, elle. Elle a pris au mot notre serment de mariage, et considère mes économies comme les siennes.

Figurez vous qu'elle paie son garde du corps 250 écus la SEMAINE. Tant pis pour le ton calme. Alors que le type n'est jamais sur place ! Un vrai pouilleux, qui passe son temps sur les routes, et qui me coute donc une petite fortune ! Par ailleurs, elle a acheté une auberge à Auch... "La levrette du Comte" ! LA LEVRETTE DU COMTE ! Avec MON argent, qu'elle considère comme le notre ! Vous vous rendez compte ? Elle dilapide ma fortune, chèrement acquise... ce sont toutes les soldes de ma vie de militaire que je n'ai pas dépensées en putains et en vin. Et elle en fait des tavernes, des robes, et ce stupide clébard là... un lévrier ! ENCORE ! Moche comme un pou, pénible comme un chien, et pour lequel j'ai dû la remercier. Avec mon argent ! Donc je lui ai interdit l'accès à mes coffres, et je lui verse une petite rente pour ses frais... ses frais ! alors que nous étions logés et nourris au Chateau et que depuis, nous sommes sur son domaine ou le vôtre... ses FRAIS...

Hum. Sinon, la colère ? Non, je ne vois pas de quoi vous parlez...
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Cooky

Ces gens là ont de l'humour...
Là ça risquait de durer des heures s'il se mettait à énumérer tous ses défauts péchés un par un. TOUS allaient-ils donc y passer d'un seul coup ? Elle eut une petite pensée pour son ventre toujours vide qui risquait d'attendre sa pitance encore un bon moment. Car même si elle considérait Octave comme un homme bien, elle le savait sujet à quelques coups de sangs et doté d'un naturel suffisamment borné et orgueilleux pour avoir un peu plus que quelques menus détails à lui avouer.

Allons-y péché par péché alors, je vous écoute.

Ils ont toujours le mot qu'il faut...
Et sans rien ajouter de plus, elle lui prêta une oreille attentive, tâchant de l'écouter sans filtre et avec la bienveillance à laquelle il pouvait prétendre. Ses mains sagement croisées sur ses genoux, elle laissa son regard errer sur le jardin, laissant tout loisir à Octave de prendre la conversation à son compte.

L'acédie. Pour l'avoir vu bien présent aux offices lors de son séjour à Orthez, elle pouvait confirmer que c'était là un péché qui n'avait pas de prise sur le Beaupierre. Et ce n'étaient pas les caisses paroissiales qui diraient le contraire puisqu'il avait même poussé la geste jusqu'à effectuer quelques dons qu'elle emploierait pour aider les plus démunis de la ville. Sur ce premier péché, RAS donc.

Avec eux pas de détour ...
L'envie. Là encore elle était plutôt d'accord, elle le connaissait généreux et bon vivant, sachant se contenter de ce qu'il possèdait sans regarder jalousement ce qu'il aurait pu avoir. Elle l'avait vu tendre la main à plus d'un voisin, soutenir sans réserve les convictions auxquelles il s'attachait. Pour sûr cet homme était généreux et elle ne l'avait jamais vu s'attacher aux choses matérielles. Peut-être était-ce mieux ainsi vu ce qu'il lui expliqua ensuite. RAS, encore.

Ils connaissent tous mes défauts ...
La gourmandise. De mémoire de Cooky - autant dire que ce n'est pas très fiable mais tout de même ! - Octave ne refusait pas un bon verre de vin ni un gâteau délicatement cuisiné. D'ailleurs elle avait encore en tête son appel au secours lorsqu'il lui avait écrit quelques semaines plus tôt pour s'assurer qu'elle lui donnerait à manger en quantité durant son séjour et que la cuisine de Bertille était digne de ce nom. A bien y repenser, elle aurait même pu lui filer une carte d'adhésion au GB2 s'il avait été béarnais, pour sûr il aurait été un membre honorable de leur petite troupe.

... cet appétit d'adolescent, est-il passager selon vous ?

Elle n'avait pas pu s'empêcher d'intervenir pour lui faire part de ses interrogations. C'est qu'elle n'était pas seulement là pour écouter après tout.

... parvenez-vous parfois à résister à la tentation de déguster une seconde brioche quand la première a fondu sur votre langue quelques instants plus tôt ?
Gardez-vous de temps à autres votre main dans votre poche alors qu'on appétissant plateau de rondelles de saucisson vous fait les yeux doux ?
Voyez-vous, manger fait partie des nécessités de la vie et il faut donner à votre corps de quoi tenir debout et supporter vos journées.

C'est la vie qui veut ça.
Elle songea à Blanche et Maely. Pour sûr ses deux comparses n'auraient pas manqué d'arguments pour vanter les mérites et bienfaits de la gourmandise. A dose raisonnable bien entendu. Elle poussa même le vice un peu plus loin, affûtant son argumentaire en le testant sur l'excellent cobaye que constituait le Beaupierre sans le savoir.

L'on parle souvent des péchés, des interdits et de tout ce à quoi il faut faire attention, mais le péché de gourmandise ne vient que par l'abus et la répétition à outrance.
Rien n'interdit de prendre un peu de plaisir à manger quelques douceurs, bien au contraire.
Parfois s'y laisser aller permet de conclure quelques affaires en bonne compagnie mais surtout elle nous met en accord avec les sages enseignements de Sylphaël qui nous invite à ne pas négliger notre plaisir.

Ces gens là ils parlent fort, et n'ont pas peur de s'fâcher
Et d'y aller de son point final avant de lui redonner la parole.

Et se refuser à tout plaisir, en sus, pencherait à nous faire tendre vers l'acédie car quel homme prie sincèrement et avec ferveur le ventre vide et les joues ternes ?
Alors dites moi mon ami, savez-vous parfois résister à d'appétissants mets ou êtes vous déjà tombé dans l'excès ?

Ni de dire qu'ils ont eut tort
D'aucun aurait pu penser qu'elle s'était emballée mais forte de ses convictions, elle avait suivi la logique et appliqué à la lettre l'enseignement reçu. Un peu trop peut être mais il était trop tard pour revenir sur ses paroles, d'autant qu'elle n'en avait nulle envie et qu'il lui fallait à présent en venir à l'avarice. Elle n'avait jamais vu en Octave un homme pingre et l'entendre lui faire l'aveu de cette faiblesse ne manqua pas de l'étonner. Ainsi le Beaupierre était un comptable avant tout ? Les explications qu'il apporta ne manquèrent pas de la faire sourire mais au prix d'un petit effort elle parvint à conserver un teint dégagé et un visage sobre. Ses yeux vinrent caresser un buisson de roses en fleur avant de se poser sur le profil de l'ami qui se tenait à son côté. Elle détailla le rouge qui monta à ses joues à l'évocation d'Isaure, la veine qui se mettait à battre plus fort lorsqu'il mentionna le chien et ce mélange indéfinissable de douceur et de contrariété qu'il ne semblait pas maîtriser le moins du monde en cet instant.

Octave, Octave, respirez-donc je vous en prie.
J'entends bien que vous êtes ennuyé par cette situation mais prenez un peu de recul voulez-vous ?
Ne voyez-vous pas que votre épouse cherche simplement à créer un foyer autour de vous ?
Ne l'entendez-vous pas qui cherche à vous entourer d'attentions et de vie ?

Elle sourit doucement, certaine de ce qu'elle avançait pour avoir rencontré la pétulante Isaure quelques jours plus tôt.

Cette auberge qu'elle a fait ouvrir, c'est pour y passer du bon temps avec vos proches et vos amis, pour que vous ayez un endroit à vous deux.
Et ce chien, n'avez-vous pas vu Caïa avec lui ?
Votre adorable enfant y est très attachée j'en suis certaine et elle y tient déjà beaucoup.
Qu'importe qu'il soit laid ou ait été trouvé dans la rue, il lui donne le sourire et lui apporte un peu de chaleur et d'amitié et cela n'a pas de prix, n'êtes vous pas d'accord ?

Pour se réconcilier, ces gens là ils ont compris
Elle se souvint de la confiance avec laquelle l'enfant se blottissait contre l'animal, de la bienveillance dans les yeux de la levrette. Qu'importait comment elle l'avait eue, il était certain qu'elle l'adorait déjà et qu'elle s'en ferait une amie fidèle et réconfortante.

Vous râlez Octave, parceque vous êtes un militaire, un homme de bon sens et d'habitude et que ces deux femmes qui sont désormais partie intégrante de votre vie vous chamboulent un peu.
Mais dans le fond je suis sûre que vous avez vu le sourire d'Isaure et la joie de Caïa.
Vous l'avez dit vous-même, vous aimez voir les gens heureux, elles le sont alors encouragez les ainsi !
Je suis prête à parier même que ces robes que vous déplorez, vous avez adoré la voir parader ainsi parée.

C'est la vie qui veut ça.
Voir même les lui ôter n'est-ce pas ? Mais cela elle ne le demanderait pas tout de même. Ne lui restait qu'un tout petit argument à ajouter et elle lui rendrait la parole, prête à entendre les contre arguments que trouverait Octave pour renchérir.

Et si c'est cette histoire d'écus qui vous chagrine, souvenez-vous que vous allez bientôt avoir quelques terres à gérer et que l'argent rentrera donc dans vos caisses sans discontinuer.
Le bonheur de votre mesnie sera assurée et cela vaut bien quelques concessions à vos habitudes n'est-ce pas ?

Elle prêchait avec conviction, donnant son avis d'amie tout autant que celui de diaconesse. L'un comme l'autre étaient de toute façon en accord mais elle avait suffisamment parlé. Il était temps de laisser la parole à la défense.

Vous ne m'avez pas encore parlé de l'orgueil, de la luxure et de la colère cher Octave, je suis sûre que vous avez des choses à en dire également.

Et de chantonner tout bas...

C'est la vie qui veut ça
Les amis, madame, on ne les choisit pas
C'est la vie qui veut ça

Les amis - Slimane
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Octave.de.beaupierre

A se demander si Cooky n'a pas passé trop de temps à discuter avec son épouse. Il connait la peur d'Isaure de le voir s'empâter comme son cousin et finir à devoir porter son ventre avec ses mains qui pendraient au bout de bras rendus trop courts à force de gras. Mais Octave non plus n'entend pas devenir comme le marquis de Nemours, et allie exercice physique à son appétit. Ainsi donc, il se vexe.

J'y parviens si je le souhaite ! Mais il ne le souhaite pas, à vrai dire. Et puis qui suis-je pour dédaigner le travail de nos artisans ? Si plus personne ne mange, c'est l'économie qui en patit ! Je soutiens notre Royaume tout entier en piochant dans tous les plats qu'on me tend ! Sur le notion de plaisir, il retrouve le sourire. Voilà. Je me fais plaisir. Je fais plaisir aux gens qui ont préparé les brioches et autres charcuteries, c'est juste de la politesse.

Quand la béarnaise entreprend de discuter avarice, Octave entreprend lui de faire la tronche. Mais de quel côté elle est au juste ? Il vient se confesser, auprès d'une amie qui plus est, et il finit par se farcir un sermon sur Isaure. Autant dire que l'emportement n'est pas près de se calmer. Certes Calypso marque des points, et elle n'a pas tout à fait tort, mais tout de même :

Dites donc ! On voit que ce ne sont pas vos économies qui sont pillées et versées au vent hein ! Elle peut très bien aménager un foyer, et ne pas y mettre l'argent de nos gens, de nos repas, de nos vêtements. Et encore, il ne sait toujours pas pour le prêt de trente mille écus qu'Isaure leur a collé sur le dos. Mais la simplicité et la sobriété ne sont-elles pas également des vertus ? Ne peut-on apprécier une belle chose sans qu'elle ait couté une fortune ? Faut il impérativement acheter le chien le plus laid quand il en existe des races à peu près acceptables ? Qu'un garde du corps absent soit payé plus que tous les autres membres de la maisonnée juste parce qu'elle n'a aucune notion d'argent ?

Faut pas croire, des arguments, il en a à revendre. Le Beaupierre n'est pas radin et ses cadeaux sont rarement bas de gamme, mais comme sur beaucoup d'autres points, il a la dépense pragmatique et préfère qu'elle vienne de lui plutot qu'on se serve dans ses coffres. Un jour, il rentrera pour les trouver vides, et alors sa famille sera à la rue, ils n'auront qu'à mendier, dans des guenilles, la faim au ventre, l'oeil chassieux, Caia forcée de tendre une petite main crasse : Siouplééé pour notre fille... siouplééé une petite pièce ! Le tout au sortir de la messe à laquelle ils n'oseront plus assister faute de pouvoir donner à la quête... Mazette ! voilà qu'il envisage de baisser encore la rente d'Isaure rien qu'à cette idée.

Vous savez comme moi qu'une terre peut être reprise, perdue. Et que si cela devait advenir, il faudra que nous ayons de côté de quoi subvenir au train de vie luxueux d'Isaure à nos besoins. Or, 3 chiens, 25 buffets et 47 robes de soie ne sont pas des besoins.

Qu'on se le dise.

S'agissant du reste, étrangement, il baisse d'un ton. C'est qu'on aborde maintenant le fond du sujet. Jusque là, il se savait exempt de réel penchant pour les vices abordés. Mais pour les suivants, il n'en va pas de même. L'orgueil est un péché qu'Octave craint. Parce qu'il est si facile pour un homme politique, un militaire qui réussit ses campagnes, un comte sortant, un grand feudataire écouté, un meneur d'hommes et de femmes, de se laisser griser par le petit pouvoir qu'il a pu détenir ou détient encore sur d'autres personnes que lui-même. Se rasseyant au fond du banc, à la limite de se fondre dans le dossier, il reprend en regardant ses genoux.

L'orgueil... Où commence-t-il, ma chère ? Ceci est une vraie question. Si je me pense plus compétent que l'homme qui a été élu à ma suite ? Moins con que certains qui expriment des avis contraires aux miens ? Je crois être quelqu'un qui écoute et qui prend en compte les arguments adverses, mais le suis-je vraiment quand parfois, je considère uniquement mon vis à vis comme un crétin ? Il faut dire que Cooky confesse le Beaupierre à un moment particulier. Remettons dans le contexte : Capoune vient d'être élu à la tête de l'A&C et après l'avoir subi deux mois dans son conseil, Octave est atterré par le niveau de bêtise du comte de Biran. D'ailleurs, il n'est pas le seul puisque même sa propre liste en vient à le désavouer en salle de transition.

Et encore, Octave ignore à ce moment là que le type va démissionner sans excuses ni préavis, ni même sans l'annoncer, puis foutre une merde royale, et c'est le cas de le dire puisqu'affolé par l'idée de perdre son titre, il ira jusqu'à écrire de nombreux courriers mensongers à la Reyne afin de discréditer celle qui prendra sa suite. Vous qui m'avez connu Comte, m'avez-vous trouvé orgueilleux ? Si je le suis, et pour avoir brigué tel mandat, je le suis forcément un peu, puisque je me pense meilleur que les autres à ce poste, sans quoi je leur laisserais la place, comment éviter d'en faire un trait de caractère ? Comment faire pénitence ?

Pour la luxure et la colère, on en reviendra au sujet préféré d'Octave : sa femme. Gardons en donc sous le coude, voulez vous ?
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