Cixi_apollonia
Citation:
De Wayllander de Leffe-Miras.
À l'attention de Cixi-Apollonia.
PS : Plus que jamais, accorde une attention particulière à notre discrétion. Tu brûleras cette missive, et tu garderas en tête en y répondant que chaque mot peut être lu par un tiers. L'élection de Rose à la tête du Royaume a dangereusement tourné les regards vers les Leffe.
À l'attention de Cixi-Apollonia.
- Cixi,
J'ai fait bonne réception de ta dernière missive, et crois bien que son contenu m'a attris atterré. Mes prières sont toutes tournées vers ta mère ; le Très-Haut seul peut désormais l'aider à surmonter la maladie, et je suis persuadé qu'il le fera. Elle est encore bien jeune, et a toujours été vigoureuse. Il ne faut pas perdre espoir.
Tu me demandes ce que tu deviendrais si elle venait à trépasser. Il est évident que je ne te laisserais pas, dans cette éventualité, livrée à toi-même. J'ai des amis dans le Sud, qui pourraient veiller sur toi, et terminer convenablement ton éducation. Mais, il n'est point encore question de cela. Ne t'en inquiète pas, et apporte ton plein soutien à ta mère.
Je joins à cette missive une cassette de 500 écus, qui devrait amplement couvrir les frais des médicastres et tes propres besoins.
Je pense à vous.
Qu'Aristote et Sainte Illinda veillent sur toi.
PS : Plus que jamais, accorde une attention particulière à notre discrétion. Tu brûleras cette missive, et tu garderas en tête en y répondant que chaque mot peut être lu par un tiers. L'élection de Rose à la tête du Royaume a dangereusement tourné les regards vers les Leffe.
Il m'appelle Cixi. Je préfère Apollonia. mais je ne le lui dis pas.
Quand il m'écrit, mes yeux sont tout appliqués à ne se tourner que vers elle, cette écriture courbée, ses déliés secs, presque bavards. Oui. Si l'on ignorait de quelle main venait cette lettre, la simple lecture de ses courbes dénonçait un certain profil. Austère. Allant à l'essentiel. Viril. Chaque jour de lecture est un jour d'émotion, une émotion apportée par Zacharyas toute scellée de cire, et que je dissimule sous un remerciement faussement désintéressé en le chassant d'un revers de main indolent.
Le rituel est toujours le même, bien qu'espacé de plusieurs mois souvent, et j'attends qu'il se reproduise comme l'on attend une seconde étoile filante après la première. D'un espoir vain. Je ne le lui dis pas. La Phtisie est dejà très avancée. Trop avancée. mais lorsqu'un échange épistolaire est espacé de silences, d'une absence devenue habituelle, ce Père que je n'ai jamais rencontré que par un délié qui le raconte plus que lui ne sait le faire, mapparaît encore plus lointain à ma vie qu'il ne l'est depuis toujours.
Sait-il que le seigneur fait fi de la jeunesse et de la robustesse, quand sonne l'heure? Je ne le lui dirai pas. Il doit bien le savoir, puisque lui aussi, croit. Alors je laisse mes doigts parcourir ces politesses de nobles, et j'en mesure toute la superficialité.
Si tu voyais la mort approcher, toi aussi, tu n'étalerais pas tant d'espoirs. Elle va mourir. Et avec elle, toute ma vie.
Celle que tu ne connaîtras jamais, que tu n'as jamais voulu connaitre. Le sud. L'argent. Et ce post-scriptum ce soir me brûlent les yeux. Et je brûlerai cette lettre, si seulement je pouvais lutter contre une évidence absurde qui porte tous les hommes sur cette terre... Je ressens pour mon père d'indicibles émotions, où l'amertume côtoie la fascination corrosive d'une fille qui ne demande qu'à le connaitre, bien que jamais à haute voix.
La plupart des parents exigent de leurs enfants des vertus qu'eux-mêmes ont toujours ignorées. Wayllander de Leffe miras ne déroge pas à cela en me retenant prisonnière d'un Post Scriptum. Les parents s'aiment eux-mêmes dans leurs enfants, qu'ils regardent comme une portion d'eux-mêmes. Et je me dis... Sans le lui dire... Tu dois t'aimer si mal, Comte de Rubroek... Pour engloutir tant de ce qui a fait ta vie au néant des distances long-courrier.
Oui, je serai discrète. Non, je ne brûlerai pas cette lettre. C'est tout ce qu'il me restera bientôt. Si tu savais mon père, un jour, je te dirai peut-être.
Citation:
Au comte de Rubroëk,
vos mots arrivent tard. Voilà près d'un mois que j'attendais réponse, mais sans doute que les voies par lesquelles il arrive n'étaient pas sans risques, ni bien entretenues. Il aura été retardé de beaucoup, et ce que j'y trouve servira à pallier aux urgences, nous vous en sommes reconnaissants. L'état de ma mère ne permet plus de faire vivre l'entreprise familiale, les bénéfices manquants n'ont pas permis de donner sa solde à notre valet ce mois, qui reste malgré tout par fidélité et espoir. Nul doute qu'il sera heureux de pouvoir alimenter pour quelques semaines la maison, et acheter au marché noir et chez les apothicaires les remèdes nécessaires. Dieu bénisse la nouvelle Reyne, que le pays connaisse des jours meilleurs.
God, ik geef je,
moge hij genade met ons hebben*.
Cixi Apollonia
Il n'est pas question de lire 'ma fille', on ne parvient pas non plus à coucher 'mon père'. Il est de ces prudentes distances que le temps distend et déforme sans pour autant les effacer. Qu'importe les circonstances, entre Wayllander de Leffe miras et sa fille bâtarde méconnue de tous, la vie ne ressemble jamais qu'à un post-scriptum.
*A dieu je vous remet,
qu'il ait pitié de nous.
qu'il ait pitié de nous.
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