Helie.de.cosnac
- En contrebas du chemin, Limoges se dessinait. Un pincement au cur lui serra la poitrine à lidée que ce serait là-bas la fin du voyage, presque la fin dune quête. Ces trois ans dapprentissage et de temps passé sur les routes loin de sa famille arrivaient enfin à leur fin. Il se souvient avec nostalgie du jour de son départ, et des premières semaines seul sur les routes avec Guillaume de Jeneffe qui lui avaient semblé si difficiles loin du confort et de la chaleur rassurante du foyer familial. Pourtant, il navait pas bronché. Il savait au fond de lui que cette coupure était nécessaire. A treize ans, il était temps darrêter de se cacher dans les jupons de sa mère et dans les bras de sa sur. A treize ans, il était temps de couper le cordon et dapprendre à manier lépée, pour enfin devenir un homme. Lui-même naurait pas supporté lidée de devenir un jour comme ces hommes faibles, incapables de lever une arme, tremblant à la vue du sang et inutile si ce nest lorsquil sagit de gribouiller des parchemins. Cétait si loin de lidée quHélie se faisait dun homme
Alors il avait ravalé ses larmes, comme lhomme quil voulait devenir, et il était parti la tête haute, sans un regard en arrière. Les adieux avaient été sommaires, rapides, presque froids. Cest quil avait eu peur de craquer, alors il avait préféré les réduire à leur strict minimum, ce qui lui avait pourtant déchiré le cur.
Alors quil passait les portes de la ville, les questions fusaient soudain à son esprit. Son père était déjà parti il navait pas eu à lui dire au revoir, mais sa mère et sa sur, comment avaient-elles donc pris ces adieux plus que succincts ? Lui avaient-elles voulu ? Cétait vrai également quil avait peu écrit, Guillaume lui laissant peu de temps pour ce genre dactivité. Et puis finalement, quand il aurait pu trouver le temps, il avait fui devant lobstacle, lâchement. Il ne savait pas quoi écrire. Il se sentait coupable, fautif même, dêtre parti loin si loin delles, alors quil était censé devenir lhomme de la famille Mais quel homme aurait-il été alors, incapable de les protéger ? Comment aurait-il pu les regarder en face sil était resté si inutile, accroché à elles comme un enfant ? Mais elles étaient femmes, ces choses-là les dépassait, il en était certain : elles étaient probablement incapables de comprendre. Alors il sattendait logiquement à être mal reçu. Et pourtant, il avait tenu à soigner son arrivée ! Il avait revêtu son armure, polie pour loccasion pour être la plus rutilante possible. Le fier destrier, cause de son retard à Montpensier, avait été soigneusement brossé. Tout comme ses cheveux blonds ondulés et mi-longs quil avait soigneusement peignés et qui venaient raser le haut de ses yeux gris.
Il savançait à travers la ville, sefforçant de trouver ladresse quon lui avait communiqué où devait se trouver sa sur. Au fur et à mesure quil approchait, lappréhension le saisissait, lui donnant une furieuse envie de faire demi-tour et de fuir. Hélie avait beau savoir manier les armes, il avait beau avoir affronté des brigands et fréquenté des champs de bataille, à lidée daffronter les femmes de sa famille il se sentait gamin et lâche à nouveau. Finalement les pas du cheval lavaient mené juste devant le bâtiment en question. Ravalant langoisse qui revenait le titiller, il retira son heaume pour le mettre sous son bras et se mit à brailler sous les fenêtres :
« LALIE ! Ne viendras-tu donc point maccueillir ? Cest ainsi quon reçoit son frère après trois ans dabsence ? Après quil ait traversé la moitié de la France pour te rejoindre ?! »
Bon, daccord, techniquement elle ne savait pas quil était censé arriver spécifiquement aujourdhui. Mais se plaindre un peu, ça na jamais fait de mal ! Et puis surtout, titiller un peu sa sur en lui collant laffiche nétait pas pour lui déplaire. Elle serait bien obligée de le rejoindre après ça, de peur sûrement quil ne continue de gueuler ses âneries !