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[RP] Angèle & Ludwig : épilogue et/ou prologue.

Ludwig..
Ce RP est la suite de celui-là.


Tout ça pour une blague. Une blague pas drôle, certes, mais une foutue blague qu'il avait bêtement prise au premier degré. Le bracelet d'Axelle était encore là. Axelle n'avait pas disparu totalement. Et, incapable de s'en réjouir, il avait surtout réalisé qu'il avait laissé passer Angèle pour une putain de blague pas drôle. Parce que c'est ce qui s'était passé : il avait laissé passer Angèle, tiré un trait sur elle et sur leurs jeux. À cause d'une blague. À peine la porte s'était-elle refermée derrière elle qu'il avait eu envie de tout détruire. De s'énerver, de casser du mobilier, d'éventrer de l'oreiller, de hurler, de frapper du poing dans le mur, de jeter tout ce qui lui passerait sous la main, d'aller étrangler n'importe qui, de boire jusqu'à ne plus tenir debout, de fumer jusqu'à ne plus pouvoir prononcer son prénom. De tout ça, évidemment, il n'avait rien fait. Le courtisan était resté stoïque et droit au moins une ou deux minutes, ne cherchant pas à se presser puisque personne n'était là pour assister à l'absurde de son attitude et encore moins pour le bousculer et le pousser à réagir. Il prenait le temps qu'il fallait, serein, encaissant en silence et en intériorité. Car si l'orage avait éclaté, ça n'avait pas duré longtemps. Et à présent qu'il était bel et bien passé, Ludwig s'en sentait à des kilomètres. Alors il avait fini par s'asseoir tranquillement au bout du lit, sans s'embarrasser du fait que ce soit là le lieu de son crime et le foyer de sa culpabilité, trop occupé à savourer la fumée qui lui remplissait les poumons et qui allait gentiment lui griller les neurones et assagir tout ça. Comme toujours.

Une semaine, c'est ce qui avait été décidé. Délai arbitraire peut-être, mais il fallait bien en fixer un. Une semaine pour elle, donc, pas pour lui. Lui aurait aussi bien pu la suivre dans les couloirs de l'Aphrodite immédiatement les événements passés, mais il avait au moins la délicatesse de sentir que le mauvais temps passait sans doute plus vite chez lui que chez les autres, et qu'il devait respecter leurs émotions, même s'il ne les comprenait pas vraiment. Bien sûr, il aurait espéré qu'elle viole le délai et qu'au bout d'un jour ou deux, elle vienne lui parler. Voire qu'elle vienne se fondre dans ses bras, après tout, les femmes sont des êtres mystérieux dont il ne faut pas trop prétendre anticiper les actions. Elle n'en avait rien fait, faisait plutôt tout pour qu'ils ne se croisent pas et, lorsque cela arrivait, puisque cela arrivait inévitablement entre deux personnes vivant sous le même toit, elle se changeait en un mur dont l'indifférence était fort peu appréciable. Mais, jour après jour, il commençait à s'en foutre. Et il s'en félicitait. Il ne fumerait plus avec Angèle. Il ne ferait plus rire Angèle. Il n'embrasserait plus Angèle. Il ne dirait plus Angèle. Et après ?

Peut-être que tout ça lui était égal, reste qu'il était là, planté devant la porte de sa chambre, une semaine après. Il ne savait pas trop lui-même ce qu'il y foutait. Il était conscient d'avoir merdé, même s'il était loin de saisir le poids de ce qu'il avait fait et les implications que ça pouvait avoir sur la petite voleuse. Il avait merdé, il voulait s'en excuser, d'une façon ou d'une autre, parce qu'il ne voulait surtout pas être un sale type. Qu'on le prenne pour un sale type, bien. Mais il n'avait jamais voulu en être un et s'obstinait fermement à croire qu'il n'était pas ce connard que la pie devait à présent voir en le regardant. Il y croyait suffisamment pour vouloir lui parler. Lui expliquer, peut-être. Lui dire que tout ça, c'était de la faute d'Axelle, Axelle qui était morte, Axelle que personne n'égalait, Axelle qui ne lui avait rien donné, pas même le droit de la pleurer, Axelle qui lui avait offert, plutôt qu'un baiser, plutôt qu'une nuit avec elle, une connerie de bracelet. Tout avouer, donc, ou bien ne rien dire, parce qu'en toute sincérité, se taire était tellement plus facile. La stratégie n'était pas encore totalement définie. Dans tous les cas, en frappant deux coups brefs à la porte, le brun songea qu'il valait mieux s'abstenir de s'annoncer, sans quoi elle ne lui ouvrirait pas, et d'ailleurs elle avait bien dit qu'il n'était plus question qu'il s'adresse à elle. Le projet n'étant pas de la fâcher davantage, il convenait d'obéir. Oh, et puis merde.


    Ange. Nous devrions parler.

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Angele
Il n'était pas sorti de sa mémoire les premiers jours. La leçon cuisante qu'il lui avait fait subir l'avait poussée dans ses retranchements les plus extrêmes. D'un naturel enjoué, la pie ne l'était plus, ne traînant plus dans les parties communes du bordel, faisant des apparitions éclair le soir en évitant soigneusement les moments où Ludwig était dans le salon, et passant le plus clair de son temps dans sa petite chambre, à ruminer. Ruminer de s'être laissée piéger comme une conne, d'avoir voulu jouer et d'avoir perdu, d'avoir senti ce truc toujours aussi dégueulasse lui couler entre ses cuisses avant d'avoir osé se lever pour se préparer de quoi se nettoyer. Il n'y avait rien de bon qui se passait sous sa caboche, tout tournait en boucle avec des envies de vengeance à la limite de l'obsession. Angèle ne voulait plus le voir, plus le sentir ni ressentir sa présence. En matinée, la pie s'arrangeait toujours pour prendre son déjeuner avant lui, et dès qu'il apparaissait dans la pièce, elle s'envolait sans dire un mot, évitant soigneusement tout contact. Bref, la jeune voleuse l'avait mauvaise, et pas qu'un peu.

Deux jours avant, Angèle s'était pourtant décidée à sortir de sa coquille. Pas en direction de Ludwig, non, mais elle avait rempli sa besace de tout son butin pour aller marchander son prix dans les rues de Paris. Et comme la brune attirait les emmerdes comme les abeilles étaient attirées par les fleurs, son escapade s'était soldée par une planque de deux jours en compagnie d'un gars jamais rencontré auparavant. Ce jour là, ils avaient décidé d'en sortir, et ses pas l'avaient tout naturellement ramenée à l'Aphrodite, où elle ne savait pas si son absence était passée inaperçue ou pas. Le bordel était plutôt vide à cette heure-ci de la journée, et personne n'osa lui poser de questions jusqu'à ce qu'elle arrive à sa chambre. Autour de son cou, s'enroulait le foulard marquant les blessures dues à l'étranglement subi, bleus s'étant transformés salement en de marques violettes et jaunes.

Une fois arrivée dans la tranquillité de sa chambre, elle le défit et porta à son visage le petit miroir un peu fêlé volé dans une boutique quelconque des années auparavant. La pie grimaça à la vision de sa gorge bien abîmée. Il lui faudrait garder plusieurs jours l'étoffe pour ne pas s'attirer des questions un peu trop pressantes. Mais ça, c'était sans compter le courtisan qui s'était mis en tête de vouloir lui parler, sans doute pour se donner bonne conscience. Quand les coups résonnèrent à la porte, elle n'eut même pas le réflexe de remettre le foulard et alla ouvrir, sans forcément entendre la voix qui l'interpellait de l'autre côté. Et ses iris tombèrent sur lui. Lui, dont elle avait aimé les lèvres, les baisers, les caresses. Lui dont elle avait espéré une certaine découverte, lui confiant son corps et ses attentes, suite à ses promesses. Il avait tout bafoué, violemment, et elle, conne qu'elle était, s'était laissée prendre. Finalement, Angèle ne savait plus qui était le plus fautif des deux dans l'histoire.

La brune déglutit difficilement à sa vision, balança le petit miroir sur le pieu et se dépêcha de cacher ses hématomes par un tissu récupéré à la va vite et noué autour de son cou, se tournant pour ne lui laisser que la vision de son dos.
Casse-toi, fut la seule réponse qu'elle réussit à lui offrir sans, en prime, lui arracher les yeux.
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Ludwig..
Est-ce qu'elle faisait partie de ces gens qui le prenaient pour un con ? Il avait toujours cru que non, mais en la voyant se retourner et se dépêcher de nouer à son cou un bout de tissu si superflu qu'il en était ridicule, il réalisa que c'était peut-être le cas. Croyait-elle sincèrement qu'il ne la regardait pas ? Ludwig regardait beaucoup. C'est une chose qu'il aimait faire, et qu'il faisait relativement bien. Alors il avait vu les marques de strangulation, avait froncé les sourcils et il ne put la laisser se couvrir de ce foulard qu'avec beaucoup de perplexité. Il n'en dit rien.

Il n'en dit rien parce qu'elle lui tournait le dos. Dos qu'elle avait joli, et au bas duquel le regard bleu s'attarda plus que de raison. Putain, il n'était pas concentré. Et il devait se rendre à l'évidence : il avait encore envie d'elle. À cette idée, il marmonna malgré lui un
"fait chier" qui ne pouvait faire sens que si l'on était dans sa tête. Après avoir passé une main sur son visage, chassant les images qui défilaient déjà sous ses yeux, il se retourna un instant pour fermer la porte derrière lui, parce qu'il n'avait pas entendu l'injonction à se casser, ou du moins parce qu'il avait choisi de ne pas l'écouter. Il avait dormi ici, et cela suffisait à faire de cette chambre un peu la sienne, malgré le plafond trop bas qui l'obligeait à se tenir légèrement voûté par endroits. Alors, se tournant à nouveau vers la petite voleuse, il s'adossa à la porte et l'observa.

Il ne savait pas quoi dire. De toute façon, il n'était pas bavard, sauf circonstances exceptionnelles. Celles-ci ne l'étaient visiblement pas, ou pas assez pour le rendre prolixe. Il demeurait seulement là, silencieux et mal à l'aise, paume allant se loger dans sa propre nuque afin de résister à l'envie d'aller jouer sur la hanche angélique qui lui faisait de l'œil. La peine était prise de se censurer et de réprimer ses élans tactiles, chose suffisamment exceptionnelle pour être notée. On attendait, donc.


    J'ai apporté de quoi fumer, cette fois.

Pas folle, cette entrée en matière. En même temps, c'était vrai : il avait apporté de quoi fumer, cette fois. Et, à présent, le scénario le plus séduisant était d'aller s'asseoir sur le lit, qu'elle vienne s'y allonger, qu'il la regarde en souriant, qu'elle pose sa tête sur sa cuisse, qu'il fume, qu'elle lui vole sa pipe de temps en temps, qu'il l'écoute parler, qu'elle l'écoute parler, qu'il pose une main alourdie sur son sein, qu'elle glisse une main dans son dos, et puis qu'ils s'endorment tous deux. Ce serait parfait. Parfait parce que cette fois, en sus d'avoir apporté de quoi fumer, le courtisan avait eu la bonne idée de ne pas embarquer le moindre bijou. Il laissa son regard errer sur le lit, et sourit légèrement à cette perspective tentante. Mais est-ce qu'il avait le droit ? Il fallait au moins réussir à aligner trois mots avant, histoire de prendre la température. Et, puisque la brune lui avait offert sur un plateau la possibilité de ne pas aborder le sujet dont il était venu parler, il aurait été malvenu de refuser une telle opportunité.

    Qui t'a fait ça ?

Bien sûr, c'est aux marques à son cou qu'il faisait allusion. Pour le reste, il savait.
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Angele
Non, Ludwig n'était pas du genre à se casser. Il était même du genre à sortir une connerie trois fois plus grosse que lui tout en trouvant ça normal. « J'ai apporté de quoi fumer »... sérieusement ? Le geste d'Angèle se suspendit, mains à la nuque pour nouer le tissu pris à la va-vite. Il était gonflé. Certes, ils s'étaient sacrément allumés dans cette chambre, une semaine auparavant. Elle l'avait embrassé, lui avait montré son désir, l'avait laissé faire, la dominer. Angèle avait été chaude comme les braises durant tout leur petit jeu, lui envoyant des signaux plus que faciles à comprendre pour qu'il la culbute sur le lit. Sauf que ça s'était terminé en jus de boudin, car susceptible qu'il était, il n'avait pas compris qu'Angèle jouait à l'énerver dès qu'elle ouvrait la bouche. Il n'était pas toujours facile de démêler le vrai du faux, mais de là à lui coller à nouveau une tarte et la prendre comme un sauvage, il y avait un monde qu'il s'était permis de franchir allégrement sans sa permission. Et ça, ça n'avait rien d'un jeu. Avec des gestes extrêmement lent, lui offrant toujours à sa vue son dos, la brune termina de nouer l'étoffe pour masquer son cou.

Ses mirettes se perdirent sur un coin de la pièce, décidée à le laisser poireauter là sans lui jeter un regard, ce qui le pousserait forcément à faire demi-tour pour s'en aller. Pas un mot ne sortit de ses lèvres pendant de longues minutes, installant un silence de plomb dans la chambre dont, en plus, il avait osé refermer la porte. A sa question, Angèle serra les lèvres, fâchée qu'il ait pu apercevoir les marques sur sa peau. Évidemment, il fallait que ce soit lui découvre le pot aux roses, toujours lui ! Lui qui avait été là quand Axelle l'avait chopée, quand Justin l'avait jetée hors de son bureau, quand ses reins s'étaient alanguis contre lui pour lui montrer combien elle le désirait. Lui, toujours lui ! Pourquoi donc Ludwig était-il Ludwig ? La vérité c'est que, au fond d'elle, elle avait encore envie de lui, et que ça lui mettait les nerfs en pelote d'imaginer un seul instant lui céder à nouveau après ce qu'il lui avait fait. La vérité c'est que sa présence, tout près, la rendait électrique, et qu'il suffirait de peu de gestes ou de quelques paroles pour que sa carapace fonde. Un peu. Sans pour autant balayer ses envies de vengeance, car la pie avait la rancune tenace, et pas qu'un peu.

La jeune voleuse prit une grande respiration, écartant sciemment son interrogation à laquelle, de toute façon, elle ne souhaitait pas répondre. Car elle ne voulait pas qu'il sache. Car il y aurait tant d'autres questions qui découleraient de sa réponse. Car elle voulait aussi garder son escapade avec Diego pour elle seule. Alors, d'un ton qu'elle espéra parfaitement neutre alors qu'elle frémissait de le savoir si près, sans pour autant se retourner, elle répondit.


T'as qu'à déposer ce que t'as amené ici. Une petite table basse fut montrée d'un geste du menton. Et tu refermeras la porte derrière toi après ton départ. Voilà, le message était on ne peut plus clair, là.
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Ludwig..
Attendre ne le dérangeait pas, pas plus que le regard fuyant ne lui donnait envie de partir. Le dos calé contre le bois de la porte, la position n'était pas inconfortable. C'était même plutôt agréable : tout le temps qu'elle lui donnait, il le dévorait, regardant une chambre déjà connue, y prenant ses marques - ce qui n'avait rien de difficile, vue l'étroitesse des lieux -, et puis ne quittant plus la silhouette qui s'offrait à lui, parfaitement libre de penser sans qu'on ne vienne le déranger. Elle était belle, et il le voyait. Pourtant, il se trouvait presque étonné de se surprendre à la désirer encore. Tout aurait pu se terminer au creux de la Décadente, dans ce qui aurait été une tragédie pour elle, une nuit pas tellement différente des autres pour lui. Mais non, alors qu'il avait tout eu, son sourire, ses baisers, son corps et sa liberté, il fallait qu'il en redemande. Fataliste, il observait d'un œil détaché ce désir qui le prenait à être dans la chambre de la jeune fille avec elle, et il ne luttait pas. Ludwig ne luttait jamais contre lui-même, c'était là tout le problème.

L'attente, le silence, l'immobilité, tout cela lui convenait. En revanche, le calme et l'apparente sérénité étaient pesants. Car il croyait la brune sereine, et il n'avait aucune envie qu'elle soit sereine. Pourquoi ne criait-elle pas ? Pourquoi ne frappait-elle pas ? Pourquoi ne se défendait-elle pas ? Où étaient passés les murmures aussi lascifs que taquins, la main glissant entre ses jambes au moment où elle n'avait rien à y faire, et les batailles qu'elle finissait invariablement par gagner ? Où était passée celle qui se complaisait à le faire chier autant qu'à le faire l'aimer ? Angèle ne voulait plus se battre, Angèle ne voulait plus jouer, Angèle était étrangement éteinte, et il se demanda s'il en était le responsable, ou bien si c'était de la faute du type qui l'avait étranglé. Probablement un peu des deux. Toujours est-il qu'il n'aimait pas cette distance qu'elle mettait et, surtout, il n'aimait pas cette nouvelle tendance qu'elle avait à expédier les phrases en y utilisant un minimum de mots, comme si en dire un seul de plus s'avèrerait trop épuisant. C'était son truc à lui, articuler peu pour dire beaucoup. Et il faut dire que c'était suffisamment insupportable pour qu'il préfère garder le monopole. Merde, il voulait jouer avec une petite voleuse, pas avec un pantin docile et sans vie qui finissait par lui ressembler.

Au bout d'une éternité, se redressant, il quitta son appui, fit un pas, se pencha pour déposer pipe et blague de chanvre sur la petite table indiquée, et attendit encore un instant avant de lui répondre :


    Je fermerai la porte derrière moi après mon départ, ne t'inquiète pas.

Inutile de dire que le départ n'avait pas l'air d'être imminent. On s'abstint d'insister pour savoir ce qui était arrivé à son cou, non par renoncement, mais parce que la question avait déjà été rangée dans le tiroir des choses qui méritaient de mûrir un peu avant qu'on revienne s'y frotter, juste à côté d'un bracelet gravé d'un A. Pour l'heure, réveiller l'ange était la seule tâche à même de le préoccuper. Rompant avec la lenteur, il se rapprocha de celle qui lui tournait le dos pour s'installer derrière elle et, d'office, poser une main sur son ventre, tandis qu'il s'était mis à chuchoter :

    Parle, ange. Tu es en colère ?

La situation n'était pas sans en rappeler une autre. Si ce n'est que cette fois, la paume posée sur le corps féminin était moins sûre d'elle. Peu importe. Qu'elle le gifle, ça rééquilibrerait les comptes. Et il aurait au moins le sentiment de présenter encore un brin d'intérêt.
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Angele
D'abord, elle ne voulait pas qu'il lui parle. Ensuite, elle ne voulait pas qu'il la touche. Enfin, elle lui avait interdit de prononcer son prénom à nouveau. Et là, Ludwig venait de réaliser le combo parfait en quelques secondes. Angèle le sentit s'approcher, entendit ses pas à travers la petite pièce, et pire, vit sa main se poser à son ventre comme s'il en avait tous les droits. Il avait renversé la situation, les rôles, et rien que cela avait le don de la coller en rogne. La pie s'acharnait cependant à poser à son visage un masque d'indifférence, car elle savait bien que c'est ce qui le touchait le plus. Il avait aimé chacune de leurs joutes, même si elle avait pris le dessus. Et finalement, ne l'avait-elle pas encore quand là, dans cette petite chambre, elle s'acharnait à ne lui montrer aucune réaction ? Le chuchotement glissé à son oreille et ce contact chaud par dessus le tissu de la chemise lui arrachèrent un frisson bien incontrôlé. Elle se vilipenda intérieurement, espérant qu'il ne prenne ce dernier que pour ce que cela aurait dû être : du dégoût. Et finalement, il y avait un peu de ça, du dégoût envers lui, mais aussi envers elle-même de ressentir encore du désir pour celui qu'elle était censée haïr sans se poser de questions.

A ce moment là, il y eut plein de choses qui lui passèrent en tête : frapper, tordre sa main, se retourner et lui mordre le cou, lui cracher au visage, lui gueuler dessus, lui envoyer un coup de genou bien senti. Tout aurait pu parfaitement concorder avec la situation, mais quelque chose en elle la freinait. Sans doute car, tout au fond, Angèle savait que c'était ce qu'il attendait. Une réaction digne d'elle, de son caractère, de sa colère. Mais se plier à cela la pousserait à exorciser son ire, à abandonner les représailles fomentées avec délectation depuis une semaine déjà. Exploser pour redescendre, se venger en l'instant pour ne plus avoir rien à reprocher, recréer du lien qui l'empêcherait de mener à bien sa petite vengeance personnelle. Tout en elle bouillonnait, Ludwig devait même le sentir à travers l'étoffe, sous sa main, sous son souffle, à son nez. La jeune voleuse ne pouvait cacher le frémissement s'emparant de son corps, bien trop perceptible pour un regard avisé et habitué à faire vibrer les femmes. Alors sa main se posa sur la sienne, lourde, comme elle l'avait déjà fait par deux fois. La pie l'y laissa quelques secondes, le temps de calmer sa respiration gonflant son ventre, de se réhabituer au contact de son épiderme.

Calmement mais fermement, dextre écarta sa jumelle de son corps, s'éloignant ensuite sans encore lui accorder un seul regard. Accrocher ses prunelles signifierait sans aucun doute ne pouvoir s'en détacher. Faisant écho à une situation déjà vécue entre eux, signe éloquent que la brune était loin d'être redescendue, Angèle s'approcha de la petite table où pipe et blague venaient d'être déposées. En un geste lent, elle se pencha pour attraper la seconde et fouiller à l'intérieur, y saisissant quelques feuilles séchées de chanvre, puis s'attarda à récupérer la pipe. Le tout sans un mot, sans un regard, drapée de son indifférence. Elle lui avait dit de partir, deux fois. Il était resté. Qu'il accepte donc le rythme que la voleuse souhaitait mener dans sa propre chambre où elle pensait être tranquille et se reposer des deux journées hautes en couleur qu'elle venait de vivre. L'espace d'un instant, allumant la pipe prête, son esprit vagabonda vers le gitan, ses mains, ses lèvres, sa peau, sa chaleur, son sourire canaille. Ils étaient tous deux bien différents, mais la faisaient vibrer d'une même intensité. Les salauds. Une fumée blanche s'envola à travers la pièce, piquante, âcre, et à travers ce rideau épais, après plusieurs bouffées aspirées en silence, enfin, les prunelles vertes se posèrent sur Ludwig, herbe folle ayant calmé les battements de son cœur et la poussant à un ralentissement des gestes et de la pensée.


Tu veux quoi exactement ? Faire comme s'il s'était rien passé ? Chouiner pour obtenir mon pardon ? Te donner bonne conscience de m'avoir sautée comme une brute ? T'entendre dire que tu ressembles pas aux autres et que t'es pas un connard de putain qui aime que sa gueule ? Te sentir mieux la prochaine fois que t'iras troncher une cliente et que t'auras plus mon visage devant les yeux pendant que tu la baises ?

Tout était sorti avec une lenteur contrôlée, stoïque, silhouette plantée là, au milieu de la pièce, pipe en main ramenée souvent aux lèvres et senestre calée à la hanche. Angèle réussit à lui offrir un regard froid, indifférent, détaché, alors que tout en elle criait qu'il fallait faire baisser cette tension réapparue dès qu'ils s'étaient retrouvés seuls dans la même pièce par un rapprochement des corps, des lèvres, des langues, des ventres, des épidermes. Ils en crevaient d'envie tous les deux. Merde. MERDE !

J'peux rien pour toi, alors si c'est ça que tu veux, pour la troisième fois, barre-toi.
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Ludwig..
Il n'aurait pas dû venir. C'était la troisième fois qu'elle lui demandait de partir, et ce n'est pas ça qui le faisait regretter d'être venu, puisque tous deux savaient bien qu'elle pouvait s'épuiser à le lui ordonner cinquante fois que ça ne changerait rien. Il partirait quand il l'aurait décidé. Néanmoins, pour la première fois depuis qu'il était entré, il regarda la porte avec une pointe d'envie. Il n'aimait pas ce qui était en train de se passer. Angèle lui échappait tout à fait, virant sa main, s'éloignant sans un regard, et l'idée qu'elle puisse encore avoir envie de lui, à sa façon, ne l'effleura même pas. Ce n'était pas envisageable quand elle se tenait si loin et que, lorsqu'elle se tourna enfin vers lui, ce n'était qu'avec une indifférence manifeste et un dégoût marqué. Il était putain, habitué à ne s'intéresser qu'aux lèvres mordillées, aux sourires amoureux, aux frissons incontrôlés et aux œillades licencieuses. Et aujourd'hui, il ne voyait rien du tout. D'abord parce qu'il savait qu'il avait merdé, et qu'il voyait mal comment elle aurait pu le désirer après ça. Ensuite parce qu'il n'était pas concentré. Distrait courtisan qui, au regard froid et vexant, répondit par un regard franc qui lui disait qu'elle était belle, et qu'il se souvenait parfaitement de son corps nu et offert, qu'il voulait qu'elle sourit parce que ce sourire lui réchauffait le ventre, que ces braies ne lui allaient pas et qu'il serait préférable de les ôter, et que vraiment, comment pouvait-elle espérer d'autres regards que celui-là quand elle s'obstinait à porter des chemises trop échancrées.

Et puis vint la liste des raisons imaginaires pour lesquelles il était venu, plus désespérantes les unes que les autres, et qui balayèrent à peu près totalement la façon qu'il avait de la regarder. Ils avaient joué, et il avait cru que c'était au moins la preuve qu'elle le considérait comme un amusant camarade. Mais non, elle ne le voyait finalement que comme un parfait petit con, doublé d'un gamin venant ramper à ses pieds. Avait-il vraiment la gueule d'un type qui, après l'avoir violée, pleurait pour obtenir son pardon ? Avait-il seulement mauvaise conscience ? Certainement pas suffisamment pour l'admettre, en tout cas. À cause de tout ça, et à cause de cet air bêtement placide que la pie s'obstinait à garder, Ludwig se sentait un peu énervé, un peu irrité, un peu fatigué, un peu vexé, un peu ennuyé, et tout cela en si faible quantité que ne restait sur son visage qu'un vague air déçu. Alors il plongea ses deux mains dans ses poches et retourna s'adosser à la porte.


    Le plus tragique, fillette, c'est que tu n'envisages pas une seconde que je sois venu uniquement parce que j'avais envie de te voir.

C'était une phrase de catin, mais on ne se refait pas. Et c'était vrai. Sans doute qu'elle n'avait pas visé si mal et que tous les arguments évoqués participaient à sa présence ici. Mais le seul qu'il s'était formulé et qu'il acceptait d'entendre, c'est qu'il avait voulu la voir. Quant à savoir pourquoi, ça n'avait aucune importance. Ce qui est certain, c'est que plus l'ambiance désagréable durait, plus l'envie disparaissait. Et plus toute cette scène prenait la forme d'un mauvais épilogue.

    Et puisque le seul spectacle que tu es décidée à m'offrir est celui d'une adolescente antipathique et boudeuse qui mérite les gifles qu'elle a reçues, je pense avoir au moins le droit de fumer.

D'un corps immobile, seul le bras avait bougé, se tendant vers elle afin de récupérer la pipe. C'était méchant, c'était froid et c'était bas. On faisait ce qu'on pouvait pour la faire réagir. Et on était gentiment en train de renoncer à parvenir à quoi que ce soit de positif.
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Angele
Fillette... La pie avait suivi ses déplacements à travers la pièce, pensant réellement, l'espace d'un instant, qu'il allait ouvrir cette foutue porte pour se casser de là. Au contraire, Ludwig s'y appuya à nouveau, après avoir couvé son corps de ce regard qui n'appartenait qu'à lui. Et voilà qu'il la faisait passer pour une cruche, retournant la situation à son avantage. Angèle leva les yeux au ciel, reprenant une grande bouffée allant distiller la fumée dans ses poumons. Elle avait fumé. Trop et trop vite. Deux jours qu'elle n'avait touché à rien, et voilà que, seule, la brune venait de s'envoyer une dose normalement réservée pour deux. Parce qu'elle était en colère, fatiguée, et que la belle gueule qui se trouvait devant ses mirettes lui donnait simplement envie qu'il vire ses fringues pour faire courir ses mains sur son corps. Elle était idiote, et elle le savait. Et il le savait, sans doute. Après tout, fillette n'avait que dix-huit ans alors que le courtisan s'en coltinait presque le double. Les effets de l'herbe commençaient à se faire ressentir, troublant ses réactions alors qu'elle aurait dû être concentrée sur le moment présent. Les paupières se firent un peu plus lourde, l'envie furieuse de s'asseoir sur son lit lui vrillait les jambes, mais rien ne bougea, et la jeune voleuse resta plantée là, les yeux rivés à ceux de Ludwig, lâchant finalement une réponse moqueuse après un claquement de langue.

Facile... J'aurais imaginé que tu venais rechercher ton putain d'bracelet.

Non, Angèle ne pouvait pas rester trop longtemps sans la fermer, sans envoyer des piques, sans chercher à énerver celui qui lui faisait face. Tirer la gueule, fuir, s'échapper et rester froide allait un moment, mais Ludwig venait d'obtenir enfin ce qu'il cherchait sans doute à avoir depuis son arrivée. Et comme il ne comptait apparemment pas partir comme cela lui avait été demandé par trois fois, autant profiter un minimum de sa présence pour aiguiser son verbe. Il l'ouvrit à nouveau, véritable petit con qui savait exactement taper là où ça faisait mal. Les mâchoires se crispèrent l'espace d'un instant, et Angèle se demanda si, après tout, ce n'était pas des claques qu'il était venu chercher. Il l'énervait. Tout devait se voir dans son regard, d'ailleurs, et dans la crispation de son corps malgré la torpeur délicieuse dans laquelle le chanvre la plongeait doucement mais sûrement.

Un rire fusa finalement, moqueur, mais faisant briller à ses yeux une petite étincelle, silhouette tanguant un peu et se rattrapant de justesse pour ne pas finir au sol. Putain, elle faisait n'importe quoi. Pourquoi s'acharnait-elle autant à lui montrer toute sa fragilité ? Parce que c'était bien de cela qu'il s'agissait. La brune venait de réaliser que la tactique utilisée n'était pas la bonne. Ils jouaient, toujours, et ne pouvaient s'en empêcher. Leur semblant de relation était un jeu, leurs joutes verbales la seule manière qu'ils avaient de communiquer. S'y replonger avait cela d'amusant qu'elle aimait voir sa trogne décomposée et énervée quand il le fallait. Et Angèle était quasiment sûre qu'il n'imaginait pas tout ce que son esprit imaginatif avait pu construire autour de sa petite vengeance personnelle. Un drôle de sourire ourla alors ses lèvres, et, goguenarde, le bec en bois y fut porté pour aspirer à nouveau l'herbe qui se consumait à une vitesse folle. Ne resterait bientôt que quelques cendres. La fumée, quant à elle, fut recrachée en direction du visage masculin.


Viens la chercher.
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Ludwig..
Enfin. Enfin, il avait réussi à réveiller Angèle, et le sourire qu'il afficha ne cachait rien de la fierté éprouvée. Il avait fallu la provoquer, l'insulter même, et sans doute que le chanvre qu'elle fumait comme une condamnée aidait beaucoup à lui faire perdre indifférence et distance, reste qu'il la retrouvait et qu'il s'en félicitait. Il alla jusqu'à quitter l'appui de la porte, se redressant pour montrer à quel point le spectacle l'intéressait, à présent. C'était agréable de la voir répondre, renchérir, attaquer, résister. Bien plus agréable que lorsqu'elle jouait à être lui. Même l'évocation du bracelet d'Axelle ne parvint pas à entamer son sourire heureux. Foutu bracelet qui lui avait suffisamment pourri la vie comme ça, et qu'il s'obstinait toujours à vouloir récupérer. Plus tard. Il s'occuperait de ce problème plus tard.

Ç'aurait été bien plus simple si leurs jeux idiots s'étaient arrêtés la semaine précédente. Évidemment que Ludwig aurait préféré que ce jour-là, ses coups de reins aient eu raison et de sa colère, et de son désir, et qu'il n'ait plus eu la moindre envie de traîner autour de la pie. Ou bien qu'il en ait eu envie seulement pour la taquiner, sans jamais lui offrir quoi que ce soit. Voilà une situation qui lui plairait : la faire mourir d'excitation pour finalement ne rien lui donner. Le problème, c'est que rien ne s'était envolé dans le lit de la Décadente, et qu'il avait encore ce furieux besoin de se laisser aller à ces jeux où tous deux s'écorchaient au-delà du raisonnable. Il n'y pouvait rien, la voir sourire le rendait con. Alors oui, ils jouaient au chat et à la souris, sans parvenir à être tout à fait humains. Jamais de pied d'égalité, jamais de symétrie, seulement une lutte perpétuelle pour avoir le dessus. Si, courtisan et trentenaire, il n'avait plus beaucoup de premières fois à offrir, au moins Angèle pouvait-elle se vanter d'être la première à susciter cette drôle de sensation de ne jamais réussir à totalement fixer ses émotions, la pie se montrant parfaitement capable de déplacer le curseur des perceptions du putain selon son bon vouloir. Il n'arrivait toujours pas à savoir s'il la haïssait ou s'il l'aimait, et la seule chose qu'il comprenait, c'est que leur relation était un putain d'oxymore.

Silencieux, Ludwig cligna. Il avait trop pensé. Or, ce n'était clairement pas le moment de dévoiler quoi que ce soit, surtout quand lui-même n'avait pas la moindre idée de la nature de ce qu'il éprouvait. Demeurer léger, donc. Sans s'en apercevoir, il s'était rapproché, dans l'idée de récupérer sa pipe. Une fois trop près d'elle, deux bras désobéissants et irréfléchis s'enroulèrent à sa taille. Et la pipe se sentit bien délaissée quand la bouche masculine, plutôt que de la rejoindre, fondit sur les lèvres de la petite voleuse. Là. Il venait la chercher.

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Angele
Chier. Elle était trop défoncée pour ne pas avoir une réaction normale. Déjà, lorsque ses mains avaient entouré sa taille, la plaquant contre lui, la brune aurait dû réagir. Le pousser, le gifler, lui cracher au visage d'être ce qu'il était. Mais non, au lieu de ça, elle l'avait accueilli avec un soupir nettement perceptible, avec une main lâchant la pipe allant s’écraser au sol et se posant ensuite sur son bras, comme sa jumelle. Ses yeux avaient happé les lèvres masculines avec envie. Elle se détestait rien que pour ça, ne pas être assez forte pour résister à cette attirance inexplicable alors qu'elle passait son temps à lui en faire voir de toutes les couleurs et l'envoyer bouler. Le pouvoir passait de l'un à l'autre sans discontinuer, chacun se félicitant de réussir à le récupérer avant de le perdre en un claquement de doigts. Angèle ne repoussa pas ses lèvres, pas plus que son corps, elle s'y lova même en un réflexe trahissant son envie, doigts allant froisser le tissu offert à eux. Sa bouche s'offrit à la sienne, le laissant mener la danse autant qu'il le souhaitait, trop dans les vapes pour l'instant pour s'insurger. Son ventre, sournois, tutoya le sien pour s'y arrimer avec avidité.

Ce n'est qu'en s'entendant pousser un soupir que tout reconnecta dans son cerveau. Les paupières alors closes se rouvrirent, avisant le visage du brun tout près d'elle et les contours de la pièce rendus bien trop flous par tout le chanvre inhalé. Les bras à sa taille, soudain, lui rappelèrent cette force qu'il avait mis à la gifler par deux fois. Angèle se revit allongée, poignets liés sans pouvoir bouger, avec cette sensation que son corps ne lui appartenait plus vraiment quand Ludwig attisait sa colère à grands coups de reins. Tout son corps cria alors de le repousser, en même temps qu'il lui hurlait de le caresser, encore, de lui offrir ses lèvres, sa peau, ses seins, ses cuisses à parcourir et à lutiner. La pie ne voulait pas lui laisser cet avantage, qu'il sache à quel point il pouvait la faire plier, et vibrer, elle en avait déjà d'ailleurs beaucoup trop montré durant cet instant d'abandon où elle ne réfléchissait plus. Cette relation complètement tarée entre eux était une putain de belle connerie qui la poussait à naviguer à vue, à lâcher prise avant de se récupérer de justesse, jouant les funambules avec ses propres sentiments et ses émotions.

Angèle s'arracha alors à lui avec un grognement, reculant d'un pas, stoppée dans son élan par le lit se trouvant derrière elle, la tête et le corps dans un état cotonneux. Vacillante, les bras repoussèrent comme ils purent le corps masculin pour l'éloigner d'elle. Reprendre le dessus, maintenant, ou se laisser happer par son envie lui vrillant le bide.


Tu comptes me montrer encore une fois comment tu t'y prends avec les femmes, Ludwig ?
Piquante, elle s'attacha à lui balancer cette allusion le menton haut et le regard fier, les bras maintenant croisés, comme pour se protéger d'une nouvelle vague qu'elle ne pourrait peut-être pas retenir.
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Ludwig..
Bordel. Il y crut. C'était objectivement idiot, mais, pour sa défense, c'étaient ces mains posées sur ses avants-bras, ce bassin calé contre le sien et ces lèvres libres et offertes qui le rendaient naïf. Comment aurait-il pu en être autrement ? Alors il y alla, fonçant tête baissée vers ce qui ne pouvait déboucher que sur un cuisant échec, refusant de voir à quel point la situation était absurde, se moquant tout autant du fait que ce n'était pas leur premier baiser. Vraiment, il s'en foutait, et sa langue qui glissa entre leurs lèvres jointes et qui vint chercher sa jumelle en était la preuve évidente. Il ne réfléchissait pas, avait parfaitement oublié pourquoi il était venu là, et pourquoi elle lui en voulait, et pourquoi ils se détestaient. Il se contentait de l'aimer, parce que c'était son métier, parce que c'est ce qu'il faisait de mieux, et parce qu'il ne savait de toute façon pas faire autre chose. Quel con aux yeux fermés qui voyait déjà la petite voleuse nue et alanguie contre lui, regard rieur et heureux qu'il lui ait enfin montré.

Elle le repoussa, sans violence pourtant, mais il eut l'impression de se prendre trois gifles. Plus nombreuses que celles qu'il lui avait données, en tout cas. Qu'on s'entende, ce n'était certainement pas la première fois que le présomptueux et trop entreprenant courtisan se prenait une veste. En général, ce genre d'événements ne le plongeait pas dans des torrents de remises en question, il ne s'en formalisait pas, ne s'en sentait pas excessivement vexé, et comprenait seulement qu'il allait devoir s'armer de patience. Sauf que là, c'était différent. Enchaîner un tel baiser avec une telle gifle, ça n'arrivait pas si souvent. Et c'était tant mieux, parce que pelle et râteau n'ont jamais fait un bon combo.

La bouche pleine de sable et l'impression d'être tombé de sept étages et de ne plus pouvoir se tenir sur ses jambes, Ludwig entretint un long et pesant silence. Pas parce qu'il jouait, pas parce qu'il voulait la faire mariner, plutôt parce qu'il n'avait pas la moindre idée de la réplique à lui donner. La défaite était déjà là, Angèle avait de nouveau gagné, et il ne se battait plus, même s'il l'aurait voulu. Il ne savait plus comment faire. Sous son crâne, rien d'autre que des jurons qui se répétaient : merde, merde, merde. Il aurait dû s'expliquer, lui dire que non, elle n'avait pas vu sa façon de s'y prendre avec les femmes, qu'elle avait seulement été témoin d'un moment dont il n'était pas fier et dont il ne voulait pas discuter, qu'il l'aimait malgré tout, et qu'elle aussi l'aimait. Mais chaque tentative de justification qui se dessinait dans sa tête le faisait immanquablement passer pour un con, sans qu'aucune ne tienne d'ailleurs la route. Dès lors, rien ne pouvait être dit. Et pourquoi fallait-il toujours parler, déjà ? Ç'aurait été si facile de la pousser sur le lit trop petit contre lequel elle avait buté et de la prendre, là, sans autre forme de procès. Facile et encore plus jouissif que la dernière fois parce qu'à présent, ils étaient sur son territoire à elle et non dans une des chambres anonymes destinées à la clientèle de l'Aphrodite. Peut-être même qu'après ça, l'envie cesserait de gronder entre ses tempes et qu'il pourrait tourner la page sur l'ange, sur tout ce qui allait avec, et se concentrer totalement sur ce putain de bracelet qui n'avait de place qu'au fond de sa poche à lui.

Un pouce perplexe passa sur ses propres lèvres, comme pour s'assurer qu'elle n'y était plus. Elle n'y était plus. Et tout ce qu'il restait, c'était l'effet visible que ce baiser et ces images lui avaient fait. Ce n'était clairement pas le moment. Il fallait qu'il se ressaisisse, merde, et qu'il montre qu'il était un peu maître de lui-même. Regard se détachant de la silhouette féminine face à lui, il tourna sa trogne vers la porte. Il n'y avait pas trente-six solutions. Celle-ci ne lui ressemblait pas mais puisqu'il ne parvenait pas à reprendre pied, on voyait mal comment il pourrait s'en sortir autrement que par la fuite. Il afficha une moue terriblement gênée, se frotta la nuque dans un tic nerveux évident et abandonna finalement la porte, retournant à la pie. Il fit un pas vers elle et sur la joue de la demoiselle glissa un pouce tremblant qui, décidément, n'était pas capable de se tenir sage.


    Je suis désolé.

De la toucher encore, d'avoir une furieuse envie de se barrer, de l'avoir embrassée la minute précédente ou bien de l'avoir violée la semaine précédente, on n'en savait rien.
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